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traité avec tant de mépris par un de ses disciples ! O quelle aveugle fureur d'un homme de vendre ainsi son Créateur! O mon âme, n'as-tu rien fait de pareil envers Jésus? Il t'a fait les mêmes grâces qu'à cet apôtre infidèle: n'as-tu jamais eu pour lui la même ingratitude?

O mon Sauveur, que cette réflexion m'afflige et me confond! Je ne suis que trop du nombre des pécheurs dont la monstrueuse méconnaissance est allée jusqu'à vous trahir. Vous êtes vendu tous les jours par des chrétiens ingrats, comme le fut autrefois Joseph par ses frères. Vous le permettez, ô mon aimable Jésus, pour exercer envers eux votre charité, pour être leur protecteur et leur soutien. Faites-moi sentir, Seigneur, les effets de cette miséricorde; et puisque vous avez bien voulu être le prix de ma rançon, obtenez-moi de votre

Père une éternelle liberté.

II. POINT.

Jesus fut vendu trente deniers, qui était parmi les juifs le prix ordinaire du sang d'un esclave. Cette circonstance n'est pas une des moins ignominieuses au Fils de Dieu, parce qu'elle montre clairement le peu d'estime qu'en faisaient celui qui le vendait, et ceux qui l'achetaient.

Cet indigne procédé nous fait horreur, nous ne saurions y penser sans frémir. Mais ne sommesnous pas coupables de la même conduite, toutes les fois que nous commettons un péché considérable? Et si nous la reconnaissons en nous, comment ne produit-elle pas les mêmes sentiments dans nos cœurs? Comment ne sommes-nous pas insupportables à nous-mêmes? Si nous n'avons

pas vendu le Sauveur pour trente deniers, nous l'avons livré pour un vil intérêt, pour un faux plaisir, pour une satisfaction frivole. Y a-t-il entre Judas et nous une si grande différence?

O divin Rédempteur, que l'estime que vous faites de nos âmes est bien autre que celle que nos âmes font de vous! Elles vous abandonnent pour un néant, et vous donnez toutes les gouttes de votre sang pour elles. Elles vous livrent pour une volupté d'un moment, et vous les achetez par trentetrois années de sueurs et de travaux. O Père éternel, vous voyez ce qu'on prise votre Fils! O Fils unique de Dieu, vous pouvez bien dire avec raison ces paroles d'un prophète : Est-ce là me priser ce que je vaux 1? Oserai-je vous le dire, aimable Sauveur? Oui je vous le dirai, non pas pour diminuer l'inexcusable malice des pécheurs, mais pour admirer votre excessive bonté. Vous avez pris la forme de serviteur: est-ce merveille qu'on vous traite comme un homme de néant, et qu'on vous vende au prix qu'on vend le dernier des esclaves?

Je vous rends grâces, Seigneur, de la patience avec laquelle vous souffrez cette injure, et je vous supplie, par les mérites de votre Passion, de ne souffrir jamais que j'en commette de pareille envers

vous.

III. POINT.

Ce fut le démon qui, comme témoignent les évangélistes, porta Judas à trahir son divin Maître. Le moyen qu'il employa pour le pousser à cette infâme trahison fut l'amour désordonné de l'argent. L'artifice dont il se servit pour colorer ce

1 Zachar. 11. 13.

crime, et pour lui en cacher l'horreur, fut de lui mettre dans l'esprit que Jésus était déterminé à mourir, qu'il l'avait prédit, et que, Jésus lui-même ayant assuré qu'il devait mourir, il ne ferait que seconder son dessein en le livrant aux Juifs.

Voilà les étranges excès où se porte une âme qui s'est laissée insensiblement dominer par une passion. Elle devient enfin le jouet du démon, qui lui persuade tout ce qu'il veut, et l'aveugle jusqu'à lui faire trouver des raisons apparentes pour justifier les plus affreux désordres. Il n'est plus temps de réprimer la passion lorsqu'elle a pris une fois l'ascendant; il faut l'étouffer dans sa naissance par une prompte et généreuse mortification, si l'on en veut prévenir les suites funestes. Si Judas eût travaillé de bonne heure à dompter son avarice, il aurait été une des plus fermes colonnes de l'Église; il ne serait ni déchu de l'état le plus relevé, ni tombé dans l'abîme le plus profond.

O mon Dieu, que vos jugements sont redoutables! Qui peut s'assurer de ne pas chanceler, quand les colonnes de l'Église sont renversées? Misérable pécheur que je suis, où trouverai-je de la sûreté, puisqu'il n'y en a ni dans le ciel, d'où Lucifer est tombé, ni dans le paradis terrestre, où Adam n'a pu se maintenir, ni à plus forte raison dans le monde, où un disciple s'est perdu dans l'école même de son Maître? Tendez-moi la main, Seigneur, et me soutenez, de peur qu'il ne m'arrive le même accident qu'à ce malheureux disciple.

Je n'ai de confiance qu'en vous seul, ô Père des miséricordes. Je ne m'appuie ni sur la sainteté de mon état, ni sur la fermeté de mes résolutions, mais seulement sur vos bontés. Éclairez-moi de vos lu

mières, afin que je découvre les piéges que le démon me tend; et fortifiez-moi de votre grâce, afin que je mortifie les passions, qui sont les instruments dont il se sert pour perdre les âmes.

SAMEDI DE LA SEPTUAGÉSIME
Répétition de la méditation précédente.

DIMANCHE DE LA SEXAGÉSIME

De la Parabole des semences.

Les préludes comme au cinquième dimanche après l'Épiphanie, page 275.

I. POINT.

Le Sauveur explique lui-même cette parabole : Le grain est la parole de Dieu 1; soit l'extérieure, qui est l'instruction; soit l'intérieure, qui est l'inspiration. Celui qui sème le grain est Dieu, qui administre la parole extérieure par les prédicateurs, et l'intérieure par lui-même. La terre où le grain est semé, c'est l'âme chrétienne et religieuse, que ce grain céleste rend féconde en toute sorte de vertus, lorsqu'il n'y trouve nul obstacle à sa fécondité.

Oui, mon âme, c'est toi-même qui es cette terre heureuse, sur laquelle Notre-Seigneur répand sans cesse la divine semence de sa parole; qu'il cultive de sa main, qu'il arrose continuellement de son

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sang précieux. Le fruit qu'il en attend, c'est ta sanctification, c'est ton bonheur en cette vie et en l'autre toute la culture et toutes les bénédictions viennent de lui; toute la récolte est pour toi. Que tu serais ingrate envers un Dieu si bon, si tu rendais ses soins inutiles ! et que tu serais insensible à tes propres intérêts, si tu étouffais une semence si fertile en tous biens!

O adorable Trinité, je vous rends grâces de l'application amoureuse avec laquelle vous cultivez une si mauvaise terre. Ne vous rebutez pas de mon ingratitude; mais, au contraire, daignez disposer si favorablement mon cœur, qu'il réponde désormais plus fidèlement à vos bontés. O Père céleste, remplissez toujours ma mémoire de saintes pensées. O Verbe éternel, ne cessez d'éclairer mon entendement de vos lumières. O très-saint Esprit, qui soufflez où vous voulez 1, et qui ne refusez jamais vos grâces dans le besoin, touchez fortement ma volonté, faites-y naître de saintes affections, embrasez-la de votre amour, et, par cet amour, rendez-la capable de produire en abondance des fruits de grâce et de sainteté.

II. POINT.

La semence que jette le laboureur est très bonne il s'en perd néanmoins plus de la moitié, par la mauvaise disposition des terres qui la reçoivent. Une partie du grain tombe dans le chemin, où il ne germe point, parce que les passants le foulent aux pieds, et qu'il est mangé par les oiseaux du ciel; sur des pierres, où la sécheresse le fait mourir dès qu'il est levé ; parmi les épines, qui l'étouffent aussitôt qu'il vient à paraître 2. 2 Luc. 8. 5, 6, 7.

1 Joan. 3. 8.

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