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Enfin, la nature flétrie,

Par tes mâles accens, dans nos cœurs retentit:
Rousseau! tu fus sans doute un dieu pour ta patrie.
Qu'ai-je dit? ô douleur!... Rousseau mourut proscrit!
Et Rousseau fut l'auteur d'Emile et de Julie.
Don précieux du ciel, sage philosophie,
Bien solide et parfait, charme de mes loisirs,
Rends à mes sens toute leur énergie,
Rends-moi mon âme et mes désirs ;
Mon bonheur sera ton ouvrage.
Que me sert d'être vertueux?
Pour mon cœur il faut davantage;
En m'apprenant l'art d'être sage,
Enseigne-moi l'art d'être heureux.
Contre la langueur qui m'oppresse,
Hâte-toi de me secourir,

O raison! tu ne peux que montrer ma faiblesse ;
La montrer, est-ce la guérir?

Ah! je le sens, tu n'es qu'une chimère,
Un vide aliment de nos cœurs ;

Sous ton nom,

dans ton sanctuaire,

Nous n'encensons que nos erreurs. P.VENANCE (1).

(1) Venance, surnommé Dougados, né à Carcassonne, en 1764, entra chez les capucins par un dépit amoureux, y porta son imagination ardente, et fit des vers érotiques qui lui valurent, de la part de ses confrères, le surnom de père Tibulle. Bientôt il quitta le froc, se fit séculariser, fut secrétaire de la princesse Poniatowski, voulut jouer un rôle dans la révolution, et mourut sur l'échafaud révolution. naire, à Paris, en décembre 1793.

AUX MANES DE GENONVILLE.

Tor que le ciel jaloux ravit dans son printemps;
Toi de qui je conserve un souvenir fidèle;
Vainqueur de la mort et du temps,
Toi dont la perte, après dix ans,

M'est encore affreuse et nouvelle ;

Si tout n'est pas détruit, si sur les sombres bords
Ce souffle si caché, cette faible étincelle,
Cet esprit, le moteur et l'esclave du corps,
Ce je ne sais quel sens qu'on nomme âme immortelle,
Reste inconnu de nous, est vivant chez les morts;
S'il est vrai que tu sois, et si tu peux m'entendre,
O mon cher Genonville! avec plaisir reçoi
Ces vers et ces soupirs que je donne à ta cendre,
Monument d'un amour immortel comme toi!
Il te souvient du temps où l'aimable Egérie,
Dans les beaux jours de notre vie,

Ecoutait nos chansons, partageait nos ardeurs :
Nous nous aimions tous trois; la raison, la folie,
L'amour, l'enchantement des plus tendres erreurs,
Tout réunissait nos trois cœurs.

Que nous étions heureux ! même cette indigence,
Triste compagne des beaux jours,

Ne put de notre joie empoisonner le cours.

Jeunes, gais, satisfaits, sans soin, sans prévoyance,
Aux douceurs du présent bornant tous nos désirs,
Quel besoin avions-nous d'une vaine abondance?
Nous possédions bien mieux! nous avions les plaisirs :
Ces plaisirs, ces beaux jours coulés dans la mollesse,
Ces ris, enfans de l'allégresse,

Sont passés avec toi dans la nuit du trépas!
Le ciel, en récompense, accorde à ta maîtresse
Des grandeurs et de la richesse,
Appuis de l'âge mûr, éclatant embarras,
Faible soulagement quand on perd sa jeunesse :
La fortune est chez elle où fut jadis l'amour.
Les plaisirs ont leur temps; la sagesse a son tour:
L'amour s'est envolé sur l'aile du bel âge;
Mais jamais l'amitié ne fuit du cœur du sage.
Nous chantons quelquefois et tes vers et les miens;
De ton aimable esprit nous célébrons les charmes ;
Ton nom se mêle encor à tous nos entretiens;
Nous lisons tes écrits, nous les baignons de larmes.
Loin de nous à jamais ces mortels endurcis,
Indignes du beau nom, du nom sacré d'amis,

Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eux-même,
Au monde, à l'inconstance ardens à se livrer,
Malheureux dont le cœur ne sait pas comme on aime,
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer!

VOLTAIRE.

SUR LA MORT DU MARQUIS

DE LA FARE,

ARRIVÉE LE 28 MAI 1712.

LA FARE n'est donc plus! la Parque impitoyable

A ravi de mon cœur cette chère moitié!

Pourquoi, cruelle par pitié,

A tous mes vœux inexorable,

Me laisses-tu traîner ici de tristes jours?
Étranger dans le monde, il m'est insupportable :
J'y languis, privé du secours

Et de ce charme inexplicable

Dont depuis quarante ans jouit mon amitié.
Je te perds pour jamais, ami tendre et fidèle;
Toi dont le cœur, toujours conforme à mes désirs,
Goûtait avec le mien la douceur mutuelle

De partager nos maux ainsi que nos plaisirs :
Flatté que ta bonté ne me fit point un crime
De mes vices, de mes défauts,

Je te les confiais, sans perdre ton estime,
Ni que cela m'ôtât rien de ce que je vaux.
La trame de nos jours ne fut point assortie
Par raison d'intérêt, ou par réflexion ;

Jeunes, gais, satisfaits, sans soin, sans prévoyance,
Aux douceurs du présent bornant tous nos désirs,
Quel besoin avions-nous d'une vaine abondance?
Nous possédions bien mieux! nous avions les plaisirs :
Ces plaisirs, ces beaux jours coulés dans la mollesse,
Ces ris, enfans de l'allégresse,

Sont passés avec toi dans la nuit du trépas!
Le ciel, en récompense, accorde à ta maîtresse
Des grandeurs et de la richesse,
Appuis de l'âge mûr, éclatant embarras,
Faible soulagement quand on perd sa jeunesse :
La fortune est chez elle où fut jadis l'amour.
Les plaisirs ont leur temps; la sagesse a son tour:
L'amour s'est envolé sur l'aile du bel âge;
Mais jamais l'amitié ne fuit du cœur du sage.
Nous chantons quelquefois et tes vers et les miens;
De ton aimable esprit nous célébrons les charmes ;
Ton nom se mêle encor à tous nos entretiens;
Nous lisons tes écrits, nous les baignons de larmes.
Loin de nous à jamais ces mortels endurcis,
Indignes du beau nom, du nom sacré d'amis,

Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eux-même,
Au monde, à l'inconstance ardens à se livrer,
Malheureux dont le cœur ne sait pas comme on aime,
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer!

VOLTAIRE.

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