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prévoir la matière sur laquelle on doit méditer; parce qu'il est rare que la méditation se fasse avec tout le recueillement et toute l'application qu'il faut, si l'on n'en a auparavant prévu le sujet, et qu'on ne l'ait partagée en plusieurs points. Ce qui n'empêche pourtant pas que si tout à coup nouš nous sentons inspirés de Dieu de penser à quelque autre chose, nous ne puissions avec toute liberté nous y appliquer, en réservant pour quelque autre temps ce qué nous avions préparé; parce que le Saint-Esprit est celui qui doit nous conduire dans la prière. Il faut seulement prendre garde que le changement de matière ne se fasse pas par une légèreté d'esprit et une certaine dissipation de cœur plutôt que par un véritable mouvement de l'Esprit de Dieu.

Quand on a eu ce premier soin, il faut, avant que de passer outre, observer ce qui suit. Premièrement on doit élever son cœur et toutes les puissances de son âme à Dieu, qui est là présent, et que l'on regarde des yeux de la foi avec attention, avec respect et avec amour. Je puis penser que Dieu est autour de moi, et que je suis au dedans de lui comme un poisson au milieu de l'Océan. Une autre fois je me le figurerai présent devant moi par son essence, par sa connaissance et par sa puissance, considérant ce que je fais et m'assistant de sa grâce pour le bien faire.

Que s'il suffit de cette pensée pour produire dans mon cœur de saintes affections, je m'y attacherai, et cela même me tiendra lieu d'une Oraison très

excellente et très-utile. Pour l'ordinaire néanmoins ce sera assez de m'y arrêter durant l'espace d'un Pater noster, quoique dans la suite je doive être toujours attentif à ne jamais perdre la présence de Dieu, selon ce que dit David: Durant ma méditation je suis toujours en votre présence 1.

Après cela on doit faire une profonde révérence devant cette souveraine Majesté, en l'adorant de corps et d'esprit, et fléchissant le genou devant elle. La première adoration qui se rend à Dieu est celle du cœur, par laquelle nous le révérons comme Seigneur absolu de toutes choses, comme Père et comme Roi digne d'un respect et d'un honneur infinis. La seconde est celle du corps, qui consiste à s'humilier devant lui jusqu'à baiser la terre et à se prosterner, comme fit Notre-Seigneur dans le jardin des Oliviers, où il mérita, par le profond respect qui accompagna son Oraison, d'être exaucé de son Père 2. Ce qui nous montre de quelle importance il est de nous présenter devant Dieu avec une révérence extrême si nous voulons qu'il nous soit propice.

Après nous être ainsi humiliés en la présence du Seigneur, nous nous mettrons à genoux, et incontinent nous ferons le signe de la croix avec beaucoup de dévotion. Il y en a qui récitent d'abord la formule de la confession générale; d'autres commencent par rendre des actions de grâces à Dieu. De quelque pratique extérieure qu'on se serve,

1 Ps. 18. 15,

2 Matth. 26. 39. Hebr. 5. 7.

il est bon de remarquer que, quoiqu'il soit libre à chacun de suivre le mouvement de sa dévotion, cependant la règle générale est de commencer par une prière fort courte et de se disposer ainsi à la Méditation qu'on veut faire.

§ III. Comment il faut méditer et s'entretenir dans l'Oraison, et comment on peut résister aux distractions qui en troublent le repos.

Ce que nous appelons Méditation est un exercice de l'entendement, qui fait une des plus difficiles. parties de l'Oraison mentale. Car, comme il n'y a rien de plus facile que de penser à tout ce qui se présente, et de passer d'un sujet à l'autre, sans ordre, sans choix, sans dessein, il n'y a rien aussi de plus malaisé que de s'attacher longtemps à une même matière et d'arrêter son esprit en la seule pensée de Dieu, sans se dissiper à d'autres objets. Il n'est pas jusqu'aux plus grands saints qui ne se plaignent du trouble qui leur vient de ce côtélà: Mes pensées, dit Job, se sont dissipées et m'ont bien tourmenté l'esprit 1.

Voici les causes les plus ordinaires de ce mal si universel. La première est le démon, qui met tout en œuvre pour nous faire perdre le fruit de notre Oraison; la seconde, l'instabilité de l'imagination, qui est naturellement volage et qu'on ne saurait fixer; la troisième, le déréglement de certaines passions qui détournent et emportent nos pensées,

1 Job. 17. 11.

suivant ce mot du Sauveur: Là où est le trésor, là est le cœur ; la quatrième, les soins superflus des choses du monde, qui partagent et déchirent notre cœur en mille manières; la cinquième, la tiédeur et l'inapplication dans un exercice de cette importance; la sixième, le manque de capacité pour savoir s'entretenir durant la méditation, pour approfondir les vérités de la foi, et pour y trouver des motifs capables d'échauffer la volonté.

On peut remédier à cette incapacité en s'arrêtant avec attention aux points suivants. Premièrement, il faut bien comprendre le mystère sur lequel on veut méditer, et croire fermement tout ce que Dieu en a révélé dans les Écritures. On doit ensuite rechercher les causes véritables de ce mystère, et les distinguer de celles qui n'ont que l'ombre de la vérité. On doit faire encore le même discernement de la véritable fin que Dieu s'y est proposée d'avec celle qui n'est qu'apparente. De là il faut passer aux effets qui en proviennent, et considérer attentivement quels inconvénients l'on en doit craindre, et quels biens l'on en peut attendre. Enfin il en faut peser jusqu'aux moindres circonstances; et voici comme on peut réduire en pratique cette méthode.

Si j'ai résolu, par exemple, de méditer sur le mystère de l'Incarnation, je rappellerai d'abord en ma mémoire ce que j'en sais par la foi. Je songerai que le Fils de Dieu s'est uni à notre nature

1 Matth. 6. 24.

d'une si étroite manière, qu'il est vrai de dire que Dieu est homme et que l'homme est Dieu. Après quoi je rechercherai les causes de ce grand mystère, qui ne sont point nos propres mérites, mais la seule bonté de Dieu.

J'en considèrerai aussi la fin, qui est le salut du monde, et la gloire qui revient à Dieu d'avoir fait connaître par là jusqu'où peut aller l'excès de son amour pour les hommes. Je m'appliquerai ensuite à regarder d'un côté les avantages qu'on en peut tirer, tels que sont la rémission de nos offenses, la destruction de la mort, l'entrée libre dans le paradis; et de l'autre les malheurs extrêmes où sans cela nous devons tomber, ne pouvant en nulle sorte éviter d'être pour jamais ennemis de Dieu, esclaves du démon et coupables des peines de l'enfer. Enfin, venant aux détails des circonstances de cet ineffable mystère, j'en examinerai le lieu, le temps, la manière, et particulièrement je m'arrê terai à admirer les qualités incomparables du corps et de l'âme que le Fils de Dieu voulut prendre en se faisant homme.

Sur toutes ces considérations je tâcherai de m'entretenir avec Dieu, tant que mon âme y sentira de la dévotion et quelque sorte de goût spirituel, sans me mettre en peine d'aller plus avant: parce que mon occupation principale doit être de m'exciter à produire plusieurs actes d'amour de Dieu et de confiance en sa bonté, et de lui demander les grâces que je désire, surtout celles qui ont rapport au sujet de mon Oraison. Mais quand j'aurai suffisam

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