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CHAPITRE XXVII.

Réfutation de l'objection tirée de la constitution
de Boniface VIII, UNAM SANCTAM.

Il n'y a point d'argument par lequel les critiques excitent une haine plus violente contre l'autorité du Siége apostolique, que celui qu'ils tirent de la Bulle

ner à des faits qu'on peut vérifier, qu'on jette seulement les yeux sur les Brefs de dispense que les Papes adressent tous les jours aux Ordinaires des lieux. On verra avec quelle circonspection ils accordent les grâces qu'on sollicite, en supposant toujours comme une condition indispensable la vérité des faits exposés quatenus hæc ita sunt; qu'ils chargent la conscience des évêques de les vérifier super quibus conscientiam tuam oneramus; et on sait que l'omission faite dans la supplique d'une circonstance qui aurait rendu la grâce plus difficile à obtenir, forme une nullité de plein droit.» L'abbé Pey répond ainsi : >> Peut-on nous garantir que les évêques seraient plus éclairés, plus prudents, plus intègres? qu'ils seraient plus inaccessibles aux motifs d'intérêt personnel, de crainte ou d'espérance, qui sont les grands mobiles du cœur humain et les premières sources des abus ? C'est là une observation qu'on ne saurait trop inculquer. Lorsque Henri VIII voulut faire casser son mariage avec Anne de Boulen, presque tous les évêques d'Angleterre se rangèrent de son parti. Lorsque les empereurs d'Orient se déclarèrent les protecteurs des hérésies ou des schismes, ils y entraînèrent un trèsgrand nombre des églises de leur empire. Le Saint-Siége seul n'a jamais fléchi, en autorisant par ses décrets, ni les erreurs ni les abus. Toujours la fermeté, le zèle, l'héroïsme des grands Papes

Unam sanctam de Boniface VIII. Ils disent que Boniface a défini dans cette Bulle, que le Pape, en qualité de monarque universel, peut ôter et donner à son gré tous les royaumes de la terre 1. Mais Boniface, à qui l'on fai– sait cette imputation à cause de ses démêlés avec Philippe-le-Bel, s'en justifia ainsi dans un discours prononcé en 1302 devant le consistoire : « Il y a » quarante ans que nous sommes versés dans le droit, » et que nous savons qu'il existe deux puissances or>> données de Dieu. Qui donc pourrait croire qu'une >> si grande fatuité, une si grande folie, soit jamais >> entrée dans notre esprit ?»

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Les cardinaux aussi, dans une lettre écrite d'Anagni, aux ducs, comtes et nobles du royaume de France, justifièrent le Pape en ces termes : « Nous >> voulons que vous teniez pour certain, que le sou>> verain Pontife, notre seigneur, n'a jamais écrit

ont opposé une digue invincible aux tempêtes qui se sont élevées contre l'Eglise... (L'abbé Pey, De l'autorité des deux Puissances, édit. de 1781, 3 vol. in-8, tom. 11, pag. 332, 334.)

1 M. de Lamennais cite tout ce passage de Fénelon (De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil, in-8°, 1825, pag. 110, 111 et suiv.); il le fait précéder de ces lignes « Il ne faut pas s'imaginer que l'Eglise ait jamais prétendu posséder un autre pouvoir que celui que nous venons d'expliquer (le pouvoir directif), ni qu'elle se soit attribué un droit réel, comme on le lui a tant de fois imputé faussement, sur le temporel des rois. On avait besoin d'un prétexte pour combattre son autorité véritable, on a choisi celui-là et c'est Fénelon qui nous l'apprend. » — Voy. ci-après la note à la page 122.

2 Hist. du différend, etc. Preuves, pag. 77.

>> audit roi qu'il dût lui être soumis temporellement à >> raison de son royaume, ni le tenir de lui 1. »

Son successeur, Clément V, ne révoqua pas la Bulle de Boniface VIII, comme le disent ordinairement les critiques cisalpins; il dit seulement dans sa Décrétale Meruit: « Nous ne voulons et entendons porter aucun préjudice au roi et au royaume, ni que par celle Bulle, le roi, le royaume et ses habitants soient plus soumis à l'Eglise romaine qu'ils ne l'étaient auparavant; mais qu'on entende que toutes choses relativement à cette question demeurent dans le même état qu'elles étaient avant la susdite définition. » Certes, c'est avec une grande convenance que le Siége aposto— lique repousse ainsi les incriminations des critiques, et les rois savent bien que ce qui se chante dans les divins offices est approuvé par l'Eglise3. Il n'arrache pas les royaumes temporels celui qui donne les trônes célestes. Il ne faut pourtant pas nier cette assertion que nous lisons dans Gerson : « On ne doit pas dire (ce sont ses paroles) que les rois et les princes tiennent du Pape et de l'Eglise leurs terres ou leurs héritages, en sorte que le Pape ait sur eux une autorité civile et juridique, comme quelques-uns accusent faussement Boniface VIII

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1 Hist. du différend, Preuves, pag. 63.

2 Ibid., p. 288.

3 Hym. Epiphan., in Brevi. Rom.

4 Serm. de pace et unione Græc. Consid. V, tom. 11, p. 147. -Dans ce passage, Gerson, d'ailleurs si peu enclin à exagérer les droits de la puissance pontificale, explique nettement sa nature et son étendue par rapport à la souveraineté temporelle.

de l'avoir pensé. Cependant tous les hommes, princes et autres, sont soumis au Pape, en tant qu'ils voudraient abuser de leurs juridictions, de leur temporel et de leur souverain domaine contre la Loi divine et naturelle; et cette puissance supérieure du Pape peut être appelée directive et ordinative, plutôt que civile ou juridique. » Ainsi, Zacharie dit aux grands de France qui le consultaient, qu'il fallait préférer Pepin

1 L'auteur de la Revue de quelques ouvrages de Fénelon, où l'on expose en particulier ses véritables sentiments sur le fondement de la certitude, et sur l'autorité du Souverain Pontife, 1 vol. in-8°, 1830, veut que l'achevêque de Cambrai ait cité ce passage de Gerson et l'ait expliqué de façon à aller au-devant des mauvaises conséquences qu'on en pourrait tirer. « On voit, dit cet auteur après avoir cité les réflexions de Fénelon sur ce passage, on voit que l'archevêque de Cambrai n'attribue point à Gerson le sentiment qui suppose dans le Souverain Pontife une juridiction au moins indirecte sur le temporel des princes, en vertu de l'institution divine. Dans le sentiment de Fénelon, le pouvoir directif admis par Gerson n'est point un pouvoir de juridiction sur le temporel des princes, mais uniquement le pouvoir d'interpréter le serment de fidélité, et d'apprendre aux peuples les obligations de conscience qui en résultent (pag. 109 et 110). » M. de Lamennais interprète ainsi la citation de l'archevêque de Cambrai : « Fénelon, dit-il, adopte cette doctrine (celle de Gerson) et l'applique aux questions qui peuvent naître sur la souveraineté, questions qui intéressent à un si haut degré le salut des peuples. Il montre encore que c'était, chez toutes les nations catholiques, un principe reçu et profondément gravé dans les âmes, que le pouvoir suprême ne pouvait être confié qu'à un prince catholique, et qu'en vertu de la loi même sur laquelle reposait la société, le peuple n'était tenu d'obéir au prince qu'autant que le prince luimême obéissait à la religion catholique. Ainsi, ajoute Fénelon,

à Childéric, pour le mettre à la tête de la nation. Mais celte puissance que Gerson nomme directive et ordinative, consiste seulement en ce que le Pape, comme prince des pasteurs, comme principal docteur et directeur de l'Eglise dans les grandes causes de discipline morale, est tenu d'instruire le peuple qui le consulte sur l'observation du serment de fidélité. Du reste, les Pontifes ne prétendent en rien commander aux rois, à moins qu'ils n'aient acquis ce droit ou par un titre spécial, ou par une possession particulière sur quelque roi feudataire du Saint-Siége. Car il a été dit à tous les apôtres, et par conséquent à Pierre Les rois des nations les dominent, mais vous, il n'en est pas ainsi! Il est vrai que saint Bernard, exhortant le Pape Eugène à porter secours à l'Eglise d'Orient, a dit ces paroles « Pierre a deux glaives qu'il doit dégaîner l'un par sa volonté, l'autre par sa main, toutes les fois qu'il est nécessaire. » Mais il est hors de doute que ce Père a voulu seulement que la puissance séculière avertie ou même, comme dit Gerson, dirigée et réglée par l'exhortation du pasteur, dégaîne l'épée pour dé

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l'Eglise ne destituait ni n'instituait les princes laïques, elle répondait seulement aux peuples qui la consultaient sur ce quê touchait la conscience, à raison du contrat et du serment. Or, ce n'est pas là une puissance civile et juridique, mais la puissance directive et ordinative qu'approuve Gerson (M. l'abbe de Lamennais, De la religion considérée, etc., pag. 113, 114). » - Voy. plus loin le chap. xxxix de la présente Dissertation. 1 S. Luc, XXII, 25, 26.

2 Epist. CCLVI, ad Eug. Pap., n. 1.

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