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gue; et c'est parmi ces galanteries, honteuses à un religieux, qu'il ose mêler insolemment ces esprits bienheureux qui assistent devant Dieu, et dont les chrétiens ne doivent parler qu'avec vénération :

Les chérubins, ces glorieux
Composés de tête et de plume,
Que Dieu de son esprit allume,
Et qu'il éclaire de ses yeux;
Ces illustres faces volantes
Sont toujours rouges et brûlantes,
Soit du feu de Dieu, soit du leur,
Et dans leurs flammes mutuelles
Font du mouvement de leurs ailes
Un éventail à leur chaleur.

Mais la rougeur éclate en toi,
DELPHINE, avec plus d'avantage,
Quand l'honneur est sur ton visage
Vêtu de pourpre comme un roi, etc.

Qu'en dites-vous, mes pères ? Cette préférence de la rougeur de Delphine à l'ardeur de ces esprits qui n'en ont point d'autre que la charité; et la comparaison d'un éventail avec ces ailes mystérieuses, vous paraît-elle fort chrétienne dans une bouche qui consacre le corps adorable de Jésus-Christ? Je sais qu'il ne l'a dit que pour faire le galant et pour rire; mais c'est cela qu'on appelle rire des choses saintes. Et n'est-il pas vrai que, si on lui faisait justice, il ne se garantirait pas d'une censure, quoique, pour s'en défendre, il se servît de cette raison, qui n'est pas elle-même moins censurable, qu'il rapporte au livre Ier : que « la Sorbonne n'a point de juridiction sur « le Parnasse, et que les erreurs de ce pays-là ne sont « sujettes ni aux censures, ni à l'inquisition, » comme s'il n'était défendu d'être blasphémateur et impie qu'en prose? Mais au moins on n'en garantirait pas par là cet

autre endroit de l'avant-propos du même livre: que « l'eau « de la rivière au bord de laquelle il a composé ses vers « est si propre à faire des poëtes, que, quand on en ferait de l'eau bénite, elle ne chasserait pas le démon de

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la poésie ; » non plus que celui-ci de votre père Garasse dans sa Somme des vérités capitales de la religion, p. 649, où il joint le blasphème à l'hérésie, en parlant du mystère sacré de l'incarnation en cette sorte: «La person«nalité humaine a été comme entée ou mise à cheval sur

la personnalité du Verbe; » et cet autre endroit du même auteur, pag. 510, sans en rapporter beaucoup d'autres, où il dit sur le sujet du nom de Jésus, figuré ordinairement ainsi, IHS, que « quelques-uns en ont ôté la croix pour prendre les seuls caractères en cette sorte, IHS, qui est un Jésus dévalisé. »

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C'est ainsi que vous traitez indignement les vérités de la religion, contre la règle inviolable qui oblige à n'en parler qu'avec révérence. Mais vous ne péchez pas moins contre celle qui oblige à ne parler qu'avec vérité et discrétion. Qu'y a-t-il de plus ordinaire dans vos écrits que la calomnie? Ceux du père Brisacier sont-ils sincères? Et parle-t-il avec vérité, quand il dit, 4 part., pag. 24 et 25, que les religieuses de Port-Royal ne prient pas les saints, et qu'elles n'ont point d'images dans leur église ? Ne sont-ce pas des faussetés bien hardies, puisque le contraire paraît à la vue de tout Paris? Et parle-t-il avec discrétion, quand il déchire l'innocence de ces filles, dont la vie est si pure et si austère, quand il les appelle des << filles impénitentes, asacramentaires, incommuniantes, » des vierges folles, fantastiques, calaganes, désespérées, « et tout ce qu'il vous plaira; » et qu'il les noircit par tant d'autres médisances, qui ont mérité la censure de feu

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M. l'archevêque de Paris : quand il calomnie des prêtres dont les mœurs sont irréprochables, jusqu'à dire, part. 1, p. 22, qu'ils « pratiquent des nouveautés dans les confessions, pour attraper les belles et les innocentes; » et qu'il aurait «< horreur de rapporter les crimes abominables « qu'ils commettent? » N'est-ce pas une témérité insupportable d'avancer des impostures si noires, non-seulement sans preuve, mais sans la moindre ombre et sans la moindre apparence? Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet, et je remets à vous en parler plus au long une autre fois : car j'ai à vous entretenir sur cette matière, et ce que j'ai dit suffit pour faire voir combien vous péchez contre la vérité et la discrétion tout ensemble.

Mais on dira peut-être que vous ne péchez pas au moins contre la dernière règle, qui oblige d'avoir le désir du salut de ceux qu'on décrie, et qu'on ne saurait vous en accuser sans violer le secret de votre cœur, qui n'est connu que de Dieu seul. C'est une chose étrange, mes pères, qu'on ait néanmoins de quoi vous en convaincre; que, votre haine contre vos adversaires ayant été jusqu'à souhaiter leur perte éternelle, votre aveuglement ait été jusqu'à découvrir un souhait si abominable; que, bien loin de former en secret des désirs de leur salut, vous ayez fait en public des vœux pour leur damnation ; et qu'après avoir produit ce malheureux souhait dans la ville de Caen avec le scandale de toute l'Église, vous ayez osé depuis soutenir encore à Paris, dans vos livres imprimés, une action si diabolique. Il ne se peut rien ajouter à ces excès contre la piété : railler et parler indignement des choses les plus sacrées ; calomnier les vierges et les prêtres faussement et scandaleusement, et enfin former des désirs et des vœux pour leur damnation. Je ne sais, mes pères, si vous n'êtes

point confus; et comment yous avez pu avoir la pensée de m'accuser d'avoir manqué de charité, moi qui n'ai parlé qu'avec tant de vérité et de retenue, sans faire de réflexion sur les horribles violements de la charité, que vous faites vous-mêmes par de si déplorables emporte

ments.

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Enfin, mes pères, pour conclure par un autre reproche que vous me faites de ce qu'entre un si grand nombre de vos maximes que je rapporte, il y en a quelquesunes qu'on vous avait déjà objectées, sur quoi vous vous plaignez de ce que « je redis contre vous ce qui avait été dit, je réponds que c'est au contraire parce que vous n'avez pas profité de ce qu'on vous l'a déjà dit, que je vous le redis encore. Car quel fruit a-t-il paru de ce que de savants docteurs et l'Université entière vous en ont repris par tant de livres? Qu'ont fait vos pères Annat, Caussin, Pintereau et le Moine, dans les réponses qu'ils y ont faites, sinon de couvrir d'injures ceux qui leur avaient donné ces avis salutaires? Avez-vous supprimé les livres où ces méchantes maximes sont enseignées ? En avez-vous réprimé les auteurs? En êtes-vous devenus plus circonspects? Et n'est-ce pas depuis ce temps-là qu'Escobar a tant été imprimé de fois en France et aux Pays-Bas, et que vos pères Cellot, Bagot, Bauny, Lamy, le Moine et les autres, ne cessent de publier tous les jours les mêmes choses, et de nouvelles encore aussi licencieuses que jamais? Ne vous plaignez donc plus, mes pères, ni de ce que je vous ai reproché des maximes que vous n'avez point quittées, ni de ce que je vous en ai objecté de nouvelles, ni de ce que j'ai ri de toutes. Vous n'avez qu'à les considérer, pour y trouver votre confusion et ma défense. Qui pourra voir, sans en rire, la décision du père Bauny pour celui qui

fait brûler une grange; celle du père Cellot, pour la restitution; le règlement de Sanchez en faveur des sorciers; la manière dont Hurtado fait éviter le péché du duel en se promenant dans un champ, et y attendant un homme; les compliments du père Bauny pour éviter l'usure; la manière d'éviter la simonie par un détour d'intention; et celle d'éviter le mensonge, en parlant tantôt haut, tantôt bas; et le reste des opinions de vos docteurs les plus graves? En faut-il davantage, mes pères, pour me justifier? Et y a-t-il rien de mieux « dû à la vanité et à la faiblesse de « ces opinions que la risée ? » selon Tertullien. Mais, mes pères, la corruption des mœurs que vos maximes apportent est digne d'une autre considération; et nous pouvons bien faire cette demande avec le même Tertullien : « Faut-il « rire de leur folie, ou déplorer leur aveuglement? Ri« deam vanitatem, an exprobrem cæcitatem ? » Je crois, mes pères, qu'on peut en rire et en pleurer à son choix: « Hæc tolerabilius vel ridentur, vel flentur, » dit saint Augustin. Reconnaissez donc « qu'il y a un temps de rire « et un temps de pleurer,» selon l'Écriture; et je souhaite, mes pères, que je n'éprouve pas en vous la vérité de ces paroles des Proverbes : « Qu'il y a des personnes si peu « raisonnables, qu'on n'en peut avoir de satisfaction, de quelque manière qu'on agisse avec eux, soit qu'on rie, « soit qu'on se mette en colère. »

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P. S. En achevant cette lettre, j'ai vu un écrit que vous avez publié, où vous m'accusez d'imposture sur le sujet de six de vos maximes que j'ai rapportées, et d'intelligence avec les hérétiques : j'espère que vous y verrez une réponse exacte, et dans peu de temps, mes pères, ensuite de laquelle je crois que vous n'aurez pas envie de continuer cette sorte d'accusation.

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