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ruption, elle seule pourra reparoître avec éclat sur la scène du monde, parce que le fond des mœurs subsistera chez elle.

Mélange du sang allemand et du sang françois, le peuple anglois décèle de toutes parts sa double origine; son Gouvernement, formé de royauté et d'aristocratie, sa religion moins pompeuse que la catholique, et plus brillante que la luthérienne, son militaire, à-la-fois lourd et actif, sa littérature et ses arts, chez lui enfin, le langage, les traits, et jusqu'aux formes du corps, tout participe des deux sources dont il découle., Il réunit à la simplicité, au calme, au bon sens, à la lenteur germanique, l'éclat, l'em portement, la déraison, la vivacité et l'élé gance de l'esprit françois.

Les Anglois ont l'esprit public, et nous l'honneur national; nos belles qualités sont plutôt des dons de la faveur divine, que des fruits d'une éducation politique comme les demi-dieux, nous tenons moins de la terre que du ciel.

Fils aînés de l'antiquité, les François,' Romains par le génie, sont Grecs par le caractère. Inquiets et volages dans le bonheur; constans et invincibles dans l'adver¬ sité; formés pour tous les arts; civilisés jusqu'à l'excès, durant le calme de l'Etat ; grossiers et sauvages, dans les troubles poli

tiques; flottans, comme des vaisseaux sans lest, au gré de toutes les passions; à présent dans les cieux, l'instant d'après dans l'abîme; enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnoissance, et le second sans en sentir de remords; ne se souvenant ni de leurs crimes, ni de leurs vertus; amans pusillanimes de la vie pendant la paix, prodigues de leurs jours dans les batailles; vains, railleurs, ambitieux, à-la-fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n'est pas eux; individuellement, les plus aimables des hommes, en corps, les plus désagréables de tous; charmans dans leur propre pays, insupportables chez l'étranger; tour-à-tour plus doux, plus innocens que l'agneau qu'on égorge, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre qui déchire tels furent les Athéniens d'autrefois, et tels sont les François d'aujourd'hui.

Ainsi, après avoir balancé les avantages et les désavantages de l'Histoire moderne et de l'Histoire ancienne, il est temps de rappeler au lecteur que si les historiens de l'antiquité sont en général supérieurs aux nôtres, cette vérité souffre toutefois de grandes exceptions. Grâce au génie du christianisme, nous allons montrer que l'esprit françois, dans cette partie de la littérature, a presqu'atteint la même perfection que dans les

autres.

CHAPITRE VI.

M. de Voltaire, historien.

VOLTAIRE, dit M. de Montesquieu, » n'écrira jamais une bonne histoire ; il est » comme les moines qui n'écrivent pas pour » le sujet qu'ils traitent, mais pour la

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gloire de leur ordre. Voltaire écrit pour

» son couvent ».

Ce jugement, appliqué au appliqué au siècle de Louis XIV et à l'histoire de Charles XII, est beaucoup trop rigoureux; mais il est d'une grande justesse, quant à l'essai sur les mœurs des nations. Deux noms sur-tout effrayoient ceux qui combattoient le christianisme, Pascal et Bossuet. Il falloit donc les attaquer, et tâcher de détruire indirectement leur autorité. Delà, l'édition de Pascal avec des notes, et l'essai qu'on prétendoit opposer au Discours sur l'Histoire universelle. Mais jamais le parti anti-religieux, d'ailleurs trop habile, ne fit une telle faute, et n'apprêta un plus grand triomphe au christianisme. Comment M. de Voltaire, avec tant de goût, et un esprit si juste, ne comprit-il pas combien il étoit dangereux de lutter contre un Bossuet et un Pascal? Il lui est arrivé en histoire, ce qui lui arrive G..

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toujours en poésie; c'est qu'en déclamant contre la religion, ses plus belles pages sont des pages chrétiennes, témoin ce portrait de saint Louis.

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« Louis IX, dit-il, paroissoit un prince » destiné à réformer l'Europe, si elle avoit » pu l'être, à rendre la France triomphante » et policée, et à être en tout le modèle » des hommes. Sa piété, qui étoit celle d'un anachorète, ne lui ôta aucune vertu de » roi. Une sage économie ne déroba rien à » sa libéralité. Il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut» être est-il le seul souverain qui mérite » cette louange. Prudent et ferme dans le >> conseil, intrépide dans les combats, sans » être emporté, compatissant, comme s'il » n'avoit jamais été que malheureux, il » n'est pas donné à l'homme de pousser plus loin la vertu...... Attaqué de la » peste devant Tunis. . . . il se fit étendre » sur la cendre, et expira à l'âge de 55 ans, avec la piété d'un religieux et le courage » d'un grand homme ».

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Dans ce portrait, si supérieurement écrit, M. de Voltaire, en parlant d'anachorète, a-t-il cherché à rabaisser son héros? On ne peut guères se le dissimuler; mais voyez comme la méprise est grande! car c'est précisément le contraste des vertus religieuses et des

vertus guerrières, de l'humilité chrétienne et de la grandeur royale, qui fait ici le dramatique et la beauté du tableau.

Le christianisme rehausse nécessairement l'éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux. Renoncer à sa morale mélancolique, ce seroit renoncer au seul moyen nouveau d'éloquence que les anciens nous aient laissé. Nous ne doutons point que M. de Voltaire religieux n'eût excellé en Histoire: il ne lui manque que de la gravité; et malgré ses imperfections, c'est encore, après Bossuet, le premier historien de la France.

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Philippe de Commines et Rollin.

N chrétien a éminemment les qualités qu'un ancien demande de l'historien.... un bon sens pour les choses du monde et une agréable expression (1).

Comme écrivain de vie, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n'a sou

(1) Lucien. Comment il faut écrire l'hist. traduct. de Racine.

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