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Je sens que la vertu veut reprendre ses droits:
Aidez une âme faible à pratiquer ses lois :
De ses égaremens mon esprit se dégage;
Mais votre idée encore affaiblit mon courage.
Divin attrait des cœurs! charme victorieux!
Grâce adorable! enfin tu dessilles mes yeux :
Tu verses dans mon sein la force et la lumière:
A l'amour de mon Dieu tu me rends tout entière.
Tu me fais retrouver l'innocence et la paix :
Tu captives mes sens, et remplis mes souhaits.
Seigneur, c'est ta bonté, c'est ta main secourable
Qui ferme sous mes pas cet abîme effroyable;
Sans toi je m'y plongeais; déjà même l'erreur
A l'endurcissement avait livré mon cœur.
J'étais sourde à ta voix ; et bravant ta colère,
J'étouffais du remords le trouble salutaire.
Mon aveugle fureur m'occupait nuit et jour,
Et je ne connaissais d'autre dieu que l'Amour.
Mais qui peut avec toi balancer la victoire ?
Nos forfaits les plus grands font éclater ta gloire;
Et le cœur le plus dur, quand tu veux l'attendrir,
A tes impressions lui-même vient s'offrir.

HELOISE.

D'HÉLOÏSE ET D'ABEILARD,

PAR COLARDEAU.

Nota. Ces lettres ne sont point traduites de l'original comme celles que l'on vient de lire. Elles ne sont que la traduction de deux lettres imaginaires de Pope.

HELOISE A ABEILARD.

(Héloïse, dans sa cellule du Paraclet, est censée occupée à lire une lettre d'Abeilard; elle y répond.)

DANS

ANS ces lieux habités par la simple innocence,
Où règne avec la paix un éternel silence;

Où les cœurs, asservis à de sévères lois,
Vertueux par devoir, le sont aussi par choix,
Quelle affreuse tempête, à mon repos fatale,
S'élève dans les sens d'une simple vestale?

De mes feux mal éteints qui ranime l'ardeur?
Amour, cruel amour! renais-tu dans mon cœur?
Hélas! je me trompais; j'aime, je brûle encore.
O nom cher et fatal!... Abeilard..., je t'adore.
Cette lettre, ces traits, à mes yeux si connus,
Je les baise cent fois; cent fois je les ai lus:

De sa bouche amoureuse Héloïse les presse...

Abeilard! cher amant!... Mais quelle est ma faiblesse ?
Quel nom, dans ma retraite, osé-je prononcer?
Ma main l'écrit... eh bien! mes pleurs vont l'effacer.
Dieu terrible, pardonne; Héloïse soupire...

Au plus cher des époux tu lui défends d'écrire ;
A tes ordres cruels Héloïse souscrit...

Que dis-je? mon cœur dicte... et ma plume obéit.
Prisons où la vertu, volontaire victime,
Gémit et se repent, quoique exempte du crime;
Où l'homme, de son être imprudent destructeur,
Ne jette vers le ciel que des cris de douleur ;
Marbres inanimés, et vous, froides reliques,
Que nous ornons de fleurs, qu'honorent nos cantiques,
Quand j'adore Abeilard, quand il est mon époux,
Que ne suis-je insensible et froide comme vous!
Mon Dieu m'appelle en vain du trône de sa gloire;
Je cède à la nature une indigne victoire;
Les cilices, les fers, les prières, les vœux,
Tout est vain, et mes pleurs n'éteignent pas mes feux.
Au moment où j'ai lu ces tristes caractères,
Des ennuis de ton cœur secrets dépositaires,
Abeilard, j'ai senti renaître mes douleurs.

Cher époux! cher objet de tendresse et d'horreurs!
Que l'amour dans tes bras avait pour moi de charmes!
Que l'amour loin de toi me fait verser de larmes!
Tantôt je crois te voir, de myrte couronné,
Heureux et satisfait, à mes pieds prosterné

Tantôt, dans les déserts, farouche et solitaire,

Le front couvert de cendre, et le corps sous la haire,
Besséché dans ta fleur, pâle et défiguré,

A l'ombre des autels, dans le cloître ignoré.
C'est donc là qu’Abeilard, que sa fidèle épouse,
Quand la religion, de leur bonheur jalouse,
Brise les nœuds chéris dont ils étaient liés,
Vont vivre indifférens, l'un par l'autre oubliés!
C'est là que, détestant et pleurant leur victoire,
Ils fouleront aux pieds et l'amour et la gloire!
Ah! plutôt écris-moi ; formons d'autres liens :
Partage mes regrets... je gémirai des tiens.
L'écho répétera nos plaintes mutuelles :
L'écho suit les amans malheureux et fidèles.
Le sort, nos ennemis ne peuvent nous ravir
Le plaisir douloureux de pleurer, de gémir;
Nos larmes sont à nous... nous pouvons les répandre.
Mais Dieu seul, me dis-tu, Dieu seul y doit prétendre.
Cruel! je t'ai perdu, je perds tout avec toi!

Tout m'arrache des pleurs... tu ne vis plus pour moi!
C'est pour toi... pour toi seul que couleront mes larmes;
Aux pleurs des malheureux Dieu trouve-t-il des charmes?
Ecris-moi, je le veux; ce commerce enchanteur,
Aimable épanchement de l'esprit et du cœur,
Cet art de converser sans se voir ni s'entendre;
Ce muet entretien, si charmant et si tendre ;
L'art d'écrire, Abeilard, fut sans doute inventé
Par l'amante captive et l'amant agité.

Tout vit par la chaleur d'une lettre éloquente :

Le sentiment s'y peint sous les doigts d'une amante;

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Son cœur s'y développe; elle peut, sans rougir,

Y mettre tout le feu d'un amoureux désir.
Hélas! notre union fut légitime et pure;

On nous en fit un crime, et le ciel en murmure!
A ton cœur vertueux quand mon cœur fut lié,
Quand tu m'offris l'amour sous le nom d'amitié,
Tes yeux brûlaient alors d'une douce lumière;
Mon âme dans ton sein se perdit tout entière :
Je te croyais un Dieu, je te vis sans effroi ;
Je cherchais une erreur qui me trompât pour toi.
Ah! qu'il t'en coûtait peu pour charmer Héloïse!
Tu parlais... à ta voix tu me voyais soumise ;
Tu me peignais l'Amour bienfaisant, enchanteur...
La persuasion se glissait dans mon cœur:
Hélas! elle y coulait de ta bouche éloquente;
Tes lèvres la portaient sur celle d'une ainante.
Je t'aimai... je connus, je suivis le plaisir ;
Je n'eus plus de mon Dieu qu'un faible souvenir.
Je t'ai tout immolé, devoir, honneur, sagesse :
J'adorais Abeilard, et, dans ma douce ivresse,
Le reste de la terre était perdu pour moi;
Mon univers, mon Dieu, je trouvais tout en toi.
Tu le sais ; quand ton âme, à la mienne enchaînée,
Me pressait de serrer les nœuds de l'hyménée,
Je t'ai dit : «Cher amant, hélas ! qu'exiges tu?
L'amour n'est point un crime ; il est une vertu:

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