« C'est ainsi que Job, après la perte de ses biens et « la mort de ses enfans, couvert de plaies et de pour<«< riture, ne fut pas vaincu, mais exercé, puisqu'au plus fort de ses souffrances il témoigna une patience « religieuse quand il dit (1) :

« Je suis sorti nu du sein de ma mère, et j'y re<< tournerai nu; Dieu m'a donné, Dieu m'a ôté : ainsi <«< il a plu au Seigneur: que le nom du Seigneur soit « béni !

<< Et sa femme, qui le voyait tant souffrir, voulant « lui persuader qu'il fallait faire des plaintes contre << Dieu et blasphemer, il lui dit (2) :

« Vous parlez comme une insensée. Si nous avons « reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n'en <«< recevrions-nous pas les maux?

« L'Écriture ajoute à cela (3) :

<< En toutes choses, Job ne pécha point par ses à lèvres.

« C'est donc très justement que Dieu lui rend ce témoignage (4):

« As-tu considéré mon serviteur Job? Il n'est pas <«< sur la terre d'homme semblable à lui, simple et droit, craignant le Seigneur et fuyant le mal.

<< Tobie de même, ayant perdu la vue après tant << d'actions d'une éclatante vertu, bénit Dieu, et cette << affliction ne lui servit qu'à relever sa gloire. Sa

(1) Job, 1, 21.

(2) Id., II, 10.

(3) Id., ibidem.

(4) Id., I, 8.

<«< femme s'efforçait de l'ébranler, et lui disait (1): Certes, toutes vos espérances ont été manifeste«ment vaines; et voilà ce que vous ont valu toutes « vos aumônes.

«

<< Mais il ne se laissa pas aller à la tentation la

grandeur de sa piété et de sa foi lui fesant suppor«ter constamment son affliction, il demeura toujours « ferme dans la crainte de Dieu, et mérita par ce « moyen d'en recevoir plus de graces et d'entendre << ses louanges de la bouche d'un ange même. Car « voici comment lui parla l'ange Raphaël (2):

« Il est honorable de révéler et de confesser les « œuvres de Dieu... Quand tu priais avec larmes, et « que tu ensevelissais les morts, et que tu laissais ton « repas, et que tu cachais durant le jour les morts « en ta maison, et que tu les ensevelissais la nuit,

je présentai ta prière au Seigneur : et parce que « tu étais agréable au Seigneur, il a été nécessaire « que la tentation t'éprouvât: et maintenant le Sei« gneur m'a envoyé pour prendre soin de toi, et « pour délivrer du démon la femme de ton fils, Sara. « Car je suis l'ange Raphaël, l'un des sept qui assis« tent devant le Seigneur.

« C'est cette patience que les justes ont toujours conservée; c'est la règle que Notre Seigneur a don« née à ses apôtres, et qu'ils ont aussi pratiquée très « exactement, de ne point murmurer dans l'adver

(1) Tobie, II, 22.

2. Id, XII, et 12, 13, 14, 15

« sité, mais de souffrir avec courage et patience tous << les maux de cette vie. L'adversité a toujours été <«< au contraire une pierre d'achoppement pour les « Juifs qui ont presque sans cesse murmuré contre << Dieu; comme Dieu lui-même le témoigne au livre << des Nombres, lorsqu'il dit (1):

« Que leurs murmures s'éloignent de moi, de peur qu'ils ne meurent!

<< Il ne faut point murmurer dans l'adversité, mes « très chers frères, mais souffrir patiemment tout ce qui arrive, puisqu'il est écrit que (2):

« Le sacrifice que Dieu demande est une ame bri«<sée de douleur; vous ne dédaignerez pas, Seigneur, « un cœur contrit et humilié.

<< Le Saint-Esprit dit aussi au Deuteronome par << la bouche de Moïse (3) :

« Dieu a voulu vous affliger et vous éprouver; il <«< a voulu faire connaître ce qui était caché au fond <«< de votre cœur, et si vous garderiez ou non ses «< commandemens.

<< Et encore (4):

« Le Seigneur votre Dieu vous éprouve, afin qu'il paraisse si vous l'aimez ou non de tout votre cœur << et de toute votre ame.

« C'est ainsi qu'Abraham plut à Dieu, parce que, « pour lui plaire, il ne craignit point de perdre son

(1) Nombres, XVII, 10.

(2) Psaume L, 18.

(3) Dentéronome, VIII, 2. (4) Id., XIII, 3.

«

«< fils, et de commettre un parricide (1). Mais vous qui ne pouvez vous résoudre à perdre votre fils par << la loi commune de cette mortalité, que feriez-vous « si l'on vous commandait de le faire mourir? La foi « et la crainte de Dieu doivent nous préparer contre « tous les événemens. Avez-vous perdu votre bien, « votre femme, vos enfans, vos proches? Êtes-vous << tourmentés de maladies longues et fâcheuses? Tout «< cela ne doit point être un sujet de scandale pour « vous, mais une sorte de triomphe; tout cela ne « doit servir qu'à faire éclater davantage la force d'un « véritable chrétien, à qui la certitude des biens à « venir doit faire mépriser tous les maux présens.

Seconde suite du Traité de la Peste.

253.

Il faut savoir lutter contre l'adversité.

CX. « Il ne peut y avoir de victoire sans combat, « ni de couronne sans victoire. La tempête fait con« naître un pilote, et la guerre un soldat. Il est aisé « de se vanter quand le péril n'est pas venu; mais « c'est l'adversité qui met la vertu à l'épreuve. Un

(1) Genèse, chap. XXII.

« arbre profondément enraciné n'est point ébranlé « par les secousses des vents: un vaisseau bien fait << et construit avec soin est poussé par les flots, mais « n'est point submergé : et quand on bat le blé dans « une grange, le bon grain méprise le vent, et il n'y « a que la paille qui soit emportée. Ainsi l'apôtre << saint Paul, après plusieurs naufrages, après avoir « été battu de verges, après avoir souffert une infi« nité de maux et de misères, n'appelle pas cela des peines, mais des exercices, et dit que cela n'a servi qu'à le mieux éprouver. Voici ses expressions (1) : « De peur que la grandeur de la révélation ne me <«< donne de l'orgueil, un aiguillon a été donné à ma <«< chair comme un ange de Satan pour me donner <«<< des soufflets. C'est pourquoi j'ai prié trois fois le Seigneur de l'éloigner de moi; il m'a répondu : Ma << grace te suffit; car la vertu se perfectionne dans la << faiblesse.

༥

« Lors donc qu'il arrive quelqu'infirmité ou quel« que disgrace, c'est alors que notre vertu se perfectionne, c'est alors que notre foi est couronnée, pourvu que nous la conservions inviolable au mi« lieu de ces épreuves, suivant cette parole de l'Écri« ture (2):

<«< La fournaise éprouve les vases du potier, et les <<< atteintes de la tribulation éprouvent les ames << justes.

(1) Seconde épître aux Corinthiens, XII, 7, 8, 9

(2) L'Ecclésiastique, XXVII, 6.