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MÉMOIRE

SUR LA

PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE DE 1792 A 1802

Dans le canton de Bozel (Savoie)
Par M. J. GARIN, curé-archiprêtre de Bozel

(Lu dans la réunion générale du 4 octobre 1882)

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Dans la quatrième session du Congrès des Sociétés savantes savoisiennes tenue à Moûtiers, le 8 et le 9 août 1881, M. le Président de notre Académie de La Val d'Isère donnait des détails très précieux sur la cinquième Mission de Tarentaise arrondissement de Belleville pendant la révolution. Il terminait cet intéressant travail par un chaleureux appel à recueillir, dans chaque vallée, les documents qui restent de cette époque si tourmentée. J'ai voulu répondre, pour ma part, à cette patriotique invitation, en réunissant les principaux épisodes de cette lugubre période dans la vallée de Bozel, qui formait alors la quatrième Mission de Tarentaise. Les notes écrites dans les registres paroissiaux de la main même de plusieurs de nos héroïques missionnaires, et des traditions locales bien constantes, m'ont révélé plusieurs faits instructifs et édifiants, qu'il me paraît bon de publier dans les tristes circonstances actuelles, trop analogues à celles de la fin du dernier siècle.

I.

Le torrent révolutionnaire qui ravageait, depuis trois ans la vieille France, avec ses institutions religieuses, politiques et civiles, fit irruption dans nos paisibles vallées dès la fin du mois de septembre 1792. L'armée républicaine entrait à Chambéry le 22 septembre; le 29 du même mois les troupes françaises étaient à Conflans, et le lendemain 600 hommes arrivaient à Moûtiers, sous le commandement du général Casabianca.

Les citoyens Dubois-Crancè, Lacombe et Gasparin, commissaires de la Convention nationale, arrivaient dans la capitale de la Savoie à la suite de l'armée française. Le 6 octobre, ils lancent une proclamation pour inviter toutes les communes à se choisir un député à une Assemblée prétendue nationale, qui devait se réunir à Chambéry le 21 du même mois, et décider de la forme du gouvernement le plus convenable au pays. En même temps le club des Jacobins de la capitale expédie pour la Tarentaise quatre de ses membres qui publient à Moûtiers la proclamation des commissaires, et se dispersent dans toutes nos vallées pour y exciter l'enthousiasme révolutionnaire, et préparer des élections favorables aux idées nouvelles.

Des élections se firent en effet dans ce sens le 14, le 15 et le 16 octobre; et le 21, les députés des 655 communes de la Savoie se réunirent dans la cathédrale de Chambéry. Après la vérification des pouvoirs, on constata que plus de 400 communes avaient voté pour la réunion de la Savoie à la république française. Dans la séance du

23 octobre, tous les députés prétèrent le serment d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant; de ne reconnaître plus de royauté, ni de noblesse, ni rien qui pût blesser l'égalité. L'assemblée décida ensuite de renoncer au nom de Savoie et de Savoisiens, et de prendre le titre d'Assemblée nationale des Allobroges: cette odieuse renonciation montre bien la valeur du patriotisme révolutionnaire !

:

Dans la séance du 26 octobre, l'assemblée prononça la confiscation de tous les biens du clergé séculier et régulier biens ruraux, maisons, créances, argent, titres; séminaires, églises, ornements et vases sacrés. Ce même décret supprime les dîmes et tous les droits casuels des ecclésiastiques. Ces spoliations sacrilèges ne purent cependant pas être exécutées immédiatement dans le plus grand nombre de nos paroisses, à cause des oppositions énergiques faites par les autorités municipales, qui craignaient de froisser trop brusquement les sentiments religieux des populations.

Le 29 octobre l'Assemblée nomma une Commission provisoire chargée de faire exécuter les décrets précédents, et d'administrer la chose publique, sous sa responsabilitė. Cette Commission était composée de 21 membres, dont trois pour la Tarentaise: les citoyens Fontanil, Sanche et Domenget. Le 31 octobre, elle nommait des commissaires spéciaux pour inventorier les effets et les biens des maisons religieuses, ainsi que les ornements d'église et vases sacrés. Les spoliations commencèrent dans les maisons religieuses de Moûtiers, et notamment chez les

Cordeliers du Mont-Saint-Michel, dans le mois de novembre 1792 (1).

Le 27 novembre la Convention nationale décrétait la réunion de la Savoie à la France, conformément aux vœux qui lui avaient été exprimés; et l'antique Duché de Savoie formait le 84 département de la République française, sous le nom de département du Mont-Blanc.

Le 15 décembre 1792, quatre nouveaux commissaires sont envoyés pour organiser, à la mode révolutionnaire, le nouveau département dont la capitale était Chambéry. Ces commissaires étaient parfaitement dignes d'exercer la hasse mission d'amener nos religieuses populations dans le chemin de l'apostasie. A leur tête figurait le trop fameux Grégoire, évêque intrus de Loir-et-Cher, qu'un fanatisme sectaire poussait aux innovations religieuses. Il avait pour acolytes: Héraut de Séchelles, jeune avocat engoué de toutes les idées des sans-culottes; Jagot, homme d'action, peu instruit, mais fougueux anti-royaliste; et Philibert Simond, natif de Rumilly, ordonné prêtre en 1780, vicaire au Grand-Bornand, où il s'était fait interdire, pour cause d'immoralité, quatre mois après sa nomination.

Ces Commissaires réunissaient dans leurs mains tous les faisceaux des pouvoirs politique, civil, judiciaire et militaire; ils régirent seuls la Savoie, et y exercèrent une odieuse dictature jusqu'à la fin du mois d'avril 1793, qu'ils furent rappelés à Paris.

Par leur proclamation du 8 février 1793, ils inaugu

(1) Mémoires de l'Acad. de La Val d'Isère, tom. Ier p. 268.

rèrent l'ère de la persécution directe contre le clergé en Savoie. Ils déclarèrent supprimés les quatre anciens évêchés de Tarentaise, de Chambéry, de Genève et de Maurienne, pour en former un seul, qu'ils appellent évêché du Mont-Blanc, dont le siège est fixé à Annecy, et dont le titulaire sera nommé par les électeurs du dépar

tement.

La nomination des curés fut aussi soumise au vote populaire; elle devait se faire par district, à l'issue de la messe paroissiale, à laquelle tous les électeurs seraient tenus d'assister (Art. 13). Il fut enjoint à tous les prêtres employés au service du culte de prêter serment << de << veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui leur <«<est confiée; de maintenir la liberté et l'égalité, ou de << mourir en les défendant. » Ce serment devait être prêté purement et simplement, « sans préambule, ni << explications, ni restrictions, dans la huitaine, entre les << mains des délégués municipaux, à l'issue de la messe << du dimanche, dans l'église de leur paroisse, et en face << du conseil de la commune et des fidèles, sous peine de << destitution.» (Art. 16, 17).

Ce serment schismatique, qui contenait une adhésion à la Constitution civile du clergé, fut prêté dans l'église métropolitaine de Moûtiers, le dimanche 24 février 1793, par le chanoine Jean-Vincent Mermoz, vieillard octogénaire, professeur de philosophie et de théologie pendant 49 ans. Il fut imité par trois de ses collègues : Jean-Claude Girard, Pierre Perrier, et Pierre-Claude-Humbert Abondance, qui furent les seuls membres du clergé présents à

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