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Les Elévations sur les mystères sont un ouvrage non moins sublime par les pensées que par le style, et jamais titre ne fut mieux approprié à un livre. Il est difficile, en effet, de s'élever plus haut dans ces mystérieuses profondeurs, et de confesser plus magnifiquement la faiblesse des efforts de l'homme et l'impuissance de șa raison. Lorsque avec saint Jean, si bien surnommé le Fils du Tonnerre, il fait entendre sa voix imposante audessus de l'origine des temps; lorsqu'il commente cette parole si pleine d'éternité: Au commencement était le Verbe, on ne sait plus de saint Jean ou de Bossuet lequel nous étonne davantage; nous sommes éblouis par tant de lumière. Ils nous abattent, ils nous étourdissent. « Au commencement était le Verbe! Au commencement et avant tout commencement on ne le créait pas, il ne naissait pas, il ne commençait pas; il était ! »> Dans ce passage, Bossuet s'élève au-dessus de l'enthousiasme de la poésie lyrique, et nul effort du génie humain ne saurait le surpasser dans son vol.

Si ce Dictionnaire était un recueil de citations et de morceaux choisis, nous aurions voulu le remplir presque exclusivement d'emprunts faits à cet admirable modèle. Ici nous nous bornerons à citer deux pages sublimes de ses Oraisons funèbres, l'exorde de celle qu'il fit à la reine d'Angleterre, et la péroraison de celle du prince de Condé ; non que nous jugions nécessaire de rapporter ici des choses que tout le monde sait par cœur, mais parce que nous éprouvons le besoin de laisser parler le grand homme lui-même, et de terminer cet article qui le concerne par les seules paroles qui puissent être dignes de lui.

Exorde de loraison funèbre de la reine d'Angleterre.

Et nunc, reges, intelligite; erudimîni qui ju licatis terram. PSAL. I.

Maintenant, ô rois, apprenez; instruisez-vous, juges de la terre.

Monseigneur,

Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons. Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui: car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user comme il fait lui-même pour le bien du monde; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que, pour être assis sur le trône, ils n'en sont pas moins scus sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, nonseulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des

exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudidimini qui judicatis terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie, ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, la félicité sans bornes, aussi bien que les misères; une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changements inouïs; la rebellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté; une reine fugitive, qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par une princesse, malgré les tempêtes; l'océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, et pour des causes si différentes; un trône indignement renversé, et miraculeusement rétabli. Voilà les enseignements que Dieu donne aux rois: ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes; le cœur d'une grande reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé tout à coup dans un abîme d'amertumes, parlerà assez haut; et s'il n'est pas permis aux par¬ ticuliers de faire des leçons aux princes sur des événements si étranges, un roi me prête ses paroles pour leur dire: Et nunc, reges, intelligite; erudimini qui judicatis terram Entendez, ô grands de la terre; instruisezvous, arbitres du monde. Péroraison de l'oraison funèbre de Louis de Péroraison de l'oraison funèbre de Louis de Bourbon, prince de Condé.

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Venez, peuples, venez maintenant; mais venez plutôt, princes et seigneurs, et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel, et vous, plus que tous les autres, princes et princesses, nobles rejetons de tant de rois, lumières de la France, mais aujourd'hui obscurcies et couvertes de votre douleur comme d'un nuage; venez voir le peu qui nous reste d'une si auguste naissance, de tant de grandeur, de tant de gloire; jetez les yeux de toutes parts: voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence et la piété pour honorer un héros; des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n'est plus; des figures qui semblent pleurer autour d'un tombeau, et de tragiles images d'une douleur que le temps emporte avec

tout le reste; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu'au ciel le magnifique témoignage de notre néant; et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros; mais approchez en particulier, & vous qui courez avec tant d'ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides; quel autre fut plus digne de vous commander? mais dans quel autre avez-vous trouvé le commandement plus honnête? pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : Voilà celui qui nous menait dans les hasards; sous lui se sont formés tant de renommés capitaines que ses exemples ont élevés aux premiers honneurs de la guerre; son ombre eût pu encore gagner des batailles, et voilà que dans son silence son nom même nous anime, et ensemble il nous avertit que pour trouver à la mort quelque reste de nos travaux, et n'arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel. Servez donc ce roi immortel et si plein de miséricorde, qui vous comptera un soupir et un verre d'eau donné en son nom plus que tous les autres ne feront jamais tout votre sang répandu, et commencez à compter le temps de Vos utiles services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant. Et vous, ne viendrez-vous pas à ce triste monument, vous, dis-je, qu'il a bien voulu mettre au rang de ses amis? Tous ensemble, en quelque degré de sa confiance qu'il vous ait reçus, environnez ce tombeau, versez des larmes avec des prières, et, admirant dans un si grand prince une amitié si commode et un commerce si doux, conservez le souvenir d'un héros dont la bonté avait égalé le courage. Ainsi puisse-t-il toujours vous être un cher entretien! ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus, et que sa mort, que vous déplorez, vous serve à la fois de consolation et d'exemple! Pour moi, s'il m'est permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire, non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface; vous aurez dans cette image des traits immortels; je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. C'est là que je vous verrai plus triomphant qu'à Fribourg et à Rocroy; et, ravi d'un si beau triomphe, je dirai en action de grâces ces belles paroles du bien-aimé disciple: Et hæc est victoria quæ vincit mundum, fides nostra: « La véritable victoire, celle qui met sous nos pieds le monde entier, c'est notre foi. Jouissez, prince, de cette victoire, jouissez-en éternellement par l'immortelle vertu de ce sacrifice; agréez ces derniers efforts d'une voix qui vous fut connue: vous mettrez fin à tous ces discours.

Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte; heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie, les restes d'une voix qui tombe, et d'une ardeur qui s'éteint.

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BOURDALOUE. Le P. Bourdaloue, de la société de Jésus, d'abord professeur d'humanités, puis prédicateur célèbre, a laissé des sermons qui l'ont placé au premier rang parmi les orateurs chrétiens. Nous n'avons pas à l'étudier ici comme prédicateur, mais simplement comme écrivain religieux, et à ce titre nous vanterons comme elle le mérite l'excellence de ses discours. Personne ne sait mieux déduire, mieux diviser et mieux établir ses preuves. Son éloquence, profondément fondée en raison et en autorité, s'appuie sur une science forte, sur une logique sévère, et procède avec un ordre admirable remplissant exactement tout le cadre qu'il s'est tracé, au moyen d'une élocution abondante mais châtiée, austère mais avec élégance. Sa manière de concevoir, de distribuer et de traiter un sujet rappelle assez ces grandes lignes, belles mais un peu monotones des monuments religieux du siè cle de Louis XIV, sans avoir rien toutefois de la piété chagrine de Port-Royal et de la sécheresse systématique dont se sont plus ou moins attristés plusieurs moralistes célèbres de cette époque. Bourdaloue n'a jamais rien exagéré, ni rien affecté; sa parole dit tout ce qu'il veut dire, et rien que ce qu'il veut dire éloge qui suffirait pour le placer au premier rang parmi les écrivains sérieux de la littérature chrétienne. Ses sermons, pleins de substance, sont des traités complets dont la doctrine est toujours sûre, la division toujours exacte, la distribution toujours lumineuse, et l'exécution toujours entièrement satisfaisante. C'est par ces rares qualités que le P. Bourdaloue a toujours mérité au plus haut degré l'estime des esprits solides et la confiance des amis de la vérité.

« Le P. Bourdaloue, écrivait un de ses critiques, est plus avocat que prédicateur, plus propre à convaincre les gens d'esprit qu'à émouvoir le peuple. Il est admirable du côté du raisonnement, mais il a peu d'onction et même de pathétique. Il a cette force qui vient de la raison, du vrai mis dans son jour, d'un esprit solide et ferme; et non celle qui vient du sentiment des mouvements et d'un cœur tendre et affectueux. On pourrait dire de plusieurs prédicateurs qu'ils apportent des raisons plutôt qu'ils ne raisonnent, et qu'ils apportent des preuves plutôt qu'ils ne prouvent. Le P. Bourdaloue démontre, tant par les preuves directes les plus évidentes et les mieux choisies, que par la réfutation la plus complète et la plus entière de tout ce qu'on pourrait lui objecter avec la moindre vraisemblance. C'est surtout dans ce dernier point qu'il excelle: il réduit le pécheur au silence; il ne lui laisse ni prétexte ni excuse; il le force à se con

damner, à se mépriser lui-même, à rougir (le dirai-je ?) de sa sottise et de sa folie. Et voilà cette dialectique victorieuse, par laquelle le P. Cerutti le caractérise. Le P. Bourdaloue pénètre d'autant mieux le pécheur de cette honte salutaire, qu'en lui prouvant ce qu'il devrait être, il lui montre ce qu'il est. Le P. Bourdaloue connaissait parfaitement les hommes et le monde, le cœur et les mœurs, et il les peignait, ou, pour mieux dire, il les racontait, les exposait, les décrivait. Par là il intéressait, car rien n'intéresse plus que la peinture des mours. Mais ses descriptions, quoique vives, sont sans images. C'était un homme de grand sens plutôt qu'un homme d'esprit, ou plutôt qu'un homme d'imagination, à prendre ces termes dans le sens qu'on y attache d'ordinaire. Il a peu de ces traits qui peignent d'un mot, de ces expressions de génie qui présentent une idée commune sous une face toute nouvelle. Il n'étonne point en détail, mais il attache, il retient, il fixe et contente toujours. C'est une abondance continue, mais une abondance de choses, qui remplit, qui comble. Quand il a tout dit, on est surpris qu'il ait tant dit; et de l'étonne ment naît la réflexion. »

A toutes ces qualités si estimables, le P. Bourdaloue joignait un sens parfait des convenances, et tout ce qu'il y avait à dire il savait toujours le dire bien, sans offenser jamais ceux qu'il entreprenait de corriger. C'est ainsi qu'ayant à parler devant la cour sur l'ambition, il prend ces précautions oratoires:

« Plus votre rang vous distingue des autres, plus vous devez vous en approcher, plus vous devez, pour user de cette expression, vous humaniser; plus vous devez avoir de douceur, de modération, de charité. Si j'insiste sur cette morale, et si je le fais avec la sainte liberté de la chaire, vous ne pouvez la condamner. Quand je parle aux peuples, mon ministère m'oblige à leur apprendre le respect et l'obéissance qu'ils vous doivent; mais puisque je vous parle dans cette cour, puisque je parle à des grands, je dois leur dire ce qu'ils doivent aux peuples. »

Dans un autre sermon, traitant la question si délicate des attachements criminels et de la nécessité de les rompre, Bourdaloue combat ainsi les prétextes qu'on pour rait lui opposer:

« Je ne puis, dites-vous.-Vous ne le pouvez? Et mai je prétends, souffrez cette expression, oui, je prétends qu'en parlant de la sorte, vous mentez au Saint-Esprit et vous faites outrage à la grâce. Voulez-vous que je vous en convainque, mais d'une manière sensible, et à laquelle vous avouerez que le libertinage n'a rien à opposer? Ce ne sera pas pour vous confondre, mais pour vous instruire comme mes frères, et comme des hommes dont le salut doit m'être plus cher que ma vie même: Non ut confundam vos. La disposition où je vous vois m'est favorable pour cela; et Dieu m'a inspiré d'en pro

fiter. Elle me fournit une démonstration vive, pressante, à quoi vous ne vous attendez pas, et qui s'offrira pour votre condamnation, si vous n'en faites le motif de votre conversion... Ecoutez-moi, et jugez-vous. Il y en a parmi vous, et Dieu veuille que ce ne soit pas le plus grand nombre! qui se trouvent, au moment où je parle, dans des engagements de péché si étroits, à les en croire, et si forts, qu'ils désespèrent de pouvoir ja mais briser leurs idoles. Leur demander que, pour le salut de leur âme, ils s'éloignent de telle personne, c'est, disent-ils, leur de→ mander l'impossible. Mais cette séparation sera-t-elle impossible, dès qu'il faudra marcher pour le service du prince à qui nous faisons tous gloire d'obéir? Je m'en tiens à leur témoignage. Y a-t-il un d'eux qui, pour donner des preuves de sa fidélité et de son zèle, ne soit déjà disposé à partir et à quitter ce qu'il aime? Au premier bruit de la guerre qui commence à se répandre, chacun s'engage, chacun pense à se mettre en route; point de liaison qui le retienne; paint d'absence qui lui coûte et dont il ne soit résolu de supporter tout l'ennui. Si j'en doutais pour vous, je vous offenserais; et quand je le suppose comme indubitable, vous recevez ce que je dis comme un éloge et vous m'en savez gré. Je ne compare point ce qu'exige de vous la loi du monde et ce que la loi de Dieu vous commande. Je sais qu'en obéissant à la loi du monde vous conserverez toujours la même passion dans le cœur, et qu'il y faut renoncer pour Dieu; et certes,

est bien juste qu'il y ait de la différence entre l'un et l'autre, et que j'en fasse plus pour le Dieu du ciel que pour les puissances de la terre. Mais je veux seulement conclure de là que vous imposez donc à Dieu, quand vous prétendez qu'il n'est pas en votre pou voir de ne plus rechercher le sujet criminel de votre désordre, et de vous tenir au moins pour quelque temps, et pour vous éprouver vous-mêmes, loin de ses yeux et de sa présence; car, encore une fois, vous retiendra→ t-il quand l'honneur vous appellera? Avec quelle promptitude vous verra-t-on courir et voler au premier ordre que vous recevrez, et que vous vous estimerez heureux de recevoir? Quiconque aurait un moment ba lancé serait-il digne de vivre? Oserait-il paraître dans le monde ? N'en deviendrait-il pas la fable et le jouet? >>

On peut juger par ce passage de tout l'art et de toute l'habileté de l'orateur à combattre les mauvais penchants par les bons, et à chercher ses armes dans les cœurs mêmes et dans les habitudes do ceux qu'il instruit. Avec quels ménagements il les reprend! Avec quelle adresse il les circonvient en quelque sorte et les met dans ses intérêts, en faisant appel à des sentiments dont ils s'honorent ! Comme il sait en même temps effleurer délicatement l'amour-propre le plus légitime du roi qui l'écoute, et lui offrir un éloge d'autant plus délicat qu'il est moins direct!

Avec tant de tact et de convenance, le P.

Bourdaloue ne pouvait manquer de réussir à la cour de Louis XIV, qui aimait en même temps la piété dans les actes et la discrétion dans les manières. Bourdaloue avait cela de particulier, qu'il mettait toute la délicatesse

CALMET (Dom AUGUSTIN), savant estimahle, dont la vaste érudition et la bonne foi ne sont malheureusement pas toujours soutenues par une critique bien éclairée. On dit que Voltaire cherchait dans les traités de dom Calmet des objections contre la foi et les lui empruntait sans s'embarrasser des réponses. Dom Calmet mourut en 1757, à l'abbaye de Sénones, après avoir composé pour lui-même cette épitaphe:

HIC JACET

FRATER AUGUSTINUS CALMET
NATIONE LOTHARUS,
RELIGIONE CHRISTIANUS,
FIDE, ROM. CATHOL.
PROFESSIONE MONACHUS

ABBAS NOMINE.
LEGI, scripsi, ORAVI;
UTINAM! BENE,

Exspecto donec veniat immutatio mea.
Veni, Domine Jesu.
Amen,

Le Dictionnaire de la Bible de dom Calmet est un ouvrage très-utile, et l'on peut encore profiter beaucoup dans l'étude de ses Commentaires sur l'Ecriture sainte. Il publia vers la fin de sa vie un Traité des apparitions empreint d'une excessive crédulité. On lui reproche aussi d'avoir trop négligé son style.

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CAMPANELLA (THOMAS), — religieux dominicain, célèbre par son utopie communiste intitulée La cité du soleit, dont M. Villegardelle et madame Louise Collet ont publié récemment deux traductions. C'était un esprit ardent, ami passionné de la vérité et de la justice, mais ayant trop peu le tact des convenances et ne sachant pas régler son zèle. Aussi se fit-il des ennemis implacables, et eut-il à souffrir pendant vingt-sept ans tout ce que la méchanceté des hommes peut inventer d'atrocités et de tortures. Le grand tort de Campanella était de rêver pour les hommes dégradés par le pé ché originel un ordre de choses qui leur serait applicable s'ils étaient parfaits, et c'est par là que pèchent et pécheront éternellement les utopies socialistes. On les réfutera toujours en leur disant : C'est trop beau ! Et en effet, on peut voir de notre temps que les plus enthousiastes prôneurs de la fraternité universelle ne peuvent s'accorder seulement deux ou trois ensemble. La religion seule peut apprendre à l'homme qu'il ne doit rien s'approprier ici-bas, puisqu'il n'emporte rien avec lui dans la tombe, que la conscience de ses crimes ou de ses vertus. Seule elle peut fonder sur l'abnégation et le désintéresse

C

d'un vieux courtisan au service, non pas de son ambition, car il n'en avait pas d'autre que d'accomplir son devoir, mais de sa charité et de tout le zèle d'un apôtre.

ment la communauté des enfants de Dieu, et c'est ce qu'elle a fait dans ses monastères. Un seul homme a compris le vrai socialisme catholique, et a pu réaliser dans le monde l'association spirituelle et temporelle des hommes dans une communauté d'études et d'efforts vers un but commun: cet homme se nommait Ignace de Loyola : nom qui fait encore frémir et trembler les ennemis de l'Eglise. La communauté entre les hommes a été, dès les premiers siècles et dès les premiers jours du christianisme, l'idéal de la perfection sociale; mais les hérétiques et les catholiques se sont séparés radicalement quant au principe de la réalisation de cet idéal. Les hérétiques voulaient la communauté des brutes, les catholiques aspiraient à la communauté des anges; les uns voulaient faire de la terre une mangeoire commune, les autres un oratoire et un couvent; les uns disaient, comme Rousseau: L'homme est bon naturellement, et c'est la civilisation qui le dégrade; les autres : L'homme est n"turellement mauvais, par suite de la déchéance originelle, et la religion seule peut le rendre meilleur, en lui imposant l'abnégation et le sacrifice. La consécration du droit de propriété a été dès l'origine le seul moyen d'empêcher les hommes de s'entredéchirer comme des bêtes sauvages, en mettant des bornes à l'égoïsme de chacun, et si, maintenant plus que jamais, l'égoïsme se gonfle et bouillonne, ce n'est pas le moment de briser ou de lever les digues. Campanella, comme bien d'autres rêveurs, ne com prenait pas ces tristes vérités, et crut souf→ frir pour la justice pendant qu'il n'était que le martyr de son ignorance et de sa présomption. Rien cependant ne saurait justifier les auteurs des tourments qu'on lui fit souffrir, et on ne saurait les attribuer à l'inclémence de l'autorité ecclésiastique, puisqu'il dut sa délivrance au pape lui-même, et fut accueilli à Paris, où il se réfugia, par les bienfaits du cardinal de Richelieu. Il y mourut en 1639, âgé de soixante-onze ans. Il a laissé quelques opuscules sur les sciences et la poésie, et l'on peut résumer en ces mots tout ce qu'on pourrait dire sur lui : Ce fut un savant incomplet, un philosophe incompris et un poëte malheureux.

CAMUS (LE). Jean-Pierre LE CAMUS, évêque de Belley, ami de saint François de Sales, a essayé de conquérir pour la religion le domaine de la littérature profane. C'était un esprit loyal et hardi, qui ne croyait pas qu'on remédiât assez aux désordres en les dissimulant il écrivit contre les abus dẹ l'état monastique, et fut accusé, par ceux qui

étaient intéressés à la conservation de ces abus, d'avoir voulu détruire la religion en conséquence d'un serment prêté par lui, à ce qu'on prétendait, dans un conciliabule secret tenu à Mortfontaine : calomnie que le zèle et les vertus épiscopales de l'évêque de Belley ont suffisamment réfutée. Jean-Pierre Le Camus, dans son vif désir d'amener les personnes du monde à la connaissance et à l'amour des vérités chrétiennes, a un peu trop sacrifié, dans ses livres, au mauvais goût de son siècle. Son style est vif, leste, brillant, mais déparé souvent par des jeux de mots puérils, et surchargé d'une érudition mal digérée. Il aurait du mieux profiter de ses relations avec l'illustre évêque de Genève, pour prendre un peu de son immortelle simplicité et de sa grâce sans apprêts. Voyant que les gens du monde négligeaient pour les romans la lecture des livres de piété, il eut l'ingénieuse idée de prêcher la morale dans des romans, et en composa plusieurs qui eurent du succès dans son temps. ¡Voy. ROMAN.)

En voici les principaux titres: Dorothée, Paris, 1621. Hyacinthe, histoire catalane, in-8°, Paris, 1627. Les spectacles d'horreur, in-8°, Paris, 1630. Alcime, relation funeste, in-12, Paris, 1625. Spiridion, ou l'anachorète de l'Apennin, in-12, Paris, 1623. -Alexis, in-8°, Paris, 1622.

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CASAS (LAS). Barthélemy de LAS CASAS, évêque de Chiappa, dans l'Amérique septentrionale, auteur d'un mémoire historique intitulé De la destruction des Indes, se fit le défenseur des Indiens contre la férocité des aventuriers espagnols, et vint lui-même plaider leur cause, qui était celle de la religion et de l'humanité, devant le roi d'Espagne. La philosophie du siècle dernier a voulu rejeter sur la religion des crimes dont elle ne pouvait pas même être le prétexte, comme s'il y avait quelque chose de commun entre les enseignements de la charité et des actes inspirés par la grossièreté, la débauche et l'amour de l'or. Cependant Marmontel luimême, dans son roman des Incas, a rendu justice à l'humanité de Las Casas, seul véritable représentant de la religion parmi ces peuples opprimés. Cet homme de Dieu, après avoir consacré à leur défense les plus héroïques efforts, se démit de son évêché, et revint définitivement en Espagne, pour n'ê tre plus témoin d'un mal qu'il ne pouvait empêcher, et qui lui déchirait le coeur. Il mourut à Madrid en 1566.

CASSIEN. (Voy. PÈRES DU DÉSERT.)

CÉSAIRE, ou CESARIUS, frère de saint Grégoire de Nazianze, médecin célèbre et philosophe chrétien, eut la magnanimité de défendre la religion contre l'empereur Julien lui-même, dans une conférence publique. Julien, qui, comme on sait, se piquait de modération, soit qu'il eût reconnu combien les persécutions avaient accru et favorisé les succès du christianisme, soit qu'ayant reçu lui-même une éducation chrétienne, il eût subi comme malgré lui l'influence des doctrines de miséricorde et de

douceur, Julien, vaincu par Césarius, lui pardonna, ce qui était, pour un sophiste, le comble de la générosité, et s'écria en le congédiant Heureux père! malheureux enfants! témoignant par là combien il estimait Césarius et son frère Grégoire, et combien il eût désiré les amener à lui, et les gagner à sa cause.

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Césarius a laissé plusieurs ouvrages qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous; les Dialogues qui lui sont attribués, dans la Bibliothèque des Pères, et qui ont été également attribués à saint Grégoire de Nazianze, étant d'un écrivain anonyme beaucoup plus récent. CANTIQUE. Le cantique, dans son origine, se confond avec l'ode, et leurs deux noms signifient la même chose. C'est l'expression d'un sentiment élevé de l'âme, destinée à être chantée. L'ode, à son origine, était essentiellement religieuse, et il serait difficile encore de lui faire perdre ce caractère sans la priver de ce qui fait toute sa force, c'est-à-dire de l'enthousiasme. (Voy. POÉSIE LYRIQUE, ODE, Psaumes.)

Le nom de psaume se confond également avec celui d'ode et de cantique; il n'y a entre les trois mots que la différence des langues où ils prennent leurs racines, et tous trois signifient également chanter. Le nom de psaume est resté exclusivement consacré aux poésies lyriques et prophétiques de David; le nom d'ade, consacré par la poésie grecque, convient mieux ordinairement aux sujets profanes, et le nom de cantique est habituellement affecté aux compositions religieuses accompagnées de chant.

la

Les cantiques, chez les Hébreux, étaient consacrés à l'action de grâces. Il nous en reste deux de Moïse, qui sont des chefsd'oeuvre, l'un improvisé après le passage de la mer Rouge, l'autre composé après la promulgation de la loi, et formant comme l'épilogue du Deutéronome. Le premier respire l'enthousiasme du triomphe et l'exaltation de la foi; jamais la poésie religieuse ne déploya plus de grandeur et ne s'élança avec plus de force l'inspiration lyrique est à son comble. Quel spectacle! en effet mer Rouge est couverte de débris comme après un naufrage, et ce qui vient de périr là, c'est tout un peuple de persécuteurs pris dans les eaux comme dans un filet immense. Un seul instant a porté les Israélites de l'extrémité de la crainte à toute l'assurance de la victoire. L'ombre de la colonne de nuées plane encore comme un voile funèbre sur le tombeau mouvant de l'Egypte entière. Mais le peuple élu, sauvé de l'esclavage et du glaive, est environné d'une lumière resplendissante..... C'est alors que l'esprit du Seigneur s'empare de la prophétesse Marie; elle saisit le tympanum, dont les sons précipités annoncent la joie; elle s'apprête à accompagner la voix de son frère. Moïse, debout sur un rocher qui domine toute la mer, commence alors d'une voix retentissante, et tout le peuple répète, à mesure qu'il les prononce, les paroles de son cantique:

Chantons au Seigneur! il a magnifique

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