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anique; mais je vous avais toujours méprisé jus« qu'ici, parce que je jugeais plus à propos de vous « laisser dans votre erreur, que d'aigrir par mes dis«<cours un homme furieux et emporté. Je n'agissais « pas ainsi sans être appuyé sur une autorité divine, « puisqu'il est écrit (1):

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« Ne parle point aux oreilles d'un insensé; car il méprisera la sagesse de ton discours.

« Et encore (2) :

« Ne réponds pas au fou selon sa folie, de peur a que tu ne lui deviennes semblable.

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« De même Notre Seigneur nous ordonne de

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<< der pour nous les vérités que nous connaissons, et de ne pas les exposer à être foulées aux piés des «< chiens et des pourceaux. Il dit en effet (3):

« Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint, et ne jetez point vos perles devant les pourceaux, de peur « qu'ils ne les foulent aux piés, et que, se retournant, « ils ne vous déchirent.

« Et véritablement, comme je voyais que vous « veniez me voir souvent pour contredire plutôt que pour apprendre, et que vous ne fesiez que criailler « au lieu de m'écouter doucement, il me semblait qu'il n'y avait aucun avantage à disputer contre « vous, puisqu'il est plus aisé de surmonter le bruit « des vagues émues, que d'arrêter les saillies de votre

(1) Proverbes, XXIII, 9.

(2) Id., XXVI, 4.

3 Évangile de saint Matthieu, VII, 6.

« rage, et que c'est perdre sa peine de présenter la « lumière à un aveugle, de parler à un sourd et d'in«< struire une bête. C'est ce qui m'avait obligé à gar<< der le silence jusqu'à présent pour tâcher de vaincre << votre opiniâtreté par ma patience, voyant que vous « étiez trop indocile pour être instruit, trop impie « pour céder aux motifs puisés dans la religion, et << trop furieux pour vous apaiser par la douceur. << Mais puisque vous passez maintenant plus avant, « et que vous dites qu'on nous accuse d'être cause « des guerres, des pestes et des famines, il ne faut plus se taire désormais, de peur qu'on ne l'attribue plutôt à notre faiblesse qu'à notre modération, et « que, tandis que nous méprisons de répondre aux «< crimes qu'on nous impute, il ne semble que nous <<< en demeurions d'accord. Je vais donc vous répondre, à vous et à ceux que vous avez peut-être indisposés contre nous par vos médisances. J'espère << que ceux-ci ne laisseront cependant pas d'entendre « raison, puisqu'il y a bien de l'apparence que ceux « à qui le mensonge a donné de mauvaises impres«sions sur nous, en jugeront équitablement lorsqu'ils « connaîtront la vérité.

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« Vous dites donc que c'est nous qui sommes «< cause de tous les malheurs qui affligent maintenant les hommes, parce que nous n'adorons pas vos « Dieux. Mais puisque vous ignorez tellement les

choses divines, il faut vous apprendre d'abord que « le monde est déjà sur son déclin, et qu'il n'a plus « la même force ni la même vigueur qu'autrefois.

« Il n'est pas besoin, pour le prouver, de rapporter des « autorités de la sainte Écriture: le monde lui-même a dit et témoigne assez, par la décadence de toutes « choses, qu'il approche de sa fin. Il ne tombe plus tant ⚫ de pluies en hiver pour nourrir les semences; le soa leil n'est plus si chaud en été pour mûrir les fruits; « le printems n'est plus si agréable, ni l'automne si a fécond. Les carrières de marbre, comme si elles « étaient lasses, n'en fournissent plus tant, et les amines d'or et d'argent sont épuisées. Les terres « demeurent incultes, les mers sans pilotes, les ar« mées sans soldats. Il n'y a plus d'innocence au bar«reau, de justice parmi les juges, d'union entre les « amis, d'industrie dans les arts, de discipline dans « les mœurs. Croyez-vous qu'une chose qui est sur « son retour puisse être aussi vigoureuse qu'elle était << premièrement. Il faut nécessairement que tout ce

qui tend vers sa fin dépérisse. Ainsi, lorsque le so« leil va se coucher, ses rayons deviennent plus lan« guissans. Ainsi la lune, sortant de son plein, perd << tous les jours quelque chose de sa lumière; et un << arbre, qui d'abord était fertile et verdoyant, lors« qu'il est vieux, devient sec et difforme. Une fona taine subit la même décadence. Au commencement, << elle fait couler ses eaux en abondance; elle tarit << enfin par le cours des années, et fournit à peine « un filet d'eau. C'est une loi de Dieu et de la nature, « que tout ce qui commence marche vers sa fin, et qu'après qu'une chose est arrivée jusqu'à certain

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point de force et de grandeur, elle déchoit, s'affai

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«< blit et enfin se détruit. Quand donc vous imputėz << aux chrétiens de ce que, dans la vieillesse du monde, <<< toutes choses empirent, c'est comme si les vieillards << s'avisaient de leur imputer les incommodités de la <«< vieillesse, et disaient que ce sont eux qui sont cause qu'ils n'entendent plus si distinctement, que leur « vue n'est pas aussi bonne, qu'ils ne sont pas si agiles, ni si robustes, ni si sains, et qu'au lieu que « l'on vivait autrefois huit et neuf cens ans (1), à peine s'en trouve-t-il maintenant qui aillent jusqu'à «< cent. Nous voyons des enfans qui sont déjà tout << blancs. Leurs cheveux périssent avant qu'ils soient « venus, ils ne finissent pas, mais ils commencent << par la vieillesse. C'est ainsi que toutes choses main<< tenant, du point de leur naissance, se précipitent à << leur mort, et se ressentent de l'affaiblissement gé"néral du monde. >>

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J'interromprai un instant ici saint Ciprien pour observer qu'il fesait ici la faute que font presque tous les hommes. Il voyait l'empire romain dépérir, et, jugeant du monde entier par ce qui arrivait à cet empire, il s'imaginait que le monde allait finir. Il ne voyait pas que la société romaine, en perdant son existence politique, s'en créait une autre qui la rendrait peut-être plus heureuse et plus vivace. L'homme en général doit se défier de lui-même lorsqu'il veut

(1) Des vies aussi longues ne se trouvent que dans l'histoire des dix premiers patriarches hébreux qui ont vécu avant le déluge Voyez ce que j'en ai dit dans les Mémoires pour servir à l'histoire ancienne du globe, tome X, p. 197.

prévoir l'avenir, et c'est ici le cas de se souvenir de ce que j'ai dit (1) sur la vanité de nos sciences. Saint Ciprien va parler avec plus de force, en fesant voir combien la croyance d'un seul Dieu était supérieure au polithéisme.

Première suite du Traité contre Démétrien. Nécessité de la croyance d'un seul Dieu.

253.

XCIX. « Pour ce qui est des guerres, des stérili«tés, des maladies, qui sont plus fréquentes à présent qu'autrefois, sachez qu'il a été prédit que, dans les << derniers tems, les maux se multiplieront, et qu'à l'approche du jugement, la colère de Dieu s'allu<< mera de plus en plus contre les hommes, et leur << enverra de plus terribles fléaux. Ces malheurs n'arrivent pas, comme vous le publiez faussement, parce « que nous n'adorons pas vos dieux, mais parce que << vous n'adorez pas le vrai Dieu. Car, comme il est « l'arbitre du monde, et que rien ne s'y fait que par « son ordre ou avec sa permission, lorsqu'il arrive << des malheurs par lesquels il témoigne sa colère,

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(1) Tome XVI, p. 413.

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