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III. Avant de suivre l'Anonyme dans sa discussion sur ce point important, il faut la rétablir dans la simplicité qui lui appartient. On ne conçoit pas trop pourquoi cet Ecrivain interrompt brusquement la narration des faits relatifs à l'Eglise Gallicane du dix-septième Siècle, pour citer un Concile tenu dans la Saxe en 1085. Nous l'avons vu critiquer le second Article de la Déclaration de 1682, en discutant à sa manière les Conciles d'Ephèse, de Calcédoine et de Constance. Pour combattre le quatrième Article, contre lequel son Ouvrage est surtout dirigé, il ne cite qu'un seul monument Ecclésiastique, un seul Concile de la fin du onzième Siècle, le Concile de Quedlinbourg. « On y « produisit, dit l'Anonyme, les Décrets des Pères touchant la Pri<< mauté du Saint Siége. (Les Evêques et les Abbés) en inférèrent que « le Jugement du Pape n'est point sujet à révision, et que personne << ne peut juger après lui; ce que tout le Concile approuva et con<< firma. Ce fait, ajoute-t-il, ne souffre pas de réplique (1). » L'Anonyme a raison. Ne hasardons pas une réplique, et dispensons-nous de remonter aux sources, pour juger si les Pères de Quedlinbourg ont donné aux corollaires qu'ils déduisent de la Primauté du Saint-Siége, un sens absolument exclusif de l'opinion de la faillibilité du Pape.

Disons seulement, puisqu'on nous y force, et tâchons de l'oublier ensuite, qu'à cette époque les Légats de Grégoire VII parcouroient l'Europe, en tenant partout des Conciles pour établir la Monarchie temporelle et spirituelle des Papes ; que lui-même excommunioit et déposoit une foule d'Archevêques et d'Evêques ; qu'il déposoit l'Empereur Henri IV, lequel, par une réaction déplorable et trop naturelle, le faisoit, à son tour, déposer dans le faux Concile de Worms; que Grégoire délioit les Sujets d'Henri de leur serment de fidélité, et faisoit valoir des prétentions suzeraines sur la France, l'Espagne, l'An · gleterre, la Hongrie, le Danemarck, la Norwége et la Pologne. Oublions surtout les fameux Dictatus Papæ, qu'une vengeance contemporaine ou une flatterie honteuse a sans doute attribués à Grégoire VII, quoique le Cardinal Baronius ait pensé qu'ils furent publiés

(1) Dissert. Hist., p. 53.

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dans le Concile de Rome en 1076 (1). N'hésitons pas toutefois à rendre hommage aux vertus réelles de Grégoire VII, en le disculpant, autant qu'il est possible, par l'influence des préjugés de son Siècle ; mais souvenons nous aussi, avec M. Bercastel, que « si les erreurs ou les pré<<ventions n'ôtent pas toujours devant Dieu le mérite des vertus, les << vertus et la sainteté même ne sauroient autoriser les erreurs (2). » Disons enfin que, de l'aveu des meilleurs Ecrivains, le Concile de Quedlinbourg, présidé par Othon, Légat de Grégoire VII, « exalta << d'une manière exorbitante la Puissance Pontificale (3). » D'après ces courtes explications, il est à présumer qu'aucun Ultramontain ne sera plus tenté de combattre le quatrième Article de la Déclaration de 1682 par l'autorité du Concile de Quedlinbourg.

IV. Revenons à l'assertion du Docteur Duval, que l'Anonyme appelle l'Antagoniste intrépide du fameux Edmond Richer (4); mais que Bossuet, qu'on n'accusera pas de Richérisme, caractérise comme un ennemi très-acharné de cet homme, répréhensible sans doute, mais trop violemment persécuté (5). Quoi qu'il en soit, l'autorité de Duval, si on l'isole de la preuve du fait paradoxal qu'il avance, ne sauroit être d'un grand poids; elle ne suffit pas pour contrebalancer les preuves innombrables qu'on a rassemblées dans cet Ouvrage. L'évidence du fait contraire est palpable à tous ceux qui ont une légère teinture de l'histoire de sorte que, pour l'établir sans controverse, il ne faut que rappeler l'époque du grand Schisme, et nommer les Conciles de Pise, de Constance et de Bâle. Personne enfin n'ignore que ce fut la résistance des Evêques François et de leurs nombreux Adhérens qui fit supprimer à Trente le Canon préparé par des Evêques Italiens, sur l'autorité du Chef de l'Eglise, parce que ce Canon sembloit établir l'infaillibilité du Pape et sa supériorité sur les Conciles Généraux. Ce

(1) Bar. an. 1076, t. XI.

(2) Hist. de l'Egl., t. X, p. 449.

(3) Ibid, à la fin de la Table des Conciles.

(4) Dissert. Histor., p. 46.

(5) Cùm adversùs Richerium infensissimo animo scriberet. (Def. Decl. Cl. Gall., 1. VI, cap. XXV.)

fait décisif est en même temps si incontestable et si notoire, qu'il ést raconté de la même manière, quant au fond, par Frapaolo, par le Ministre Jurieu et par le Cardinal Pallavicini.

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Laissant donc à part le témoignage insignifiant du Docteur Duval, pesons les preuves qu'on allègue en faveur de son assertion. V. L'Anonyme ne remonte pas plus avant que l'année 1580, dant laquelle il dit que « le Clergé de France fit les plus grands efforts « pour y faire recevoir la Bulle In Caná Domini, qui condamne << ceux qui soutiennent que le Concile Général est au-dessus du Pape, «et frappe d'excommunication ceux qui appellent ou favorisent les « Appels du Jugement du Pape au futur Concile (1).

J'ai déjà accusé l'imprudent Anonyme de rappeler sans utilité d'amers souvenirs, qui, pour nous, se perdoient dans l'habitude du respect. La nouvelle imputation qu'il fait au Clergé de France nous force maintenant à parler de la Bulle In Caná Domini, que M. Bercastel appelle à juste titre la terreur du Monde Chrétien (2). En disant que le Clergé de France a fait les plus grands efforts pour opérer la réception de cette Bulle trop fameuse, l'Anonyme ne se donne pas la peine de pallier l'invraisemblance du fait par quelque apparence de preuve. Vainement cite-t-il l'Histoire Ecclésiastique de M. FantinDésodoards, sans toutefois désigner ni le volume, ni la page, et sans donner aucune espèce d'indication. Et quand il en donneroit mille, cette Histoire, récemment publiée, et que nous avouons ne pas connoître, a-t-elle donc acquis assez d'autorité dans l'Eglise, pour que le témoignage de son Auteur serve d'attestation suffisante à un fait incroyable?

En parcourant les monumens du temps, je ne trouve rien qui confirme l'assertion que l'Anonyme attribue à M. Fantin - Désodoards. L'Auteur de l'Histoire de l'Eglise rend compte de la manière dont fut reçue en Europe la Bulle In Caná Domini, lorsque le Pape Pie V la renouvela en 1568, et son récit fait allusion à la conduite que tint,

(1) Diss. Hist., p. 54.

(2) Hist. de l'Egl., t. XIX, p 162.

en 1580, non pas le Clergé de France, mais un très-petit nombre d'Evêques. Voici ses paroles:

« Le Roi d'Espagne et la République de Venise...... ne voulurent « jamais souffrir que cette Bulle fût publiée dans leurs terres...... La << Bulle fut de même rejetée en France, où, dès l'an 1510, le Concile << de Tours l'avoit déclarée inadmissible. Quelques Evêques François « ayant tenté depuis de la faire recevoir dans leurs Diocèses, le Par«<lement prononça qu'ils seroient ajournés, leurs revenus saisis, et « que, quiconque ne se soumettroit point à cet Arrêt, seroit traité << comme rebelle et criminel de lèze-Majesté. En Allemagne, l'Empe<«<reur Rodolphe II, tout indolent qu'il étoit, ne s'opposa pas moins << fortement à la publication de cette Bulle alarmante, qu'il ne trou« voit pas moins contraire au véritable esprit de la Religion qu'aux << droits des Souverains (1). »

Ainsi s'exprime M. Bercastel, et nous trouvons, en effet, un Arrêt du Parlement, rendu en 1580, qui défend, sous les peines énoncées par l'Historien, de publier la Bulle In Caná Domini, lorsqu'elle fut envoyée en France sous le titre de Litteræ processús S. D. N. Gregorii PP. XIII lectæ die Cœnæ Domini. Laissons au Lecteur le soin d'apprécier la véracité de l'Anonyme qui dénature à son gré un fait aussi simple, et travestit l'imprudence de quelques Evêques isolés en une résolution générale et combinée du Clergé de France pour la réception de la Bulle In Caná Domini.

S'il avoit eu la moindre connoissance de l'Histoire de l'Eglise Gallicane pendant le cours du seizième Siècle, il n'auroit pas tenté d'opposer sa Doctrine, à cette époque, à celle de l'Assemblée de 1682. Il auroit su qu'en 1510, le Concile de Tours, ou plutôt le Concile de l'Eglise Gallicane assemblée à Tours, avoit déclaré la Bulle In Cœná Domini inadmissible. Il auroit su qu'en 1591, c'est-à-dire onze ans après l'époque de 1580, l'Assemblée du Clergé de France, tenue à Chartres, étoit loin de reconnoître la validité des excommunications lancées par la Bulle contre ceux qui appellent du Jugement du Pape

(1) Hist. de l'Egl., t. XIX, p. 16i.

au futur Concile; car, au contraire, et même sans employer la formalité d'un Appel au futur Concile, l'Assemblée de Chartres déclara nulles, quant au fond et à la forme, les Censures prononcées par la Bulle de Grégoire XIV, publiée le 21 Septembre de la même année.

« Après avoir conféré, disent les Cardinaux, Archevêques et Evê«ques, et mûrement délibéré sur le fait de ladite Bulle, avons reconnu « par l'autorité de l'Ecriture-Sainte, des saints Décrets, Conciles Gé<<néraux, Constitutions Canoniques, et exemples des Saints Pères, << dont l'Antiquité est pleine, Droits et Libertés de l'Eglise Gallicane, « desquelles nos prédécesseurs Evêques se sont toujours prévalus......... « que lesdites monitions, interdictions, suspensions et excommuni<< cations, sont nulles, tant en la forme qu'en la matière.... dont nous << avons jugé être de notre devoir et charge de vous avertir.... afin que <«<les plus infirmes d'entre vous ne soient circonvenus, abusés ou diver«tis de leur devoir envers le Roi et leurs Prélats, et lever en cela tout << scrupule de conscience aux bons Catholiques et fidèles François. << Nous réservant de représenter et faire entendre à Notre Saint Père << la justice de notre cause et de nos saintes intentions, et rendre Sa Sain« teté satisfaite, de laquelle nous nous devons promettre la même ré"ponse que fit le Pape Alexandre, écrivant ces mots à l'Archevêque de << Ravenne : Nous porterons patiemment, quand vous n'obéirez pas <«< à ce qui nous aura été par mauvaises impressions suggéré et per<< suadé (1). »

Sans doute le Lecteur n'a pas besoin qu'on lui fasse remarquer les motifs sur lesquels s'est fondé le Clergé de France, en i 1591, pour déclarer la nullité des Censures du Pape Grégoire XIV: ce sont textuellement les mêmes que ceux de l'Assemblée de 1682, et le langage, comme la conduite, seront trouvés uniformes, si l'on parcourt toutes les époques depuis la fondation des Eglises de la Gaule jusqu'à nos jours. Ce sont les saints Décrets, les Conciles Généraux, les exem<< ples de l'Antiquité, les Droits et Libertés de l'Eglise Gallicane, « dont les Evêques prédécesseurs se sont constamment prévalus.

(1) Déclaration du Clergé de France, du 21 Septembre 1591.

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