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pensée; ce sont des crânes vides et desséchés! En vain le soleil de Dieu se lève sur eux; ils ne savent plus s'il y a un Dieu, parce qu'ils ne sentent plus la chaleur de son soleil. Les intérêts rivaux leur ont mangé le cœur, l'égoïsme a décharné leur poitrine, et leurs entrailles se sont corrompues, parce que les affections humaines ne les faisaient plus tressaillir. Ceux qu'ils avaient pris pour chefs les ont conduits dans le champ de la mort et chacun d'eux s'est empressé d'y choisir une place, parce qu'un lourd sommeil les courbait déjà vers la terre; et quand ils ont dormi du sommeil de la tombe, les pasteurs de ce troupeau de cadavres se sont applaudis en disant: Nous avons donné la paix au monde !

Viens maintenant, toi que l'esprit d'avenir tourmente; fais le tour de ce royaume de la mort, et vois si tous ces squelettes ne sont pas immobiles et froids! Chacun d'eux a creusé dans la poussière une petite fosse pour servir de lit à son crâne; et au fond de cette fosse il a enfoui quelques pièces d'or sur lesquelles rampent les vers qui le rongent. Soulève dans tes mains toutes ces têtes l'une après l'autre, et parle-leur d'avenir, de patrie, de gloire, de dévouement, de liberté, de Dieu!.. Puis abandonne-les à elles-mêmes; elles retomberont lourdes et froides sur leur chevet de corruption et de métal impur.

Que vas-tu faire dans l'exil de ta pensée et de ton cœur? N'es-tu pas effrayé du bruit de ta voix sans échos? Vas-tu t'asseoir, morne et découragé, au milieu de cette plaine de cendre, et laisseras-tu tomber ta tête sur tes mains et se figer les larmes de sang de tes yeux, comme celles des statues qui semblent pleurer sur les morts! Aspireras-tu, pour cesser de souffrir, à devenir froid comme les figures de marbre qui sont accroupies sur les tombeaux!

Noni non! tu ne le dois pas; tu ne le peux pas! l'esprit de Dieu te le défend ! Lève-toi et marche, car bientôt la terre va trembler! N'entends-tu pas fermenter quelque chose dans ses entrailles? Ne sens-tu pas, dans l'air lourd et chargé d'orages, je ne sais quoi se mouvoir et s'avancer? Parle toujours au nom de Dieu et de la justice! car si tu gardes le silence, le tonnerre parlera.

La terre est étouffée dans le suaire de cette société morte qui l'emprisonne; ses entrailles commencent à sentir les douleurs de l'enfantement, elle est en travail d'un nouveau monde! Sous les cendres glacées qui la couvrent, sous les ossements inertes de ceux qu'on appelle les vivants, s'agitent les cendres brûlantes encore de ceux qui sont morts pour revivre dans l'avenir !

Quoi des pécheurs contents de leurs chaînes, dorment dans leur ivresse sur le tombeau des saints martyrs, et ils ne rêvent pas que le tombeau s'ouvre; et ils n'ont pas peur que la terre ne s'agite! Quoi! des impies, le front chargé de couronnes et les vêtements brodés d'or, sommeillent sur le

tombeau des hommes de Galilée, et ils ne sentent pas se soulever déjà, pour les repousser, les reliques encore vivantes des pauvres qui ont jugé le monde !

Ceux qui, semblables à la chenille, ont filé des tombeaux pour y faire languir l'Eglise en captivité, se tiennent pour assurés de leur captive, et ils dorment sur cette terre prophétique que travaille depuis près de deux mille ans le génie de saint Paul! Le peuple dort, fatigué de ses efforts inutiles pour s'affranchir; il dort, parce que la faim à affaibli son cerveau et appesanti sa tête. Les oppresseurs du peuple dorment aussi, parce qu'ils sont ivres de sang et de lar

mes..

Mais un spectre terrible soulève lentement la terre, et regarde si l'heure est venue. Ses bras décharnés sortent l'un après l'autre de sa tombe; d'une main il tient une torche fumante que son souffle s'apprête à rallumer, et de l'autre un marteau sanglant. Malheur! malheur à ceux qui ne se sont pas levés à l'appel des anges de paix lorsqu'ils ont passé en chantant la fraternité et l'amour!

Prophète de l'Apocalypse, toi que Jésus avait nommé le fils du tonnerre, toi qui as tant pleuré le Dieu que tu as vu mourir; toi qui as pris les ailes d'un aigle pour aller le chercher au ciel, et la voix d'une trompette de guerre pour annoncer son second avénement au monde, n'as-tu pas vu le Crucifié sortir de son sépulcre et revenir vers nous? Etait-il encore doux comme une femme et soumis comme un enfant? Etait-ce toujours l'agneau paisible qui tend la gorge au couteau des sacrificateurs.- La première fois que le Christ est venu au monde, il est venu pour semer, répond le prophète: maintenant il va venir pour moissonner; et c'est pourquoi il viendra armé d'une faux! Sa parole est un glaive à deux tranchants qui sort de sa bouche, et qui va et vient parmi les institutions flétries du vieux monde, comme parmi des branches sèches et des épis morts. Il est monté sur un coursier terrible que rien n'arrête; il est vêtu d'une robe triomphale tachée du sang de ses ennemis; il est paré des diadèmes qu'il a repris aux rois : et l'exterminateur vole devant lui en invitant tous les vautours du ciel à un immense festin ! Il a jeté la faux dans la moisson, et les épis tombent il a envoyé la serpe dans la vendange, et le sang coule! Car Babylone doit disparaître pour faire place à la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel sur la terre, belle comme une fiancée qui vient au-devant de l'époux!

Dormez votre sommeil, générations épuisées; dormez, immondices humaines, grappes pressurées qui n'avez plus ni jus ni sève, épis arides qui brûlerez comme de la paille sèche quand le monde passera par le feu! Dormez, riches! bétail paresseux que sa graisse énerve; dormez, pauvres, dormez, brebis maigres et tondues jusqu'à la peau, qui n'avez plus la force de marcher ni de bêler!

Je vois au Nord Attila qui se lève, le fouet

à la main; je vois flamboyer les yeux rouges de ses chiens, et j'entends leurs aboiements; la grande chasse va recommencer, et les trompes infernales vont retentir bientôt du Nord au Midi.

Réveillez-vous! réveillez-vous, vous tous

FABLE, APOLOGUE. (Voy. PARABOLE.) FABLE POÉTIQUE ou FICTION. (Voy. FicTION.)

FAUST (JEAN). Comme inventeur de l'imprimerie et comme ayant publié et répandu en Europe les premières éditions de la Bible, Jean Faust mérite d'être mentionné dans le Dictionnnaire de littérature religieuse. Son nom appartient d'ailleurs à la poésie des légendaires, et a été popularisé par le drame allégorique de Goëthe.

A l'époque où nous vivons, il est permis encore de douter si l'invention de l'imprimerie fut pour l'humanité un bienfait ou un fléau toujours est-il que par le moyen de cet art, l'arbre de la science du bien et du mal secoua ses feuilles sur le monde, et a déjà fait goûter aux nations ses fruits les plus amers. C'est donc avec une grande raison que la tradition populaire des légendes, toujours si vraie dans ses symboles et si poétique dans ses allégories, a supposé qu'en la personne de Faust l'orgueil humain avait fait alliance avec l'esprit superbe qui nie Dieu.

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Dans la légende de Faust écrite par Widmann, que nous donnerons à la suite de cet article, il n'est pas parlé de l'imprimerie, mais on en décrit les effets dans les conditions du pacte que fait Faust avec Méphistophélès ainsi le démon s'engage à prendre toutes les formes et à obéir au docteur, même les formes du génie, même celles de la beauté; il s'engage à venir quand on l'appellera, à aller où on l'enverra; or n'est-ce pas tout ce que peut faire l'esprit du mal au inoyen de l'imprimerie? Au moyen de cette alliance, l'esprit de l'homme peut évoquer les morts de leur tombe, et vivre dans la société des anciens, comme nous voyons dans la légende que Faust évoqua le fantôme de la belle Hélène et vécut avec elle dans les liens d'un fantastique et criminel amour. Cette explication jette une lumière nouvelle sur la légende de Faust, qu'on ne relira pas ici sans intérêt, et qu'on peut regarder comme une des plus belies fictions du génie populaire qui préside aux allégories merveilleuses et aux fantastiques légendes.

Légende de Faust par Widmann, traduite en français, au xvr siècle, par Palma Cayet.

L'origine de Faust et ses études.

Le docteur Faust fut fils d'un paysan natif de Veinmar sur le Rhod, qui a eu une grande parenté à Wittenberg, comme il y a

qui avez peur ne vous endormez pas, vous qui broutez dans les parcs de la servitude! Hélas! vous avez cru que l'esclavage c'était le repos et que l'avilissement c'était la paix; mais il n'y a pas plus de repos pour les esclaves qu'il n'y a de paix pour les lâches!

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eu de ses ancêtres gens de bien et bons chrétiens; même son oncle qui demeura à Wittenberg et en fut bourgeois fort puissant en biens, qui éleva le docteur Faust, et le tint comme son fils; car, parce qu'il était sans héritiers, il prit ce Faust pour son fils et héritier, et le fit aller à l'école pour étuder en la théologie. Mais il fut débauché d'avec les gens de bien, et abusa de la parole de Dieu. Pourtant, nous avons vu telle parenté et alliance de fort gens de bien et opulents comme tels avoir été du tout estimés et qualifiés prud'hommes, s'être laissés sans mémoire et ne s'être fat mêler parmi les histoires, comme n'ayant vu ni vécu en leurs races de tels enfants impies d'abomination. Toutefois, il est certain que les parents du docteur Faust (comme il a été su d'un chacun à Wittenberg) se réjouirent de tout leur cœur de ce que leur oncle l'avait pris comme son fils, et comme de là en avant ils ressentirent en lui son esprit excellent et sa mémoire, il s'ensuivit sans doute que ses parents eurent un grand soin de lui, comme Job, au chap. 1, avait soin de ses enfants, à ce qu'ils ne fissent point d'offense contre Dieu. Il advient aussi souvent que parents qui sont impies ont des enfants perdus et mal conseillés, comme il s'est vu de Cham, Gen. Iv; de Rub, Gen. XLIX; d'Absalon, II, Reg. xv, 18. Ce que je récite ici, d'autant que cela est notoire, quand les parents abandonnent leur devoir et sollicitude, par le moyen de quoi ils seraient excusables. Tels ne sont que des masques, tout ainsi que des flétrissures à leurs enfants; singulièrement comme il est advenu au docteur Faust d'avoir été mené par ses parents. Pour mettre ici chaque article, il est à savoir qu'ils l'ont laissé faire en sa jeunesse à sa fantaisie, et ne l'ont point tenu assidu à étudier, qui a été envers lui par sesdits parents encore plus petitement. Item, quand ses parents eurent vu sa maligne tête et inclination, et qu'il ne prenait pas plaisir à la théologie, et que de là il fut encore approuvé manifestement, même il y eut clameur et propos commun, qu'il allait après les enchantements, ils le devaient admonester à temps, et le tirer de là, comme ce n'était que songes et folies, et ne devaient pas amoindrir ces fautes-là, afin qu'il n'en demeurât coupable.

Mais venons au propos. Comme donc le docteur Faust eut parachevé tout le cours de ses études, en tous les chefs plus subtils de sciences, pour être qualifié et approuvé,

il passa outre de là en avant, pour être examiné par les recteurs, afin qu'il fût examiné pour être maître, et autour de lui il y eut seize maîtres, par qui il fut ouï et enquis, et avec dextérité il emporta le prix de la dispute.

Et ainsi, pour ce qu'il fut trouvé avoir suffisamment, étudié sa partie, il fut fait docteur en théologie. Puis après, il eut encore en lui sa tête folle et orgueilleuse, comme on appelle des curieux spéculateurs, et s'abandonna aux mauvaises compagnies, mettant la Sainte-Ecriture sous le banc, et mena une vie d'homme débauché et impie, comme cette histoire donne suffisamment à entendre ci-après.

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Or, c'est au dire commun et très-véritable Qui est au plaisir du diable, il ne le laisse reposer ni se défendre. Il entendit que dans Cracovie, au royaume de Pologne, il y avait eu ci-devant une grande école de magie, fort renommée, où se trouvaient telles gens qui s'amusaient aux paroles chaldéennes, persanes, arabiques et grecques, aux figures, caractères, conjurations et enchantements, et semblables termes, que l'on peut nommer d'exorcismes et sorcelleries, et les autres pièces ainsi dénommées par exprès les arts dardaniens, les nigromances, les charmes, les sorcelleries, la divination, l'incantation, et tels livres, paroles et termes que l'on pourrait dire. Cela fut très-agréable à Faust, et y spécula et étudia jour et nuit; en sorte qu'il ne voulut plus être appelé théologien. Ainsi fut homme mondain, et s'appela docteur de médecine, fut astrologue

et mathématicien. Et en un instant il devint droguiste; il guérit premièrement plusieurs peuples avec des drogues, avec des herbes, des racines, des eaux, des potions, des receptes et des clystères. Et puis après, sans raison, il se mit à être beau diseur, comme étant bien versé dans l'Ecriture divine. Mais, comme dit bien la règle de notre Seigneur Jésus-Christ : Celui qui sait la volonté de son maître, et ne la fait pas; celui-là sera battu au double.

Item.« Nul ne peut servir deux maîtres. >> Item. Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.» Faust s'attira tous ces châtiments sur soi, et mit son âme à son plaisir pardessus la barrière; tellement qu'il se persuada n'être point coupable.

Le serviteur de Faust.

Le docteur Faust avait un jeune serviteur qu'il avait élevé quand il étudiait à Wittenberg, qui vit toutes les illusions de son maître Faust, toutes ses magies et son art diabolique. Il était un mauvais garçon, coureur et débauché, du commencement qu'il vint demeurer à Wittenberg: il mendiait, et personne ne voulait le prendre à cause de sa mauvaise nature. Ce garçon se nommait Christofle Wagner, et fut dès lors serviteur du docteur Faust: il se tint très-bien avec lui, en sorte que le docteur Faust l'appelait son fils. Il allait où il voulait, quoiqu'il allat boitant et de travers.

Le docteur Faust conjure le diable pour la première fois.

Faust vint en une forêt épaisse et obscure, comme on se peut figurer, qui est située près de Wittenberg, et s'appelle la forêt de Mangealle, qui était autrefois très-bien connue de lui-même. En cette forêt, vers le soir, en une croisée de quatre chemins, il fit avec un bâton un cercle rond, et deux autres qui entraient dedans le grand cercle. Il conjura ainsi le diable en la nuit, entre neuf et dix heures; et lors manifestement le diable se relâcha sur le point, et se fit voir au docteur Faust en arrière, et lui proposa: Or sus, je veux sonder ton cœur et ta pensée, que tu me l'exposes comme un singe attaché à son billot, et que non-seulement ton corps soit à moi, mais aussi ton âme, et tu me seras obéissant, et je t'envoierai où je voudrai pour faire mon message; et ainsi le diable amiella étrangement Faust, et l'attira à son abusion.

Lors le docteur Faust conjura le diable, à quoi il s'efforça tellement, qu'il fit un tumultè qui était comme s'il eût voulu renverser tout de fond en comble; car il faisait plier les arbres jusques en terre; et puis le diable faisait comme si toute la forêt eût été remplie de diables, qui apparaissaient au milieu et autour du cercle à l'environ comme un grand charriage menant bruit, qui allaient et venaient çà et là, tout au travers par les quatre coins, redonnant dans le cercle comme des élans et foudres, comme des coups de gros canon, dont il semblait que l'enfer fût entr'ouvert, et encore y avait-il toutes sortes d'instruments de musique amiables, qui s'entendaient chanter fort doucement, et encore quelques danses; et y parurent aussi des tournois avec lances et épées, tellement que le temps durait fort long à Faust, et il pensa de s'enfuir hors du cercle. Il prit enfin une résolution unique et abandonnée, et y demeura, et se tint ferme à sa première condition (Dieu permettant ainsi, à ce qu'il pût poursuivre), et se mit comme auparavant à conjurer le diable de nouveau, afin qu'il se fit voir à lui devant ses yeux, de la façon qui s'ensuit. Il s'apparut à lui, à l'entour du cercle, un griffon, et puis un dragon puant le soufre et soufflant, en sorte que, quand Faust faisait les incantations, cette bête grinçait étrangement les dents, et tomba soudain de la longueur de trois ou quatre aunes, qui se mit comme un peloton de feu, tellement que le docteur Faust eut une horrible frayeur. Nonobstant il embrassa sa résolution, et pensa encore plus hautement de faire que le diable lui fût assujéti. Comme quand Faust se vantait, en compagnie un jour, que la plus haute tête qui fût sur la terre lui serait assujétie et obéissante, et ses compagnons étudiants lui répondaient qu'ils ne savaient point de plus haute tête que le pape, ou l'empereur, ou le roi. Lors répondait Faust: La tête qui m'est assujétie est encore plus haute, comme elle est écrite en l'Epître de saint Paul aux Ephésiens : « C'est le prince de ce monde sur la terre et dessous

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le ciel. Ainsi donc, il conjura cette étoile une fois, deux fois, trois fois, et lors devint une poutre de feu, un homme au-dessus qui se défit, puis après, ce furent six globes de feu comme des lumignons, et s'en éleva un au-dessus, et puis un autre par-dessous, et ainsi conséquemment, tant qu'il se changea du tout, et qu'il s'en forma une figure d'un homme tout en feu, qui allait et venait tout autour du cercle, par l'espace d'un quart d'heure. Soudain ce diable et esprit se changea sur-le-champ en la forme d'un moine gris, vint avec Faust en propos, et demanda ce qu'il voulait.

Le nom du diable qui visita Faust.

Le docteur Faust demanda au diable comme il s'appelait, quel était son nom. Le diable lui répondit qu'il s'appelait Méphistophélès

Les conditions du pacte, quelles elles sont.

Au soir, environ vêpres, entre trois et quatre heures, le diable volatique se montra au docteur Faust derechef, et le diable dit au docteur Faust: « J'ai fait ton commandement, et tu me dois commander. Partant, je suis venu pour t'obéir, quel que soit ton désir, d'a tant que tu m'as ainsi ordonné, que je me présentasse devant toi à cette heure ici. » Lors Faust lui fit réponse, ayant encore son âme misérable, toute perplexe, d'autant qu'il n'y avait plus moyen de différer l'heure donnée. Car un homme en étant venu jusque-là ne peut plus être à soi; mais il est, quant à son corps, en la puissance du diable, et de là en avant la personne est en sa puissance. Lors Faust lui demanda les pactions qui s'ensuivent. Premièrement, qu'il peut faire prendre une telle habitude, forme et représentation d'esprit, qu'en icelle il vint et s'apparût à lui. Pour le second, que l'esprit fit tout ce qu'il lui commanderait, et lui apportât tout ce qu'il voudrait avoir de lui. Pour le troisième, qu'il lui fût diligent, sujet et obéissant, comme étant son valet. Pour le quatrième, qu'à toute heure qu'il l'appellerait et le demanderait il se trouvât au logis. Pour le cinquième, qu'il se gouvernât tellement par la maison, qu'il ne fût ni vu ni reconnu de personne que de lui seul, à qui il se montrerait, comme serait son plaisir et son commandement. Et finalement, que toutes fois et quantes qu'il l'appellerait, il eût à se montrer en la même figure comme il lui ferait commandement.

Sur ces six points, le diable répondit à Faust qu'en toutes ces choses, il lui voulait être volontaire et obéissant, et qu'il voulût aussi proposer d'autres articles par ordre, et lorsqu'il les accomplirait, qu'il n'aurait faute

de rien.

Les articles que le diable lui proposa sont tels que ci-après : Premièrement, que Faust lui promît et jurât qu'il serait sien, c'est-àdire en la possession et jouissance du diable. Pour le second, qu'afin de plus grande confirmation, il lui ratifiât par son propre sang, et

que de son sang il lui en écrivit un tel transport et donation de sa personne. Pour le troisième, qu'il fût ennemi de tous les chrétiens. Pour le quatrième, qu'il ne se laissåt attirer à ceux qui le voudraient convertir. Conséquemment, le diable voulut donner à Faust un certain nombre d'années qu'il aurait à vivre, dont il serait aussi tenu de lui, et qu'il lui tiendrait ces articles, et qu'il aurait de lui tout son plaisir et tout son désir. Et qu'il le pourrait en tout presser, que le diable eût à prendre une belle forme et telle qu'il lui plairait.

Ledit Faust fut tellement transporté de la folie et superbité d'esprit, qu'ayant péché une fois, il n'eut plus de souci de la béatitude de son âme; mais il s'abandonna au diable, et lui promit d'entretenir les articles susdits. Il pensait que le diable ne serait pas si mauvais, comme il le faisait paraître, ni que l'enfer fût si impétueux, comme on en parle.

Le docteur Faust s'oblige.

Après tout cela, le docteur Faust dressa par dessus cette grande oubliance et outrecuidance, un instrument au diable et une reconnaissance, une briève soumission et confession, qui est un acte horrible et abominable. Et cette obligation-là fut trouvée en sa maison après son misérable départ de ce monde.

C'est ce que je prétends montrer évidemment pour instruction et exemple des bons chrétiens, afin qu'ils n'aient que faire avec le diable, et qu'ils puissent retirer d'entre ses pattes leurs corps et leurs âmes, comme Faust s'est outrageusement abandonné à son misérable valet et obéissant, qui se disait être par le moyen de telles œuvres diaboli ques, qui est tout ainsi que les Parthes faisaient, s'obligeant les uns aux autres; il prit un couteau pointu et se piqua une veine en la main gauche, et se dit un homme véritable. Il fut vu en sa main ainsi piquée un écrit comme d'un sang de mort, en ces mots latins: O homo, fuge! qui est à dire : 0 homme, fuis-t'en de là, et fais le bien.

Puis le docteur Faust reçoit son sang sur une tuile et y met des charbons tout chauds, et écrit comme s'ensuit ci-après :

« Jean Faust, docteur, reçois de ma propre main manifestement pour une chose ratifiée, et ce en vertu de cet écrit; qu'après que je me suis mis à spéculer les éléments, et après les dons qui m'ont été distribués et départis de là-haut, lesquels n'ont point trouvé d'habitude dans mon entendement; et de ce que je n'ai peut-être enseigné autrement des hommes, lors je me suis présente ment adonné à un esprit qui s'appelle Méphistophélès, qui est valet du prince infernal en Orient, par paction entre lui et moi, qu'il m'adresserait et m'apprendrait, comme il m'était prédestiné, qui aussi réciproquement m'a promis de m'être sujet à toutes choses, partant et à l'opposite, je lui ai promis et lui certifie que d'ici à vingt-quatre. ans, de la date de ces présentes, vivant jus

que-là complétement, comme il m'enseignera en son art et science, et en ses inventions me maintiendra, gouvernera, conduira, et me fera tout bien, avec toutes les choses nécessaires à mon âme, à ma chair, à mon sang et à ma santé, que je suis et serai sien a jamais. Partant je renonce à tout ce qui est pour la vie du maître céleste et de tous les Lommes, et que je sois en tout sien. Pour plus grande certitude et plus grande contirmation, j'ai écrit la présente promesse de ma propre main, et l'ai sous-écrit de mon propre sang, que je me suis tiré expressément pour ce faire, de mon sens et de mon jugement, de ma pensée et volonté, et l'ai arrêté, scellé et testifié, etc. »

:

Faust tira cette obligation à son diable, et lui dit Toi, tiens le brevet. Méphistophélès prit le brevet et voulut encore de Faust avoir cela, qu'il lui en fit une copie, que le malheureux Faust dépêcha.

Les hôtes du docteur Faust se veulent couper le nez.

Le docteur Faust avait, en un certain lieu, invité des hommes principaux pour les traiter sans qu'il eût apprêté aucune chose. Quand donc ils furent venus, ils virent bien la table couverte, mais la cuisine était encore froide. Il se faisait aussi des noces, le même soir, d'un riche et honnête bourgeois, et avaient été tous les domestiques de la maison empêchés, pour bien et honorablement traiter les gens qui y avaient été invités; ce que le docteur Faust ayant appris, commanda à son esprit que de ces noces il lui apportât un service de vivres tout apprêtés, soit poissons ou autres, et qu'incontinent il les enlevât de là pour traiter ses hôtes. Soudain il y eut en la maison où l'on faisait les noces un grand vent par les cheminées, fenêtres et portes, qui éteignit toutes les chandelles. Après que le vent fut cessé et les chandelles derechef allumées, et qu'ils eurent vu d'où le tumulte avait été, ils trouvèrent qu'il manquait à un mets une pièce de rôti, à un autre une poule, à un autre une oie, et que dans la chaudière il manquait aussi de grands poissons. Lors furent Faust et ses invités pourvus de vivres; mais le vin manquait, toutefois non pas longtemps, car Méphistophélès fut fort bien au voyage de Florence dans les caves de Fougres, dont il en emporta quantité. Mais après qu'ils eurent mangé, ils désiraient (qui est ce pour quoi ils étaient principalement venus) qu'il leur fit pour plaisir quelques tours d'enchantement. Lors il leur fit venir sur la table une vigne avec ses grappes de raisin dont un chacun en prit sa part. İl commanda puis après de prendre un couteau et le mettre à la racine comme s'ils l'eussent voulu couper; néanmoins ils n'en purent pas venir à but; puis après il s'en alla hors des étuves, et ne tarda guère sans revenir. Lors ils s'arrêtèrent tous et se tinrent l'un l'autre par le nez et un couteau dessus. Quand donc puis après ils voulurent, ils purent couper les grappes. Cela leur fut ainsi mis aucunement; mais ils eurent bien

voulu qu'il les eût fait venir toutes iures.

Au jour du dimanche, Hélène enchantée. Au jour du dimanche, des étudiants vinrent, sans être invités, en la maison du docteur Faust pour souper avec lui, et apportèrent avec eux des viandes et du vin, car c'étaient gens de dépense volontaire.

Comme donc le vin eut commencé à monter, il y eut propos à table de la beauté des femmes, et l'un commença de dire à l'autre qu'il ne voulait point voir de belles femmes, sinon la belle Hélène de Grèce, parce que sa beauté avait été cause de la ruine totale de la ville de Troie, disant qu'elle devait être très-belle de ce qu'elle avait été tant de fois dérobée, et que pour elle s'était faite une telle élévation.

Le docteur Faust répondit: Puisque vous avez tant de désir de voir la belle personne de la reine Hélène, femme de Ménélaüs et fille de Tyndare et de Léda, sœur de Castor et de Pollux (qui a été la plus belle femme de la Grèce), je vous la veux faire venir elle-même, que vous voyiez personnellement son esprit en sa forme et stature comme elle a été en vie.

Sur cela, le docteur Faust défendit à ses compagnons que personne ne dit mot, et qu'ils ne se levassent point de la table pour s'émouvoir à la caresser, et sortit hors du poêle.

Ainsi, comme il entrait dedans, la reine Hélène suivait après lui à pied, si admirablement belle que les étudiants ne savaient pas s'ils étaient eux-mêmes ou non, tant ils étaient troublés et transportés en eux

mêmes.

Ladite Hélène apparut en une robe de pourpre noire précieuse; ses cheveux lui traînaient jusques en bas si excellemment beaux qu'ils semblaient être fin or, et si bas qu'ils venaient jusques au-dessous des jarrets, au gros de la jambe, avec de beaux yeux noirs, un regard amoureux et une petite tête bien façonnée, ses lèvres rouges comme des cerises, avec une petite bouche, un beau long cou blanc comme un cygne, ses joues vermeilles comme une rose, un visage trèsbeau et lissé, et son corsage longuet, droit et proportionné. Enfin il n'eût pas été possible de trouver en elle une seule imperfection. Elle se fit ainsi voir par toute la salle du poêle avec une façon toute mignarde et poupine, tellement que les étudiants furent enflammés en son amour, et si ce n'est qu'ils savaient que ce fût un esprit, il leur fût facilement venu un tel embrasement pour la toucher. Ainsi Hélène s'en retourna avec le docteur Faust hors de l'étuve.

L'enfant de Faust et d'Hélène.

Ici la légende de Faust raconte comment le démon prit pour séduire ce docteur la fi gure de cette Hélène célebre dans l'antiquité pour avoir causé tous les malheurs qui accompagnèrent la guerre de Troie. Faust en eut un fils qui périt malheureusement et fut englouti tout vivant dans l'enfer avec le fan

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