Oui, sans regret, du flambeau de mes jours Je vois déjà la lumière éclipsée.
Tu vas bientôt sortir de ma pensée, Cruel objet des plus tendres amours! Ce triste espoir fait mon unique joie.... Soins importuns, ne me retenez pas. Éléonore a juré mon trépas ;
Je veux aller où sa rigueur m'envoie, Dans cet asile ouvert à tout mortel, Où du malheur on dépose la chaîne, Où l'on s'endort d'un sommeil éternel, Où tout finit, et l'amour et la haine. Tu gémiras, trop sensible Amitié! De mes chagrins conserve au moins l'histoire ; Et que mon nom sur la terre oublié Vienne parfois s'offrir à ta mémoire ! Peut-être alors tu gémiras aussi, Et tes regards se tourneront encore Sur ma demeure, ingrate Éléonore, Premier objet que mon cœur a choisi. Trop tard, hélas! tu répandras des larmes. Oui, tes beaux yeux se rempliront de pleurs.
Je te connais; et, malgré tes rigueurs, Dans mon amour tu trouves quelques charmes. Lorsque la mort, favorable à mes vœux De mes instans aura coupé la trame; Lorsqu'un tombeau, triste et silencieux, Renfermera ma douleur et ma flamme; O mes amis, vous que j'aurai perdus, Allez trouver cette beauté cruelle,
Et dites-lui: C'en est fait, il n'est plus ! Puissent les pleurs que j'ai versés pour elle M'être rendus!... Mais non, dieu des amours, Je lui pardonne; ajoutez à ses jours Les jours heureux que m'ôta l'infidèle!
Nous renaissons, ma chère Eléonore; Car c'est mourir que de cesser d'aimer. Puisse le noeud qui vient de se former Avec le temps se resserrer encore ! Devions-nous croire à ce bruit imposteur, Qui nous peignit l'un à l'autre infidèle ! Notre imprudence a fait notre malheur.... Je te revois plus constante et plus belle.
Règne sur moi; mais règne pour toujours! Jouis en paix de l'heureux don de plaire; Que notre vie, obscure et solitaire, Coule en secret sous l'aile des Amours, Comme un ruisseau qui, murmurant à peine, Et dans son lit resserrant tous ses flots, Cherche avec soin l'ombre des arbrisseaux, Et n'ose pas se montrer dans la plaine. Du vrai bonheur les sentiers peu connus Nous cacheront aux regards de l'envie ; Et l'on dira, quand nous ne serons plus: Ils ont aimé; voilà toute leur vie !
AU GAZON FOULÉ PAR ÉLÉONORE.
TRÔNE de fleurs, lit de verdure,
Gazon planté par les Amours, Recevez l'onde fraîche et pure
Que ma main vous doit tous les jours! Couronnez-vous d'herbes nouvelles ; Croissez, gazon voluptueux;
Qu'à midi Zéphire amoureux
Vous porte le frais sur ses ailes; Que ces lilas entrelacés,
Dont la fleur s'arrondit en yoûte,
Sur vous, mollement renversés, Laissent échapper goutte à goutte Les pleurs que l'Aurore a versés! Sous les appas de ma maîtresse Ployez toujours avec souplesse ; Mais sur-le-champ relevez-vous : De notre amoureux badinage Ne gardez point le témoignage; Vous me feriez trop de jaloux.
O ciel! après huit jours d'absence, Après huit siècles de désirs, J'arrive, et ta froide prudence Recule l'instant des plaisirs Promis à mon impatience!
« D'une mère je crains les yeux; » Les nuits ne sont pas assez sombres; » Attendons plutôt qu'à leurs ombres » Phébé ne mêle plus ses feux.... » Ah! si l'on allait nous surprendre!.... » Remets à demain ton bonheur; » Crois-en l'amante la plus tendre, >> Crois-en ses yeux et sa rougeur; » Tu ne perdras rien pour attendre. »
Voilà les vains raisonnemens Dont tu veux payer ma tendresse; Et tu feins d'oublier sans cesse Qu'il est un dieu pour les amans. Laisse à ce dieu qui nous appelle Le soin d'assoupir les jaloux, Et de conduire au rendez-vous Le mortel sensible et fidèle Qui n'est heureux qu'à tes genoux. N'oppose plus un vain scrupule A l'ordre pressant de l'Amour. Quand le feu du désir nous brûle, Hélas! on vieillit dans un jour.
EN est donc fait, par des tyrans cruels, Malgré ses pleurs, à l'autel entraînée, Elle a subi le joug de l'hyménée!
Elle a détruit, par des nœuds solennels,
Les nœuds secrets qui l'avaient enchaînée! Et moi, long-temps exilé de ces lieux, Pour adoucir cette absence cruelle, Je me disais: Elle sera fidèle;
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