Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

se déduire, relativement aux opérations de la vérité dans nos âmes, toutes les analogies de la lumière, soit directe, soit réfléchie, soit réfractée. Les ténèbres représentent le mensonge envahissant les âmes, l'état de péché; et le jour figure l'état de grâce; les animaux, les plantes et les minéraux ont des analogies avec les facultés, les passions, les vertus et les gloires soit des hommes encore militants, soit des saints élus qui se reposent dans la gloire; les arbres sont les doctrines, et leurs fruits en sont les résultats; les pierres représentent les fidèles, soit collectivement, comme dans la construction des autels dont il est parlé dans la Bible, et dans cette parole de Notre-Seigneur à Céphas: Tu es Pierre, et sur cette pierre je batirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne › prévaudront jamais contre elle. Par ce mot portes il faut entendre les jugements, les puissances du monde, et les sept vices capitaux, qui sont les souverainetés de l'abime. Jésus-Christ lui-même se compare à la pierre angulaire, et il dit que si l'on fait taire les enfants qui lui crient Salut et gloire, les pierres elles-mêmes crieront. Les arbres représentent aussi les nations, à cause de leurs branches qui figurent les provinces, et de leur feuillage qui représente la multitude. Il faudrait un long et minutieux travail pour recueillir et classer toutes ces allégories, dont la connaissance est si nécessaire à quiconque veut se livrer avec succès à la littérature sacrée. Les limites de cet article, déjà trop long, nous obligent de nous borner à quelques indications pour faciliter les recherches.

Il nous reste à dire quelques mots de l'usage qu'on peut faire encore de l'allégorie dans la littérature sacrée. Comme il nous semble l'avoir fait déjà observer, nous n'avons plus, pour parler en énigmes, ni les mêmes raisons, ni la même autorité que les prophètes, et l'allégorie ne peut guère plus convenir qu'aux enfants et à ceux qui les instruisent. D'ailleurs, les hommes inspirés de Dieu, en employant eux-mêmes cette forme, qui s'accommode si bien aux faiblesses de l'intelligence, n'ont-ils pas regardé les hommes comme de véritables enfants? Dans l'instruction de la jeunesse, l'allégorie peut donc être d'un grand secours, et les catéchistes, par exemple, peuvent y trouver un moyen facile de tempérer par des récits attrayants et des images gracieuses l'austérité et les longueurs de leur grave enseignement; des paraboles dans le genre de celles du Père Bonaventure Giraudeau, par exemple, réussissent toujours et sont du plus heureux effet. Une comparaison, une image fera sur-le-champ comprendre à un enfant, ce que vous vous seriez inutilement efforcé de lui expliquer pendant plusieurs heures, et c'est bien là que vous trouverez l'occasion d'appliquer ces préceptes de convenance et de justesse dont nous avons parlé précédemment. Mesurez vos images à la faible vue, et vos comparaisons à la science peu étendue de vos auditeurs ou de vos lecteurs, dirait

sans doute un professeur expérimenté et vénérable en s'adressant à ses élèves; rappelez- vous toujours qu'un ornement est inutile dès qu'il cesse d'être nécessaire, et que la poésie n'est que l'art d'expliquer la métaphysique à des enfants par le moyen des images; ménagez vos illustrations et supprimez les rébus. Ce que nous disons ici pour la prose s'applique même à la poésie proprement dite, c'est-à-dire à la poésie versifiée la plus belle est toujours la plus simple, et les images qui nous saisissent le plus sont celles qui nous font comprendre facilement et sans effort une belle et grande pensée. Le bon style est tout d'une pièce, si nous pouvons parler ainsi, et l'on ne doit pouvoir rien ajouter ni rien retrancher à sa simplicité comme à son élégance. Il n'y a qu'une manière de bien dire les choses, et le sentiment de cette manière est ce qu'on appelle le goût: or c'est surtout dans le choix des ornements du discours comme la métaphore, la comparaison et l'allégorie (ou mieux, et pour suivre la progression, mettons la métaphore la seconde), c'est surtout, disons-nous, dans le choix de ces ornements et dans l'examen des raisons qui peuvent nous déterminer à leur emploi, que le goût doit être consulté. Il ne faut pas, comme Malherbe, par exemple, comparer les larmes de saint Pierre au déluge universel, et ses soupirs à des ouragans qui déracinent les chênes:

C'est alors que ses cris en tonnerres éclatent;
Ses soupirs se font vents qui les chênes combattent,

etc.

Ces images manquent au bon goût, parce qu'elles ne sont pas vraies, et les analogies y manquent de justesse. Il faut aussi que les images soient toujours nobles, surtout si les choses qu'on veut figurer ne le sont pas: car alors on rachète le trivial de la pensée par la distinction de la forme; enfin, lorsqu'on croit devoir employer l'allégorie pour tourner les difficultés ou tempérer l'aridité d'un sujet, il faut bien se garder d'une allégorie longue, ennuyeuse et embarrassée; de la métaphysique exprimée en bons termes serait moins pénible à entendre, même pour des auditeurs volages et distraits, que de lourdes comparaisons qu'on est obligé de suivre longtemps sans les saisir, et qui ajoutent à l'ennui des difficultés les difficultés nouvelles causées par l'ennui des mauvaises explications et des comparaisons malencontreuses.

Un autre danger de l'emploi des allégories, et celui-là n'est pas le moins grave, c'est de produire de la confusion dans l'esprit des simples, et de mettre l'image à la place de la réalité; danger si réel, que cette confusion et cette substitution ont existé relativement à presque toutes les allégories, et notamment toutes les fois qu'il s'est agi de symbolisme religieux. La populace de Memphis croyait fermement qu'Osiris était un homme à tête de boeuf et qu'Isis était une belle génisse. Les fictions philosophi

ques d'Hésiode et d'Homère ont rempli de faux dieux les temples de la Grèce et de Rome; on en vint à donner un corps aux plus vaines abstractions; on personnifia jusqu'aux vices et aux infirmités humaines, il y eut un dieu Sterculus et un dieu Crepitus. Les légendes des siècles apostoliques et les fictions des Evangiles apocryphes se matérialisèrent au moyen âge, et corrompirent dans plusieurs esprits l'intégrité et la gravité des divines Ecritures. La plupart des chimères où s'égarèrent les gnostiques ne furent que des confusions d'allégories superflues, et les perfections indivisibles de la Divinité, personnifiées séparément et s'engendrant les unes les autres, non pas en réalité, mais dans l'ordre logique des conceptions de notre esprit, produisirent dans la théologie de Basilides et de Valentin ces processions d'éones ou d'entités diverses, vraies chimères philosophiques alliées par couples et se reproduisant de génération en génération, selon les lois mystiques du ternaire, du septénaire et du duodénaire, autres allégories matérialisées ou mal comprises.

A ces tendances idolâtriques se mêlaient des essais de syncrétisme qui ne faisaient autre chose que rendre la confusion plus grande, en introduisant dans la symbolique chrétienne les images et les noms des anciennes mythologies. Ainsi Basilides, dans ses Abraxas, donne au Rédempteur des hommes le nom et les attributs d'Hélios, la divinité du soleil, parce que dans la symbolique chrétienne le soleil représente la Vérité ou le Verbe de Dieu. Ainsi Valentin donnait au Réparateur envoyé par l'intelligence suprême le nom Egyptien d'Horus, et symbolisait-il jusqu'aux récits historiques de l'Evangile pour les faire concorder avec les fables égyptiennes; car, au défaut qui consiste à matérialiser les allégories correspond un autre défaut opposé, mais non moins funeste, qui consiste à voir des allégories partout, et à supprimer ainsi les faits les plus incontestables qui forment la base de tout notre édifice religieux. Or il y a une orthodoxie en littérature comme en religion, et ce qu'on appelle le galimatias est le résultat ordinaire de ces hérésies contre le bon goût, qui consistent à matérialiser les choses spirituelles et à spiritualiser les choses matérielles, de manière à tout confondre. La comparaison, la métaphore et l'allégorie doivent avant tout garder les distances et ne pas intervertir les rôles. Toute comparaison, toute métaphore et toute allégorie est une sorte d'équation entre plusieurs termes, et l'absurdité ne résulte pas moins d'une erreur en littérature qu'en algèbre. Nous mettons ensemble et nous traitons de même la comparaison, la métaphore et l'allégorie, parce que ce sont les trois degrés différents d'une seule et même figure; ainsi, par exemple: Alexandre-le-Grand combattait comme un lion, voilà une relation affirmée, et c'est une comparaison; ce lion qu'on nommait Alexandre, voilà l'emploi de cette relation de similitude: puisque Alexan

dre est comme un lion, j'appelle Alexandre un lion, et c'est une métaphore. Enfin, sans nommer Alexandre, je parle d'un lion de Macédoine qui dévore un immense troupeau dans les campagnes de la Perse et met en fuite les bergers j'emploie la métaphore sans en désigner l'objet, je me sers du terme même de la comparaison pour désigner l'objet comparé, et je fais une allégorie. Au fond de tout cela il y a une équation dont l'expression mathématique est celle-ci : Alexandre est aux Perses ce qu'un lion est à un troupeau; si l'équation est exacte, je puis dire du lion et du troupeau tout ce que je dirais d'Alexandre et des Perses, et réciproquement. Or c'est dans une équation semblable qu'il faut chercher la raison et la justesse de toutes les allégories, et par conséquent de toutes les métaphores et de toutes les comparaisons.

ALMANACH. Un almanach n'est pas un livre sans importance, et la rédaction d'un annuaire ou almanach modèle devrait appartenir exclusivement à la littérature sacrée.

Dieu n'est-il pas en effet l'arbitre du temps et des saisons? L'année n'appartient-t-elle pas tout entière à l'Eglise, qui la partage en périodes douloureuses et en périodes joyeuses, par ses pénitences et ses fêtes?

L'almanach pénètre partout, dans le riche salon comme dans la pauvre cabane; c'est le messager du nouvel an, il doit arriver plein d'expérience et de bons conseils, apportant au foyer des familles une foule d'observations intéressantes, d'anecdotes remarquables, et surtout, pour les grands et petits enfants, des images et du merveilleux. Comme il doit être pour le pauvre le livre de toute l'année, il doit être bien pourvu de bonne philosophie et de gaie science, et, puisqu'il se présente comme un médiateur entre le passé et l'avenir, il doit être habile coateur et utile prophète: car voilà, en peu de mots, ce qu'on demande à un bon alinanach, la science du calendrier, les histoires de l'année passée et des prédictions pour l'année prochaine.

La science du calendrier, au point de vue catholique, n'est pas chose aussi commune qu'on pourrait bien le supposer. L'année ecclésiastique est comme un cours complet de liturgie, et les prières de l'Eglise sont divisées aussi en saisons; chaque saison a ses fêtes et ses couleurs, et doit être employée à la culture d'une vertu spéciale dans l'ordre du progrès spirituel. Le savant abbé Frère, professeur d'Ecriture sainte à la Sorbonne, s'est beaucoup occupé de ce côté symbolique et spirituel de la liturgie il avait amassé sur ce sujet une foule d'observations et de témoignages, et avait complété par une série de tableaux synoptiques un cours qu'il appelait l'année ecclésiastique. Il trouvait une relation exacte et des rapports essentiels entre la succession des fêtes de l'Eglise et la progression des divers états de l'âme dans son travail pour s'unir à Dieu, afin de commencer son éternité en cette vie. Il trouvait la loi du progrès spirituel des

[ocr errors]

âmes exprimée dans ces paroles de saint Augustin: Domus Dei credendo fundatur, sperando erigitur, diligendo perficitur. « La maison de Dieu se fonde sur la foi, s'élève par l'espérance et se couronne par la charité; mais, pour que la foi solidement les fondations de l'édifice spiripuisse asseoir tuel, il faut que la terre soit creusée et la place déblayée par la pénitence. Les quatre Ages de la vie spirituelle sont donc la pénitence, la foi, l'espérance et la charité, et le genre humain tout entier, comme chacun des individus qui le composent, a dû passer par tous ces âges successifs. L'histoire religieuse du monde se partage en quatre époques, qui sont comme les quatre saisons d'une grande année divine. Dieu a appelé les hommes à la pénitence par les prédications de Noé et par les terreurs du déluge; il les a conduits à la foi par le ministère d'Abraham, qui fut le père des croyants; il les a fondés dans l'espérance par les miracles du désert et les promesses faites à Moïse, et il les a enfin initiés à la charité sous les règnes de David et de Salomon, qui représentaient si bien, dans leur sagesse et dans leur splendeur, le règne spirituel du Messie. Mais tout l'Ancien Testament n'a été que la figure du Nouveau, et le temps qui s'est écoulé depuis l'origine du monde jusqu'à la naissance du Sauveur, n a été réellement que le temps de la préparation et des désirs. C'est de ce temps que l'Eglise fait mémoire dans les instructions multipliées et les prières prolongées de l'avent; alors la couleur de ses ornements est le violet, couleur sombre qui exprime le deuil, mais un deuil tempéré d'espérance, une nuit à travers laquelle on voit poindre une nouvelle aurore. A Noël, le Soleil de vérité se lève, et les vêtements sacerdotaux sont blancs, symbole de la pureté de la foi: Le temps de la foi dure jusqu'à Pâques; de Pâques à la Pentecôte c'est la saison de l'espérance, et de la Pentecôte à l'Avent c'est le temps de la charité; c'est donc à l'Avent que commence et que finit, comme une couronne de prières, le cycle de l'année ecclésiastique. Les quatres couleurs symboliques de l'année sont le violet, le blanc, le vert, et le rouge. La couleur d'or représente également le blanc et le rouge, et réunit les emblèmes de la foi et de la charité.

Voici donc des premières notions indispensables à la science chrétienne du calendrier; mais il faut y ajouter bien des choses encore; les douze mois de l'année ne sontils pas sous la garde spéciale des douze anges de la nouvelle Jérusalem? N'ont-ils pas pour signes spéciaux les douze pierres précieuses de la Jérusalem céleste et du rational d'Aaron? Pourquoi ne rattacherait-on pas des souvenirs pieux à chacune de ces heures du grand jour qu'on nomme l'année? Nous est-il défendu d'espérer qu'un jour même les mois seront purifiés de leurs noms païens, et seront désignés par des appellations plus intéressantes pour nos esprits et plus touchantes pour nos cœurs ? Mai, consacré autrefois à la nymphe Maïa, mère du

Dieu des voleurs, n'est-il pas bien plus saintement et plus agréablement nommé du doux nom de mois de Marie?

Nous pourrions faire la même observation sur le nom des jours, et si nous n'ades fêtes Fébrua, de Mars le gendarme, do vons que faire d'un mois consacré à Janus, tous les Junius et de tous les Julius possibles, qu'ils soient des Brute ou des César, que faisons-nous d'un jour consacré à Mars le batailleur, d'un autre voué à Mercure, le dieu suspect? Puis encore pourquoi le milieu de la semaine serait-il consacré à Jupiter, le vendredi à Vénus et le samedi à Saturne? N'est-ce pas le jeudi que le Sauveur du monde, en instituant la sainte Eucharistie, a supprimé pour jamais les sacrifices et les honneurs de Jupiter? N'est-ce pas le vendredi qu'il est mort pour précipiter dans l'enfer l'impudique Vénus? N'est-ce pas le samedi que sa mère, pleurant près de son tombeau, a, par sa résignation, sa foi et son espérance, brisé à jamais ces lois aveugles de la fatalité représentée par le vieux Saturne? On dira peut-être, pour défendre le vieux système par d'autres raisons que l'empire presque fatal de la routine, que les noms des jours de la semaine ne se rappor tent plus aux anciens dieux du paganisme, mais aux sept principales planètes qui portent des noms mythologiques. A cela nous n'aurons rien à répondre, sinon qu'il est plaisant d'avoir établi pour les dieux déchus des Invalides dans le ciel planétaire. Les sept planètes ne seraient-elles pas mieux nommées, par exemple, si on leur donnait les noms des sept anges qui se tiennent sans cesse devant le trône de Dieu? Sans doute que sur tout cela le vieil usage aura longtemps plus de puissance que toutes les raisons; mais si réellement il y avait dans notre calendrier des vestiges de paganisme, le vœu de l'Eglise sans doute est qu'on les fasse disparaître, et c'est surtout dans les annuaires et almanachs catholiques qu'il faudrait préparer de longue main les esprits à cette réforme, en exposant l'esprit du vrai calendrier chrétien, en expliquant la semaine d'après la grande ceuvre des six jours, en consacrant chaque mois à la mémoire d'un patriarche ou d'un apôtre. Le chaste Joseph, par exemple, et le disciple vierge ne se rencontreraient-ils pas à propos dans nos souvenirs pendant les touchantes solemnités du mois de Marie? Puis il faudrait expliquer en peu de mois aux fidèles l'esprit des fêtes, et inontrer la volonté de Dieu accomplie sur la terre par son Eglise toujours sainte et toujours pure, comme par les étoiles dans le firmament, et par les anges dans le ciel. Des notions élémentaires d'astronomie sont toujours nécessaires dans un almanach, mais elles doivent être mises tellement à la portée de tout le monde que les mots techniques eux-mêmes en soient écartés avec soin ou traduits en langage vulgaire. Nous voudrions qu'on en vint à considérer l'immensité du ciel comme un temple où les astres silencieux et recueillis, vêtus d'ornements splen

dides, accomplissent gravement d'année c année les cérémonies d'un culte perpétuel. Si l'on examine bien cette idée, on verra que ce n'est pas uniquement de la poésie, et qu'un chrétien peut difficilement se faire une autre idée des mouvements majestueux du ciel et de la procession des mondes autour de leurs soleils respectifs. Le calendrier doit nous rappeler encore les noms de nos protecteurs du ciel, et pourquoi ne joindrait-on pas au nom de chaque saint un mot caractéristique de ses œuvres ou de ses vertus, pour les proposer chaque jour à l'imitation et aux prières des fidèles? Un almanach ainsi fait serait un véritable livre de piété et un manuel toujours utile.

La partie scientifique de l'almanach aurait donc rapport au calendrier et à la science de l'année ecclésiastique; il serait bon d'y joindre des éphémérides rappelant sommaire ment les grands événements dont le souvenir se rattache à chacun des jours de l'année, et les noms des grands hommes dont l'Eglise honore la mémoire sans les avoir placés dans son Martyrologe; puis doivent venir des conseils sur l'agriculture, en tenant compte de toutes les améliorations et de toutes les découvertes sanctionnées par l'expérience, des avertissements relatifs à l'hygiène et à la morale domestique, en un mot les avertissements d'un bon pasteur et d'un bon père de famille.

La partie historique et anecdotique du livre doit être revue avec un goût sévère; il faut en écarter avec soin l'esprit de parti, de dénigrement et de gaieté niaíse; il faut instruire même en amusant, et si l'on doit permettre et demander même au Messager de tous les ans quelque récit du coin du feu, quelque conte naïf empreint d'une bonne et franche gaieté, nous ne devons lui permettre ni bouffonneries indécentes, ni historiettes hasardées; le conteur du foyer doit se souvenir toujours qu'il parle devant les mères de famille et les petits enfants. Il doit éviter également, dans ses récits, l'intention morate affectée qui fatigue, et les inventions oiseuses qui font perdre le temps; un bon conte qui fait rire sans offenser Dieu ni le prochain n'est pas une chose oiseuse et défendue, puisque Dieu nous permet de nous récréer. Lorsque le bon roi saint Louis était à table, il ne voulait pas, par égard sans doute pour ses convives, qu'on s'y fatiguât l'esprit par des conversations théologiques ou des entretiens trop relevés. Ce n'est pas le moment de disserter ici, disait-il avec bonté; si donc quelqu'un a quelque chose de joyeux dans l'esprit, qu'il le dise en tout bien tout honneur, et avec la crainte de Dieu.

La partie prophétique de l'almanach ne peut être, comme on le comprend bien, qu'un nouveau sujet de récits intéressants, une occasion de faire des calculs et des rapprochements ingénieux, un prétexte pour instruire encore en amusant, et pour exciter doucement et indirectement ses lecteurs au respect et à la confiance pour les soins maternels de la Providence qui nous dirige. Un

peu de merveilleux ne nuit jamais aux poëtes comme aux conteurs, et les prédictions sont la partie poétique de l'almanach. Souvent, sous prétexte de prédiction, on peut se livrer aux observations les plus fines et aux critiques les plus délicates des ridicules de l'année précédente; mais combien de science et d'art ne faut-il pas pour manier habilement et surtout chrétiennement les armes si dangereuses de la raillerie et de la satire! Un almanach catholique bien fait sous tous les rapports que nous venons d'indiquer, serait donc non-seulement un bon ouvrage et une bonne œuvre, mais encore un petit chef-d'œuvre. Il serait bon, du reste, d'étendre aux almanachs les prescriptions du concile de Paris touchant les livres qui doivent être soumis à l'ordinaire; car on ne saurait apporter assez d'attention ni assez de soin à la rédaction de ces petits ouvrages si frivoles en apparence, et qui peuvent avoir sur l'esprit des masses une influence si profonde; il serait à désirer que deux almanachs ou annuaires fussent officiellement publiés tous les ans dans chaque diocèse, sous la surveillance spéciale des évêques : un almanach du clergé qui ne serait autre chose que le bref plus complet et plus étendu, et un almanach des fidèles où seraient renfermés à la fois un résumé des instructions pastorales de l'année précédente et des conseils pour l'année suivante. Quoi qu'il en puisse être de l'opportunité de cette mesure, qu'il ne nous appartient en aucune manière de juger, ni de préjuger, et pour nous en tenir à la seule appréciation littéraire, concluons qu'un almanach est un ouvrage plus important qu'on ne pense, et que pour le bien faire il faut unir les qualités les plus diverses, l'instruction solide d'un savant, la méthode d'un bon professeur, l'indulgence d'un père de famille, l'exactitude et l'impartialité d'un journaliste consciencieux (qu'on nous permette cette utopie), la grâce d'un joyeux conteur unie à la prudence d'un catéchiste; puis enfin la finesse, l'esprit d'observation et de saillie, le tout assaisonné et tempéré par beaucoup de bonhomie et de simplicité.

On voit par cet aperçu, dont personne ne contestera la justesse, que peu de littérateurs, même parmi les plus distingués, sont capables de composer un almanach irréprochable.

AMALARIUS ou AMALAIRE, disciple d'Alcuin, clerc de l'église de Metz, et depuis chorévêque de Lyon, fut envoyé à Rome, F'an 831, par l'empereur Louis. Son grand traité des Offices ecclésiastiques, divisé en quatre livres, est un des documents les plus curieux que doivent consulter ceux qui s'occupent plus spécialement de la liturgie et de la signification emblématique des cérémonies de l'Eglise. Les explications mystiques qu'il donne de toutes les parties du culte ne sauraient plaire à tous les esprits, surtout à une époque d'analyse rationnelle où la critique se montre sévère envers toutes les assertions qui ne paraissent pas bien rigoureusement démontrées. Il y a néan

moins de la piété et des recherches utiles dans le livre d'Amalarius; il est surtout précieux pour la démonstration de certains faits liturgiques d'une grande importance. On y voit que les prières de la messe et des heures étaient les mêmes, du temps d'Amalarius, que celles qui sont marquées dans le Sacramentaire et l'Antiphonier de saint Grégoire, les mêmes que nous disons encore. On y trouve surtout la preuve irrécusable de l'antiquité et de l'immuable majesté des cérémonies de l'Eglise romaine; il étudie et analyse en détail toutes les messes, en commençant à la Septuagésime; il en a même conservé et cité les Introit, les Epitres et les Evangiles, qui sont restés les mêmes depuis plus de onze cents ans; il note avec soin les particularités et les exceptions relatives à certains jours de l'année, et cite les époques auxquelles ces exceptions ont cominencé. De son temps on faisait encore un repas en commun dans les églises en mémoire de la dernière cène, coutume dont il est resté quelque chose dans la cérémonie du lavement des pieds, qui se pratique encore dans presque toutes les églises. Combien cette perpétuité du culte et cette unité de coutumes, dans la célébration de l'office divin, maintenues à travers les âges et malgré tous les changements des lois humaines, cette immutabilité de ce qui est divin au milieu du flux et du reflux des choses humaines, devraient donner à réfléchir à ceux qui pensent qu'on peut facilement supprimer et rétablir des religions comme on change les dynasties et comme on modifie la carte des empires! Quelle légèreté aussi et quelle témérité dans la critique de ces enfants élevés à l'école de Voltaire, et qui viennent hausser les épaules devant la sagesse des vieillards, en critiquant les grandes choses qu'ils ne se donnent pas la peine de comprendre! Tout cela est passé, disent-ils, et ils passent euxmêmes; et cette Eglise dont ils se riaient vient prier près de leur lit de mort, comme @elle priait au Ix siècle, du temps d'Amalarius, comme elle priait du temps des apotres, comme elle priera encore après que plusieurs générations d'ignorants ou d'insensés auront passé sans se rapprocher d'elle; puis quand les peuples, fatigués du silence et du désespoir qui se sont emparés de leur berceau et de leur tombe, chercheront de nouveau un culte et des autels, ils creuseront bien longtemps avant de trouver où poser la première pierre de leur nouveau temple d'une manière durable et solide; le vent soufflera, l'inondation passera, et leurs misérables édifices d'un jour seront entraînés : ils reviendront alors s'abriter dans l'antique maison de leur mère, et la retrouveront toujours jeune, toujours sans taches et sans rides comme aux jours de son adolescence, toujours les bras ouverts pour pardonner, les mains étendues pour bénir. Alors la science s'étonnera des richesses qu'elle avait perdues, la philosophie admirera la simplicité de ces dogmes qui attirent vers le ciel la vraie sagesse humaine, et la forcent à s'é

lever et à grandir sans jamais se laisser atteindre. Amalarius, Alcuin, hommes vénérables que le dernier siècle eût peut-être traités de barbares, vous qui apparaissez dans l'histoire des lettres comme les représentants du véritable progrès à côté du grand Charlemagne, ce fondateur guerrier du second empire chrétien, comme les représentants, disons-nous, du progrès véritable, parce que vous constatez que l'Eglise fait avancer les nations vers la lumière, mais qu'elle n'avance pas elle-même, parce qu'elle les attend toujours, nous vous saluons, vous qui avez cru, qui avez espéré et qui avez prié comme nous. Après les tempêtes de la réforme, après le vent aride du XVIIIe siècle, après le tremblement de terre des révolutions, l'arbre de vos croyances est toujours debout, et se couvre encore du même feuillage, et donne dans toutes les saisons de l'année les mêmes fruits après les mêmes fleurs; l'homme le plus puissant par le génie et par les armes qu'aient produit les temps modernes ne trouva rien de plus beau à faire, dans un monde avide de nouveautés et de merveilles, que de recueillir les reliques de Charlemagne, et d'essayer à ses propres mains son globe impérial et son épée, et ce qu'il regretta le plus peut-être, ce fut de ne point avoir à ses côtés des hommes comme vous, des croyants soumis et laborieux, de sages et prudents défenseurs de tout ce qui est immuable.*

Ces pensées nous sont suggérées par la lecture des livres d'Amalarius sur la liturgie, et nous ne pouvons nous empêcher d'admirer cette foi dont l'expression est peut-être peu attrayante relativement aux habitudes littéraires de nos jours, mais dont la base est la même que celle de toutes les grandeurs scientifiques et littéraires de l'Eglise.

Bossuet et Fénelon ont célébré les saints mystères que commente Amalarius, et avec la seule différence du génie personnel. Ils se sont unis, dans la méditation des mêmes symboles, au génie de ces âges écoulés, qui communiaient eux-mêmes avec le génie toujours vivant de la primitive Eglise : unité d'esprit, unité de signes, unité d'aspirations et de désirs, communion du passéavec l'avenir, qui se confondent en quelque sorte devant l'éternité. Voilà l'esprit de l'Eglise et le caractère indélébile de ses institutions et de son culte, et c'est ainsi qu'elle établit l'égal té entre les vertus de tous les temps et la fraternité entre les ages.

AMBROISE (saint), l'Athanase de l'Eglise latine, et le plus grand évêque du BasEmpire, peut être considéré comme le père de la littérature chrétienne en Occident. Pour le prouver, c'est assez de dire qu'il fut le maître et le père spirituel de saint Augustin. Jamais personne n'exprima mieux que le saint archevêque de Milan toute la vérité de ce précepte de saint Paul, que tout ce qui est vrai, que tout ce qui est bon, que tout ce qui est aimable, que tout ce

434809 A

« ZurückWeiter »