RAPPORT DU SECRÉTAIRE

DE

L'ACADÉMIE DE LA

VAL D'ISÉRE

LU A LA SÉANCE GÉNÉRALE DU 10 NOVEMBRE 1887.

Messieurs,

Je viens selon l'usage vous présenter un rapport sur les travaux et l'état de notre Société, depuis la dernière séance générale. Nos travaux pendant cette année ont gardé la physionomie modeste qui les distingue. Mais cette modestie même ne fait que les rendre plus intéressants: elle leur donne un charme de plus. Après tout ils sont votre œuvre : vous en revendiquez hautement la paternité. Dès lors celui qui vous en parle est assuré d'avance de rencontrer votre bienveillante sympathie, et sa tâche qui pourrait paraître délicate et périlleuse, devient ainsi aisée et facile.

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Votre bureau est heureux de ne pas se présenter à vous cette année les mains vides il vous offre une gracieuse livraison de documents, que vous ne trouverez pas sans intérêt. C'est une nouvelle pierre destinée au monument patriotique que nous élevons de concert. Cette publication contient :

1° l'Etat personnel du Chapitre de St-Pierre de Moûtiers, à diverses époques antérieures à la Révolution. Ces noms et ces dates serviront à éclaircir certains points demeurés obscurs de l'histoire des anciennes familles de ce pays.

2o Etat des fournitures de toutes espèces, faites à l'armée d'Espagne depuis le 1er septembre 1742, jusqu'au 1er juillet 1744, par les communes de Bourg-St-Maurice, Hauteville-Gondon et Peisey. Cette pièce rappelle une phase douloureuse de l'histoire

nationale de nombreux bataillons espagnols séjournant de long mois dans nos vallées, et pressurant les habitants par des exactions et des rapines.

3o Extrait d'un testament fait à Salins, près Moûtiers, en 1374. Ce document sert à établir l'ancienneté de la paroisse de Salins.

4° Noms révolutionnaires imposés aux communes de la Tarentaise en 1793. Vous n'ignorez pas, Messieurs, que les agents de la Révolution, dans la rage qu'ils déployèrent pour détruire tout vestige du passé, se laissèrent aller à des excès véritablement ridicules. Ils remplacèrent par des dénominations nouvelles, la plupart bizarres et inconnues, les noms de nos localités que de longs siècles avaient consacrés ; ainsi Moûtiers s'appelait Mont-Salin, et St-Jean-de-Belleville était appelé CôteMarat.

Ces noms ainsi substitués, quoique de date relativement récente, commencent à disparaître de bien des mémoires. Nous avons donc pensé qu'il était utile de les consigner dans nos publications, afin de les transmettre sûrement à la postérité, qui comme nous, sera appelée à les juger.

5° l'Etat résumé des possessions et avoirs de l'archevêché de Tarentaise à la mort de Monseigneur de Rolland.

6o Une hymne en l'honneur du bienheureux Amédée de Savoie, trouvée dans un vieux cahier provenant des archives de la léproserie de Conflans.

7° Une Séquence de la messe de St-Jacques de Tarentaise, trouvée dans un vieux missel de Tarentaise.

8° Un grand nombre de notes diverses relatives à la plupart des paroisses de la Tarentaise.

Ces divers documents attendaient depuis longtemps dans nos cartons les honneurs de la presse : ils sont dus pour la plupart aux patientes recherches de notre regretté M. Million. Il restait

cependant à classer, à mettre en ordre ces notes éparses : M. l'abbé Richermoz voulut bien à cette occasion prêter son concours précieux à votre serviteur. Vous trouverez encore dans la livraison qui vous est offerte les documents suivants, qui ont fait l'objet de différentes communications au cours de nos réunions mensuelles; ce sont :

Un procès-verbal de Visite Pastorale faite à l'église métropolitaine de Tarentaise par Mgr de Ste-Agnès. Ce procès-verbal contient les plus minutieux détails relativement aux fonctions et aux attributions des divers membres du Chapitre de Tarentaise. Ce document a été traduit du texte original et mis au jour par M. Péronnier vicaire général ;

La description d'une procession faite à Moûtiers en 1636, document traduit également par M. Péronnier;

Lettres Patentes de Christine de France, duchesse de Savoie, portant exemption d'impôts en faveur des Religieuses Urbanistes. de Sainte-Claire de Moûtiers. Ce document a été produit par M. le docteur Laissus et interprété par M. l'abbé Richermoz.

Outre ces trois documents, divers mémoires ont été lus dans nos séances; je citerai notamment les suivants :

1o Règlement agricole à l'usage du hameau de Villemartin, commune de Bozel, par M. l'abbé Bernard. Ce travail prouve que la décentralisation administrative était autrefois en grand honneur. Ainsi nous voyons les habitants d'un village élire euxmêmes leurs administrateurs, qui règleront jusque dans les moindres détails toutes les questions de pâturage, de coupe de bois, etc. les villages formaient comme autant de républiques distinctes, ayant leur autonomie propre, et appartenant toutes à une patrie commune.

2o Visite pastorale faite par Mgr de Sainte-Agnès, archevêque de Tarentaise, à Montvalezan-sur-Séez en 1778. Cet acte interprété par M. Borrel, notre vice-président, prouve qu'à

cette époque le casuel des ministres du culte avait beaucoup plus d'importance que de nos jours.

3o Le même auteur nous a donné la primeur d'un important travail qu'il a fait sur les vestiges de la voie romaine à travers la Tarentaise. Ce travail a fait ensuite l'objet d'une communication au Congrès des Sociétés Savantes de France, réuni à la Sorbonne au mois de mai dernier. En attendant que le mémoire de M. Borrel soit publié, nous espérons qu'il voudra bien en faire l'objet d'une communication aujourd'hui même : elle intéresse tout le monde, et surtout ceux qui n'assistaient pas à la réunion du 3 mai, où une première communication en a été faite.

4° M. Borrel donne encore l'interprétation d'un manuscrit présenté par M. le docteur Laissus, et portant la date du 22 août 1568. C'est un acte portant vente d'une chapelle située au Villard, près Beaufort-sur-Doron.

5o Demandes formulées par les Etats-Généraux de Savoie réunis à Moûtiers en septembre 1522. Ces demandes signalent divers abus qui s'étaient introduits soit dans l'administration de la justice, soit dans la perception des impôts, Les députés aux Etats de Savoie exposent leurs plaintes en toute liberté, et prient Monseigneur le Duc de Savoie de faire droit à leurs réclamations.

6° Les stations quadragésimales qui existaient avant la Révolution à Bourg-St-Maurice, Aime, Ste-Foy, St-Martin-deBelleville, St-Jean-de-Belleville et Peisey. Dans ces différentes paroisses, il existait des fondations en faveur de prédicateurs de carêmes, généralement en faveur des Pères Capucios.

7° L'antique hospice de Moûtiers, et l'établissement connu autrefois sous le nom de Maladière. Ces trois derniers

mémoires ont été lus par votre Secrétaire.

Comme vous le voyez, Messieurs, si nos travaux n'ont pas

été bien considérables, nous constatons avec joie que nous ne sommes pas demeurés inactifs notre gerbe n'est pas bien grosse, néanmoins nous nous sommes efforcés d'aller glaner çà et là de nombreux épis, qui joints à d'autres constitueront plus tard une riche moisson,

Notre activité n'a pas été circonscrite dans notre salle de réunions elle a rayonné au dehors: trois d'entre nous ont pris part au Congrès des Sociétés Savantes de la Savoie, qui s'est tenu au Pont-de-Beauvoisin au mois d'août; deux d'entre eux ont eu l'honneur d'être appelés à faire partie du Bureau. Deux mémoires y ont été lus le 1er a pour titre : Le Capitaine Nicollet des Molettes à Waterloo, par M. Durandard. J'ai lu moi-même le 2me mémoire il traite de l'Instruction en Tarentaise avant la Révolution. Il ne m'appartient pas de faire l'éloge de ces mémoires, surtout du dernier ; je crois pouvoir dire cependant, en laissant de côté toute fausse modestie, que les Membres du Congrès ont daigné les écouter avec un intérêt marqué, et une sympathie non dissimulée.

En dehors de ces travaux communiqués au cours des séances académiques, je dois mentionner ici deux excellentes brochures publiées par deux de nos membres.

C'est le pur patriotisme, le patriotisme bien entendu qui les a inspirées l'une et l'autre. La première est due à la plume de M. le docteur Laissus, que nous pouvons appeler l'historiographe des eaux de Brides et Salins; elle démontre l'efficacité des eaux de Salins pour le traitement des maladies des enfants.

La 2me est l'œuvre de M. Collin, qui expose dans une savante dissertation, avec une logique rigoureuse, l'intérêt national qu'il y aurait à établir un chemin de fer d'Albertville à Moûtiers. Au nom de l'amour que nous portons tous à notre chère Tarentaise, je me permets d'adresser ici, en votre nom, à MM. Laissus et Collin, nos plus vives félicitations.

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