Ah! puissent nos deux noms tracés Par Vénus être un jour placés Et de Tibulle et de Délie! Dans l'art de plaire et d'être heureux, PORTRAIT D'EUCHARIS. REGARDEZ Eucharis, vous qui craignez d'aimer, Et vous voudrez mourir du feu qui me dévore; Vous, dont le cœur éteint ne peut plus s'enflammer, Regardez Eucharis, vous aimerez encore ! Il faut brûler, quand, de ses flots mouvans, La plume ombrage, en dais, sa tête enorgueillie; Il faut brûler, quand l'haleine des vents Disperse ses cheveux sur sa gorge embellie! Un air de négligence, un air de volupté, Le sourire ingénu, la pudeur rougissante! Les diamans, les fleurs, l'hermine éblouissante, Et la pourpre et l'azur, tout sied à sa beauté. Que j'aime à la presser! quand sa taille légère Tout l'instrument frémit sous ses deux mains errantes; Tel brille un astre pur dans le mobile ombrage; Se laissant voir à travers un nuage! O vous qui disputez le prix, Le prix des talens et des charmes, Je n'ai qu'à montrer Eucharis, Vous rougirez, et vous rendrez les armes. On parle de Théone, on vante tour-à-tour Euphrosine et Zulmé, ces deux sœurs de l'Amour; Aglaure, Issé, Corine, et Glicère et Julie, Et mille autres beautés, ornemens de la cour; Eucharis est plus belle, et cent fois plus jolie. Dans le temple de Melpomène, On lui battit des mains, on la prit pour la reine; LE DÉLIRE. QUE UE peut demander aux dieux Qu'il regrette ou qu'il envie. Qu'un autre amasse en paix les épis jaunissans Que l'avide marchand s'éveille, Et quitte, sans pitié, le maternel séjour, Qu'il brave et les sables brûlans Et les glaces hyperborées; Qu'il fatigue les mers, qu'il enchaîne les vents, Pourvu que sur mon cœur je presse tes appas, Loin du tumulte et des alarmes, Je vivrais avec toi dans le fond des forêts: De reprendre, le soir, un pénible sillon, J'accueillerais une aimable indigence, Que si des dieux, sans toi, la barbare indulgence Mettait à mes genoux l'Europe et l'Orient. Que m'importe l'Euphrate et son luxe superbe? Que m'importe Paris et son art dangereux? Si tous deux enfoncés dans l'épaisseur de l'herbe, Ou dans ces blés flottans, dont l'or, sur tes cheveux, Ornement importun, vient se courber en gerbe, Je te trouve plus belle, et moi plus amoureux? Ah! loin des faux plaisirs dont la richesse abonde, Crois-moi, l'amant heureux qui, seul au fond du bois, Te caresse au doux bruit et des vents et de l'onde, Est au-dessus des rois qui gouvernent le monde, Est au-dessus des dieux qui gouvernent les rois. LA JALOUSIE. MAIS pourquoi donc ce rival odieux Que veut cette foule idolâtre De papillons dorés, d'insectes orgueilleux, Elégies. 23 |