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DU DROIT

PAR UNE SOCIÉTÉ DE JURISCONSULTES & DE PUBLICISTES
FONDÉE EN 1872

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BUREAUX DE LA REVUE: 18, rue François-Dauphin
SRÉTARIAT ET ADMINISTRATION: 2, avenue de l'Archevêché, LYON

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NOV 6 19TT

ENCYCLIQUE PONTIFICALE SUR LA SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT

A nos bien-aimés fils, François-Marie Richard, cardinal prêtre, archevêque de Paris; Victor-Lucien Lecot, cardinal p élre, archevêque de Bordeaux; Pierre-Hector Coullié, cardinal prêtre, archevêque de Lyon; Joseph-Guillaume Labouré, cardinal prêtre, archevêque de Rennes, et à tous nos autres vénérables frères les archevêques et évêques, et à tout le clergé et le peuple français,1 Pie X, Pape.

Vénérables frères, bien-aimés fils, salut et bénédiction
apostolique,

Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude et notre cœur se remplit d'angoisse quand notre pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au Siège apostolique, crée à l'Eglise catholique en France une situation indigne d'elle et lamentable à jamais! Evénement des plus graves sans doute que celui-là, événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu'à la religion, mais événement qui n'a pu surprendre personne, pourvu que l'on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie en France dans ces dernières années.

Pour vous, vénérables frères, elle n'aura été bien certainement ni une nouveauté ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par l'autorité publique à la religion.

Vous avez vu violer la sainteté de l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elle, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les

1 C'est avec la joie la plus vive que la Revue publie cette Encyclique pleine d'affection pour la fille aînée de l'Eglise et que le Souverain-Pontife, en vertu de l'Autorité suprême que Dieu lui a conférée, vient d'adresser à tous les catholiques de France. Cette Encyclique, -ce non licet si impatiemment attendu et si ardemment désiré, en montrant que les lois votées depuis longtemps ne devaient nous laisser aucune illusion sur le but poursuivi par les ennemis de l'Eglise, justific et récompense les efforts de ceux qui, comme nous, n'ont jamais voulu abandonner la lutte contre un gouvernement de persécuteurs. La condamnation de la thèse de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, rappellera à beaucoup les principes trop oubliés, la réprobation solennelle de la loi votée et promulguée par le gouvernement de. la République nous fait espérer que les catholiques de France sauront enfin, unis aux évêques et au Pape infaillible, défendre avec plus d'énergie que jamais les droits immuables de l'Eglise, contre lesquels, nous dit S. S. Pie X, aucune prescription ne saurait s'établir.

(N. D. L. R.)

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congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement.

D'autres mesures légales ont suivi que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes de deuil traditionnels à bord des navires le Vendredi-Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait d'une façon quelconque rappeler la religion.

Ces mesures et d'autres encore qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de l'Etat n'étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation complète et officielle. Leurs promoteurs eux-mêmes n'ont pas hésité à le reconnaître hautement et maintes fois.

Pour écarter une calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n'a absolument rien épargné.

Pendant que d'un côté il ne se lassait pas d'avertir ceux qui étaient à la tête des affaires françaises et qu'il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l'immensité des maux qu'amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l'autre il multipliait vis-à-vis de la France les témoignages éclatants de sa condescendante affection. Il avait le droit d'espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets. Mais, attentions, bons offices, efforts, tant de la part de notre prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans effet, et la violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps ils avaient prétendu, à l'encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient souhaiter les esprits qui pensent sagement. C'est pourquoi, dans une heure aussi grave pour l'Eglise, conscient de notre charge apostolique, nous avons considéré comme un devoir d'élever notre voix et de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables frères à votre clergé et à votre peuple, à vous tous que nous avons toujours entourés d'une tendresse particulière, mais qu'en ce moment, comme c'est bien juste, nous aimons plus tendrement que jamais.

Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur.

Basée, en effet, sur ce principe que l'Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le Créateur de l'homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.

Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social pour l'honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l'ordre surnaturel. Elle limite, en effet, l'action de l'Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie qui n'est que la raison prochaine des sociétés politiques et elle ne s'oc cupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l'homme quand cette vie si courte aura pris fin.

III

Et pourtant l'ordre présent des choses qui se déroule dans le temps, se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés. Ces deux sociétés, la société religieuse et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d'elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux. Il en résulte forcément qu'il y aura bien des matières dont elles devront connaître l'une et l'autre comme étant de leur ressort à toutes deux. Or qu'entre l'Etat et l'Eglise l'accord vienne à disparaître, et de ces matières com munes pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés. La notion du vrai en sera troublée et les âmes remplies d'une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs.

Aussi les pontifes romains n'ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et suivant les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a plusieurs fois et magnifiquement exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. Entre elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu'une sage union intervienne, union qu'on peut, non sans justesse, comparer à celle qui réunit dans l'homme l'âme et le corps. »

Il ajoute encore: « Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir en rien. Quant à l'Eglise qui a Dieu lui-même pour auteur, l'exclure de la vie active de la nation, des lois, de l'éducation de la jeunesse, de la société domestique, c'est commettre une grande et pernicieuse erreur. »

Que si, en se séparant de l'Eglise, un Etat chrétien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que moins encore que toutes les autres nations elle n'eût dû y entrer! La France, disons-nous, qui dans le cours des siècles a été de la part de ce siège apostolique l'objet d'une si grande et si singulière prédilection, la France dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.

Le même Pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire : La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l'a urie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle serait enlever à la

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