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bler ces maximes pour en tirer cette conclusion où vous tendez, qu'on peut donc tuer dans la pratique pour de simples médisances.

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Car c'est encore ici, mes pères, une des plus subtiles adresses de votre politique, de séparer dans vos écrits les maximes que vous assemblez dans vos avis. C'est ainsi que vous avez établi à part votre doctrine de la probabilité, que j'ai souvent expliquée. Et, ce principe général étant affermi, vous avancez séparément des choses qui, pouvant être innocentes d'elles-mêmes, deviennent horribles étant jointes à ce pernicieux principe. J'en donnerai pour exemple ce que vous avez dit p. 11, dans vos impostures, et à quoi il faut que je réponde : « Que plusieurs théologiens célèbres sont d'avis qu'on peut tuer pour un << soufflet reçu. » Il est certain, mes pères, que si une personne qui ne tient point à la probabilité avait dit cela, il n'y aurait rien à reprendre, puisqu'on ne ferait alors qu'un simple récit qui n'aurait aucune conséquence. Mais vous, mes pères, et tous ceux qui tiennent cette dangereuse doctrine, que « tout ce qu'approuvent des auteurs « célèbres est probable et sûr en conscience; » quand vous ajoutez à cela que « plusieurs auteurs célèbres sont « d'avis qu'on peut tuer pour un soufflet, » qu'est-ce faire autre chose, sinon de mettre à tous les chrétiens le poignard à la main pour tuer ceux qui les auront offensés, en leur déclarant qu'ils le peuvent faire en sûreté de conscience, parce qu'ils suivront en cela l'avis de tant d'auteurs graves?

Quel horrible langage qui, en disant que des auteurs tiennent une opinion damnable, est eu même temps unc décision en faveur de cette opinion damnable, et qui autorise en conscience tout ce qu'il ne fait que rapporter !

On l'entend, mes pères, ce langage de votre école. Et c'est une chose étonnante que vous ayez le front de le parler si haut, puisqu'il marque votre sentiment si à découvert, et vous convainc de tenir pour sûre en conscience cette opinion, qu'on peut « tuer pour un soufflet, aussitôt que vous nous avez dit que plusieurs auteurs célèbres la soutiennent.

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Vous ne pouvez vous en défendre, mes pères, non plus que vous prévaloir des passages de Vasquez et de Suarez que vous m'opposez, où ils condamnent ces meurtres que leurs confrères approuvent. Ces témoignages, séparés du reste de votre doctrine, pourraient éblouir ceux qui ne l'entendent pas assez. Mais il faut joindre ensemble vos rincipes et vos maximes. Vous dites donc ici que Vasquez ne souffre point les meurtres. Mais que dites-vous d'un autre côté, mes pères ? « Que la probabilité d'un sentiment

n'empêche pas la probabilité du sentiment contraire. » Et, en un autre lieu, qu'il est « permis de suivre l'opinion « la moins probable et la moins sûre, en quittant l'opi<< nion la plus probable et la plus sûre? » Que s'ensuit-il de tout cela ensemble, sinon que nous avons une entière liberté de conscience pour suivre celui qui nous plaira de tous ces avis opposés? Que devient donc, mes pères, le fruit que vous espériez de toutes ces citations? Il disparaît, puisqu'il ne faut pour votre condamnation que rassembler ces maximes que vous séparez pour votre justification. Pourquoi produisez-vous donc ces passages de vos auteurs que je n'ai point cités, pour excuser ceux que j'ai cités, puisqu'ils n'ont rien de commun? Quel droit cela vous donne-t-il de m'appeler imposteur? Ai-je dit que tous vos pères sont dans un même déréglement ? Et n'ai-je pas fait voir au contraire que votre principal intérêt est d'en avoir de tous avis pour servir à tous vos be

soins? A ceux qui voudront tuer on présentera Lessius, à ceux qui ne voudront pas tuer on produira Vasquez, afin que personne ne sorte malcontent, et sans avoir pour soi un auteur grave. Lessius parlera en païen de l'homicide, et peut-être en chrétien de l'aumône; Vasquez parlera en païen de l'aumône, et en chrétien de l'homicide. Mais par le moyen de lá probabilité que Vasquez et Lessius tiennent, et qui rend toutes vos opinions communes, ils se prêteront leurs sentiments les uns aux autres, et seront obligés d'absoudre ceux qui auront agi selon les opinions. que chacun d'eux condamne. C'est donc cette variété qui vous confond davantage. L'uniformité serait plus supportable: et il n'y a rien de plus contraire aux ordres exprès de saint Ignace et de vos premiers généraux, que ce mélange confus de toutes sortes d'opinions. Je vous en parlerai peut-être quelque jour, mes pères; et on sera surpris de voir combien vous êtes déchus du premier esprit de votre institut, et que vos propres généraux ont prévu que le déréglement de votre doctrine dans la morale pourrait être funeste non-seulement à votre Société, mais encore à l'Église universelle.

Je vous dirai cependant que vous ne pouvez tirer aucun avantage de l'opinion de Vasquez. Ce serait une chose étrange, si, entre tant de jésuites qui ont écrit, il n'y en avait pas un ou deux qui eussent dit ce que tous les chrétiens confessent. Il n'y a point de gloire à soutenir qu'on ne peut pas tuer pour un soufflet, selon l'Évangile ; mais il y a une horrible honte à le nier. De sorte que cela vous justifie si peu, qu'il n'y a rien qui vous accable davantage; puisque, ayant eu parmi vous des docteurs qui vous ont dit la vérité, vous n'êtes pas demeurés dans la vérité, et que vous avez mieux aimé les ténèbres que la lumière, Car vous avez appris de Vasquez, « que c'est une

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opinion païenne, et non pas chrétienne, de dire qu'on puisse donner un coup de bâton à celui qui a donné un soufflet; » que c'est « ruiner le Décalogue et l'Évangile, de « dire qu'on puisse tuer pour ce sujet, » et que « les plus scé«<lérats d'entre les hommes le reconnaissent. » Et cependant vous avez souffert que, contre ces vérités connues, Lessius, Escobar et les autres, aient décidé que toutes les défenses que Dieu a faites de l'homicide n'empêchent point qu'on ne puisse tuer pour un soufflet. A quoi sert-il donc maintenant de produire ce passage de Vasquez contre le sentiment de Lessius, sinon pour montrer que Lessius est un païen et un scélérat, selon Vasquez? et c'est ce que je n'osais dire. Qu'en peut-on conclure, si ce n'est que Lessius ruine le Décalogue et l'Évangile; qu'au dernier jour Vasquez condamnera Lessius sur ce point, comme Lessius condamnera Vasquez sur un autre, et que tous vos auteurs s'élèveront en jugement les uns contre les autres pour se condamner réciproquement dans leurs effroyables excès contre la loi de JÉSUS-CHRIST?

Concluons donc, mes pères, que puisque votre probabilité rend les bons sentiments de quelques-uns de vos auteurs inutiles à l'Église, et utiles seulement à votre politique, ils ne servent qu'à nous montrer, par leur contrariété, la duplicité de votre cœur, que vous nous avez parfaitement découverte, en nous déclarant d'une part que Vasquez et Suarez sont contraires à l'homicide; et de l'autre que plusieurs auteurs célèbres sont pour l'homicide: afin d'offrir deux chemins aux hommes en détruisant la simplicité de l'esprit de Dieu, qui maudit ceux qui sont doubles de cœur, et qui se préparent deux voies: Væ duplici corde, et ingredienti duabus viis!

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Un réfute par les saints Pères les maximes des jésuites sur l'homicide. On répond en passant à quelques-unes de leurs calomnies, et on compare leur doctrine avec la forme qui s'observe dans les jugements crir inels.

MES RÉVÉRENDS PÈRES,

Du 23 octobre 1656.

Si je n'avais qu'à répondre aux trois impostures qui restent sur l'homicide, je n'aurais pas besoin d'un long discours; et vous les verriez ici réfutées en peu de mots : mais comme je trouve bien plus importânt de donner au monde de l'horreur de vos opinions sur ce sujet, que de justifier la fidélité de mes citations, je serai obligé d'employer la plus grande partie de cette lettre à la réfutation de vos maximes, pour vous représenter combien vous êtes éloignés des sentiments de l'Église, et même de la nature. Les permissions de tuer, que vous accordez en tant de rencontres font paraître qu'en cette matière vous avez tellement oublié la loi de Dieu, et tellement éteint les lumières naturelles, que vous avez besoin qu'on vous remette dans les principes les plus simples de la religion et du sens commun; car qu'y a-t-il de plus naturel que ce sentiment qu'un particulier n'a pas droit sur la vie d'un autre?« Nous en sommes tellement instruits de nous« mêmes, dit saint Chrysostome, que quand Dieu a établi « le précepte de ne point tuer, il n'a pas ajouté que c'est à « cause que l'homicide est un mal; parce, dit ce Père, que « la loi suppose qu'on a déjà appris cette vérité de la << nature. »

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Aussi ce commandement a été imposé aux hommes dans tous les temps. L'Évangile a confirmé celui de la loi; et

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