Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

LES

INSTITUTIONS DE BIENFAISANCE

EN TARENTAISE

AVANT LA RÉVOLUTION

MESSIEURS,

L'antiquité païenne nous a laissé des monuments impérissables de son génie artistique et littéraire. Les siècles de Périclès et d'Auguste ont jeté dans le monde le plus vif éclat. Toutefois si l'on pénètre au fond de cette civilisation brillante, on trouve l'orgueil et l'égoïsme. On s'aime soi-même; on aime encore la patrie et la gloire; mais l'on n'a pas l'amour de son semblable, de l'humanité. Horace désigne l'Empereur Auguste pour son héritier, et il oublie de faire un legs en faveur des pauvres ! Les pauvres ! on ne peut les supporter : ils sont exilés ou embarqués sur un vaisseau à soupape et précipités au fond des mers.

C'est le Christianisme qui apporta la charité à la terre; il apprit aux hommes qu'ils étaient tous frères, et qu'ils devaient se traiter comme tels. Grâce à son influence salutaire, l'Europe chrétienne se couvrit d'établissements ouverts à toutes les infortunes; le riche se fit un devoir rigoureux de partager son pain avec le pauvre, et si la misère ne fut pas bannie de la terre, on s'appliqua du moins

à la rendre moins dure. C'est ainsi que dans l'ancienne province de Tarentaise, qui forme aujourd'hui l'arrondissement de Moûtiers, nous constatons qu'il existait un grand nombre d'institutions de bienfaisance. Il en était sans doute de même dans le reste de la Savoie et dans la France entière. Aussi, j'ai pensé que quelques notes à ce sujet ne seraient pas indignes de votre bienveillante attention.

Dans presque toutes les paroisses de la Tarentaise, nous trouvons au XVIIe et au XVIIIe siècle une institution charitable connue sous le nom de Confrérie du St-Esprit, dont l'établissement dans chaque paroisse se perd le plus souvent dans la nuit des temps. Le but de cette Confrérie était la distribution d'une aumône vers les fêtes de la Pentecôte.

Les ressources qui alimentaient la Confrérie avaient des origines très diverses. Les communes qui jouissaient d'une véritable autonomie possédaient des moulins, des fours. Elles les affermaient, et le produit, pour une partie du moins, servait à l'aumône.

La commune de Granier possédait 4 moulins et 2 fours, rapportant annuellement 257 bichets, 2/3 seigle et 1/3 orge. La commune de Montagny en possède qui rapporte 96 bichets. Ceux de N.-D. du Pré en rapportent 50;ceux de St-Amédée de la Côte, 328; ceux de St-Jeande-Belleville, 72; - ceux de Fessons-sur-Salins, 88; ceux de St-Bon, 147; - ceux de Champagny, 143; ceux de La Perrière, 158; - ceux de Peisey, 130.

[ocr errors]

Quelquefois les revenus de la Confrérie du St-Esprit proviennent de biens communaux placés en emphytéose; ceux qui les possèdent sont soumis à certaines redevances annuelles. De ce chef, la commune de Hautecour perçoit chaque année 80 bichets de blé; - celle de Nâves, 35 et 15 livres d'argent; celle des Avanchers, 50; celle

[ocr errors]

de St-Jean-de-Belleville (village de la Flachère), 48, (village de Villarly), 56; — celle du Bourg-St-Maurice (village des Arpettes), 68 livres, (village des Echines), 95 livres, (village de Vulmix), 20 bichets de blé; celle de Hauteville-Gondon, 161 bichets; celle de Séez, 22 bichets.

La Confrérie du St-Esprit n'était pas la seule qui distribuât des aumônes. Ainsi à Moûtiers, la Confrérie de St-Joseph fait distribuer chaque année, la veille de St-Joseph, du pain, du vin et de la soupe, à 200 pauvres. — A Aime, la Confrérie de St-Crépin dépense 30 livres, pour une aumône en pain, le mardi après la Toussaint. - A Bellentre, la Confrérie du Rosaire distribue 26 bichets de seigle pendant le mois de mai.

Le plus souvent les revenus servant aux aumônes proviennent d'anciennes donations. Le donateur peut être un homme du peuple. A St-Martin-de-Belleville, Claude Manentaz, «par contrat du 29 mai 1580 Ador notaire, donne << purement et irrévocablement à la Confrérie du St-Esprit « de la Grande-Belleville, un moulin, places, meubles et << autres dépendances, le tout acquis par lui le même jour « de Martin Leissus, pour le prix de 200 florins. »

Nous trouvons aussi des donateurs parmi les petits seigneurs :

<< Antoine Bochet, chatelain de la Val d'Isère, par son << testament de l'année 1630, donne la somme de 300 livres « à la communauté de Ste-Foy, pour qu'elle distribue une << aumône le vendredi-saint, au lieu appelé La Roche, ter<< ritoire de la dite commune. »

Les nobles de Montmayeur et de Conflans (1) fondent une aumône de 48 bichets de blé, devant être distribués chaque année en pain, aux pauvres, dans la cour du châ

(1) Conflans est une maison forte située à l'entrée d'Aime.

teau de Montmayeur, à Aime, la veille de la fête de StMartin.

Quelquefois même les aumônes sont fondées par de hauts personnages, étrangers à la Tarentaise. Ils agissent sous l'influence de l'idée chrétienne, qui permet de reconnaître un membre de Jésus souffrant dans le dernier des malheureux. «Noble Jean-Antoine Guastaldo de Monaco, par son << testament fait dans le royaume de Naples, le 17 novem<< bre 1567, a ordonné qu'on distribuât annuellement et << perpétuellement à 45 terres, soit villages, dont 25 seraient << nommées par le duc de Savoie, 9 ducats chacune, monnaie de Naples. » Conformément à ce testament, le duc de Savoie Emmanuel-Philibert, par billet du 16 mai 1570, désigna les paroisses de Ste-Foy et de Tignes comme devant faire partie des 25 à désigner dans les Etats de Savoie.

Ce fait d'un étranger fondant une aumône en faveur d'un pays qui n'est pas le sien, dont il ignorera même le nom (il mourut en effet en 1568, et les communes, objets de ses libéralités, n'ont été désignées que deux ans plus tard), ce fait, dis-je, est assez beau pour mériter d'être signalé. Mais ce fait est exceptionnel: la règle générale est que les fondations sont faites par des ecclésiastiques, et par des ecclésiastiques qui abandonnent leurs modestes économies à ceux-là mêmes à qui ils ont déjà consacré leur vie. Je dois ici entrer dans quelques détails et citer des exemples.

Au XIIe siècle, St-Pierre II, archevêque de Tarentaise, conformément aux canons de l'Eglise, qui ordonnent d'employer en œuvres pies une partie des revenus ecclésiastiques, commença le pieux usage de distribuer tous les jours du mois de mai, de 7 heures du matin à 10 heures, à tous ceux qui se présentaient, sans condition de fortune

« ZurückWeiter »