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Il avoit aussi un respect et une estime très-particulière pour saint Bernard, qu'il regardoit comme un fidèle disciple de saint Augustin. Il louoit fort l'élévation de son esprit, et surtout son onction et sa piété.

Il faisoit très-fréquemment sa cour, étant à Metz, au maréchal et à la maréchale de Schomberg. Il y avoit d'autant moins de répugnance, qu'ils avoient l'un et l'autre beaucoup de piété. Ce furent eux qui l'engagèrent à faire usage des grandes dispositions qu'il avoit pour la chaire, autant pour leur édification que pour l'obliger à cultiver le talent extraordinaire qu'il avoit pour la prédication. On l'admiroit d'autant plus qu'on n'avoit point encore vu en France de bons sermons; et, comme l'a très-bien remarqué un célèbre académicien 1, qu'étoit-ce parmi nous que l'éloquence de la chaire, avant que les Fléchier nous eussent appris les grâces de la diction, que les Bossuet nous eussent donné une idée du pathétique et du sublime, que les Bourdaloue nous eussent fait préférer à tout le reste la raison mise dans son jour? Jusqu'alors ce qu'on appeloit prêcher, c'étoit mettre ensemble beaucoup de pensées mal assorties, souvent frivoles, et les énoncer avec de grands mots.

L'abbé Bossuet avoit l'avantage de réunir le sublime avec la plus grande facilité pour la composition. Un jour qu'il dînoit au gouvernement, dans l'octave des Rois, M. le maréchal et madame la maréchale le pressèrent de faire sur-le-champ un sermon sur le mystère du temps avec tant d'instance, qu'il ne put les réfuser, malgré la répugnance qu'il avoit de traiter les choses sublimes sans les avoir méditées profondément. Il choisit le changement d'eau en vin, et prit occasion de parler du changement de la loi en grâce, de la crainte en amour, et des figures en vérité; et comme il étoit rempli de ces grands principes, il les exposa d'une façon si brillante et si pathétique, que ses auditeurs ne pouvoient revenir de la surprise d'admiration que leur causoient son éloquence, ses profondes connoissances, et surtout sa facilité.

Ce fut à Metz qu'il commença à entrer dans la carrière de la controverse, dans laquelle il a rendu à l'Eglise des services essentiels, qui lui ont procuré un nom immortel. M. de Verneuil étoit pour lors évêque de Metz. Il avoit pour grand-vicaire de confiance Pierre de Bedacier, qui, de religieux de l'ordre de Cluny et de vicaire général de Marmoutier, avoit été fait évêque d'Augusta, et gouvernoit l'évêché de Metz sous l'autorité de l'évêque. Il conçut une estime particulière pour l'abbé Bossuet; il crut qu'avec un si grand fonds de lumières et une éloquence si persuasive, personne ne seroit plus capable que Bossuet de travailler efficacement à la conversion des calvinistes, dont le nombre étoit très-grand dans le diocèse. Il lui proposa de faire une étude profonde de toutes les questions qui partageoient les catholiques d'avec les protestants. Bossuet suivit son conseil, et il ne fut pas longtemps sans trouver occasion de donner des preuves de son zèle et de sa science.

Il y avoit à Metz un ministre qui étoit regardé dans le parti protestant comme un fort savant théologien ; c'étoit l'homme le plus éloquent de sa province, suivant le témoignage de Bayle on le nommoit Paul Ferri. Il publia en 1654 un catéchisme, où il se proposa d'établir ces deux propositions: 1o que la réformation avoit été nécessaire ; 2o que, quoiqu'on pût se

1 Hist. de l'Académie, par M. l'abbé d'Olivet, pag. 144.

sauver dans la communion de l'Eglise romaine avant la réformation, depuis la réformation cela n'étoit plus possible.

L'évêque d'Augusta n'eût pas plutôt vu cet ouvrage, qui pouvoit être très-dangereux, qu'il engagea l'abbé Bossuet à le réfuter. C'est ce qu'il fit l'an 1655 par un livre qui a pour titre : Réfutation du Catéchisme du sieur Paul Ferri. Ce fut par cet ouvrage que Bossuet commença à se faire connoître avantageusement du public.

Il fut approuvé par l'évêque d'Augusta, qui en fait un très-grand éloge dans son approbation. Bossuet le dédia au maréchal de Schomberg, et dans l'épitre dédicatoire il lui témoigne une grande reconnoissance de tant » d'honneurs qu'il en a reçus, de tant d'obligations effectives, de tant de bienfaits qui sont si connus, de tant de grâces que je ne puis expli⇒ quer; ce sont ses termes.

L'auteur fait voir, dans la première section de son ouvrage, que l'on peut se sauver en la communion de l'Eglise romaine, même par les principes du ministre; dans la seconde, que la foi du concile de Trente, touchant la justification et le mérite des bonnes œuvres, nous a été enseignée par l'ancienne Eglise, et qu'elle établit fortement la confiance du fidèle en JésusChrist seul. I prouve ensuite qu'il est impossible de se sauver dans la réformation prétendue, parce qu'on ne peut faire son salut dans le schisme. Ce livre eut un si grand succès, que le parti protestant en fut ébranlé. Bossuet et le ministre Ferri restèrent amis, car l'aversion du nouveau controversiste pour les erreurs de ceux qui n'étoient pas soumis à l'Eglise ne l'empêchoit pas de les traiter avec égard et politesse. On prétend que, quatorze ans après que le livre de l'abbé Bossuet eut paru, le ministre Ferri étant attaqué d'une grande maladie dont il mourut le 27 décembre 1669, demanda à voir Bossuet pour conférer avec lui sur la religion; mais que les ministres ses confrères, craignant que cette conférence ne ramenât Ferri à la religion catholique, empêchèrent cette entrevue.

On ne fut pas longtemps à la cour sans être informé que le livre de Bossuet avoit disposé favorablement un grand nombre de protestants de Metz en faveur de l'Eglise catholique. Il fut résolu de profiter des circonstances, et d'y envoyer une mission. Vincent de Paul, qui avoit toute la confiance de la reine-mère dans les matières qui avoient rapport aux affaires ecclésiastiques, fut chargé d'ordonner tout ce qui seroit nécessaire pour Fexécution de cette pieuse entreprise. Il écrivit sur-le-champ à Bossuet, pour le prier de diriger cette mission. La reine-mère fit adresser à ce sujet une lettre de cachet à l'abbé Bossuet; Vincent choisit pour missionnaires les plus habiles ecclésiastiques de la Conférence du Mardi, à la tête desquels étoit l'abbé de Chandenier, neveu du cardinal de La Rochefoucauld. Ils allèrent à Metz, et ils descendirent chez Bossuet, qui devint l'âme de cette pieuse entreprise, dont il prépara et assura le succès.

La mission s'ouvrit le jour des Cendres de l'an 1658. Bossuet la commença par une prédication, et agit avec tant de zèle, que l'abbé de Chandenier écrivit au bienheureux Vincent que le jeune abbé méritoit bien une lettre de félicitation de sa part. Ce bon prêtre, en conséquence, lui écrivit une lettre touchante et chrétienne, qui malheureusement n'a pas été publiée.

L'évêque de Metz, qui avoit fort à cœur de réunir à l'Eglise tous ceux qui en étoient séparés, établit dans son diocèse une communauté de filles

qui devoient être occupées du soin d'instruire les personnes de leur sexe qui formoient le projet de se faire catholiques. Il nomma Bossuet leur supérieur, et le chargea de faire un règlement pour cette communauté. Ce règlement fut imprimé l'an 1672.

L'évêque d'Augusta s'étant mis en chemin sur la fin de l'an 1659 pour aller de Metz à Paris, tomba malade à Château-Thierry, d'où il fut transporté au château du Charmel, et y mourut peu de temps après. Se sentant fort mal, il fit écrire à l'abbé Bossuet qu'il auroit grande envie de le voir avant que de mourir : celui-ci se rendit aux instances de son ami. Dès qu'il fut arrivé au Charmel, M. de Bedacier fit en sa faveur une démission du doyenné de Gassicourt, près de Mantes, de l'ordre de Cluny. Le cardinal Mazarin, qui étoit abbé de Cluny, lui en fit expédier les provisions; mais ce premier ministre étant mort le 9 mars 1661, il y eut un grand procès au sujet de ce bénéfice, qui resta à l'abbé Bossuet.

L'année suivante 1662, le doyenné de Metz vaqua; tous les chanoines, d'une voix unanime, l'offrirent à l'abbé Bossuet. Il y en avoit un qui s'appeloit Royer, qui lui avoit donné le canonicat dont il jouissoit depuis sa tendre jeunesse. Il étoit fort vieux, et il auroit souhaité mourir doyen de Metz. Il vint trouver Bossuet, et lui représenta que s'il vouloit consentir qu'il passât devant lui au doyenné, il n'auroit pas longtemps à attendre: il lui promit même, en riant, de ne garder cette place tout au plus que deux ans. Bossuet lui protesta qu'il consentoit de tout son cœur à son élection, et même que, pour n'y point faire d'obstacle, il alloit s'absenter de Metz. L'élection se fit; et les intentions de Bossuet étant connues, Royer fut élu doyen le 16 août 1662. Il tint parole à l'abbé Bossuet ; il mourut après deux années. Le doyenné ayant ainsi vaqué de nouveau, l'abbé Bossuet fut nommé doyen le 10 septembre 1664. Il se trouvoit pour lors près de dix mille livres de rente, et il se croyoit très-riche.

Les affaires de son chapitre et les siennes l'appeloient souvent à Paris, où, s'occupant à faire des instructions publiques, il acquéroit une grande réputation de piété, de science et d'éloquence. Il se rendoit fort exactement aux Conférences du Mardi, et il fit, à la prière du bienheureux Vincent, dans l'église de Saint-Lazare, les entretiens pour l'ordination de la Pentecôte de l'an 1659.

Vincent de Paul étant mort le 27 septembre 1660, René Almeras fut son successeur dans le généralat de l'ordre des lazaristes. Bossuet fut également lié avec ce nouveau général, et il fit, à sa sollicitation, les instructions pour les ordinations aux fêtes de la Pentecôte des années 1663 et 1664. Comme cela avoit été annoncé, il y eut plusieurs ecclésiastiques qui choisirent ce temps pour se préparer aux ordres : on compte parmi ceux-là l'abbé Claude Fleury, si célèbre par son Histoire ecclésiastique.

Bossuet eut bientôt une grande réputation à Paris, par le succès merveilleux de ses prédications. Il fit un panégyrique de saint Paul, dans l'église de ce nom, dont on s'entretint longtemps on le nommoit le Surrexit Paulus de l'abbé Bossuet, parce que c'étoit le texte de son discours. Il prêcha le Carême de l'an 1658 aux Minimes de la place Royale: c'étoit un concours prodigieux pour l'entendre. Les panégyriques qu'il y fit, de saint François de Paule et de sainte Thérèse, eurent un éclat étonnant.

La marquise de Senecey, dame d'honneur de la reine-mère Anne d'Au

triche, conjointement avec la comtesse de Fleix, sa fille, reçue en survivance, avoient la plus grande estime pour l'abbé Bossuet; elles souhaitoient toutes deux passionnément que la reine pût l'entendre. Comme elle alloit souvent à l'église des Feuillants de la rue Saint-Honoré, ces dames imaginèrent d'engager François Bossuet, secrétaire du conseil, grand ami des feuillants, de prier ces pères d'obtenir de l'abbé Bossuet le panégyrique de saint Joseph de l'an 1660; elles espéroient que la reine, qui étoit fort pieuse, ne manqueroit pas d'aller l'entendre. L'abbé Bossuet céda aux instances de son parent; et Anne d'Autriche, qui avoit oui parler très-avantageusement du prédicateur, voulut assister à ce sermon. Elle se rendit à l'église des Feuillants, accompagnée de la marquise de Senecey et de la comtesse de Fleix. Elle fut si contente du prédicateur, qu'après l'avoir entendu, elle dit à l'abbé Bossuet qu'elle souhaitoit qu'il prêchât le même sermon l'année suivante. Il parloit quelquefois de ce discours, comme de ce qu'il avoit fait de mieux dans ce genre; et l'on sait que Santeul a profité d'une de ses pensées dans l'hymne qu'il a fait sur saint Joseph.

Il prêcha, le 8 septembre de la même année, aux grandes Carmélites, le sermon de la vêture de mademoiselle de Bouillon, nommée en religion dame Emilie de la Passion; c'étoit l'aînée des deux sœurs du cardinal de Bouillon. La reine-mère et la reine régnante assistèrent à ce sermon, fut écouté avec les plus grands applaudissements.

qui

La reine Anne d'Autriche avoit eu une si grande satisfaction à entendre le panégyrique de saint Joseph, qu'elle suivoit tous les sermons de l'abbé Bossuet: elle lui fit prêcher l'Avent de l'année 1661 et le Carême de 1663 devant le roi, dans la chapelle du Louvre. Sa Majesté en fut si contente, qu'elle le fit écrire par M. Rose, secrétaire du cabinet, à M. Bossuet le père, devenu doyen du parlement de Metz, pour le féliciter sur les talents et les succès de son fils, et lui faire part de la satisfaction que Sa Majesté avoit eue de l'entendre.

Cet heureux père s'étoit donné tout entier à la piété. Après avoir marié Antoine Bossuet, son fils aîné, il avoit pris le parti de l'Eglise; il avoit été ordonné diacre, et il remplissoit avec honneur et édification la dignité de grand-archidiacre de Metz.

L'abbé Bossuet cherchoit plus à faire des discours instructifs que des sermons d'apparat. L'an 1663, il fit plusieurs entretiens pour la bourse cléricale de Saint-Nicolas-du-Chardonnet; il en fit au séminaire des TrenteTrois, établi vers ce temps à l'hôtel d'Albiac, montagne Sainte-Geneviève. Ces discours, dont on n'eût jamais parlé, s'ils n'eussent pas été faits par un homme supérieur, avoient la plus grande célébrité.

Il fit cette même année sa première oraison funèbre; et ce discours étoit un témoignage public de la reconnoissance qu'il avoit des bons offices que M. Cornet lui avoit rendus pendant sa jeunesse.

Ce grand-maître de Navarre mourut à l'âge de 71 ans, le 18 avril 1663. Neuf jours après sa mort, on lui fit un service solennel dans la chapelle du collége, où il avoit été inhumé. M. de La Motte-Houdancourt, archevêque d'Auch, y officia pontificalement. L'archevêque de Paris, les évêques d'Amiens, de Laon, de Soissons, de Chartres, de Châlons, de Lisieux, du Puy, de Rennes, de Valence et de Lavaur, y assistèrent. Bossuet fit un bel éloge de son maître, quoiqu'il n'eût eu qu'une semaine pour le composer.

Il y rapporta un trait de la probité de M. Cornet, qui mérite de n'être pas oublié. Il avoit recommandé à un juge qui avoit beaucoup d'égards pour lui, le procès d'un de ses amis; et cet ami le gagna. M. Cornet craignit, dans la suite, que l'affaire à laquelle il s'étoit intéressé ne fût mauvaise, et que ce ne fùt sa sollicitation qui eût contribué à la faire gagner; et il répara de ses deniers le tort qu'il crut avoir été fait à la partie contre laquelle il avoit sollicité.

L'abbé Bossuet continuoit de prêcher. Son éloquence noble, sublime et instructive, attiroit tout le monde à ses sermons. Il prêcha, en 1665, le Carême dans l'église de Saint-Thomas-du-Louvre; les reines le suivirent. II prêcha, cette même année, le panégyrique de saint Thomas-d'Aquin, chez les jacobins de la rue Saint-Honoré : la reine-mère alla l'entendre. Le roi voulut qu'il prêchât encore devant lui, et il prêcha en présence de Sa Majesté le jour de la Toussaint, et l'Avent qui suivit cette fête. On dit au roi que le père du prédicateur avoit été un des auditeurs de son fils; et Louis répondit: Il doit être bien content de l'entendre si bien précher.

Pendant cet Avent, le duc de Foix, qui avoit fait une confession générale à l'abbé Bossuet, tomba malade de la petite vérole, et demanda son confesseur, qui se trouva fort embarrassé, surtout à cause du genre de la maladie, qui ne lui permettoit plus de paroître devant le roi. Le malade ayant insisté, Bossuet fit demander au roi la permission d'aller voir le duc de Foix. Louis XIV y consentit; et l'abbé Bossuet alla s'enfermer avec le duc, qui mourut. Les soins que Bossuet lui donna l'empêchèrent de prêcher un des dimanches de l'Avent.

Le roi fut si content des sermons de cet Avent, qu'il souhaita que l'abbé Bossuet prêchât devant lui le Carême de l'an 1666. Il le fit à Saint-Germainen-Laye, dans la chapelle du château, où le roi s'étoit retiré à cause de la mort de la reine-mère, arrivée au mois de janvier de cette année.

Il étoit retourné à Metz l'an 1667. On le pria de prêcher la fête de l'Assomption, dans la cathédrale il y consentit. Il étoit près de monter en chaire, lorsqu'on vint l'avertir que son père étoit à toute extrémité, et que pour peu qu'il tardât il ne le verroit plus. Il n'hésita pas entre son sermon et ce qu'il devoit à la nature. Il ne prêcha point: il se transporta très-promptement chez son père, auprès duquel il arriva assez tôt pour lui fermer les yeux.

Il revint à Paris l'an 1668. Il y expliqua pendant le Carême les Epîtres du temps, au parloir des Carmélites. C'étoit comme une conférence, où assistoient la princesse de Conti, la duchesse de Longueville, et d'autres dames d'une grande piété.

Un sermon qui eut un très-grand éclat, ce fut celui qu'il prêcha, le jour de la fête de saint André de l'an 1668, aux grandes Carmélites, pour confirmer le vicomte de Turenne dans sa réunion faite à l'Eglise le 28 d'octobre précédent. Bossuet convenoit que c'étoit une de ses meilleures pièces. M. de Turenne en fut si content, qu'il suivit l'abbé Bossuet à l'Avent qu'il prêcha cette année dans Saint-Thomas-du-Louvre. Ses sermons étoient des instructions, dont le principal but étoit de confirmer dans la foi le nouveau converti.

Il fit, cette même année 1668, sur la fin, le panégyrique de saint Thomas de Cantorbéri. La reine, qui l'entendit, en fut si contente, et en fit au roi un récit si avantageux, que Sa Majesté retint l'abbé Bossuet pour prêcher

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