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on empêchoit, d'une part, les Protestans de ne rien alléguer qui pût rendre la puissance des Papes odieuse; et de l'autre, on suivoit, selon Innocent XI, une méthode très propre à ramener les Hérétiques dans la voie du salut.

Peut-être, en pressant ces raisonnemens, seroit-il facile d'en tirer une induction vraiment théologique, et de montrer que, puisque l'infaillibilité du Pape n'est pas nécessaire pour édifier, l'opinion qui la lui attribue tend naturellement à détruire. Pourquoi même ne se prévaudroit-on pas de l'aveu fait par Bossuet en face de l'Eglise et des Papes, sans en avoir été contredit, savoir que les Ministres ne cessent d'alléguer les opinions ultramontaines et l'infaillibilité du Pape, pour rendre cette puissance odieuse? D'où il suit qu'en effet ces opinions tendent à détruire plutôt qu'à édifier; qu'elles sont un obstacle à la conversion des Hérétiques; qu'elles favorisent ou entretiennent la révolte contre l'autorité légitime du Saint-Siége. Mais loin de nous toute idée de flétrir, par des inductions sinistres, l'opinion de nos Adversaires : tôt ou tard la force de la vérité maîtrisera les préjugés des hommes par sa seule influence, et sans les accabler par des récriminations déplaisantes; et peut-être ce moment n'est-il pas éloigné.

IV. En attendant, nous sommes en droit d'observer que rien n'a manqué à la louange du Clergé de France, dans la poursuite de cette grande controverse. Lui seul est constamment resté dans les bornes de la modération et de la charité; il n'a condamné personne; il n'a censuré aucune opinion; il n'a infligé aucune note injurieuse; et si l'amour de la vérité l'a porté à rompre le silence, l'amour de la paix lui a fait dissimuler les plus dures invectives. En un mot, il s'est contenté de déclarer ouvertement, comme il en avoit le droit incontestable, son sentiment sur l'infaillibilité du Pape, parce qu'il l'a jugé vrai, utile à l'Eglise, et propre à ramener les errans, comme à retenir les Fidèles dans le sein de l'Unité catholique.

Les Dissertateurs, l'Anonyme surtout, n'ont pas fait ces réflexions. Ils ont oublié les louanges éelatantes données par l'Eglise et par le Pape Innocent XI aux deux Ouvrages de Bossuet, où la liberté d'opinion sur l'infaillibilité du Pape est si fortement inculquée. Ils ont oublié que ce Fénélon, dont ils exaltent l'obéissance comme une preuve de son

adhésion à l'infaillibilité du Pape, n'a reconnu, dans le jugement du Saint-Siége, l'écho de la voix divine, qu'autant qu'il étoit d'accord avec le jugement des Evêques, et que c'est en cela qu'il fait consister le sentiment des Catholiques. Enfiu ils ont oublié qu'en attaquant l'Assem blée de 1682, à raison de sa Déclaration sur la puissance Ecclésiastique, ils parloient des Représentans d'une grande Eglise Nationale, vénérée par toute la Catholicité; et cette considération seule auroit dû suffire pour tempérer leur critique par tous les égards de la discrétion et de la modestie.

V. Au lieu de ces égards, l'Anonyme ne montre que son humeur qu'il prend pour du zèle, et une excessive présomption qu'il colore apparemment du nom de je ne sais quelle autre vertu. Les argumens qu'il emploie ne sont pas même assez forts pour être élevés au rang des sophismes, et presque tous ne sont que des sarcasmes indécens.

On vit, dit M. Bercastel, le but des insinuations du Discours d'ouverture: « C'est-à-dire, reprend l'Anonyme, quatre Articles qui sem « blent au moins pris dans le bavardage classique du Carme de la « place Maubert....

<< Comme le Carme, l'Assemblée conclut dans son premier Article, << que les Papes n'ont pas le pouvoir de déposer les Rois.....

<< Comme le Carme, l'Assemblée conclut dans son second Article,

« que les Papes ne sont pas au-dessus des Conciles......

<< Comme le Carme, l'Assemblée conclut dans son troisième Article,

« que le Pape ne peut pas toujours dispenser des Canons........

<< Comme le Carme, l'Assemblée conclut enfin dans son quatrième « Article, que les Papes ne sont pas infaillibles, puisqu'elle déclare leurs Décisions ne sont absolument sûres qu'après avoir été ac«ceptées par l'Eglise (1). »

« que

Le Lecteur, qui se souvient de la Doctrine pure et injustement proscrite qu'avoit soutenue le Père Buhy dans une de ses Thèses, ne croira pas sans doute que l'Assemblée de 1682 puisse être ravalée par le ton d'ironie abjecte qui règne dans la tirade qu'on vient de lire. Au lieu

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(1) Dissert. Hist., p. 27, 28.

de cette répétition monotone, comme le Carme, l'Anonyme eût pu dire avec autant de justesse, comme l'Evangile, comme la Sainte Eglise d'Afrique, comme le pape Saint Gélase, comme Saint Augustin, comme toute l'Antiquité, comme le Pape Adrien VI, comme nombre d'Universités savantes, comme des milliers d'Evêques illustres et de Théologiens fameux. Tel est, en effet, le cortége dont a droit de s'entourer le Carme de la Place Maubert, cet homme que l'Anonyme appelle éminemment brouillon et malfaisant, parce qu'il a eu le courage de dire la vérité, et de souffrir persécution pour la justice.

VI. Avant d'examiner en particulier chacun des quatre Articles, l'Anonyme se permet des remarques incidentes sur l'ensemble de la Déclaration ; et il n'y a pas une de ses remarques qui ne porte absolument à faux.

1° Il dit que l'Assemblée « a pris sur elle de prononcer sur la na<< ture, l'étendue et l'exercice de la Puissance Spirituelle accordée aux << Successeurs de Saint Pierre, et sur l'autorité de leurs Décisions (1). » Mais le mot prononcer est un de ces mots vagues dont il importe de fixer le sens. Tous les jours on entend dire qu'un Théologien a prononcé sur un point de Théologie quelconque : cela signifie simplement qu'il a énoncé son opinion, d'une manière plus ou moins affirmative, sur le point de Théologie dont il s'agit; et le droit de prononcer, ainsi entendu, ne peut être refusé à personne, pourvu qu'en l'exerçant on évite l'ignorance et la présomption. Dans ce sens, il est vrai de dire que l'Assemblée de 1682 a prononcé, c'est à-dire qu'elle a déclaré son sentiment et celui de l'Eglise Gallicane qu'elle représentoit; mais elle n'a prononcé ni Conclusion Synodale, ni Décret Conciliaire, ni Formule ou Profession de Foi : c'est ce qui a été prouvé jusqu'à l'évidence par les faits qui sont rapportés dans son Procès-verbal, et la teneur de la Déclaration elle-même en est une preuve convaincante. Ce qu'on trouve de plus fort dans les Actes de l'Assemblée, est le vœu qui termine la Lettre circulaire adressée aux Evêques pour leur faire part des Articles que, conformément à leurs vues, elle venoit de déclarer solennellement. Là, en effet, elle ne déguise pas l'espoir qui l'anime,

(1) Diss. Hist., p. 29.

que les quatre Articles formeront un jour, par l'accession unanime de toutes les Eglises de France, des Canons immuables et vénérés de l'Eglise Gallicane : Sic eveniet ut.... Fidelibus venerandi et nunquam intermorituri Ecclesiæ Gallicana Canones evadant (1). Mais l'Assemblée n'a pas présumé de leur en donner d'avance le caractère ni l'autorité; et, se contenant sagement dans les bornes de sa mission, elle n'a exercé que le droit qu'on ne sauroit lui disputer, d'en recomman der l'enseignement, parce qu'ils contenoient à ses yeux une Doctrine exacte et salutaire.

2° L'Anonyme blâme l'Assemblée de n'avoir pas soumis ses Conclusions à Innocent XI, parce que c'étoit là une cause majeure, qui, d'après la coutume autorisée dans l'Eglise, devoit être rapportée au Saint-Siége (2). Probablement cet Ecrivain ignore ce qu'on entend par une cause majeure: il suffit de dire que la Déclaration publique d'un sentiment que l'Eglise n'a pas désapprouvé, ne se trouve point au nombre des causes majeures dont le Droit Canonique réserve au Saint-Siége la connoissance. C'en est assez pour faire retomber le blâme indiscret uniquement sur son auteur.

3° Il continue en ces termes : « Les quatre Articles ne furent pas plutôt dressés, que l'Assemblée pria le Roi de les faire publier dans le Royaume. L'ordre fut aussitôt donné pour les faire enregistrer...... Il n'eût guère été possible d'en faire davantage, s'il se fût agi des dogmes de la Trinité et de l'Incarnation du Verbe (5). »

L'Anonyme se trompe. Lorsqu'il est question des dogmes de la Trinité ou de l'Incarnation du Verbe, les Evêques, assemblés ou non en Concile, parlent en juges de la Foi, selon l'institution de JésusChrist; ils ne se contentent pas d'énoncer leur sentiment, ni même le sentiment de l'Eglise Gallicane, ou de toute autre Eglise Nationale, mais ils rendent un témoignage formel de la Foi nécessaire à l'Eglise Catholique; ils confrontent les Doctrines nouvelles avec la Doctrine

(1) Epist. Conv. Cl. Gall. ad Univ. Eccl. Gall. Præs. -Pièces Justificatives, n° VII.

(2) Dissert. Hist., p. 29.

(3) Ibid, p. 29, 30.

de l'Ecriture et de la Tradition; ils défèrent l'erreur au Souverain Pontife; ils la condamnent avant ou après, ou avec le Saint-Siége, en accédant à sa Décision, et la cause est ainsi terminée par le jugement de l'Eglise Universelle.

Ici la marche ne pouvoit pas être la même. On a vu, dans la première partie de cet Ouvrage, qu'à la fin du quinzième Siècle et au commencement du seizième, des lois d'une police stricte et rigoureuse ne permettoient pas de soutenir à Rome le sentiment de l'Ecole de Paris, de même qu'en Sorbonne on ne pouvoit pas soutenir les opinions Ultramontaines. J'ai dit des lois de police, et de police purement temporelle, quoiqu'à Rome elles émanassent de l'autorité du Souverain Pontife; car les lois de l'Eglise permettoient de soutenir également les deux opinions, dont aucune n'étoit regardée comme contraire aux dogmes de l'Eglise Catholique. Ces lois de police temporelle nous sont connues par le témoignage uniforme des Théologiens contemporains, en particulier de Jacques Almain et de Jean Major, dont on a cité les passages. Le Canoniste Navarre nous apprend qu'à la fin du seizième Siècle ces lois de police subsistoient dans toute leur force, puisque de son temps on soutenoit exclusivement l'une des deux opinions à Paris, et l'autre à Rome. Et de bonne foi, l'Anonyme pense-t-il que, sous le Pontificat d'Innocent XI, il eût été loisible à un Théologien Romain d'enseigner ou de soutenir publiquement que les Papes ne sont pas infaillibles ou supérieurs aux Conciles OEcuméniques? Qu'il se rappelle seulement l'Interdit signifié au Père Buhy de la part de ce Pape inflexible, pour avoir soutenu à Paris des propositions incontestablement vraies, ou du moins évidemment tolérées par l'Eglise. « Convenez, puis-je lui dire à mon tour, que, dans le centre de la Catholicité, il n'eût guère été possible de prendre des mesures plus rigoureuses, et d'en faire davantage, s'il se fùt agi des dogmes de la Trinité et de l'Incarnation du Verbe. >>

Je ne veux discuter ici ni la sagesse, ni la convenance, ni la justice des lois de police temporelle, qui ont pour objet le maintien d'une opinion quelconque; à plus forte raison lorsque cette opinion n'intéresse, de l'aveu de tout le monde, ni la Foi, ni la Doctrine essentielle des mœurs. Pour réfuter l'Anonyme, il suffit de dire que, si les Papes

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