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XIX.

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Le pape

probablement inutile aux générations qui se succéderont sur cette terre, que Dieu a abandonnée aux vaines disputes des hommes.

Cependant le pape avoit déjà prononcé son jugement, lorsque le mémoire de Louis XIV arriva à Rome. Innocent XII, par un bref du 12 mars 1699, condamna le livre de l'Explication des maximes des saints avec vingt-trois propositions, qui en étoient extraites, sous les qualifications énoncées dans le bref.

Les manuscrits de l'abbé Ledieu vont nous condamne le faire connoître les événemens particuliers qui Maximes des suivirent cette condamnation (1).

livre des

saints.

« Le courier du cardinal de Bouillon, chargé » de la bulle du pape pour le roi, arriva à Ver»sailles le 22 mars avant midi. La nouvelle en >> vint le même jour à Paris, où étoit M. de Meaux; » le courier que son neveu lui avoit dépêché, » n'arriva que dans la nuit entre une et deux heu>> res. M. de Meaux avant de se coucher sur les » onze heures, avoit défendu qu'on le réveillât

(1) Bossuet étoit encore occupé à répondre au dernier écrit de Fénélon. « Cette réponse devoit porter pour titre : Réflexions, » dernier éclaircissement sur la réponse de M. l'archevêque de » Cambrai aux remarques de M. l'évêque de Meaux. Mais cette » pièce est restée manuscrite, parce que la nouvelle du juge» ment arriva au moment où M. de Meaux alloit le publier Mts. de Ledieu.

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» dans le cas, où le courier arriveroit dans la » nuit. Cette espèce d'indifférence dans un mo>> ment où il étoit assez naturel qu'il eût de » l'empressement à connoître tous les détails et >> toutes les circonstances d'un jugement si vive»ment sollicité, et si long-temps attendu, prouve » sa confiance et sa tranquillité. On lui remit les » lettres de son neveu à son réveil, à huit heures » du matin; M. de Meaux les fit passer à l'arche

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vêque de Paris, et resta renfermé chez lui sans >> même se montrer en public.

>> Au moment où le roi annonça le jugement » du pape, le duc de la Rochefoucauld, qui se >> trouvoit présent à cette déclaration, dit qu'il

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pouvoit assurer sa Majesté que M. l'archevêque » de Cambrai n'hésiteroit pas à se soumettre à » la décision du saint Siége. Il étoit singulière» ment attaché à ce prélat; et c'étoit annoncer » hautement qu'il l'estimoit autant qu'il l'aimoit.

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>> M. de Cambrai fut instruit de l'arrivée du » bref par une simple lettre de Paris (1), le 25 » mars avant midi, au moment où il se disposoit » à prêcher le mystère de l'annonciation. Il prê» cha en effet sur ce texte, fiat voluntas tua, et

(1) Ce fut le comte de Fénélon, son frère, qui vint en poste de Paris lui porter la première nouvelle du jugement et une copie du bref du pape.

>> tourna tout son discours en général sur la » soumission à la providence divine et aux ordres » des supérieurs, sans entrer dans aucun détail. » Mais en même temps il écrivit à ses amis de » Paris et de la Cour, qu'il se soumettroit sans » réserve, et qu'il alloit travailler à son mande» ment. Ce mandement parut le 9 avril en latin » et en français séparément. Mais nous ne reçûmes de Cambrai qu'un seul exemplaire latin, » qu'un ami de M. de Meaux lui fit passer.

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Cependant M. de Meaux parut à Versailles » le 1er avril, et y resta les jours suivans. Dès » que le roi l'aperçut à son lever le jeudi 2 avril, » il le fit entrer dans son cabinet, et concerta » avec lui, tout ce qu'il y avoit à faire pour l'exé>>cution et l'acceptation du bref du pape (1).

(1) Presque tous ceux qui ont écrit sur l'affaire du quiétisme, rapportent, que lorsque la condamnation de l'archevêque de Cambrai fut prononcée, Louis XIV dit à Bossuet: « Qu'auriez» vous fait, si j'avois pris le parti de M. de Cambrai, et que Bos» suet répondit : Sire, j'aurois crié vingt fois plus haut : quand » on défend la vérité, on est assuré d'avoir tôt ou tard la vic» toire ». Il est surprenant que l'abbé Ledieu, qui entre, comme on le voit, dans les plus petits détails sur cette affaire, d'après tout ce qu'il en avoit entendu dire à Bossuet lui-même, ne parle pas d'une anecdote aussi remarquable et aussi honorable pour Bossuet. Bossuet, dans sa correspondance avec son neveu, où il montre toute la satisfaction que lui témoigna Louis XIV, garde le même silence. M.mc de Maintenon, qui ne laissoit rien ignorer

» Ce fut alors sans doute, qu'il inspira le des>> sein, non seulement des lettres-patentes, mais » encore des assemblées métropolitaines pour ren» dre l'acceptation plus solennelle, et plus écla» tante à la gloire du roi. Dès lors, il nous disoit » en particulier : tout ira bien ; on fera ce qu'il faut il y aura des lettres-patentes; le parle»menty passera. On disoit au contraire à Paris » et à la Cour: Ce n'est qu'un bref; ce n'est rien.

au cardinal de Noailles de ce que le roi disoit et pensoit sur l'affaire du quiétisme, n'en parle pas davantage. M. de SaintSimon, si avide d'anecdotes curieuses, n'auroit certainement pas laissé échapper une anecdote aussi singulière, si elle eût été connue de son temps. L'abbé Phelipeaux, qui a donné dans un ouvrage très-étendu, écrit sous les yeux de Bossuet, tous les faits et tous les détails relatifs à cette controverse, et qui vivoit dans son intimité, ne rapporte ni la demande du roi, ni la réponse de Bossuet.

On ne peut également s'empêcher de remarquer qu'une pa¬ reille question paroît un peu extraordinaire dans la bouche de Louis XIV. Comment un prince si profondément religieux, auroit-il pu supposer qu'un évêque tel que Bossuet, auroit hésité entre la vérité et la crainte de lui déplaire? Il nous a été impossible de vérifier quel est l'écrivain qui a rapporté le premier cette anecdote.

Au reste, il n'y a aucun inconvénient à la laisser subsister avec un grand nombre de traditions historiques du même genre, qui se transmettent d'âge en âge, sans avoir peut-être une certitude plus avérée.

Il est au moins bien certain que si Bossuet n'a pas lui fait dire, il étoit très-capable de le dire.

dit ce qu'on

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» Le roi ne donnera pas de lettres-patentes. Le » parlement ne peut passer la clause MOTU PRO» PRIO. Quand je lui rapportois ces bruits, il ré» pétoit, tout ira bien. Ces bruits s'augmentoient >> en observant que le roi n'avoit point reçu le >> bref directement du pape ; en effet il ne le reçut » des mains du nonce que le dimanche 5 avril, >> M. de Meaux étant encore à Versailles; au » reste,, cette condamnation d'un livre contre lequel il écrivoit depuis si long-temps, fut >> universellement regardé comme le fruit de ses » veilles. Plus il se déroboit cette gloire à lui» même, plus le public s'empressoit de la lui » donner. A la nouvelle de l'arrivée du bref, il » se renferma, comme je l'ai dit, dans son inté»rieur; et toute la terre vint le chercher dans >> sa retraite. Ce fut un concours chez lui de per>> sonnes de toutes sortes de conditions; tous les évêques qui se trouvoient à Paris, vinrent les premiers. Les lettres des absens et de toutes les » personnes de considération du royaume, vin>> rent pendant deux mois faire honneur à son

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triomphe. Les princes donnèrent les premiers >> cet exemple en personne, et par écrit, pour » féliciter M. de Meaux sur le grand procès qu'il » avoit gagné à Rome. C'étoit le langage de tout >> le peuple, non-seulement de quelques villes, » mais

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