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que pût remplir un laïque sous l'autorité souveraine des Archevêques de Tarentaise.

Besson nous dit en parlant d'Amédée III évêque de Mau_ rienne « Il crea et établit en 1250 un nouveau juge qu'on appelle Courrier, Correarius. » (1)

Le Correarius réunissait souvent aux fonctions de Juge celle d'Intendant des évêques ou archevêques. Il était donc au point de vue temporel le gouverneur qui représentait ces dignitaires ecclésiastiques. Voici ce que dit des fonctions et de l'autorité du Correarius M. Collombet dans son histoire de la Ste-Eglise de Vienne, tome II, page 417 « Le Courrier (Correarius) était le procureur << ou intendant des évêques, abbés, prieurs et commu<< nautés ecclésiastiques. Ce mot est encore en usage parmi <«<les religieux de la Grande-Chartreuse, où celui qu'on << nomme Courrier ou Correarius est proprement le Pro

cureur de la maison. L'emploi de cet officier ne se << bornait pas à veiller aux intérêts de ceux qui l'avaient «< commis; il faisait quelquefois les fonctions de juge ou «< celles de procureur fiscal. »

«L'archevêque de Vienne, en qualité d'Abbé de <«< Romans, avait un officier, qui sous le titre de Courrier, <«<exerçait sa juridiction dans la ville, ainsi qu'on le << recueille du jugement prononcé par l'évêque de Clermont << et par le doyen du Bourg-lès-Valence, arbitres nominés « cn 1274 par le page Grégoire X, pour régler les diffé<< rends survenus entre l'évêque, le chapitre et les habi<<< tants de Romans. Les termes de la sentence laissent

(1) Page 292.

<< entrevoir que cet officier avait le caractère de juge, « qu'il en remplissait les fonctions au nom de l'arche«vêque; que le même y avait l'intendance de la police, <«<et qu'il était en droit d'y réprimer la licence et le « désordre. »

<«< Au reste les fonctions du Courrier que le même << archevêque avait à Vienne étaient beaucoup plus limi<«<tées. Elles ne consistaient guère qu'à tenir la main à << l'exécution des jugements,. et à faire punir les crimi«nels après leur condamnation. C'est à quoi se rapporte <«< assez le titre qu'il prenait quelquefois de vice-gérant «ou lieutenant de l'archevêque; pour le temporel. Telle « est aussi la qualification que se donne Antoine de Gro<«<lée qui était revêtu de cet office: Nobilis et potene vir « Dom. Antonius de Grolea, miles correarius Vienna, « locum tenens Dom. Archiepiscopi in temporalibus (1). »

<< Dans le procès que l'archevêque de Vienne eut à la <<cour papale en 1339, contre le Dauphin Humbert, il <«< insista fortement sur la prétention où il était que son • Courrier pût compter parmi ses fonctions celle d'infor<< mer des crimes et des malversations, de faire incarcérer <«<les accusés, d'établir des gardes pour la sûreté de la ville <«<et d'avoir inspection sur la police (2).

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Les fonctions du Correarius en Tarentaise devaient être très importantes; car les possessions temporelles des

(1) La famille de Grolée est une des anciennes et puissantes familles de la noblesse du Dauphiné

(2) Histoire de la Ste-Eglise de Vienne par F. Z. Collombet T. 2o pag. 417, M. Collombet a emprunté ces détails à l'Histoire du Dauphiné par le Président Vilbonnais, tome 1 pages 105, 125 428.

archevêques étaient considérables. En 996, Rodolphe, roi de Bourgogne (1), avait donné à l'archevêque Aymon [er la seigneurie et le domaine sur tout le comté de Tarentaise. En 1186, Frédéric Jer (2) donne à l'archevêque Aymon II l'investiture du temporel de son Eglise il lui permet de bâtir des châteaux dans les lieux qu'il jugera convenables pour sa défense et pour la sécurité des biens. de son Église, et de rétablir ceux qui étaient détruits. Henri VI confirma cette investiture en 1186, et Frédéric II en 1226 (3).

Les archevêques de Tarentaise étaient donc des seigneurs puissants auxquels les familles nobles de ce pays rendaient hommage comme à leur suzerain. Leurs possessions s'étendaient, en dehors de la Tarentaise, sur une partie de Conflans, sur la vallée de Beaufort (vallis de Lucia) et sur la vallée de Saint-Didier dans le duché d'Aoste (4) c'est ce que démontrent en particulier les actes d'investiture de 1186 et de 1226.

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Il nous est donc permis de conclure que Jean de Champagny, juge et gouverneur au nom des archevêques de Tarentaise, occupait les fonctions les plus importantes qui pussent être conférées à un laïque dans le pays soumis à l'autorité des archevêques. Il nous est donc permis de conclure que la famille de Champagny, la famille d'Inno

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(4) Il y a ici une erreur. La vallée de Saint-Didier, dont les archevêques étaient seigneurs, n'est autre que celle de la Bâthie, dont saint Didier est le patron. (Note de l'éditeur).

cent V tenait, au XIIIe siècle, le premier rang parmi les familles nobles de la Tarentaise.

On nous fera sans doute une objection: on nous demandera pourquoi les titres de cette famille ne se trouvent pas parmi les titres des anciennes familles nobles de la Savoie.

Nous répondrons que l'absence de ces titres qui ont pu s'égarer à travers six siècles, ne peut détruire la valeur des preuves et des documents que nous venons de citer. Il est certain que Besson a eu entre les mains, sur la question qui nous occupe, des documents qui n'existent plus. Nous devons admettre d'ailleurs que cette famille de Champagny, de Champagniaco, s'est éteinte depuis longtemps et probablement à la fin du x11° siècle.

Je ne puis admettre sur ce point, le sentiment de M. Million qui, après n'avoir cité que le père Touron et le comte de Saint-Raphël sur la noblesse d'origine d'Innocent V, s'exprime ainsi : « Malgré ces assertions et quelques << vagues traditions, nous inclinons à opiner, avec l'abbé

Bonnefoy, dont nous parlerons bientôt, que sa famille, <«< quoique riche et considérée, ne s'élevait pas au-dessus << du rang de la bourgeoisie. En effet, à partir du x11° siè <<cle, parmi les familles nobles résidant à Moûtiers ou << possédant des fiefs dans toute la vallée de Bozel, nous <«< ne trouvons aucun indice qui laisse soupçonner une <«< illustration du genre de celle dont nous parlons. >>

J'ai en effet démontré par les témoignages d'un bon nombre d'historiens dont plusieurs appartiennent à l'Ordre de Saint-Dominique, et par le témoignage de ce grand Pape lui-même que sa famille était noble et illustre. Nous avons découvert, non pas à partir du XIIe siècle, mais

au XII et quelques années après la mort d'Innocent V, un chanoine de la cathédrale de Tarentaise portant le nom de Champagny, de Champagniaco, et un Jean de Champagny, représentant de l'autorité temporelle de Pierre III, archevêque de Tarentaise, et possédant l'affection et la confiance de ce saint Pontife.

Je puis donc en ce moment déduire de cette démonstration les conclusions suivantes :

1o Il est absolument incontestable qu'Innocent V est né en Savoie et dans le diocèse de Tarentaise.

2o Des témoignages nombreux, contre lesquels ne s'élèvent aucune objection sérieuse, affirment qu'il est né à Moûtiers.

3o Sa famille appartenait à la noblesse, et occupait dans ce pays un rang distingué.

4° L'abbé Besson dont l'autorité n'est pas discutable, et quelques autres historiens donnent à la famille de Pierre le nom de Pierre de Champagny, de Champagniaco, et les documents de cette époque concordent parfaitement avec cette affirmation.

Il me reste Messieurs, à vous remercier de l'attention si bienveillante et si soutenue avec laquelle vous m'avez suivi à travers les détails souvent arides de cette longue dissertation historique. Vous m'avez ainsi aidé à faire connaître un de nos compatriotes les plus illustres, à revendiquer une des gloires de notre Savoie.

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