Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

dangers dans les diverses paroisses de la vallée de Bozel, où il exerça, seul avec M. Martinet, les difficiles fonctions de missionnaire en 1795 et une portion de 1796. Son activité et son dévouement lui avaient mérité d'être nommé adjoint au Supérieur des Missions organisées en janvier 1797; aussi les autorités révolutionnaires désiraient vivement opérer son arrestation. Dès le 9 avril 1797, le citoyen Ducoudray, commissaire du directoire du département, écrivait au commissaire du canton de Conflans que le nommé Girard, avait été accusé auprès du ministre de la police d'entretenir des relations avec les émigrés, et d'intriguer pour servir la cause des contre-révolutionnaires. Il demande des renseignements, et surtout il désire beaucoup connaître le lieu de sa retraite, pour le faire arrêter. Mais ce que Dieu garde est bien gardé: M. Girard échappa aux perquisitions; et, après le départ de Rd Martinet, directeur général des missions, obligé de repasser en Piémont au mois de septembre 1797, à cause de la violence de la persécution, Rd Girard devint chef des missions du diocèse de Tarentaise.

A la suite des nombreuses arrestations de missionnaires opérées en 1798, et en janvier 1799, beaucoup de personnes engagèrent M. Girard à se retirer aussi pour quelque temps en Piémont, afin de laisser passer l'orage. Il était sur le point de partir; mais les pieux fidèles de la vallée de Bozel l'ayant vivement prié de ne pas les abandonner, il consentit à rester (1). Il fit faire une cueillette dans les paroisses du canton, pour envoyer des secours

(1) Mémoires de S. E. le card. Billiet, p. 299.

aux prêtres emprisonnés à Chambéry, et sur le point de partir pour la déportation. Il en adressa le produit à Rd Chevalier qui crut devoir lui en accuser réception par lettre. Cette réponse fut interceptée par le concierge et portée au conseil du département. Un gendarme, jugė digne de cette mission, partit travesti de Chambéry, et fit partir après lui plusieurs autres gendarmes de Moûtiers. L'agent alléché par la prime de 600 francs promise à celui qui saisirait un prêtre vint se présenter plusieurs fois avec la lettre de M. Chevalier dans une maison de la Perrière, où M. Girard se retirait ordinairement. Il fit le dévot; il dit qu'il était envoyé par les missionnaires détenus à Chambéry, qu'il avait quelque chose de particulier à lui dire de leur part, et aussi de la part de madame Sanctus confidente des prisonniers. Après quelques moments d'hésitation, M. Girard consentit à le voir; mais à peine avait-il ouvert la porte, qu'il vit le piège : l'air et la carrure de l'individu lui prouvèrent qu'il n'avait pas à faire à un diseur de chapelets. Il voulut sortir par le jardin, mais le gendarme l'y suivit et le saisit. M. Girard qui était jeune et fort, le renversa par terre; il y eut entre eux une lutte violente, dans laquelle le gendarme le blessa de plusieurs coups de couteau; les autres gendarmes arrivèrent au secours : il fallut céder. M. Girard, tout ensanglanté, fut conduit le même jour à Moûtiers, où l'on pansa ses blessures; le lendemain, on le fit partir pour Chambéry, et le 22 février 1799 il était traduit à la barre du directoire exécutif, comme prêtre réfractaire et émigrẻ rentré.

D'après les lois révolutionnaires, les prêtres insermen

tés non émigrés étaient déportés, et les émigrés rentrés devaient être condamnés à mort. M. Girard avouait qu'il s'était retiré en Piémont en 1793, mais avec un passeport de la municipalité; qu'il était rentré en 1794, qu'il avait exercé depuis lors les fonctions du culte quand il en avait eu l'occasion. Le tribunal criminel qui voulait le traiter plus sévèrement que tout autre à cause de la résistance opposée au gendarme, soutenait qu'il devait être condamné comme émigré rentré, puisque son nom figurait sur le tableau des émigrés. Dans sa défense, M. Girard soutint qu'il avait été porté à tort sur la liste des émigrés ; que la proclamation du 8 février 1793 donnait 15 jours aux prêtres insermentés pour sortir du territoire de la République, qu'il était sorti dans ce délai avec un passeport expédié en dues formes, et qu'une telle sortie ordonnée par les représentants du peuple, n'était pas une émigration illicite. On demanda communication du passeport; M. Girard répondit qu'il l'avait laissé à Bozel. Le tribunal lui accorda une décade et demie - 15 jours pour le faire venir; on lui refusa la permission d'écrire pour le réclamer, mais on assura que le secrétaire du tribunal écrirait sur ses indications. Il passa douze jours en prison sans rien recevoir; il se prépara sérieusement à la mort, car il s'attendait à être conduit à Grenoble, livré à une commission militaire et fusillé. Heureusement, dans la séance du 13 ventôse an VII le dimanche 3 mars 1799 le secrétaire produisit une déclaration légale de l'administration municipale de Bozel, attestant qu'il est vrai qu'en 1793 ledit Girard est sorti avec un passeport en dûe forme. Sur cette déclaration le tribunal arrête qu'il

n'est pas le cas de considérer l'accusé comme émigré, mais qu'il sera déporté et fera partie du premier convoi. Il partit en effet pour l'île de Rhé, le 16 mars suivant, en même temps que RR. Pierre Rullier, du Bourg-St-Manrice, agé de 51 ans; François Cléaz, des Chapelles 41 ans; Gaspard-Guérin Péronnier, des Chapelles, curé de Salins, 62 ans ; Humbert Devignod, de Bellecombe: tous prêtres de Tarentaise, et quatre autres prêtres du diocèse de Chambéry (1).

M. Girard n'était âgé que de 32 ans, lorsqu'il partit pour l'exil, où il retrouva son cher confrère, Rd. Chevalier qui avait été la cause bien innocente de son arrestation. Ces deux confesseurs de la foi eurent le bonheur de rentrer ensemble dans leurs paroisses désolees, pour y ramener la joie avec les consolations religieuses, aux premiers jours de mai 1800. Après le concordat de 1801, M. Girard fut fait archiprêtre et curé de Conflans. En 1816, ayant été nommé réformateur des études et visiteur des collèges de Savoie, il alla se fixer à Chambéry. Il fut nommé chanoine titulaire en 1824, official métropolitain en 1826, et vicaire général en 1838. Il fut de nouveau nommé vicaire général en 1840 et prévôt du chapitre métropolitain. Il mourut le 11 mai 1850, âgé de 83 ans. C'était un homme d'une conduite très régulière, d'une politesse exquise et d'une grande obligeance pour tout le monde, selon le témoignage de S. E. le cardinal Billiet, archevêque de Chambéry (2).

(1) Mémoires de Mgr Billiet, p. 322, 323.

(2) Mémoires, p, 301.

La quatrième victime de la persécution dans le canton de Bozel, fut Rd. François Chavoutier, directeur-chef de la quatrième mission. M. l'abbé Trésal, curé actuel de Montagny, a bien voulu me communiquer les notes suivantes, écrites dans les registres locaux par son ancien prédécesseur. Rd. Chavoutier dut émigrer en Piémont vers les premiers jours de mai 1793, parce qu'il ne voulut pas communiquer avec l'évêque constitutionnel Panisset. Pendant cette première absence, un prêtre intrus curé de Saint-Paul quidam presbyter de Saint-Paul intrusus - remplissait les fonctions pastorales à Montaguy.

Rentré dans sa paroisse sur la fin de juillet 1793, à la suite des troupes piémontaises, M. Chavoutier dut la quitter de nouveau sur la fin de septembre de la même année, comme tous ses autres confrères de la vallée. « Facla est in illà die (1793), écrit-il dans les registres persecutio magna in ecclesiâ, ita ut omnes dispersi sunt in exilium. »>

Le 31 mars 1796, M. le grand vicaire lui accordait les pouvoirs généraux de missionnaire par l'aimable lettre suivante, insérée dans les actes de baptême (1).

« André-Marie Maistre doyen de la métropole de <«< Tarentaise, vicaire général et official du diocèse, le << siège vacant, et délégué apostolique pour le gouverne«ment de cette église pendant la persécution;

<< A Rd. François Chavoutier docteur en théologie, curé « de la paroisse de Montagny, salut en N.-S. J.-C.

<< Les rigueurs de la persécution qui affligeaient l'église

(1) Registres paroisse de Montagny.

« ZurückWeiter »