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J'en crois son cœur et ses derniers adieux....
Dans cet espoir, j'arrivais sans alarmes;
Je tressaillais, en arrêtant mes yeux
Sur le séjour qui cachait tant de charmes;
Et le plaisir faisait couler mes larmes.
Je payai cher ce plaisir imposteur.

Prêt à voler aux pieds de mon amante,
Dans un billet tracé par l'inconstante
Je lis son crime, et je lis mon malheur!
Un coup de foudre eût été moins terrible!...
Éléonore! ô dieux! est-il possible!

Il est donc fait et prononcé par toi
L'affreux serment de n'être plus à moi!...
Éléonore, autrefois si timide,

Éléonore aujourd'hui si perfide!....

De tant de soins voilà donc le retour!
Voilà le prix d'un éternel amour!

Car ne crois pas que jamais je t'oublie :
Il n'est plus temps; je le voudrais en vain;
Et, malgré toi, tu feras mon destin.
Je te devrai le malheur de ma vie !
En avouant ta noire trahison,

Tu veux encor m'arracher ton pardon:
Pour l'obtenir, tu dis que mon absence
A tes tyrans te livra sans défense.
Ah! si les miens, abusant de leurs droits,
Avaient voulu me contraindre au parjure,
Et m'enchaîner sans consulter mon choix,

L'Amour, plus saint, plus fort que la nature,

Aurait bravé leur injuste pouvoir;

De la constance il m'eût fait un devoir.
Mais ta prière est un ordre suprême.
Trompé par toi, rejeté de tes bras,
Je te pardonne, et je ne me plains pas....
Puisse ton cœur te pardonner de même!

LES ADIEUX.

SÉJOUR triste, asile champêtre,
Qu'un charme embellit à mes yeux,
Je vous fuis pour jamais peut-être ;
Recevez mes derniers adieux!

En vous quittant mon cœur soupire....
Ah! plus de chansons, plus d'amours!
Éléonore !... oui, pour toujours
Près de toi je suspends ma lyre!

IL

LE DÉPART.

L est temps, mon Éléonore,

De mettre un terme à nos erreurs;
Il est temps d'arrêter les pleurs
Que l'amour nous dérobe encore.

Il disparaît l'âge si doux,

L'âge brillant de la folie!

Lorsque tout change autour de nous,
Changeons, ô mon unique amie!
D'un bonheur qui fuit sans retour
Cessons de rappeler l'image;
Et des pertes du tendre Amour
Que l'Amitié nous dédommage.
Je quitte enfin ces tristes lieux
Où me ramena l'Espérance,
Et l'Océan entre nous deux
Va mettre un intervalle immense!
Il faut même qu'à mes adieux
Succède une éternelle absence!
Le devoir m'en fait une loi.
Sur mon destin sois plus tranquille;
Mon nom passera jusqu'à toi :
Quel que soit mon nouvel asile,
Le tien parviendra jusqu'à moi.
Trop heureux si tu vis heureuse;
A cette absence douloureuse
Mon cœur pourra s'accoutumer.
Mais ton image va me suivre ;
Et si je cesse de t'aimer,

Crois que j'aurai cessé de vivre.

DES AMOURS DE BERTIN.

Antoine Bertin naquit le 10 octobre 1752, à l'ile Bourbon, comme Parny. On l'envoya en France en 1761. Il n'avait que seize ans lorsqu'il remporta en troisième le prix d'honneur au collège du Plessis. Son premier recueil de poésies parut en 1773; ses Amours, en 1782. Moins tendre, et peut-être moins naturel que Parny, son compatriote, et son rival de gloire dans le genre érotique, Bertin, doué d'une imagination brillante, dut son succès à des peintures vives, à des descriptions riches, variées, pétillantes de pensées et d'images gracieuses.

Ces deux jeunes rivaux furent toujours amis; le même lieu les avait vus naître, les mêmes affections les rassemblaient. Jamais la plus petite jalousie d'auteurs ne vint altérer leur liaison intime (1).

Bertin était entré au service du roi : il était capitaine de cavalerie et chevalier de Saint-Louis. A la fin de 1789, il passa à Saint-Domingue, dans l'espoir d'y obtenir la main d'une jeune créole qu'il avait vue à Paris, et qui l'avait devancé en Amérique. La célébration du mariage devait avoir lieu au commencement de juin 1790. La surveille de ce jour, Bertin tomba dangereusement

(1) Voyez, au tome VIII (Épîtres familières et badinesĮ, V'épitre de Parny à Bertin, et celle de Bertin à Parny.

malade; il demanda que son mariage se fit dans sa chambre; mais à peine eut-il prononcé le oui solennel, qu'il s'évanouit. Cet évanouissement fut très-long; on le crut mort; on éloigna sa jeune épouse; au bout de quarante-huit heures ses yeux se rouvrirent; mais ses idées ne revinrent pas; son état tenait de l'imbécillité, et cet état ne changea point jusqu'au dix-septèime jour de sa maladie, qui fut celui de sa mort.

A EUCHARIS.

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nom qui pare mes écrits Ah! ne soyez point alarmée :

C'est vous que je nomme Eucharis,
O vous! des beautés de Paris,
La plus belle et la mieux aimée !
Sous ce voile mystérieux
Cachons nos voluptés secrètes;
Dérobons-nous à tous les yeux;
Vous me ferez trop d'envieux
Si l'on sait jamais qui vous êtes.
C'est vous que, sous des noms divers,
Mes premiers chants ont célébrée :
Eucharis dans mes derniers vers
Restera seule consacrée.

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