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table que l'Eglise possède, en vertu des pouvoirs qu'elle a reçus de Dieu, le droit absolu d'exiger de chaque Etat, aussi bien que de chaque homme en particulier, qu'il reçoive d'elle la parole de Dieu, et qu'il la prenne pour règle de ses actes. Mais, en pratique, l'Eglise s'en tient aux principes de liberté consacrés par le droit positif humain.

III.

Dieu a donné à son Eglise trois pouvoirs; l'enseignement, le sacerdoce, la juridiction; il faut qu'elle puisse les exercer librement et complétement dans toutes les contrées de la terre.

L'Etat n'a point à juger les doctrines de l'Eglise; il lui doit la liberté! non une liberté déguisée sous le nom trompeur de protection (piége auquel se sont souvent malheureusement laissé prendre quelques églises particulières), mais la liberté ! L'Eglise seule doit communiquer la grâce au genre humain par ses sacrements et par le culte; et, bien que ces objets constituent des actes de la vie extérieure, ils ne peuvent émaner que de l'Eglise sans la moindre participation de l'Etat. Enfin, le régime disciplinaire et la juridiction ne ressortent que des seuls évêques établis de Dieu pour exercer librement le pouvoir dans l'Eglise et promulguer ses lois et ses décrets, sans que l'Etat puisse y mettre le moindre obstacle. En outre, l'Eglise a le droit imprescriptible de se recruter parmi tous les hommes, de se choisir des ministres, de les consacrer; elle doit aussi former un patrimoine pour son entretien et elle doit l'administrer comme elle l'entend en se soumettant aux lois civiles sur les limites et la transmission de la propriété.

Ces préliminaires posés, on s'explique la grande lutte des Papes contre les tentatives des Césars, on pressent la solution de cette question. Mais rappelons quelques faits principaux de l'histoire.

IV.

Pendant près de trois siècles, le pouvoir séculier fit une guerre à outrance à la pacifique institution de l'Eglise; cette lutte était nécessaire; ce n'était que par là que pouvait s'opérer la séparation du domaine spirituel et du domaine temporel, qui s'étaient confondus dans le paganisme; il fallait qu'entre l'Eglise et l'Etat éclatât une hostilité violente pour que l'indépendance de l'Eglise pût être réalisée. Pendant cette lutte, l'Eglise complète ses institutions, elle les fortifie; ce long et sanglant combat se terminait à son avantage et à sa gloire. Il fut manifeste que Dieu n'avait point convié les puissances séculières à la fondation de son royaume. L'Eglise est triomphante; venez maintenant, ô vous de qui le Christ a dit, en défendant à ses apôtres l'exercice d'un pouvoir semblable au vôtre : Reges gentium dominantur eorum..., vos autem non sic 1, venez et sachez que l'Eglise peut se passer de votre assistance!

Constantin est appelé ; il signe la trève, sincèrement ou par calcul, peu importe! que ses successeurs veuillent se prévaloir de ses services, peu importe également ! Il est appelé; il procure à l'Eglise la paix. L'Eglise en profite; elle multiplie sa grandeur, et les Pontifes romains apparaissent dans l'empire comme des hommes d'une opulente pauvreté. Quand les barbares se jettent sur l'Europe, l'empire se réfugie à Byzance, et les peuples éperdus, opprimés, lâchement abandonnés par leurs chefs politiques, se groupent autour du Pasteur suprême de la société chrétienne et lui demandent sa protection 3.

1 S. Luc., XXII, 25, 26.

Voy. l'article AMMIEN-MARCELLIN dans notre Dictionnaire de l'Histoirs universelle de l'Eglise, 4 vol. in-4o.

3 M. César Cantu, examinant l'influence exercée sur la civilisation par la religion, contrepoids unique, dit-il avec raison, opposé à la domination de la force, et remède à ses abus, déclare ceci : « Dans le principe, il n'y

La Papauté pressée aussi par les Lombards a recours aux moyens humains, bien que le Christ ne l'eût point laissée périr; mais elle sait que Dieu se sert des hommes pour accomplir son œuvre; elle appelle donc Charlemagne à son secours; il vient, lui aussi; il est vainqueur, il est pacificateur, et, le jour de Noël de l'an 800, il reçoit le sceptre impérial des mains du Pape qui reconstituait ainsi l'ancien empire d'Occident! Que, dans cette circonstance, l'Eglise se soit liée ou qu'elle se soit trop avancée, comme au temps de Constantin, nous n'avons pas à l'examiner; nous nous bornons à constater le fait historique, et, par ce fait, la question de prééminence, dejà tranchée par la doctrine, est confirmée, rendue sensible par le fait historique.

Un autre fait, c'est que le pontificat a cru à sa prééminence, qu'il l'a exercée plusieurs fois dans le cours des siècles, et solennellement en 1245, en déposant Frédéric II. Avant tout, l'Eglise doit prendre les intérêts du peuple chrétien; et si un César quelconque peut nuire à la foi des peuples, qui les protégera contre la tyrannie du dominateur? évidemment l'Eglise; elle doit impotoyablement le retrancher de la société chré

eut point de société religieuse. Les empereurs ne connaissaient les chrétiens que pour les persécuter: il ne restait à l'Eglise qu'à se taire et à souffrir, à soutenir, par les conseils et par l'exemple, la persévérance des siens, dans l'attente de jours meilleurs. Contraints au combat, les chrétiens durent se serrer autour de leurs chefs, les évêques, qui, par leur position et par leurs vertus, se trouvaient au premier rang pour le bien à faire, pour les maux à supporter. Ce fut ainsi que la hiérarchie instituée par les apôtres acquit aussi une autorité politique opposée à l'autorité civile, capable de lui résister, et soutenue à la fois par la charité, si nécessaire au milieu de tant d'infortunes, et par la science religieuse, qui augmentait en même temps que déclinait le savoir profane. » (Hist. univ. tom. VII, pag. 380, 381.) —Et Gibbon dit également : « Le malheur des temps augmenta peu à peu le pouvoir temporel des Papes. Les évêques de Rome étaient alors réduits à exercer le pouvoir en qualité de ministres de charité et de paix. » (Hist. de la décadence de l'empire romain, chap. 45, édition du Panthéon.)

tienne. Or, pour conclure au point de vue qui nous occupe, il ne reste qu'à choisir entre ces deux partis; ou reconnaître à l'Eglise le droit dont elle a usé, ou déclarer qu'elle s'est rendue coupable d'usurpation, d'erreur et d'injustice. Pour tout

1 « Comme nous ne pouvons pas supposer, dit M. l'abbé Blanc, qu'elle ait ignoré, surtout pendant plusieurs siècles, la vraie constitution de la société chrétienne, et ses propres droits et devoirs, il est clair que l'on doit apprécier cette constitution d'après les actes mêmes que l'Eglise, c'est-à-dire l'autorité publique qui la représente, regarde comme sa juste et légitime expression. Cette règle est purement théologique; mais, s'il arrive que tous les ordres, même les plus intéressés, ne réclament point contre ces actes, ou du moins contre le droit et la compétence de l'autorité, la certitude qui en résultera, pour ce droit même et cette compétence, sera plus rationnelle et philosophique. Car il n'est pas possible de supposer que les parties intéressées aient ignoré ellesmêmes leurs propres droits, ou que, les connaissant, elles ne les aient pas défendus, C'est au moyen de ces règles, ajoute M. l'abbé Blanc, qu'il sera facile de discerner les actes exceptionnels, abusifs ou non, des actes réguliers, et dans les actes réguliers eux-mêmes, le droit et l'abus de ce droit dans l'application. » (Cours d'hist. ecclés., 3 vol. in-8°. 1841-1850. Précis hist., tom. II, pag. 456.)

Un autre historien fait des réflexions analogues, et apporte beaucoup de faits qui éclairent d'un grand jour cette question de la prééminence du Pontificat sur le pouvoir temporel. Nous voulons parler de l'Introduction que M l'abbé J.-B. Christophe a mise en tête de son Histoire de la Papauté au XIVe siècle, 3 vol. in-8°, 1853; Introduction dans laquelle l'auteur montre savamment que, d'un côté, les éléments spéciaux d'influence que les Papes possédèrent dès le berceau même de l'Eglise, Ja translation de l'empire de Rome à Constantinople, et les concessions des empereurs; que, de l'autre, le respect des peuples, les services que les Papes leur rendirent, joints aux heureux effets de la conversion des barbares, et beaucoup d'autres circonstances providentielles, ont insensiblement jeté les bases de la prééminence pontificale.

Telle est, si nous ne nous trompons, la thèse soutenue dans le cours du livre de M. l'abbé Christophe. Mais il nous semble que, dans tout ceci, l'auteur voit trop le fait humain, et ne se préoccupe pas assez du fait divin de cette suprématie. Nous croyons qu'il serait plus juste de dire que Dieu, qui gouverne tout dans l'unité, n'a établi qu'une seule puissance morale, un seul gouvernement des âmes, lequel s'exerce pleinement lorsque la malice des hommes n'y met point obstacle (et c'est ce qu'on a vu aux belles époques du moyen âge); lequel aussi se trouve souvent

catholique, nous dirons plus, pour tout homme soucieux des intérêts et de la liberté des peuples, il nous semble que nous ne nous trompons pas en déclarant qu'il est facile de pro

noncer.

V.

Mais l'intervention dans les affaires de l'Eglise et le secours que Constantin, et, plus tard, Charlemagne, apportèrent à la Papauté, ne furent-ils pas suivis, pour celle-ci, d'entraves à sa liberté ? Cela n'apparaît pas clairement dans l'histoire, bien que peut-être, par l'effet même de ces services des Césars envers l'Eglise, la complète indépendance de l'épouse de JésusChrist ait déjà été engagée pour l'avenir. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'intervention d'Othon Ier lui fut véritablement funeste.

Toutefois, ce n'est pas là ce qui doit nous préoccuper directement ici. Malgré qu'il eût été sans aucun doute plus avantageux que la Papauté n'eût jamais manifesté sa prééminence que d'une manière complétement désintéressée, afin qu'on ne se crût pas en droit de lui faire payer les services rendus (lesquels, après tout, et aux yeux de la foi, ne devaient être que des devoirs accomplis), le fait d'Othon Ier, tout déplorable qu'il puisse paraître, et par les circonstances au milieu desquelles il se réalisa et surtout par ses malheureux effets, nous le reconnaissons sans peine, ce fait ne démontre pas moins aussi la prééminence des Papes, puisque ce fut Jean XII qui lui donna la couronne.

entravé, restreint dans sa sphère d'action, sans pour cela s'annihiler et regarder sa mission comme terminée. Nous pensons que quand les peuples seront plus pénétrés des principes chrétiens, ils comprendront la force et la sécurité que leur procure cette unité d'action, et ils reviendront d'euxmêmes en invoquer le retour

b.

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