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AVANT-PROPOS.

Les premiers éditeurs des OEuvres de Fénelon rapportent qu'étant arrivés au 2o volume de leur collection, ils découvrirent quatre Lettres de l'archevêque de Cambrai, écrites en latin et adressées aux cardinaux Gabrielli et Fabroni. Ces Lettres ayant plusieurs points de contact avec la Dissertation qui précède, ces éditeurs ont cru devoir les annexer à ce Traité. Nous suivrons leur exemple, bien que ces Lettres aient aujourd'hui un intérêt plutôt historique que dogmatique.

Ces mêmes éditeurs, dans un avis écrit en latin, placé en tête de ces quatre Lettres, font l'éloge de la sagesse et de la noble indépendance qni ont guidé l'illustre auteur. Ils y trouvent un modèle de l'habileté et de la précaution avec lesquelles un théologien doit toujours défendre les dogmes de la foi, et combattre les nouveautés de l'hérésie, tout en ménageant, autant qu'il convient, les opinions libres de l'école. Puis, ces éditeurs racontent ainsi l'occasion de ces Lettres.

Quelques cardinaux et quelques théologiens ultramontains, disent-ils, faisaient un crime à l'archevêque de Cambrai, et autres prélats de l'Eglise de France, de s'appuyer, dans leurs Instructions pastorales contre le Cas de conscience 1, seule

Sur la part que Fénelon prit dans cette affaire du Cas de Conscience, voir son Histoire, par le cardinal de Bausset, liv. v, chap. II et suiv. Cet historien dit que la manière franche et décidée dont Fénelon s'était exprimé sur l'infaillibilité de l'Eglise dans le jugement des faits dogmatiques, l'engagea dans une longue suite d'écrits et d'instructions publiées dans les années 1705 et 1706. (Hist. de Fén., édit. Lebel, 1817, tom. II, pag. 331). Nous ajouterons que les Mandements de Fénelon

ment sur l'infaillibilité de l'Eglise, sans dire un mot de l'infaillibilité du Saint-Siège. Fénelon apprit plus tard que le Pape lui-même avait, pour ce motif, improuvé son Instruction pastorale du 10 février 1704. Des lettres de quelques particuliers et surtout de l'internonce de Bruxelles lui en avaient donné connaissance, comme il nous l'apprend dès le commencement de sa deuxième Epître au cardinal Gabrielli. De plus, vers le même temps, le bruit circulait que les Mandements des évêques de Chartres et de Noyon devaient bientôt être mis à l'Index sous prétexte du même défaut : Fénelon constate aussi ce fait en tête de sa première Epître.

Le but principal des quatre Lettres dont nous publions la traduction, est donc de dissiper les nuages que cette affaire pouvait élever au détriment de la paix de l'Eglise. L'archevêque de Cambrai voulut donner une explication propre à satisfaire et à calmer les plus justes exigences.

Les deux premières Lettres, datées du 12 mai et du 25 août 1704, sont adressées au cardinal Gabrielli 1 avec lequel Fé

de 1705 à 1709 sont l'expression continuelle des pensées émises dans les quatre Lettres, ou plutôt ces Lettres sont comme la justification des Mandements. Il est curieux de lire dans Joseph de Maistre les considérations auxquelles il se livre sur le zèle pur et éclairé que Fénelon déploya contre le jansénisme, tandis que le grand et impétueux courage de Bossuet se trouva privé de ses forces en présence de cette dangereuse hérésie. Il s'en faut de peu que de Maistre, par la pente ordinaire de son esprit souvent porté à l'exagération, ne fasse passer l'évêque de Meaux pour janséniste. (Voy. De l'Eglise gallicane, liv. II, chap. x, XII et suiv.)

1 Jean Marie Gabrielli de Saint-Floride naquit en 1655 à Citta di Castello dans les Etats de l'Eglise et entra dans l'ordre des Feuillants le 12 octobre 1672. — Gabrielli (d'autres écrivent Gabrieli) se livra à l'étude de la philosophie, de la théologie, du droit canon, des conciles et de l'histoire ecclésiastique. Son mérite le fit parvenir en 1697 à la charge de Supérieur général de sa Congrégation. Il fut aussi président de la Congrégation de la Propagande, où il s'attira l'estime et l'amitié des Fabroni, qui le recommandèrent au pape Innocent XII. Ce Pape goûta le P. Gabrielli, et l'éleva au cardinalat le 14 novembre 1699. Nous avons quelques ouvrages de ce cardinal : un Traité du Pontife romain et de l'Eglise, suivaut les sentiments de saint Bernard, Rome 1682; un Promptuaire d'assertions choisies, his

nelon entretenait des relations épistolaires très-fréquentes, et par l'intervention duquel il conférait avec le pape Clément XI lui-même sur les affaires qui intéressaient le bien de l'Eglise. Le grand écrivain s'appuie principalement, pour soutenir sa thèse, sur les arguments suivants que résument les éditeurs de Fénelon.

Pour défendre le dogme catholique contre les novateurs, il faut toujours faire abstraction des questions abandonnées aux disputes des écoles. L'infaillibilité du Pape n'a jusqu'ici été définie par aucun concile, par aucun souverain Pontife. Les plus célèbres défenseurs du dogme catholique, surtout Bossuet dans ses ouvrages contre les protestants, accueillis dans tout l'univers avec tant d'acclamations, n'ont jamais parlé de cette infaillibilité. Enfin dans la dispute avec les Jansénistes il ne s'agit pas de savoir s'il faut attribuer l'infaillibilité au souverain Pontife ou au concile général, il faut rechercher s'il existe un tribunal infaillible reconnu par les novateurs mêmes qui exercent son infaillibilité en approuvant ou condamnant les textes dogmatiques.

1

Dans la troisième Lettre, adressée au cardinal Fabroni 1,

toriques, critiques, dogmatiques, tirées de l'Ecriture, de l'Histoire ecclésiastique, des papes et des Conciles, et distribuées dans l'ordre chronologique des huit premiers siècles de l'Eglise, Rome 1687; une Théologie historico - dogmatico scholastique contre les païens, juifs, hérétiques, schismatiques. (Voy. Dupin, Table des Aut. ecclés. du XVIIe siècle, tom. II, 1704, pag. 2690, où Gabrielli est marqué comme encore vivant). Ce cardinal lutta contre les jansénistes; la faction se donnant beaucoup de mouvement pour dénoncer la doctrine du Nodus, Innocent XII refusa de se prononcer sur le livre et Gabrielli en entreprit la défense, ce qui fit jeter les hauts cris aux écrivains du parti, entre autres au P. Gerberon. (Voy. les Mémoires chronologiques, etc., du P. d'Avrigny, 2 vol. in-8°, 1781, tom. II, pag. 241). Le cardinal Gabrielli mourut à Caprarole le 17 septembre 1711.- Voy. sur ce cardinal la Notice qui lui est consacrée dans les Œuvres de Fénelon, nouv. édit. 10 vol. in-4°, 1848-1851, tom. x, pag. 187, et la note à la pag. 172 de ce même tom. xe.

1 Ce cardinal fut mêlé aux affaires relatives aux jansénistes et de la constitution Unigenitus: les historiens du parti le traitent fort mal. — Fabroni ( Charles-Augustin), né en 1651 à Pistoie en Toscane, était

Fénelon s'applique à développer plus amplement les mêmes arguments, et à les confirmer.

La quatrième, écrite au cardinal Gabrielli, venge le langage du clergé de France dans l'acceptation de la bulle Vineam Domini pendant l'assemblée générale du clergé de 1705 '. Le pape se plaignait ouvertement de ce que les évêques de France, en acceptant cette Constitution, s'étaient attribué à eux-mêmes le droit de juger des questions déjà décidées par le Siége apostolique. Pour apaiser ces plaintes l'archevêque de Cambrai expose nettement, dans le 1er § de son Epître, les droits du Siége apostolique unanimement admis par les théologiens orthodoxes; d'où il conclut, en passant, qu'il ne faut pas désespérer de concilier, au moyen d'une opinion admise, les docteurs d'en-deçà et d'au-delà des monts, comme il se propose de le démontrer plus au long dans une Dissertation spéciale 2.

Dans un autre § de la même lettre, Fénelon déduit des

secrétaire de la congrégation de la Propagande, lorsque le livre des Maximes des Saints fut déféré au Saint-Siége, en 1697. Ce prélat, qui, sans être, comme le cardinal Gabrielli, du nombre des consulteurs, était très-favorable à Fénelon, profita de son ascendant sur l'esprit du Pape Innocent XII, pour l'engager à terminer l'affaire en publiant quelques canons qui mettraient en sûreté la véritable doctrine. Innocent XII goûta d'abord ce projet; mais la crainte de déplaire à la cour de France le lui fit bientôt abandonner. Devenu cardinal en 1706, et chargé de plusieurs emplois importants à la cour pontificale, Fabroni conserva toujours les sentiments de la plus haute estime pour Fénelon quoiqu'il ne pût approuver le silence de ce prélat sur l'infaillibilité du Pape, dans ses écrits contre le jansénisme. Il mourut à Rome le 19 septembre 1727, âgé de soixante-seize ans. (Voy. l'Histoire littėraire de Fénelon, 1re part. art. 1, sect. 11, n. 4. Dans le tom. 1er des OEuvres complètes, de l'édition ci-dessus).

1 Voy. la note que nous avons insérée sur cette Bulle dans la IVe Lettre de Fénelon.

2 Cette Dissertation est celle sur l'Autorité du Souverain Pontife. On voit par-là que Fénelon a écrit cet ouvrage après les lettres aux cardinaux Gabrielli et Fabroni. Ce sont probablement les disputes auxquelles donna lieu l'affaire du cas de conscience qui contribuèrent à la publication de ce Traité, indépendamment du désir général qui ne quittait guère Fénelon pour travailler à la conciliation des esprits dans les divisions qui affligeaient l'Eglise de son temps.

mêmes principes que les évêques, étant soumis en vertu de l'institution divine à la juridiction du Pontife romain, n'ont nullement le droit d'examiner, de réformer ou d'ébranler le jugement du Siége apostolique; que pourtant il leur appartient, en acceptant le jugement du Saint-Siége, de prononcer avec lui par manière de jugement, attestant que ce jugement est entièrement conforme à la tradition de toutes les églises.

Le savant prélat prouve ses assertions par la pratique constante de tous les siècles, et par l'histoire même des conciles œcuméniques. Une chose digne de remarque, disent ses éditeurs, c'est qu'il existe une Epître satisfactoire adressée au pape Clément XI, le 10 mars 1710, au nom des principaux prélats qui avaient déjà assisté à l'Assemblée générale de 1705; épître entièrement conforme à la doctrine de l'archevêque de Cambrai 2.

Quoique ces deux dernières lettres ne portent aucune date de jour ni d'année, il résulte de leur contexte qu'il faut les mettre l'une et l'autre à la fin de 1706 ou au commencement de 1707; car le préambule de chacune d'elles et le dernier S de la seconde prouvent clairement qu'elles ont été écrites quelques mois après la seconde Epître de l'évêque de Saint-Pons à l'archevêque de Cambrai, datée du 22 mai 1706 3.

Fénelon ne ramena pas tous ses adversaires à son sentiment, mais, disent les éditeurs de ses œuvres, il fut abondamment dédommagé de leur censure par le suffrage du Souverain Pontife dont la prudence et la sagacité exquise ne pouvaient manquer de céder aux raisons par lesquelles l'archevêque de Cambrai prouvait la manière d'agir des prélats français et la sienne".

1 Dans leur Avertissement que nous fondons dans cet Avant-propos. 2 Consulter là-dessus les Mémoires chronologiques du P. d'Avrigny, et la Collection des jugements sur les nouvelles erreurs, par d'Argentré, tom. II, part. II, pag. 457 et suiv.

3 Voy. sur cette dispute de l'archevêque de Cambrai avec l'évêque de Saint-Pons, l'Histoire de Fénelon, liv. v, n. 5.

4 Voy. la lettre du cardinal Fabroni à l'archevêque de Cambrai du 16 juillet 1707, et celle de l'archevêque de Cambrai au duc de Cap:, au commencement de 1710. On trouve ces lettres dans le Recueil de la correspondance de Fénelon, édition de Versailles.

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