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Calvin s'étoit fait un grand nom par son livre de l'Institution, qu'il publia pour la première fois en 1535, et qu'il dédia à François I."; il en faisoit sans cesse de nouvelles éditions avec des additions considérables, ayant une peine extrême à se contenter, comme il le dit dans ses préfaces. Mais les yeux se tournèrent entièrement sur lui, quand on le vit, encore assez jeune, entreprendre en 1541, de condamner les chefs des deux partis de la réforme, Luther et Zuingle: et tout le monde fut attentif à ce qu'il apporteroit de

nouveau.

Nous avons déjà dit que ce nouveau systême de Calvin sur l'Eucharistie, qui sembloit tenir le milieu entre la doctrine de Luther et celle de Zuingle, n'étoit au fond que la doctrine même de Zuingle, et que tout ce qu'il voulut bien accorder à l'humeur impérieuse de Luther, se bornoit à des mots dont le véritable sens étoit détourné de l'acception ordinaire.

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* Mais il grand crédit parmi ceux qui se piquoient d'a» voir de l'esprit. C'est la hardiesse qu'il eut de » rejeter les cérémonies beaucoup plus que n'a>> voient fait les luthériens. Calvin fut inexorable >> sur ce point; il condamnoit Mélanchton, qui >> attachoit assez d'indifférence à la question des BOSSUET. Tome III.

y eut un point qui lui donna un

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* Ibid.

* Histoire

» cérémonies; et si le culte que Calvin introdui» sit, parut trop nu à quelques-uns, cela même >> fut un nouveau charme pour les beaux esprits,

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qui crurent par ce moyen s'élever au-dessus des » sens, et sedistinguer du vulgaire....

>> Par ce moyen, Calvin raffina au-dessus des >> premiers auteurs de la nouvelle réforme. Le >> parti qui porta son nom, fut extraordinaire>>ment haï par tous les autres protestans, qui le >> regardèrent comme le plus fier et le plus inquiet qui eût encore paru... Calvin fit de grands » progrès en France; et ce grand royaume se vit » à la veille de périr par les entreprises de ses sec» tateurs, de sorte qu'il fut en France à-peu» près ce que Luther fut en Allemagne. Genève,

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qu'il gouverna`, ne fut guères moins considérée » que Wittemberg, ou le nouvel évangile avoit >> commencé ; et il se rendit chef du second parti » de la nouvelle réforme. »>

On a parlé dés jactances de Luther, mais rien n'est comparable à la vanité et à l'amour-propre de Calvin. Bossuet en rapporte de nombreux témoignages puisés dans ses propres lettres ; ils peuvent seuls donner une idée du délire où l'orgueil peut *Tout ce que les em

des varia porter l'esprit humain. «<

tions, liv. ix. » portemens de Luther lui ont tiré de la bouche, » n'approche pas de ce que Calvin dit froidement

» de lui-même... Quoique Luther fût un des ora»teurs des plus vifs de son siècle, loin de faire » jamais semblant de se piquer d'éloquence, il prenoit plaisir à dire qu'il étoit un pauvre moine >> nourri dans l'obscurité et dans l'école, qui ne » savoit point l'art de discourir. Mais Calvin blessé » sur ce point ne se peut taire; et aux dépens de » sa modestię, il faut qu'il dise que personne ne s'explique plus précisément, ni ne raisonne plus » fortement que lui.

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>> Donnons-lui donc, puisqu'il le veut tant, cette

gloire d'avoir aussi bien écrit qu'homme de son » siècle. Mettons-le même si l'on veut au-dessus » de Luther; car encore que Luther eût quelque >> chose de plus original et de plus vif, Calvin, » inférieur pour le génie, sembloit l'avoir em» porté par l'étude. Luther triomphoit de vive » voix. Mais la plume de Calvin étoit plus cor>> recte, surtout en latin, et son style, qui étoit plus » triste, étoit aussi plus suivi et plus châtié. Ils » excelloient l'un et l'autre à parler la langue de » leur pays. L'un et l'autre étoient d'une véhé>> mence extraordinaire; l'un et l'autre par leurs » talens se sont fait beaucoup de disciples et d'ad>> mirateurs; l'un et l'autre enflés de ces succès, » ont cru pouvoir s'élever au-dessus des Pères; » l'un et l'autre n'ont pu souffrir qu'on les con

* Histoire

des varia

» tredît; et leur éloquence n'a été en rien plus fé» conde qu'en injures.

» Ceux qui ont rougi des injures que l'arro»gance de Luther lui a fait écrire, ne seroient » pas moins étonnés des excès de Calvin. » La plume se refuse à transcrire celles dont il a souillé chaque page de ses écrits polémiques. «< Catholi» ques et luthériens, rien n'est épargné; auprès » de cette violence, Luther étoit la douceur même; >> et s'il faut faire la comparaison de ces deux hom» mes, il n'y à personne qui n'aimât mieux es>> suyer la colère impétueuse et insolente de l'un, >> que la profonde malignité et l'amertume de l'au» tre, qui se vante d'être de sang-froid, quand » il répand tant de poison dans ses discours. » La mémoire de Calvin est restée chargée parmi ses disciples mêmes du reproche ineffaçable d'avoir préparé, conduit et déterminé le jugement terrible qui condamna Servet à mourir sur un bûcher.

Bossuet, en parlant de la mort de Calvin, fait une réflexion non moins accablante sur la triste célébrité qui est son partage par les sanglantes tragédies dont la France fut le théâtre pendant cinquante ans.

*

(C Calvin, dit Bossuet, mourut au commentions, liv. x. » cement des troubles. C'est une foiblesse de vou

» loir trouver quelque chose d'extraordinaire dans » la mort de telles gens; Dieu ne donne pas tou

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IX.

*Histoire

des varia

jours de ces exemples; et sans m'informer da» vantage de la vie et de la mort de Calvin, c'en » est assez d'avoir allumé dans sa patrie une flam>> me que tant de sang répandu n'a pu éteindre, » et d'être allé comparoître devant le jugement » de Dieu sans aucun remords d'un si grand crime. » Mais parmi les premiers réformateurs, il en est De Mélanchun dont Bossuet ne parle jamais qu'avec l'intérêt ton. le plus sensible, et une affection, pour ainsi dire, paternelle : c'est Mélanchton, et c'est Bossuet luimême qu'il faut entendre parler de Mélanchton. << * Luther prêchant la réforme des abus, et par» lant de la grâce de Jésus-Christ d'une ma»> nière nouvelle, parut le seul prédicateur de » l'évangile à Mélanchton, jeune encore (1), et .» plus versé dans les belles-lettres que dans les » matières de théologie. La nouveauté de la >> doctrine et des pensées de Luther fut un charme » pour les beaux esprits. Mélanchton en étoit » le chef en Allemagne; il joignoit à l'érudi» tion, à la politesse, et à l'élégance du style » une singulière modération. On le regardoit » comme seul capable de succéder dans la litté» rature à la réputation d'Erasme; et Erasme (1) Il n'avoit alors que vingt ans.

tions, liv. v.

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