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nous nous retirons à l'écart et nous prions pour tous, afin que tous reviennent à la vérité, et qu'ils se convertissent et qu'ils vivent.

Dans le présent, la littérature chrétienne doit se borner à deux humbles fonctions, la prière et l'enseignement des simples. Il faut ramener doucement à Dieu ces populations qu'on égare, il faut leur faire aimer cette religion qu'on calomnie, il faut les reconduire à la divinité du Rédempteur par les inépuisables tendresses de son humanité, et pour cela il n'est pas besoin d'un grand génie ni d'un grand style; beaucoup de charité suffit. Des histoires touchantes, des allégories faciles à comprendre, des lectures pour la chaumière et l'atelier, des livres comme ceux de Silvio Pellico, de Charles Sainte-Foi et d'autres pieux moralistes, voilà ce qu'il faut faire et ce que les amis des bonnes lettres et des bonnes œuvres ne sauraient trop encourager. Mais dans l'avenir, dans un avenir déjà prochain, quelle magnifique carrière s'ouvre pour la littérature chrétienne! Elle doit reconquérir sa place à la tête du mouvement intellectuel, comme la colonne de lumière qui guidait les Israélites pendant la nuit; elle doit régénérer et créer de nouveau tous les genres qui ont été perdus et rendus impossibles par la littérature profane. L'épopée, le drame, le roman même doivent lui demander une existence et des inspirations nouvelles. L'bumanité n'est pas lasse de science, mais elle a besoin de foi. Désormais donc elle saura qu'il faut croire, et elle croira pour comprendre Credite, et intelligetis.

Un jour le siége de l'autorité suprême en matière de religion sera aussi le tribunal souverain de la littérature et des arts. Rome n'est-elle pas déjà pour les beaux-arts une cité-mère et une patrie universelle? Cela sera parce que cela doit être; puisque la beauté est la forme de la vérité, on ne doit reconnaître pour vraiment beau que ce qui est magnifiquement vrai. Le temple de SaintPierre de Rome est déjà la plus belle synthèse artistique du monde moderne, et l'emporte en magnificence et en grandeur sur toutes les merveilles de l'ancien monde; mais les épopées sculpturales ont précédé les épopées écrites, et la gloire du catholicisme n'a été dignement chantée encore que par des artistes dans des poëmes de pierre. Il reste encore à faire un grand ouvrage : ce sera le résumé des inspirations, des élans poétiques, des mouvements d'éloquence, des travaux historiques, des recherches scientifiques produits sous l'influence de la religion chrétienne et de l'unité catholique. Alors il se fera dans le monde un grand silence, et l'on écoutera Dieu parler car n'est-ce pas à Dieu même qu'il faut attribuer et rapporter tant de beautés et tant de grandeurs 1 Alors il y aura une infaillibilité dans l'art, parce que l'autorité infaillible qui prononce sur la vérité des pensées doit exercer son action jusque sur les formes de ces pensées qu'elle juge. Ainsi l'on aura

universellement reconnu qu'une pensée fausse n'est pas belle, et qu'une pensée ne peut être que fausse quand l'autorité infaillible ne l'approuve pas.

O Rome! fille immortelle des héros d'Homère, toi qui as recueilli l'héritage des civilisations antiques, et qui es devenue la reine du monde pour préparer un empire tout formé au christianisme naissant, et enrichir le berceau d'un pauvre artisan de toutes les dépouilles des rois; colosse soumis par un enfant, persécutrice vaincue par tes martyrs, mère convertie par les fils que tu repoussais de ton sein, cité toujours couronnée du laurier de Dante Alighieri enté sur celui de Virgile, salut à toi! Tu es et tu seras toujours la grande école des nations et le foyer de la lumière universelle. Depuis que Dieu et Charlemagne t'ont donné le monde pour empire, bien des erreurs, bien des calomnies, bien des mauvais jours ont passé, et tes innombrables combats n'ont pas épuisé ta force. Ton génie surtout rayonne encore tout entier sur les ténèbres de notre âge. Que sont auprès de toi les écoles d'Athènes et d'Alexandrie? Quel Panthéon fut jamais plus complet et plus splendide que le tien ? Chaque rayon de gloire qui illumine le front d'un grand génie est détaché de ta couronne. C'était toi qui, par la main de tes pontifes, déposais la couronne sur les têtes refroidies de Raphaël et du Tasse, et l'immortalité même, dans les souvenirs de la terre, était dispensée par la main qui tient les clefs du ciel. Rome de Léon X et de Michel-Ange, Rome de Grégoire VII et d'Innocent III, cité royale et populaire, mère de l'obéissance et de la liberté, régulatrice des droits et des devoirs, quelle parole civilisatrice, conservatrice, régénératrice du monde peut se soustraire à ton autorité divine, à ton intarissable inspiration, à ta souveraine censure? Autrefois le Verbe éternel s'était résumé et comme abrégé dans le sein d'une vierge; Verbum abbreviatum : le même miracle s'est perpétué en toi, et de même que l'EnfantDieu, en grandissant, n'a pas cessé d'être le divin fils de Marie, tous les progrès de la littérature et des arts ne sont que les développements d'un arbre dont la terre du tombeau des apôtres contient toujours et alimente les racines. Salut encore une fois, reine du véritable progrès, puisque tes décisions ont empêché tant de fois l'humanité de reculer! Cité théologienne, cité savante, cité poétique sur toutes les cités de l'ancien et du nouveau monde, nouvelle Jérusalem, cité de Dieu ! à toi mes veilles et mes efforts, toi que tes enfants les plus ingrats ont souvent aimée jusque dans leurs impatiences et dans leurs colères, toi qui relèves ceux qui tombent et qui ramènes ceux qui s'égarent, toi qui es patiente comme Dieu, parce que tu es éternelle comme lui; c'est par toi scule que l'humanité se rapprochera un jour de Dieu, c'est par toi seule que Dieu tendra la main pour pardonner à la raison hu maine et la relever de ses chutes, et alors le dernier de tes enfants te présentera cette

prière pour que tu la fasses agréer à ce Verbe qui est tout à la fois ton père, et ton époux, et ton enfant.

ou mauvais; d'ailleurs, autres sont les rêves d'un poëte qui écrit par fantaisie des paradoxes ou des utopies, autres sont les conVérité éternelle, soleil vivant qui fais fruc- victions d'un écrivain sérieux et d'un littétifier si magnifiquement d'âge en âge l'ar- rateur chrétien. Ce qu'on ne sait pas, on ne pre des croyances, des joies, des dou- peut l'affirmer qu'au hasard; ce qu'on sait, leurs et des magnificences de la pensée, je on doit le dire comme on le sait, mais ce ne suis qu'un insecte perdu dans tes rayons; qu'on doit croire est invariable. Ainsi, dans ie ne sais pas si j'ai une robe obscure ou la rédaction d'un livre comme celui-ci, la des ailes brillantes, une voix qui chante ou personnalité de l'auteur s'efface presque enqui bourdonne; mais je sais que ta lumière tièrement et ne se révèle que par ses fautes. est splendide et que ta chaleur est douce; Ce qu'il tient des croyances établies, il doit sois bénie d'avoir bien voulu que je te rende le rendre aux croyances établies; ce qu'il témoignage; sois bénie du sort que tu m'as doit à l'étude, il doit le rendre à la science; fait et de la tâche que tu m'as imposée, car que lui reste-t-il donc ? le souvenir des peitout ce que tu fais est bien. Qu'importe à nes, du travail et les rigueurs de la critique. ceux qui liront ce livre mon ignorance personnelle si je parle selon ta science, si je parle surtout au nom de tes docteurs, de tes saints, de tes sages et de tes prophètes; qu'on les lise et qu'on ne sache plus ce que j'en aurai dit; qu'on admire leur génie, qu'on s'instruise à leur école et qu'on oublie mes veilles je ne suis qu'un guide obscur dans la nécropole des monuments du passé, et je ne demande ni un souvenir ni un adieu au voyageur que j'aurai introduit dans ces catacombes des reliques artistiques et littéraires.

:

Je dis introduit, car cet ouvrage, tout considérable qu'il est, n'est encore qu'une introduction à des travaux immenses qui se feront bientôt et qui sont déjà commencés. On exhumera les trésors inconnus de la littérature des siècles croyants, comme on a déterré de nos jours les trésors d'Herculanum et de Pompéi. Combien de richesses sont encore cachées ! Mais le même esprit de foi, d'espérance et de charité qui les a produites renouvellera toutes ces choses. Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem... et suggeret vobis omnia quæcunque dixero vobis.

On trouvera peut-être de la contradiction entre les jugements et les appréciations contenus dans cet ouvrage, et quelques passages des autres écrits du même auteur. Nous n'avous à répondre qu'une chose c'est que plus on écrit, plus on corrige, si l'on ne lient pas à rester toujours médiocre, absurde

:

Nous espérons toutefois qu'elle ne se montrera pas trop inexorable à ce livre sérieux, traité d'une manière sérieuse. Les fautes

qui nous seraient signalées seront corrigées avec soin dans les éditions successives, et nous ne négligerons rien pour rendre notre œuvre moins indigne de l'attention et de l'estime de nos lecteurs.

On trouvera peut-être qu'aux endroits où nous avons traduit nous-même soit l'Ecriture sainte, soit les Pères, nous avons souvent paraphrasé plutôt que rendu littéralement notre texte; mais on ne doit pas oublier que ces traductions partielles se rattachent à des analyses littéraires; or, en littérature, paraphraser c'est souvent analyser. Une périphrase est quelquefois nécessaire pour bien faire sentir l'énergie d'un mot, et nous ne nous sommes jamais écarté de la lettre que pour nous rapprocher davantage de l'esprit.

favorablement accueilli par ceux à qui nous
Puisse ce travail être utile, puisse-t-il être
l'offrous! Nous le déposons d'abord aux
pieds de l'épiscopat français, en demandant
pour lui une bienveillante protection. Puis-
sions-nous avoir témoigné notre reconnais-
sance à la sainte Eglise pour les soins qu'elle
a pris de notre enfance, en lui consacrant
les fruits d'un enseignement qu'elle nous a
si généreusement prodigué. Instruit par elle,
puissions-nous avoir été instruit pour elle et
lui laisser au moins ce gage des regrets les
plus sincères et d'une reconnaissance éter-
nelle.
A. CONSTANT.

DICTIONNAIRE

DE

LITTERATURE CHRETIENNE.

A, première lettre de l'alphabet dans les langues dérivées du latin, en grec Alpha et en hébreu Aleph. On sait que les docteurs hébreux versés dans la cabale assignent à chaque lettre un rang et une signification mystérieuse, et nous trouvons plusieurs fois dans les saintes Ecritures cette parole mise dans la bouche de Dieu même : Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin.

Dans un des Evangiles apocryphes qui nous sont parvenus (l'Evangile de l'Enfance), on trouve une légende assez remarquable qui se rapporte à cette science cabalistique des caractères de l'alphabet. Lorsque le Seigneur Jésus, dit le légendaire, fut en âge d'aller à l'école, on l'envoya chez un maître pour y apprendre à lire. Ce maître lui montra et lui nomma d'abord la lettre Aleph, en lui enjoignant de répéter après lui le nom de cette lettre : Jésus obéit, puis le maître lui montra et lui nomma la lettre Beth; mais Jésus lui dit Apprends-moi d'abord la valeur et la signification de la première lettre avant que nous passions à la seconde. Le maître resta interdit, et, confus qu'il était de manquer de science en présence d'un enfant, il manqua aussi de justice et de modération, car il renvoya avec colère le divin enfant à Marie et à Joseph en leur disant Renfermez cet enfant et ne le laissez jamais sortir; il donne déjà les preuves de la plus effrayante malice, et rien ne pourra vaincre sa méchanceté native et ses mauvais penchants.

Cette histoire n'est peut-être qu'une amplification ou une version supposée de ce que rapportent les Evangiles authentiques de l'entretien qu'eut Jésus dans le temple avec les docteurs de la loi, les interrogeant et leur répondant jusqu'à les laisser émerveillés de sa sagesse. Quoi qu'il en soit, on peut considérer la lettre A comme la principale des voyelles, et, à ce titre, comme une représentation symbolique du Verbe de vé

A

rité et de la création du monde. A est aussi le premier son que sachent articuler les enfants, et la langue enfantine des nourrices termine aussi en A la plupart de ses mots accommodés au bégayement du premier âge. On peut remarquer aussi le retour fréquent de la consonnance en A dans les langues des peuples sauvages, et principalement dans leurs chansons : cette consonnance, en effet. est douce, et sa répétition a quelque chos de mélodieux.

La lettre A commence le nom d'Adonai et

termine le nom de Jéhova, les deux noms incommunicables qui expriment par des sons humains l'infinie majesté du Très-Haut. Il est à remarquer que le nom de Jéhova contient nos cinq voyelles avec trois aspirations, puisque le jet le v ne sont que l'i et l'u aspirés; l'h ajoute aussi une aspiration à la lettre o. Les Chinois nomment le Créateur Jao, un seul mot en trois voix, comme Jéhova et comme Adonai, et dans l'Apocalypse, Dieu se nomme lui-même A6, pour signifier qu'il est le commencement et la fin de toute chose, et qu'en lui seul est renfermé le Verbe tout entier.

La figure de la lettre A semble exprimer les mystères contenus dans cette voyelle : c'est un triangle porté sur deux pieds; c'est un compas ouvert dont les deux branches sont unies et séparées en même temps par un trait; c'est le fronton d'un temple; c'est l'entrée de la tente des patriarches. On sait que la première écriture était toute hiéroglyphique, et l'on ne doit considérer les caractères qui nous restent que comme des hiéroglyphes abrégés.

Un poëte moderne, dont la facilité est prodigieuse pour traiter en vers les sujets les plus arides, s'est exercé moitié sérieusement, moitié plaisamment, sur cette origine et ce caractère distinctif des lettres : nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré de citer ici ce morceau assez curieux :

Aussitôt qu'il eut vu la lumière, L'homme voulut créer une langue première, Et marquer par le son, par l'effet de la voix Les objets qu'il voyait pour la première fois. La nature elle-même, envers lui débonnaire, Fournit les éléments de son dictionnaire, Et l'homme intelligent, à son école instruit, Pour nommer une chose en imita le bruit. Il sut que l'Océan est bercé par la houle, Que le cheval hennit, que le pigeon roucoule; Il nomma bêlement la plainte du troupeau, Entendit sous les joncs coasser le crapaud, Fit à travers les bois siffler la froide brise, Craquer avec fracas le chêne qui se brise; Pour tous les animaux aux mugissements sourds, Institua les noms de loup, de bœuf et d'ours, Et son oreille enfin, de mille sons frappée, Construisit tous les mots par onomatopée. Mais c'était peu qu'aidé du secours de ses sens, Il eût de la nature imité les accents; Il voulut des objets copier la figure, Et c'est par le dessin qu'il trouva l'écriture. N'en doutons point: au temps de nos premiers: ïux, Les lettres n'étaient pas des traits capricieux, Des lignes au hasard, des empreintes frivoles, Mais des signes réels, des portraits, des symboles, Qui, sur la pierre dure incrustés par l'acier, Rendaient de mille objets le type encor grossier. Ce présent qu'envoya l'héritier des califes, Ce vaste bloc chargé de noirs hiéroglyphes, Tout peuplé d'anubis, de couleuvres, d'oiseaux, Monolithe formé de cinq ou six morceaux, L'obélisque thébain, sur sa quadruple face, Porte un récit muet que le dessin retrace, Un tableau de granit que l'art imitateur Burina de portraits dans toute sa hauteur. Et ne prétendons pas qu'aux jours du premier âge L'éloquente écriture ait borné son usage; Ces types descriptifs en Egypte imprimés, Par d'inhabiles mains quelquefois déformés, Mais conservant toujours, symbole alphabétique, Un vestige apparent de leur figure antique, OEuvres des Chaldéens, des Perses, des Indous, Par la Grèce et par Rome ont passé jusqu'à nous : Oui, chaque mot écrit, dans notre langue même Porte un jalon parlant, un véridique emblème. Ce signe capital, je ne puis le nier, Tantot se montre en tête et tantôt le dernier; Dans l'épaisseur du mot quelquefois il s'enfonce, Mais un œil exercé le voit et le dénonce. Ah! si je ne craignais d'ètre trop importun, J'en citerais ici mille exemples pour un : L'A, qui de l'Angle Aigu porte la ressemblance, Ainsi qu'un chevalet sur ses pieds se balance. Le B sort du Bissac. Avec un bon coup d'œil On voit l'& qui se roule en forme d'&cureuil. L'f imite la fente et fuit par la fenêtre.

Dans les flancs de la gourde un g dut prendre l'être.
Convenez avec moi que rh correspond

Au chenet de cuisine, au crochet, au harpon.
L'i chargé de son point est un modeste signe ;
C'est un nain résigné qui marche dans sa ligne.
Le P comme un Piton se Plante dans un mur.
Sur la lettre qui suit jetons un voile obscur.
Le K que l'Orient mit dans notre écriture,
De l'esclave d'un Khan garde l'humble posture.
Le d, que par oubli je laissais en chemin,
Le d marque le doigt, I'm et l'n la main.
L'O paraît de rigueur dans toute chose rOnde;

Une pomme, une Orange, une boule, le monde,
Un Obus, un canon, une tOurte, un grelOt.

L'l brille à la lance, au pal, au javelot.
Est-il une copie, un portrait plus sévère
Que le V, qui désigne et le Vase et le Verre?
Dans croissant et dans sabre on trouve en commençant
L'S qui fait le Sabre, et le C le Croissant.
L'R est majestueuse; on croit voir une Reine
Serrant par la ceinture une robe qui traîne.
L'U dans un objet creux a trouvé son patron,
Il se plaît dans le troU, la cUve et le cha Udron.
Sans le T, glorieux de sa haute importance,
Il n'est pas de râ Teau, de marTtau, de poTence;
Et le Z bizarre, au corps ratatiné,

Deux fois dans le ZigZag se montre dessiné.
Chaque lettre, en un mot, porte en elle un indice,
Un but qu'elle ne peut perdre sans préjudice;
Et, puisque le bon sens des hommes d'autrefois
Voulut pour l'orthographe instituer des lois,
Que leur postérité les suive et les respecte.
Comment se peut-il donc qu'une moderne secte
Ose bouleverser ces emblèmes parlants,
Symboles glorieux respectés six mille ans?
Novateurs, protégés mème à l'Académie,
Ils ont changé des mots la physionomie;
Ils ont destitué des caractères saints
De la création véridiques dessins.
Dirai-je les excès de leur fureur vandale?
Ils ont privé la clef de sa lettre finale;
De l'f dont la forme étant placée au bout
Se révélait aux yeux comme un passe-partout.
S'il exista jamais une image fidéle

D'une faux à faucher, cette image est une L
Et depuis que cette L est ravie à la faux,

Le mot ainsi tronqué n'offre plus qu'un sens faux.
Le bled, que par un è terminaient nos ancêtres,
La méthode du jour l'a réduit à trois lettres,
Sans songer que ce d qu'on prive de ses droits
Représentait l'épi qui penche sous son poids.
Nulle lettre n'échappe à leur brutale rixe :
Jadis au pluriel les loiX prenaient une X ;
Désormais à sa place une S se fait voir,
Et ces lois sur le peuple ont perdu tout pouvoir;
Car IX d'autrefois, expressive peinture,
Montrait le chevalet, instrument de torture,
Et rappelait sans cesse au coupable attentif
La croix de Saint-André pour le rouer tout vif.
Ah! pour leur rage aveugle il n'est plus de limite;
Ils ont arraché l'h au respectable hermite;
Barbares! voulez-vous qu'il se mette en chemin
Quand il ne trouve plus un bâton pour sa main?
L'h autrefois montrant sa forme principale,
Du sépulchre sortait comme un phantôme pâle;
L'h seule marquait le dessin bien précis,

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Il faut un instrument, une bêche, une pioche,
Un outil qui de l'h à peu près se rapproche;
L'h est le seul moyen de sauver un thrésor.
Voilà ce qu'ils ont fait; ce n'est pas tout encor :
Le vénérable Y, troublé dans son empire,
A disparu du lis, des aïeux, de la lire;
Qui mieux que lui pourtant retraçait à nos yeux
Le tronc et les rameaux de l'arbre des a
a Yeux?
La lYre, comme lui, née au sein de la Grèce,
De ses deux bras ouverts déployait la souplesse,
Tandis que, d'une tige et d'une fleur formé,
Le lys était pour nous un y embaumé.
J'ai parlé de la 1Yre; hélas! ainsi brisée,
La lire n'est pas seule un objet de risée;
Le poète lui-même a subi leur affront:

Au lieu de ces deux points qui brillaient sur son front,
De ce noble tréma qui, tel qu'une planète,
Couronna si longtemps sa radieuse tête,

Ils ont courbé ce front sous le poids d'un accent,
Virgule prosaïque au biseau menaçant,
Qui, de sa destinée emblème dérisoire,
Semble etre un ennemi suspendu sur sa gloire.
J'ai fini: j'ai voulu raconter dans ces vers
Tout ce que le langage essuya de revers,
Dire par quels exces la réforme hérétique
Souilla la sainteté de l'écriture antique.
Vainement, pour venger l'orthographe aux abois,
Chaque jour je réelame en faveur de ses droits;
Vainement je m'obstine à tancer sur l'épreuve
Mon prote forcené pour la méthode neuve;
Mon exemple, ma voix, mes plaintes, mes regrets.
Rien ne peut du torrent arrêter les progrès;
Et l'erreur, poursuivant la détestable orgie,
Foule aux pieds la raison et l'étymologie.
Ah! si j'avais un jour, par la faveur du ciel,
Dans la littérature un titre officiel,

Si jamais, introduit sous la grande coupole,
La palme académique, éclatante auréole,
Dilatait ses rayons sur mon front réjoui,
Je t'en fais le serment, ô paternel Jouy!
Avocat du malheur, je prendrais la défense
Des caractères saints qu'honora mon enfance;
Aux rois de l'Alphabet en congrès réunis
Ma voix demanderait grâce pour les bannis;
Tu m'entendrais, du haut de ma chaise curule,
Sur les réformateurs secouer la férule,
Foudroyer leur système absurde, impie et sec,
Et rendre à leurs honneurs rH, TX et rY.

L'AUTEUR DE Némésis.

AH! AH! AH! exclamation qui se trouve plusieurs fois dans les prophètes. C'est, selon Bossuet, le bégayement de l'âme qui veut parler à Dieu et ne trouve aucune parole articulée pour exprimer ses aspirations vers l'infini. Le Ah! ah! ah! des prophètes est une expression pleine de mystères et de désirs. C'est une triple interjection formée de la première lettre de l'alphabet répétée trois fois et d'une triple aspiration. Dieu dit souvent dans les saintes Ecritures: Je suis ALPHA et l'OMEGA, le premier et le dernier : la lettre A, qui semble exprimer le premier cri de la voix humaine, est aussi la voyelle qui exprime le mieux l'admiration et l'amour. Or, comme le premier cri de nos ames doit s'élever vaguement peut-être, mais nécessairement vers la cause première de notre être, le cri d'admiration et de joie que pousse l'enfant à la vue de tous les spectacles de l'univers est une sorte de cantique DICTIONN. DE LITTÉRATURE chrét.

d'action de grâces: un cri poussé vers Dieu, voilà aussi en quoi se résume toute la poésie primitive, et tel a dû être le premier cantique d'Adam. Le ah! ah! ah ! 'des prophètes s'échappe de leur âme lorsqu'elle est comme paralysée par l'extase, et que les pensées, trop grandes et trop pressées, ne peuvent plus se faire jour que par cette exclamation, répétée depuis tant de siècles dans les soupirs de tous les saints. Le mystérieux Alleluia lui-même, ce mot qui remplit seul l'éternité d'une bénédiction et d'une allégresse infinie, cet hymne résumé dans le langage des anges, l'Alleluia n'ajoute qu'un mot au Ah! ah! ah ! des prophètes, si bien senti par le sublime auteur des Elévations sur les mystères. Quelle est donc cette littérature étrange où toute une ode, toute une prière, tout un dogme se fait entendre dans une interjection, dans une émission de la voix, dans une seule lettre de l'alphabet ! Nous disons tout un dogme, car cette même voix, trois fois répétée et toujours la même. ce triple et unique commencement de tout ce qui peut se dire par la parole, est une image mystérieuse du dogme de la Trinité pressenti par les prophètes qui en appelaient la manifestation de tous leurs vœux, de tous leurs soupirs et de toutes leurs larmes. Ainsi sur la terre les hommes de désir, les yeux baignés de larmes et les mains tendues vers le ciel, crient vers Dieu en bégayant le Ah! ah! ah!des prophètes, et dans le ciel les chérubins qui se couvrent la face de leurs ailes devant le trône du ToutPuissant, répondent Saint, saint, saint, est le Seigneur, le Dieu des armées. Ainsi le Dieu trois fois saint est trois fois désiré et trois fois béni sur la terre, et la prière universelle est renfermée toute entière dans le nom unique et trois fois répété du trois fois saint, car il s'appelle Alpha et Oméga; il s'appelle le Saint, et c'est seulement en criant vers lui ou en chantant les louanges de ses perfections divines, que les êtres créés peuvent articuler son nom. Le nom dont il se nomme lui-même est incommunicable, et personne ui dans le ciel, ni sur la terre ne peut le prononcer, ni le lire, ni l'écrire. Le nom de Jéhova lui même est une sorte de Ah! ah! ah! un assemblage de syllabes qui ressemblent à des interjections, et qu'il est difficile de bien prononcer dans la langue originale. Le Ah! ah! ah ! d'Ezéchiel a été travesti par Voltaire, dans une de ces déplorables bouffonneries qu'on ne doit pas lire maintenant même pour les réfuter, et dont rougissent les derniers partisans du calomniateur de la Bible.

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Voltaire, comme tout le monde en con-vient maintenant, avait infiniment d'esprit, mais il avait peu de tact, parce qu'il manquait de cœur. (Voy. l'article POÉSIE.) Il semblait surtout entièrement dépourvu de ce sens intérieur qui adore et qui prie, et dans ces pages pleines de tristesse où Ezéchiel, accablé des malheurs à venir de son peuple, et se faisant d'avance le représentant des misères d'Israël, crie vers Dieu avec des sanglots et des larmes pour obtenir un pain moins impur et des afflictions de la chair

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