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Quand l'Amour à mes pieds t'enchaînait sous ma loi,
Phaon tendre et fidèle était un dieu pour moi;
Mais Phaon inconstant, et surtout inflexible,
A mes yeux indignés n'est plus qu'un monstre horrible.
Et vous, terribles dieux, implacables vengeurs,
Dieux justes qui lisez dans l'abîme des cœurs,
Vous dont l'oeil est ouvert sur toute la nature,
Vous saviez que Phaon était traître et parjure,
Et vous ne pouviez pas, propices à mes vœux,
Soulever contre lui les vents impétueux!

Quoi! ces mers, quoi! ce ciel, si fameux par l'orage,
Ont, par un calme heureux, secondé son passage!
Grands Dieux, pour qui la foudre est-elle dans vos mains?
Favorisez-vous donc les crimes des humains?

Oui, cruel! je te livre à leur juste vengeance!
Que ce terrible mont, témoin de ta naissance,
Barbare, soit aussi témoin de ton trépas!

Que ses gouffres brûlans s'entr'ouvrent sous tes pas!
Ou que,
du haut des airs, la foudre étincelante
Sur toi tombe en éclats, et venge ton amante !...
Mais, hélas! où m'égare un vain emportement?
Ma bouche te menace, et mon cœur la dément.
Dieux, ne m'exaucez point; épargnez ce que j'aime :
Ah! frapper mon amant c'est me frapper moi-même!
Et toi, mon cher Phaon, pardonne à mon courroux.
Peut-on sentir l'amour, et n'être point jaloux?
Viens; que je puisse, au gré de ma brûlante flamme,
Me livrer tout entière aux transports de mon âme;

Qu'oubliant l'univers, que,

sûre de ta foi,

Je puisse à jamais vivre et mourir avec toi!

Tu ne viens point... mes maux ont-ils pour toi des charmes,
Et, sans être attendri, vois-tu couler mes larmes ?
Non, ton cœur n'est point fait pour tant de cruauté.
Sensible à mes douleurs et d'amour transporté,
Tu reviens... Dieu des vents, enchaîne les orages;
Défends aux Aquilons de troubler ces rivages.
Vous, Zéphirs, déployez vos ailes dans les airs;
Soufflez seuls en ces lieux, et régnez sur les mers.
O toi qui fus propice à sa fuite. coupable,
Neptune, à son retour sois aussi favorable;
Et toi, fils de Vénus, tendre dieu des amours,
Conduis Phaon au port, et veille sur ses jours.
Tu reviens, cher amant! ô ciel! est-il possible?
Quoi! je vais te revoir, et te revoir sensible!...

Mais pourquoi m'abuser par une vaine erreur?
Phaou, n'en doutons plus, est ingrat et trompeur.
Eh bien! tremble, cruel, et frémis de ma rage!
Je vole dans ces lieux où ta froideur m'outrage;
Oui, barbare, je vais m'assurer de tes feux,
Te voir, t'aimer, te plaire, ou mourir à tes yeux!
BLIN DE SAINMORE.

HÉRO A LÉANDRE.

Quoi! trois jours sans te voir, trois jours sont écoulés!

Rends le calme, Léandre, à mes sens désolés.
Quel obstacle nouveau te retient sur la rive?
Je tremble; tout m'alarme; une amante est craintive;
Tu peux par mille jeux varier tes plaisirs,
Ecarter tes ennuis, et charmer tes loisirs ;

Tu peux, sourd à ma voix, dans l'ardeur qui t'entraîne,
Conduire un char rapide, et voler sur l'arène;
Ou bien, armant ton bras d'inévitables traits,
Nouvel Endimion, errer dans les forêts;
Mais moi, tu le sais bien, par l'Amour asservie,
A ce Dieu dès long-temps j'ai consacré ma vie.
L'Amour de tous ses feux voulut me consumer;
Je ne veux, je ne puis, et je ne sais qu'aimer!
Le jour à peine luit, pleine de ton image,
Je m'arrache au sommeil, et je vole au rivage;
Là, jetant sur les mers des regards furieux,
J'accuse avec transport et les vents et les dieux.
Je frémis; je crois voir, dans ma fureur extrême,
Chaque flot qui s'élève engloutir ce que j'aime ;
Et dès qu'un calme heureux renaît au sein des eaux
Je m'écrie, à travers les pleurs et les sanglots:

«Ne peut-il pas venir? Que fait-il? Qui l'arrête ? » Pour quitter le rivage, attend-il la tempête ? »

Je t'ai vu,

Qu'est devenu ce temps où ton cœur amoureux Semblait dans les dangers puiser de nouveaux feux ? Je t'ai vu mille fois, malgré l'onde irritée, Malgré les cris perçans d'une amante agitée; / sous un ciel étincelant d'éclairs, Lutter contre les vents déchaînés dans les airs, Vaincre les élémens, et, fier de ton courage, T'applaudir dans mes bras d'avoir bravé l'orage. L'Amour s'étonne-t-il des périls, des travaux ? L'Amour, ainsi que Mars, n'a-t-il pas ses héros? Il te guidait alors: quel changement extrême! Tu trembles maintenant au sein du calme même. Sur ces bords où je sais, cruel! que tu n'es pas, Je cherche à découvrir la trace de tes pas. Si l'on revient des lieux que mon amant habite, Vainement on voudrait éviter ma poursuite; On ne voit, on n'entend, on ne trouve que moi ; A l'univers entier je m'informe de toi. C'est peu tes vêtemens, seul gage qui me reste, Quand le jour te rappelle en ton île funeste, Des charmes d'un amant voiles trop enchanteurs, Je les couvre cent fois de baisers et de pleurs : Pardonne ce transport, il te peint ma tendresse, Et l'Amour ne sait point rougir de sa faiblesse,

Mais sitôt que la nuit, favorable à mes feux, Étend sur l'horizon ses voiles ténébreux,

Appelant près de moi ma compagne fidèle,
Sur cette tour fameuse, où je vole avec elle,
D'une tremblante main j'allume des flambeaux,
J'implore en soupirant le monarque des eaux;
Et mes yeux parcourant l'obscurité profonde
Dont l'horreur couvre au loin les vastes champs de l'onde,
Je voudrais que le dieu dont nous portons les fers,
Fit un astre nouveau pour éclairer les mers.

« O toi, de mes ennuis confidente chérie,
» Parle, porte l'espoir dans mon âme attendrie...
» Viendra-t-il? Penses-tu qu'il se soit échappé?
» Je l'entends... Ah! mon cœur se serait-il trompé ?
» Je ne me trompe point ;... oui, c'est lui, c'est lui-même;
» Il approche... je vais revoir tout ce que j'aime.....»
Rentrez, noirs Aquilons, dans vos sombres cachots;
C'est un dieu, c'est l'Amour qui traverse les flots.
Je prête en ce moment une oreille attentive,
Et toujours mes regards sont fixés sur la rive;
Le bruit le plus lointain, le moindre mouvement,
Tout me saisit, m'agite, et m'annonce un amant.

Si je succombe enfin au sommeil qui m'accable, Le sommeil te ramène, et tu n'es plus coupable. Je crois te voir, le front couronné de roseaux, Pour voler dans mes bras, sortir du sein des eaux. Fuyez, prestiges vains que suivent les alarmes; Les songes de l'Amour ont pour moi peu de charmes. Pour goûter mon bonheur, je veux jouir du tien; Je veux sentir ton cœur palpiter sur le mien...

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