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Qui bourdonne à ta suite, et t'annonce en tous lieux?
Que fais-tu la dernière au sortir du théâtre?
Que fais-tu la première au temple de nos dieux?
Pardonne, ô ma jeune maîtresse!
Mon cœur s'inquiète aisément.

Je l'avoûrai, dans ma fougueuse ivresse,
Je ne sais point aimer paisiblement.
L'oiseau qui dans ton sein repose mollement,
Et de son bec saisit ta langue enchanteresse,
D'un enfant au berceau l'innocente caresse
Un baiser de ta sœur alarme ma tendresse,
Et désespère ton amant.

Je suis jaloux de l'ouvrier habile
Qui de ton corps mesure les contours;
Je suis jaloux de ce marbre immobile
Qui, tous les soirs, te voit changer d'atours;
Je suis jaloux de toute la nature;

Et, malheureux, jour et nuit tourmenté,
Je crois voir un rival caché dans ta ceinture,
Et sous le tissu fin qui voile ta beauté.
Revenez, revenez, doux enfans de Cythère;
Ramenez-nous la paix et les aimables jeux;
Cachez à mes rivaux mon crime involontaire,
Couvrez ces vils combats des ombres du mystère;
Eucharis me sourit, ma grâce est dans ses yeux!.....

L'ESPOIR TROMPÉ.

QUAND je perdais les plus beaux de mes jours
Si doucement aux pieds de ma maîtresse,
J'imaginais, dans ma crédule ivresse,
Qu'un tel bonheur devait durer toujours.
Qu'importe, hélas! me disais-je à moi-même,
Que le temps vole? il doit peu m'alarmer.
Après mille ans peut-on cesser d'aimer
Ce qu'une fois éperdûment on aime?

Quand j'aurai vu, moins bouillant dans mes vœux,
S'évanouir les erreurs du bel âge,

Et que mon front, dégarni de cheveux,
M'avertira qu'il est temps d'être sage,
Rendu pour lors à mes premiers penchans,
J'irai, j'irai loin d'un monde volage,
De mes aïeux cultiver l'héritage,
Tondre ma vigne et labourer mes champs.
Dans mon foyer ma compagne fidèle,
Mon Eucharis viendra donner des lois;
Le doux ramier reconnaîtra sa voix,
Et mes agneaux bondiront autour d'elle.
Elle saura, dans la saison nouvelle,
Porter des fleurs au jeune dieu des bois:

Elle saura, puissant fils de Sémèle,
T'offrir les dons du plus riche des mois,
Et surcharger ta couronne immortelle
D'un raisin mûr qui rougira ses doigts.
Mon Eucharis fermera ma paupière.
Oui, je mourrai dans ses embrassemens;
Et là, sans pompe, un jour, la même pierre,
Sous des cyprès, unira deux amans.
Je le disais: quelle erreur insensée !
Quel fol espoir enivrait ma pensée !
Les vents, hélas! en tourbillons fougueux,
Sur l'Océan ont emporté mes vœux.
Mon Eucharis est trompeuse et parjure!
Qu'ai-je donc fait? et quelle est son injure?
Ai-je un seul jour, négligeant ses attraits,
A ses beaux yeux coûté de tristes larmes ?
Ai-je, la nuit, dans des festins secrets,
Par mes clameurs ou mes chants indiscrets,
En l'éveillant, excité ses alarmes?
Dans mon malheur si j'ai pu l'offenser,
Je cours m'offrir à sa main vengeresse:
De tout mon sang je suis près d'effacer
Les pleurs jaloux qu'a versés sa tendresse.
Mais tremble, ô toi qui ris de mon tourment!
Tremble! l'Amour t'en réserve un terrible:
Censeur malin, crains cet arc invincible,
Qui, d'un seul coup, frappe et venge un amant.
Pour avoir ri des maux de la jeunesse,

A ses chagrins pour avoir insulté,

Que d'imprudens j'ai vus, dans leur vieillesse, Tendre leurs mains aux fers de la beauté,

Balbutier un aveu ridicule,

Se parfumer, parer leurs cheveux blancs;
Et, tout transis au pied d'un vestibule,
De leur martyre amuser les passans!
Ah! si je puis, revoyant l'inhumaine,
Seule un instant du moins l'entretenir;
A ses genoux si le sort me ramène,
Peut-être, hélas! mes tourmens vont finir.
Mon Eucharis connaîtra ma tendresse ;
Elle craindra de me désespérer:
Heureux l'amant quitté de sa maîtresse,
Qui la rencontre, et qu'elle voit pleurer!

E

LA DOULEUR.

Je n'ai plus d'Eucharis : que m'importe la vie?
O nuit! viens dans ton ombre ensevelir mes yeux !
Je n'ai plus d'Eucharis; après sa perfidie,

Je ne veux plus revoir la lumière des cieux.
Moi qui, près d'elle assis dans son char radieux,
Marchais environné de la publique envie !
Moi qui, paisible roi, dans son âme asservie,
Eclipsais l'univers, effaçais tous les dieux!

De sa haine aujourd'hui, monument déplorable,
Dans la foule importune esclave confondu,
Triste, et mouillant de pleurs sa porte inexorable,
Hélas! j'exhale en vain ma plainte misérable
Au milieu des frimas sur la pierre étendu!
Le voilà donc le prix de ma longue tendresse!
Qui croira désormais à ses attraits menteurs?
Après sept ans entiers de bonheur et d'ivresse,
Il faut me détacher de ses bras enchanteurs.
Je vais donc maintenant, tel qu'un ramier sauvage,
Qui, sur le rocher nu, lamente ses ennuis,
Seul dans un lit désert, déplorant mon veuvage,
Mesurer tristement le cercle entier des nuits?
Du moins, l'amant trahi d'une beauté cruelle,
Qui, ne pouvant fléchir ses injustes mépris,
Se venge en l'imitant, forme une amour nouvelle,
D'un regret moins amer voit ses beaux jours fiétris:
Mon sort à moi, mon sort, en perdant Eucharis,
Est de ne pouvoir plus aimer une autre qu'elle!
Employez l'artifice, étalez mille atours;

Non, vous ne m'aurez point, orgueilleuses maîtresses;
Eucharis a reçu mes premières caresses,

Eucharis obtiendra mes dernières amours.

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