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dence et l'arrondissement de ses périodes à des transpositions ni à un arrangement bizarre, ni à ces inversions qui causent tant d'embarras et tant d'obscurité dans la langue latine. Elle épargne à l'esprit jusqu'aux moindres efforts; le nominatif précède toujours le verbe, et le verbe marche toujours devant les cas obliques qu'il régit. Elle expose les pensées dans le même ordre que l'imagination les a conçues, et cette construction naturelle ne fatigue point le lecteur. Il n'y a point de langue dont le tour soit plus simple, plus facile et plus naïf; il n'y en a point qui réussisse plus heureusement à copier les pensées, à lier les expressions aux choses avec une juste proportion, et à observer exactement toutes les bienséances.

«

Après cela, il est évident que les traducteurs ne doivent point faire leur apologie en ravalant la langue française audessous de la latine. On a beau dire qu'ils font des paraphrases ou des commentaires, plutôt que des versions, et qu'ils ne sauraient garder la brièveté du latin, qui dit en un mot ce que le français ne peut exprimer que par circonlocution; le français n'a-t-il pas aussi ses expressions courtes et significatives, que le latin ne peut abréger? De plus, cette brièveté tant vantée n'est pas toujours une perfection: on n'est point trop long quand on ne dit rien de superflu, et qu'en retranchant exactement les paroles perdues, toutes celles qui composent la phrase sont nécessaires pour mettre la pensée dans tout son jour. Bien loin que cette abondance qu'on nous reproche soit un défaut, c'est un avantage de la langue française, qui, préférant la clarté à tout le reste, veut qu'on développe nettement tout ce qu'on pense, et qu'on le présente à l'esprit sans embarras. Comme elle ne souffre rien d'obscur ni de confus, elle ne s'accommode ni de ces fréquentes parenthèses qui interrompent le discours, ni de ces phrases tronquées dont il faut

'L'auteur parle ici dans le sens des grammaires de ce temps-là, qui supposaient des cas dans la langue française. On dirait aujourd'hui que le verbe est toujours précédé de son sujet, et suivi de ses compléments.

deviner le sens, et qu'on n'entend qu'après y avoir longtemps rêvé. Tout ce qui a besoin de réflexion pour être compris, tout ce qui demande de l'application pour être entendu, ne convient point au génie vif et prompt de la nation française.

« Il est vrai encore qu'il est nécessaire de tempérer en français les figures et les métaphores trop poussées en latin; mais il ne faut point regarder comme un défaut de notre langue ce qui est l'effet de ce goût raisonnable qui lui est propre, et qu ne s'éloigne jamais de la nature et de la vérité.

« Si les défenseurs de la latinité voulaient juger équitable ment, et rabattre un peu de la vénération qu'on leur a imprimée pour les anciens, ils reconnaîtraient de bonne foi que si le latin traduit perd quelques-unes de ses beautés, il en est quelquefois dédommagé par des expressions françaises trèsélégantes et très-heureuses. On pourrait défier les latins à leur tour de traduire tel de nos bons ouvrages français : il leur échapperait peut-être bien des grâces et bien des finesses que la langue latine ne saurait exprimer. »

Soyons donc justes pour nous-mêmes; ne calomnions pas les ressources de notre langue, faute de les connaître. Sachons jouir de ce que nous avons, sans nous plaindre au hasard de ce qui pourrait nous manquer: on ne saurait tout réunir. Les fangues sont des méthodes analytiques, plus ou moins parfaites. La nôtre est éminemment douée de ce privilége; elle semble être calculée exprès pour la lucidité de l'élocution. Or cette clarté qu'elle possède par excellence est peut-être incompatible avec les autres qualités dont on peut regretter qu'elle soit privée. Nous pouvons convenir des obstacles qu'elle oppose à l'enthousiasme du poëte et à la véhémence de l'orateur, quoiqu'elle leur permette les longues périodes qui lui conviennent mal dans le discours ordinaire. Les articles l'embarrassent, les inversions la troublent, les ellipses lui répugnent, la moindre impropriété dans les termes l'effarouche; enfin sa syntaxe asservie à l'ordre naturel, ne peut presque rien déranger dans la marche des mots, sans s'exposer à rompre la liaj

son des idées. Chargée de tant de chaînes, elle doit procéder avec plus de lenteur que les langues transpositives: mais ce qu'elle perd sur la célérité du mouvement, elle le regagne par l'éclat de la lumière. Elle rend la raison et la vérité comme transparentes; elle en est le miroir le plus exact: car son génie ne se prête ni aux pensées louches, ni aux phrases équivoques, ni aux arguments captieux. Elle n'admet rien d'embrouillé, avantage inappréciable qui la rend plus propre qu'au cun autre idiome connu à être, dans la société et la conversation, l'écho familier de la confiance; dans les affaires publiques et privées, l'interprète fidèle de la justice; dans les sciences, les lettres et les arts, l'organe méthodique de la philosophie.

Notre langue, à ce titre, était l'instrument le plus propre à être manié par un homme tel que Pascal. Ce grand homme avait fait un Traité de l'esprit géométrique, dont Arnauld a tiré plusieurs règles de l'Art de penser'. Ces règles, destinées à formerle jugement, étaient surtout à l'usage de celui qui les avait établies; mais on peut dire que son-génie était bien secondé ici par le génie particulier de notre langue. Pascal ne voulait rien admettre qui ne fût démontré jusqu'à l'évidence; et notre langue aussi ne tolère dans les paroles rien qui puisse obscur cir la pensée on ne peut tergiverser avec elle; elle veut qu'on soit clair à quelque prix que ce puisse être, dût-on même, pour atteindre à ce but unique, suivre à la lettre le grand précepte de Boileau :

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ;
Polissez-le sans cesse, et le repolissez.

Ce fut aussi par ce moyen, ce fut avec cette arme victorieuse que Pascal sortit triomphant de la lutte qu'il soutint contre les sophismes et les paralogismes derrière lesquels se retranchaient les opinions probables, les restrictions mentales et tous

1 Voyez la préface de la Logique de Port-Royal, Œuvres d'Antoine Arnauld, tome XXXVI, in-4o, pages 110, III.

les autres subterfuges de la morale relâchée. Ces ténébreuses doctrines avaient pu passer longtemps à la faveur du vague et de l'obscurité dont les enveloppait le latin de l'école; mais elles ne purent soutenir le jour que répandit sur elles la rectitude lumineuse de la langue française.

Attachons-nous donc à l'étude de cette langue de la raison, dans laquelle nous avons tant d'ouvrages classiques, tous venus à la suite des Provinciales; mais ces chefs-d'œuvre ne doivent pas nous faire oublier les autres bons ouvrages français qui étaient venus précédemment à la suite du Plutarque d'Amyot.

Ces réflexions doivent servir du moins à nous justifier du soin que nous avons pris d'esquisser, quoique d'une manière rapide et imparfaite, le tableau des bons ouvrages en prose qui parurent dans notre langue à l'époque de François Ier. La poésie française emploie quelquefois le dialecte de Marot. Nous ne demandons pas que la prose reprenne aussi le langage d'Amyot, ce serait pousser trop loin la passion de cet ar chaïsme que notre goût moderne ne supporte qu'à peine dans les vers même d'Hamilton, de J.-B. Rousseau, quoiqu'il ait tant de grâce dans ceux de la Fontaine ; mais nous désirons que l'on recherche, que l'on étudie, que l'on relise enfin les auteurs du seizième siècle; que l'on tienne note de celles de leurs expressions qu'on a eu tort de laisser perdre, et que l'on s'attache à les faire revivre, sans s'écarter néanmoins de la forme sage et précise que Pascal a imprimée à notre prose dans cet admirable livre des Provinciales dont Bossuet a pu envier la composition, et qui a eu la gloire de fixer la langue.

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ELOGE DE PASCAL par M. Bordas Demouliu..

LETTRF

.......

Pages.

1. Des disputes de Sorbonne, et de l'invention du
pouvoir prochain, dont les molinistes se ser-
virent pour faire conclure la censure de M.
Arnauld.

LETTRE II. De la gråce suffisante.

LETTRE III.

RÉPONSE DU PROVINCIAL aux deux premières
lettres de son ami.

POUR SERVIR DE RÉPONDE A LA PRÉCÉDENTE
Injustice, absurdité et nullité de la censure de
M. Arnauld.

LETTRE IV. De la grâce actuelle, toujours présente; et des
péchés d'ignorance.

-

LETTRF V. Dessein des jésuites en établissant une nouvelle
morale. Deux sortes de casuistes parmi
eux beaucoup de relâchés, et quelques-uns
de sévères; raison de cette différence.
plication de la doctrine de la probabilité.
Foule d'auteurs modernes et inconnus mis à
la place des saints Pères.

LETTRE

LETTRE

LETTRE

-

Ex-

VI. Différents artifices des jésuites pour éluder l'au-
torité de l'Évangile, des conciles et des pa-
pes. Quelques conséquences qui suivent de
leur doctrine sur la probabilité.

-

Leurs re-

lachements en faveur des bénéficiers, des pré-
tres, des religieux et des domestiques. His-
toire de Jean d'Alba.

VII. De la méthode de diriger l'intention, selon les
casuistes. - De la permission qu'ils donnent
de tuer pour la défense de l'honneur et des
biens, et qu'ils étendent jusqu'aux prêtres et
aux religieux - Question curieuse proposée
par Caramuel, savoir s'il est permis aux jésui-
tes de tuer les jansénistes.

-

- Di-

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VIII. Maximes corrompues des casuistes touchant les
juges, les usuriers, le contrat Mohatra, les
banqueroutiers, les restitutions, etc. -
verses extravagances des mêmes casuistes. [0]
LETTRE IX. De la fausse dévotion à la sainte Vierge que les
jésuites ont introduite. Diverses facilités
qu'ils ont inventées pour se sauver sans pei-

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