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où les électeurs supplient le Pape d'agréer leur élu pour roi des Romains, et de lui conférer en temps et lieu la grâce de l'onction, ainsi que le diadême de l'empire1. Clément V venait de mourir.

Cependant les deux autres électeurs, Henri, archevêque de Cologne, et Rodolphe, comte palatin et duc de Bavière, étaient à Saxenhausen, près de Francfort, où ils élurent roi des Romains, Frédéric, duc d'Autriche, fils de l'empereur Albert et petit-fils de Rodolphe de Habsbourg, qui fut couronné à Bonn par l'archevêque de Cologne; mais Louis de Bavière le fut à Aix-la-Chapelle par l'archevêque de Mayence 2. Telle est une des narrations. Mais des écrivains germaniques du temps racontent la chose d'une manière différente. Suivant les uns, il y eut seulement quatre électeurs pour Louis et trois pour Frédéric ; d'autres assurent qu'il y eut quatre électeurs pour chacun, le duché électoral de Saxe étant disputé entre deux princes 3. D'après ces relations divergentes d'auteurs contemporains, on voit que la chose n'était pas bien claire. Ce qui est hors de doute, c'est que cette double élection causa ensuite de grands maux, non-seulement dans l'empire, mais encore dans l'Eglise.

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Toute l'Allemagne se divisa entre les deux compétiteurs, qui étaient cousins. Les Suisses des trois cantons de Schwitz, d'Uri et d'Unterwald se déclarèrent pour Louis de Bavière: ce qui déplut extrêmement au duc Léopold d'Autriche, frère du roi Frédéric. Il résolut de les châtier et d'en faire un exemple. Ils sont excommuniés par l'évêque de Constance, et mis au ban de l'empire par Frédéric; mais l'archevêque de Mayence, métropolitain, les absout de l'excommunication; Louis dé Bavière annule le ban. Léopold résolut de pénétrer dans leurs vallées avec des forces telles, que ce ne serait plus qu'un jeu de les soumettre. On s'accorde à dire qu'il menaça de fouler aux pieds ces paysans, et fit apporter beaucoup de cordes pour emmener ou pendre les chefs. Les voisins cherchèrent par leur médiation à prévenir la guerre. Mais Léopold demandait aux Suisses des choses inconciliables avec leur liberté. Ils répondirent: Nous aurions bien le droit de nous plaindre du duc; que, s'il marche contre nous, nous l'attendrons avec l'aide de Dieu, et nous saurons nous défendre de sa puissance....

Après qu'on eut célébré à Bâle, avec beaucoup de magnificence, les noces du roi Frédéric avec Isabelle d'Aragon, et celles du duc Léopold avec Catherine de Savoie, le duc Léopold se mit en mar

'Raynald, 1314, n. 18-22.- 2 Albert. Argent., p. 119. Joan. Villani, 1. 9, c. 66. Spond., 1514, n. 5 et 6.

che pour attaquer et accabler les Suisses par trois côtés à la fois. Les villes de Zurich et de Lucerne tenaient pour lui. La division qu'il commandait en personne était d'environ dix mille hommes. Dans leur nombre se trouvait beaucoup de noblesse, entre autres > les Landenberg et les Gessler, animés par la vengeance. Les troupes confédérées de Schwitz, d'Uri et d'Unterwald ne montaient qu'à treize cents hommes. D'après le conseil d'un vieux guerrier nommé Réding, ils se campèrent sur une colline, qui commandait un étroit défilé entre la montagne et le lac, par où devait entrer l'armée de Léopold : ce qui rendait inutile le grand nombre. Dans ce moment, cinquante hommes, bannis de la confédération, vinrent demander à leurs treize cents compatriotes la grâce de combattre dans leurs rangs pour la liberté du pays. Leur offre ou leur prière ne fut point agréée; mais, probablement d'après le conseil des chefs, ils allèrent se poster sur la hauteur de Morgarten, qui dominait le défilé un peu plus loin, hors des limites du canton. C'était le quinze novembre 1315.

Dès le matin, la cavalerie de Léopold entra dans le défilé, l'infanterie suivait; les rangs étaient serrés. Dans ce moment, les cinquante bannis de Suisse, de la hauteur de Morgarten, poussérent de grands cris, roulèrent et lancèrent d'énormes pierres sur les chevaux et les cavaliers. Bientôt le trouble et le désordre s'y mirent. Les treize cents confédérés, s'en étant aperçus, s'avancèrent à l'entrée de la gorge, tuèrent un bon nombre de gentilshommes. Comme les chemins étaient à moitié gelés, la cavalerie n'était d'aucun secours : plusieurs chevaux se jetèrent dans le lac. L'infanterie, qui venait derrière, fut long-temps à s'apercevoir de ce qui se passait; resserrée dans le défilé, elle ne put ouvrir ses rangs pour donner passage à la cavalerie qui revenait sur ses pas; un grand nombre furent écrasés sous les pieds des chevaux; le duc Léopold se sauva à peine de la mêlée, et, par des sentiers détournés, s'enfuit à Winterthur. Enfin, dans l'espace d'une heure et demie, et sans perdre beaucoup des leurs, les Suisses remportèrent une victoire complète. La renommée, s'en étant répandue bien vite, paralysa les deux autres attaques et les rendit faciles à repousser.

Les Suisses victorieux rouvrirent la patrie aux cinquante bannis. Ils décidèrent que le jour de cette victoire serait solennisé comme la fête d'un apôtre; chaque année on célèbre des messes pour les défenseurs morts de la patrie, et on proclame tous leurs noms devant le peuple. Le roi Louis de Bavière apprit avec plaisir la victoire des Suisses. Le duc Léopold lui-même, voyant que ces montagnards, contents de leur liberté, ne cherchaient pas à faire de

conquêtes, conclut la paix avec eux pour un an, et en reçut même dans ses troupes. Mais, sauf quelques intervalles de paix ou de trève, la lutte entre la maison d'Autriche et la confédération suisse dura encore plus de deux siècles. Ce qu'il y a de plus merveilleux, peut-être d'unique dans l'histoire, c'est que, jusqu'à nos jours, le petit peuple de Schwitz, d'Uri et d'Unterwald n'a cessé d'être le modèle d'un peuple libre, brave, loyal, constant, catholique et pieux, Honneur à lui!

A cette époque, la Hongrie continuait d'admirer la piété, la sagesse et la valeur de son roi Charobert, de la maison d'Anjou. Mais la Pologne était sans roi depuis deux cent quarante ans, c'est-àdire depuis que Boleslas le Cruel, son quatrième roi, s'était attiré la haine publique pour le meurtre de saint Stanislas, évêque de Cracovie. Le pape saint Grégoire VII le déclara déchu de la dignité royale et ses sujets absous de son obéissance : les grands se soulelevèrent contre lui, ét il mourut en Carinthie, abandonné de tout le monde. La Pologne revint au gouvernement des ducs comme avant Boleslas, son premier roi, et se trouva notablement affaiblie par ce partage de l'autorité souveraine. En 1316, Ladislas Loctec, duc de Cracovie, envoya au pape Jean XXII, Géruard, évêque de Wladislaw, pour demander en sa faveur le rétablissement de la dignité royale, attendu que la plupart des duchés de Pologne étaient réunis en sa personne, et qu'il serait plus en état de résister aux puissances voisines, qui faisaient des incursions dans la Pologne, particulièrement aux chevaliers de Prusse, qui avaient depuis peu usurpé la Poméranie.

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Les chevaliers envoyèrent aussi à Avignon', pour soutenir leur cause devant le Pape; d'un autre côté, ils envoyèrent au roi de Bohême pour l'exciter à faire valoir ses prétentions sur la Pologne. Ce roi était alors Jean de Luxembourg, fils de l'empereur Henri VII, devenu roi de Bohême en 1510, par son mariage avec Elisabeth, héritière du royaume, fille de Wenceslas, qui avait été élu et couronné roi de Pologne en 1300. Jean, roi de Bohême, envoya donc aussi des députés à Avignon, pour s'opposer à la demande du duc Ladislas. La contestation entre ces deux princes dura longtemps en cour de Rome, et enfin le pape Jean XXII ne prononça qu'un interlocutoire par une bulle adressée à l'archevêque de Gnésen et à ses suffragants, où il dit en substance:

Notre vénérable frère Géruard, évêque de Wladislaw, envoyé de votre part et de toute la nation polonaise, nous a rendu vos

' Jean de Muller. Hist. de Suisse, t. 2.

lettres portant que jadis, après la mort du roi qui était alors, la Pologne fut troublée par des séditions et des guerres civiles. Elle fut aussi troublée par les incursions des Tartares, des Lithuaniens, des. Russes et d'autres païens, qui, menant en captivité les Polonais nouvellement convertis à la foi, les contraignaient de retourner à l'idolâtric; et d'ailleurs ces païens, dans les pays dont ils s'emparaient, désolaient les églises et les monastères, en faisaient leurs retraites ou les détruisaient et les réduisaient en solitude. C'est pourquoi vous craigniez la perte irréparable de ce royaume, s'il n'y était promptement pourvu par le Saint-Siége, auquel il est soumis immédiatement; et, pour marque de sujétion, il lui paie tous les ans un cens nommé le denier de saint Pierre. Par ces raisons, vous demandiez un roi et nous proposiez la personne de Ladislas, duc de Cracovie, Sandomir, Siradie, Lancicie et Cujavie, comme revêtu de toutes les qualités nécessaires.

Nous avons écouté favorablement vos propositions ; mais ensuite sont venus les envoyés de Jean, roi de Bohême, qui nous ont représenté que le royaume de Pologne lui appartenait, comme ils offraient de le prouver en temps et lieu, nous priant de nous abstenir de la promotion du duc Ladislas. L'évêque, votre envoyé, a insisté, au contraire, soutenant que le roi de Bohême n'avait aucun droit au royaume de Pologne, et qu'il appartenait à Ladislas par succession légitime, comme héritier naturel. Sur quoi, voulant conserver à chacun son droit, nous avons jugé à propos de nous abstenir quant à présent de toute promotion. La bulle est du vingtième d'août 1319 1.

Les seigneurs et la noblesse de Pologne, ayant reçu la lettre du Pape et entendu les conseils de l'évêque Géruard, qu'ils lui avaient envoyé, résolurent d'un commun consentement qu'il fallait couronner roi Ladislas Loctec, sans attendre du Pape une décision plus expresse, et marquèrent pour cette cérémonie le jour de SaintSébastien, vingtième de janvier, qui, cette année 1320, était le dimanche, Mais, afin que la fête fût plus solennelle, ils convinrent que le couronnement ne se ferait plus à Gnésen, comme on l'avait fait jusqu'alors, mais à Cracovie, comme étant une ville plus considérable par sa situation, ses murailles, la multitude de ses habitants et l'abondance des choses nécessaires à la vie; enfin qui avait été autrefois métropole. Ce fut donc là que Ladislas fut couronné par Janislas, archevêque de Gnésen, assisté des évêques de Cracovie et de Posnanie, et de quatre abbés, tous en chape et en mitre. La

'Raynald, 1319, n. 2.

duchesse Hedwige, son épouse, fut en même temps couronnée reine. Depuis ce jour, la ville de Cracovie a toujours été le lieu du couronnement des rois de Pologne, et l'on y gardait dans le château les ornements royaux qui étaient auparavant à Gnésen, savoir: la couronne, la pomme, le sceptre et le reste. Le Pape approuva tacitement le couronnement de Ladislas, lui donnant le titre de roi dans une lettre qu'il lui écrivit peu de temps après 1. L'an 1324, Ladislas écrivit au Pape une lettre où il se dit roi de Pologne par la providence de Dieu et du Siége apostolique, et reconnaît que la Russie était tributaire de l'Eglise romaine 2. Il mourut l'an 1335, laissant un fils, Casimir le Grand, qui lui succéda, et une fille, Elisabeth, femme de Charobert, dont le fils, Louis, succéda à son oncle Casimir, mort sans enfants.

Il eût été à désirer, pour le bien de l'Eglise et de l'empire, que l'affaire de l'Allemagne pût s'arranger aussi pacifiquement que celle de la Pologne. Il en fut différemment. La principale cause en est à ce que l'idée chrétienne de l'empire d'Occident s'effaçait de plus en plus de l'esprit et du cœur des princes, pour faire place à une idée toute païenne. Par leur institution même, dans la personne de Charlemagne, les empereurs d'Occident étaient les défenseurs titulaires de l'Eglise romaine contre les infidèles, les hérétiques, les schismatiques et les séditieux. Défendre l'Eglise romaine, voilà ce qu'ils promettaient avec serment à leur sacre. D'après cela, il était tout naturel que le chef de l'Eglise romaine, le Pape, choisît celui des princes chrétiens qu'elle devait avoir pour protecteur. Cette réflexion, l'historien Glaber la faisait déjà dans le onzième siècle. Il paraît très-raisonnable, dit-il, et très-bien établi, pour maintenir la paix, qu'aucun prince ne prenne le titre d'empereur, sinon celui que le Pape aura choisi pour son mérite et auquel il aura donné la marque de cette dignité 3. » Voilà ce que dit Glaber à une époque où les Papes avaient déjà transféré la dignité impériale des princes de France à ceux d'Allemagne. De là, cette autre conséquence: Comme le roi de Germanie est le candidat à l'empire, il est naturel que son élection soit soumise à l'examen et à la confirmation du Pape.

En général, le fondement de la politique ou de l'art de gouverner les états au moyen âge, était le sentiment religieux. Charlemagne et l'empereur saint Henri peuvent en cela servir de modèles. La subordination de l'état à l'Eglise, de la force à la justice, semblait passée en nature. Avec Henri IV de Germanie s'ouvre la lutte pu

' Raynald, n. 5; 1320, n. 4. — Ibid., 1324, n. 53.5 Glaber, 1. 1, sub fine. 2 l.

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