Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

peut rien conclure pour l'infaillibilité de chaque Evêque particulier, et par conséquent on ne peut rien conclure non plus des expressions équivalentes qu'on cite tous les jours en faveur de l'infaillibilité du Pape, comme l'a très-bien remarqué le savant Evêque de Tournay dans son Rapport à l'Assemblée de 1682.

IX. L'Anonyme insiste sur ce que l'Assemblée de 1626 déclare « que l'indéfectibilité dans la Foi est restée jusqu'à ce jour ferme et << inébranlable dans les Successeurs de Saint Pierre. Cherchera-t-on, « ajoute-t-il, une misérable défaite dans le mot indéfectibilité (1)? » Mais les termes dérisoires ne prouvent rien du tout, et ils ne flétrissent que ceux qui ont la hardiesse de s'en servir. La réponse que l'on peut chercher dans le mot indéfectibilité n'a pas semblé misérable à M. Plowden; car il a trouvé bon d'en éluder la force, en y substituant celui d'infaillibilité, infallibility of Faith, et même de le graver plus profondément dans l'esprit de ses Lecteurs par la pompe des lettres majuscules (2). Je fais cette remarque, sans accuser M. Plowden de mauvaise foi, et je pense que le mot infaillibilité, substitué à celui d'indéfectibilité, n'ajouteroit qu'une valeur purement nominale à l'objection, sans en augmenter la force réelle.

Pour peu qu'on observe la contexture de la phrase dont il s'agit, on voit qu'elle est absolument calquée sur le texte de l'Ecriture, et que l'Assemblée a voulu réunir, comme dans un faisceau, les diverses expressions dont Jésus-Christ s'est servi en parlant à Pierre. « C'est sur « lui, dit l'Assemblée, que Jésus-Christ a fondé son Eglise » : Super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; « lui donnant les Clefs du << du Royaume des Cieux » : Et tibi dabo Claves Regni Coelorum; « et « l'indéfectibilité dans la Foi » : Ego rogavi pro te ut non deficiat Fides tua. D'après cette supposition, que justifie la correspondance des passages, il semble que le mot indéfectibilité a plus d'analogie avec le texte sacré que celui d'infaillibilité.

Laissant là toutefois les discussions grammaticales, l'indéfectibilité

[merged small][ocr errors]

(2) Consid. on the Mod. Op. of the fallib. of the holy See, p. 105.

:

ou l'infaillibilité dans la Foi, « qui est restée jusqu'à ce jour ferme et << inébranlable dans les Successeurs de Saint Pierre, » n'est pas, sans doute, d'une autre nature que celle qui fut octroyée au Chef des Apôtres en vertu de la Prière de Jésus-Christ. Or, l'événement a prouvé que l'indéfectibilité ou l'infaillibilité de la Foi ne le mettoit pas à l'abri d'une chute donc, l'indéfectibilité ou l'infaillibilité de la Foi de ses Successeurs ne les met pas pleinement à l'abri de l'erreur, ou d'une éclipse passagère de leur Foi; et la possibilité d'une telle chute montre la justesse de la clause insérée dans la Déclaration de 1682, pour ne reconnoître l'irréformabilité des Décrets Pontificaux qu'après l'accession du consentement de l'Eglise. Par l'accession de ce consentement, paroît avec certitude l'équité ou l'Orthodoxie du Jugement qu'a porté le Successeur de Pierre, et toute l'Eglise s'y soumet, en rendant hommage au privilége de Pierre. Manet ergo Petri privilegium, dit Saint Léon, Pape, ubicumque ex ipsius fertur æquitate judicium (1): d'où suit nécessairement la proposition inverse, qu'un Jugement contraire à l'équité ou à la Foi de Pierre, n'a pas été porté en vertu du privilége de Pierre. Mais, quelque désastreuse que puisse être la déviation momentanée d'un de ses Successeurs, la Chaire toutefois, l'ensemble de la Succession de Pierre, qui constitue, pour ainsi dire, sa personne morale, n'en reste pas moins indéfectible; c'est-à-dire que demeurant, par l'ordre de Jésus-Christ, le premier organe, le témoin le plus éminent de la Foi qu'il a plantée, elle sera, par la vertu divine et jusqu'à la fin, le Centre, le Chef et la Partie principale de l'Eglise Catholique.

Dans ce sens, l'Assemblée de 1626 a eu raison de dire, et l'Eglise Gallicane a dit équivalemment, pendant plus de douze Siècles consécutifs, que l'indéfectibilité ou l'infaillibilité de la Foi de Pierre est restée ferme et inébranlable dans ses Successeurs. Que si vous donnez un sens plus étendu aux paroles de cette Assemblée, non seulement vous lui attribuez une phrase absolument neuve et isolée dans l'histoire de l'Eglise Gallicane, mais encore vous détruisez l'allusion évi

(1) S. Leo, Serm. III, in anniv. Assumpt.

dente qu'elle a voulu faire à l'intercession de Jésus-Christ; vous la détruisez, dis-je, en exagérant faussement les effets de son intercession, qui fut le gage de la stabilité de la Foi de Pierre, sans néanmoins empêcher sa chute humiliante et prévue.

X. En suivant l'ordre des temps, nous sommes parvenus à l'acceptation que fit l'Eglise Gallicane, en 1653, de la Bulle d'Innocent X, portant condamnation des cinq Propositions de Jansénius. Il ne paroît pas que la simple acceptation de la Bulle Cùm occasione, ait donné lieu à aucune objection sérieuse des Adversaires; et, en effet, le Père d'Avrigny observe avec justesse, en réfutant une idée bizarre du Père Gerberon, auteur de l'Histoire du Jansénisme, « qu'il n'y a nulle << liaison essentielle entre recevoir une Constitution du Pape, et tenir « pour son infaillibilité (1). »

Les réflexions de l'Anonyme tombent principalement sur la forme d'acceptation, ou plutôt sur les expressions d'une Lettre que trente Evêques assemblés au Louvre, chez le Cardinal Mazarin, écrivirent au Pape, après avoir unanimement accepté sa Bulle. Avant d'examiner la teneur de cette Lettre, rappelons, le plus brièvement qu'il sera possible, les faits qui y cnt rapport.

En 1651, quatre-vingt-cinq Evêques, se conformant à la Coutume observée dans l'Eglise, de renvoyer au Saint - Siége le Jugement des Causes Majeures, déférèrent au Pape les cinq fameuses Propositions extraites du Livre de Jansenius. Dans leur Lettre à Innocent X, ils allèguent les troubles très-violens causés par la Doctrine de Jansenius; troubles qui auroient dû, disent les quatre-vingt-cinq Evêques, « être << apaisés par l'autorité du Concile de Trente, et par la Bulle d'Ur« bain VIII, qui avoit prononcé contre les Dogmes de Jansénius, <«<et renouvelé les Décrets de Pie V et de Grégoire XIII contre << Baïus (2). »

Les cinq Propositions furent examinées à Rome avec une grande

(1) Mém. Chron. et Dogm., t. II, p. 273.

(2) Ibid, p. 228.

330

maturité, et contradictoirement avec plusieurs Députés du parti Janséniste. Le Jugement intervint en 1655, et la Bulle Cùm occasione fut envoyée par le Pape aux Evêques de France.

En 1655, l'Assemblée générale du Clergé publia une Relation circonstanciée des faits concernant la réception de cette Bulle.

La Relation porte que les Evêques s'assemblèrent chez le Cardinal Mazarin, au nombre de trente, et qu'après une délibération libre, ils résolurent unanimement d'accepter la Bulle avec respect et soumission. Elle ajoute que « la matière traitée dans la Constitution étoit si << connue de tous ceux de l'Assemblée, depuis douze ans qu'on l'agique Ia « toit en France, que l'on n'eut point de peine à reconnoître « Décision du Pape confirmoit l'ancienne Foi de l'Eglise, enseignée « par les Conciles et par les Pères, et renouvelée dans le Concile de << Trente. C'est pourquoi, conclut la Relation, les Evêques convo« qués pour délibérer de ce qu'il falloit faire en cette occasion.... ont << apporté un même esprit, un même cœur et une même bouche, « pour recevoir le Jugement de celui à qui, comme à leur Chef, ils << sont si étroitement liés par l'Unité de l'Episcopat Chrétien dans la avoir pro<< subordination hiérarchique, qu'ils ont cru, avec raison, « noncé avec lui la condamnation des Propositions qu'il a condam

[ocr errors]

Dans ces paroles, on reconnoît d'avance les sentimens qui ont sanscesse animé l'Eglise Gallicane, toujours respectueuse envers le SaintSiége, toujours inclinée à la soumission hiérarchique, toujours néanmoins se souvenant que les Evêques sont Juges de la Foi, et qu'ils exercent ce sublime caractère au moment où ils acceptent, après un mûr examen, après une délibération libre, le Décret émané de la Chaire de Pierre. On voit ici qu'ils avoient, comme les Pères d'Ephèse et de Calcédoine, comparé le Jugement du Pape avec l'ancienne Foi de leurs Eglises, avec les Conciles et les Pères. Comme leurs Prédécesseurs, qui reçurent la Lettre de Saint-Léon contre Eutychès, ils ont reconnu, dans le Décret du Saint-Siége, « le sentiment et l'exles Traditions paterpar << pression de la Foi qui leur a été transmise << nelles » Quod in eá recognoscerent Fidei suce sensum, et ita se

«

semper ex paterná Traditione lætentur tenuisse (1). Ils mirent en pratique, en 1653, ce que Saint Vincent de Paule écrivoit à un Evêque, en 1651 , pour le déterminer à se joindre aux quatre-vingt-cinq Evêques qui déféroient au Pape le Jugement des cinq Propositions. « Si << un Evêque, dit Saint Vincent, pensoit ne pas devoir se déclarer sur « des matières dont il doit être Juge, on pourroit lui répondre que le << recours au Pape ne peut rien ôter au droit qu'il a de juger, puisque « les Saints lui ont autrefois écrit contre les nouvelles Doctrines, et << n'ont pas laissé d'assister comme Juges aux Conciles où elles ont « été condamnées. C'est une impiété, dit ailleurs Saint Vincent de « Paule, de ne pas condamner ceux que l'Eglise condamne, et, à plus << forte raison, de les disculper, d'accuser, par conséquent, l'Eglise « même, et de condamner les Jugemens qu'elle prononce par la << bouche de son Chef et de ses Prélats (2). » Les dernières paroles de Saint Vincent de Paule rappellent celles que nous avons citées ailleurs de Fénelon, avec qui sa mansuétude et son immense charité lui donnent tant d'analogie. «Suivant les principes des Catholiques, a dit « Fénélon, j'ai regardé le Jugement du Saint-Siége et des Evêques <«< comme une expression de la volonté suprême et comme un écho de << la voix Divine. » Voyez comment cet Evêque illustre et le saint Prêtre fondateur de la Mission, tous deux pénétrés d'un respect inaltérable pour le Souverain Pontife, ont soin d'unir le Jugement du Saint-Siége et des Evéques, le Jugement du Chef de l'Eglise et de ses Prélats, lorsqu'ils veulent désigner le Jugement irréformable de l'Eglise, et l'expression certaine de la volonté Divine.

Sans doute on ne dira pas que Saint Vincent de Paule tendît un piége à l'Evêque qu'il exhortoit à recourir au Pape, en lui disant que ce recours ne peut rien ôter au droit qu'il a de juger lui-même, dans la vue de le priver ensuite du droit de Jugement sur la même matière, lorsqu'une fois le Saint-Siége auroit prononcé. Il faut donc reconnoître que, d'après le sentiment de Saint Vincent de Paule, et d'après

(1) Ep. Syn. Episc. Gall. ad Leon. magn., t. III, Conc., p. 1329. (2) Hist. de l'Egl., par Bercastel, t. XXII, p. 88, 107, 108.

« ZurückWeiter »