Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

l'infaillibilité du Pape et celle du parti contraire, doivent être unanimes à proclamer qu'il faut au moins accorder à tout le corps de l'Eglise l'infaillibilité dans le jugement des textes. Ceci prouverait clairement que j'ai voulu prudemment éviter jusqu'à l'ombre de la dispute entre les théologiens qui soutiennent la saine doctrine et que je n'ai voulu favoriser aucun parti. Bien plus, comme un arbitre et un médiateur, je me suis efforcé de pousser les théologiens de l'une et l'autre école à défendre à l'envi une cause qui leur est commune.

10° J'avoue que les arguments sur lesquels s'appuyent le grand chancelier et les principaux prélats pour persuader au roi qu'il faut corriger le Bref1 apostolique lancé contre les quarante docteurs me paraissent nuls, faux, absurdes, je dis plus, ils sont très-contraires à la liberté. de l'Eglise dont ils se targuent adroitement. Car on ne peut pas espérer que le dévoûment, le respect et le zèle de notre Roi pour l'Eglise mère lui survivra et se perpétuera dans ses successeurs. Or, quel malheur pour la foi catholique, si, sous le règne d'un autre prince, serviteur obéissant des hérétiques, on regardait comme nul et non avenus tous les Brefs apostoliques qui ne seraient pas sollicités par un tel monarque. Comme si un médecin devait refuser ses soins à une maladie, parce que le malade en délire refuserait la santé. Mais non, plus notre peuple français, dans un accès de malheureuse folie, rejetterait sa guérison, plus le plus tendre des pères devrait lui prodiguer ses soins amoureux. Graces immortelles au Dieu bon et puissant, le pieux Génie de la famille royale préservera notre siècle du naufrage de la foi.

1 En date du 12 février 1703.

11° J'avais presque mis la dernière main à l'ouvrage où je réfute le reste des objections contre l'infaillibilité dans le jugement des textes, quand survint un nouveau libelle de Quesnel contre le Mandement de l'évêque de Chartres qui me força d'y faire de nombreuses additions. Certes, jamais il n'a paru rien de plus véhément, de plus acerbe, de plus arrogant que ce pamphlet: tant mieux pour l'Eglise de ce qu'il a vomi publiquement tout son venin. Lui-même rend palpable cette hérésie qu'il traite de fantôme. Dans cet abrégé de la doctrine janséniste on voit, d'un seul coup d'œil, tout ce qu'il y a à réfuter et à condamner. Je serai toujours, avec le plus profond respect, la plus grande reconnaissance, le plus parfait dévouement, etc., etc., etc.

LETTRE TROISIÈME

AU TRÈS-EMINENT CARDINAL FABRONI.

1707.

TRÈS-EMINENT SEIGNEUR,

Les soins que réclamait ma santé affaiblie depuis longtemps, un long voyage aux eaux depuis le commencement de l'été jusqu'à la fin de l'automne, enfin un grand nombre d'affaires pressantes, tels sont les motifs qui m'ont empêché de répondre aux deux lettres que votre Eminence a eu l'extrême obligeance de m'écrire. Dieu m'est témoin

que je n'ai jamais reçu la première et que j'ai reçu trop tard la seconde avec une copie de celle qui l'avait précédée. Ces deux lettres m'ont donné la douce certitude que la tendre bienveillance dont vous m'avez honoré ne s'est point refroidie et qu'elle ne se refroidira jamais. Je vous remercie infiniment, très-éminent Seigneur, de l'extrême bonté avec laquelle vous m'avertissez de montrer plus de dévouement au Saint-Siége; mais, je pense, qu'on ne doit plus revenir sur ce qui vous paraissait manquer dans mon premier Mandement.

1o Le père Daymeriques, très-pieux et très-savant provincial de la société de Jésus dans la Flandre française, m'écrivit de Rome très-peu de temps avant son trépas qu'il avait présenté mes très-humbles salutations à votre Eminence et qu'il avait eu un long entretien avec elle, tellement que la chose ayant été discutée à fond, il était clair pour votre Eminence que j'avais dit ce qu'il fallait dire et passer sous silence ce qu'il fallait taire.

2o Si vous daignez lire attentivement les autres ordonnances pastorales que j'ai publiées, vous vous convaincrez que de tous les prélats français, sans en excepter un seul, il n'y a que moi qui ai parlé de l'autorité du Saint-Siége avec l'étendue et le zèle que vous savez. Votre Eminence pourrait voir surtout le Lvшe chapitre de ma troisième ordonnance pastorale où je déclare ouvertement que dans tout le cours de l'ouvrage je n'ai rien voulu affirmer ou insinuer qui blessât tant soit peu son infaillibilité. Je dis plus, j'ai aplani avec le plus grand soin l'objection que l'on pourrait tirer des lettres d'Honorius. En vérité, je ne sais ce que l'on peut désirer de plus, tout ce qui sort de ces limites n'a aucun rapport avec le point controversé entre nous et

les jansénistes. Je ne demande qu'une chose, c'est que moi qui dans cette circonstance ai soutenu l'autorité du Saint-Siége avec plus de zèle que tous les prélats français, je ne sois pas le seul qui passe pour avoir négligé ses intérêts.

3o Dans un mandement plus récent pour la réception de la Bulle Vineam Domini, non-seulement j'ai relaté toutes les expressions qui, dans la Constitution, font ressortir l'autorité souveraine; mais j'ai cité les paroles du Bref au cardinal de Noailles, qui rappellent la promesse faite à Pierre et l'obligation de se soumettre quand Pierre a parlé. Et certes, je ne connais aucun prélat qui ait osé mettre ces textes en avant.

4o J'ai dit, il est vrai, en divers endroits, que le corps des pasteurs ne pouvait se tromper quand il juge des textes dogmatiques; mais outre que j'ai affirmé la même chose de l'Eglise prise en général, il n'y a rien d'étonnant que pour plus de clarté dans le cours de la controverse, j'aie opposé le corps des pasteurs qui enseigne au corps des peuples qui reçoit l'enseignement. Au reste, il est plus clair que le soleil, que ces mots, le corps des pasteurs, ont absolument le même sens que ceux-ci, l'Eglise universelle, abstraction faite des laïcs. En effet, si nous les mettons de côté, le corps des pasteurs renferme et de la même manière tout ce que renferme l'Eglise universelle. Donc ces deux locutions embrassent également le chef et les membres nécessairement attachés au chef, savoir le Saint-Siége qui domine du faîte de sa grandeur les autres membres, et toutes les églises inférieures qui sont en communication avec lui. Qui dit le corps des pasteurs dit

1 Saint Aug.

ouvertement l'Eglise universelle à part les laïques dont le devoir n'est pas d'enseigner mais de recevoir la doctrine. Tout ce que l'on sous-entend du Saint-Siége quand on parle de l'Eglise prise en général, on doit également le sous-entendre quand on parle du corps des pasteurs, car ce siége n'est pas moins le chef du corps des pasteurs qu'il ne l'est de toute l'Eglise.

50 Si, en parlant de l'infaillibilité de l'Eglise, j'eusse ajouté que cette Eglise infaillible est celle de Rome, j'eusse excité un grand trouble. Les malveillants se seraient écriés que cette expression est ambiguë et entachée de fourberie, il eût été nécessaire de s'expliquer. Si l'explication n'eût pas été favorable à l'infaillibilité du Pape, c'eût été plus disgracieux et plus blessant pour le Saint-Siége. Si, au contraire, elle lui eût été favorable, soudain tous les ordres du royaume se fussent de concert jetés sur moi. Ceries, ce n'est pas là une conjecture; l'exemple de quelques évêques qui ont promulgé le premier Bref du Souverain Pontife, sans attendre l'agrément des parlements, ne le prouve que trop, aussitôt leurs mandements ont été condamnés. Il est donc évident qu'ils se fussent déchaînés plus violemment contre moi si, privé depuis longtemps des bonnes grâces du roi, je fusse de gaîté de cœur tombé dans le même excès que je venais de voir reprocher à ces prélats.

6o Ce qui eût gravement choqué ceux d'en-deçà des Alpes ne serait pas moins blâmé par ceux d'au-delà des monts. Car le sage Pontife qui avait exposé à l'âpre censure des parlements, par amour pour la paix, les évêques les plus prompts à promulguer son Bref, m'eût livré à une censure plus sévère. Ainsi j'eusse paru aux deux parties

« ZurückWeiter »