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blique entre l'Eglise et l'empire, la justice et la force. Ce fut une époque pénible, mais cependant honorable, pour l'humanité. Des deux côtés l'on y voit combattre de grands caractères, des intérêts puissants, de hauts motifs, des idées et des sentiments générale– ment élevés. Mais avec Philippe le Bel commence une ère de dégradation complète pour la politique, qui déjà n'était plus chrétienne. Au lieu de ces grands motifs, de ces vues élevées qu'on aperçoit dans un Grégoire VII et dans un empereur Conrad et Barberousse, s'introduit une politique commune, une ambition égoïste, un indigne astuce. Sous tous les rapports, Philippe peut être regardé comme le digne prédécesseur de Louis XI. Ces réflexions sont de la meilleure tête de l'Allemagne moderne 1.

La politique, ainsi redevenue païenne, fut plus tard réduite en principes et portée à toute sa perfection par le Florentin Nicolas Machiavel. Cet auteur a été décrié mal à propos; son unique tort est d'avoir mis nettement en théorie ce que les gouvernements mettaient et mettent encore secrètement en pratique. Ces gouvernements, au reste, ne font que tirer les conséquences d'un principe admis. Si la politique ne doit point être subordonnée à la loi de Dieu, interprétée par l'Eglise, elle ne sera naturellement que le froid calcul d'un prudent égoïsme. Le machiavélisme se trouve ainsi, du moins en germe, dans tous les systèmes d'insubordination. C'est l'enfant naturel du droit impérial de Rome idolâtre, ainsi commenté et résumé par les légistes allemands et autres : L'empereur est la loi vivante et souveraine de qui émanent tous les droits. Ce que le protestantisme et le philosophisme généraliseront de cette manière Chacun est la loi vivante et souveraine et pour soi et pour les autres.

Tel est à peu près l'esprit qu'on voit dominer dans la condnite des deux candidats à l'empire, élus contradictoirement l'an 1314, savoir, Louis de Bavière et Frédéric d'Autriche. L'ordre naturel était qu'ils soumissent leurs droits respectifs au jugement du Pape, de qui seul ils pouvaient recevoir la couronne impériale. Le malheur voulut que la Chaire apostolique restât vacante plus de deux ans. Les électeurs de Louis de Bavière envoyèrent leur acte d'élection au Pape futur: ceux de Frédéric d'Autriche n'en envoyèrent point. Frédéric espéra ou préféra décider le différend par la voie des armes. Jean XXII, devenu Pape l'an 1316, écrivit à l'un et à l'autre le cinquième de septembre, pour les engager à faire la paix et à décider leur différend par la voie de la justice. Il ne fut point

'Frédéric de Schlégel. Philosophie de l'histoire, 14 leçon: - 2-Raynald, 1316,

n. 10.

écouté. L'an 1517, Frédéric lui envoya Conrad, abbé de Salem, depuis évêque de Gurk, pour solliciter son approbation et sa confirmation. L'ambassadeur relevait la fidélité qu'avaient eue pour le Saint-Siége son aïeul Rodolphe et son père Albert, ajoutant: Si la racine est sainte, les branches le seront; si la masse est sainte, il en sera de même de la parcelle. Le Pape répondit que Roboam avait bien dégénéré de Salomon, et n'admit point la demande '. La raison principale, c'est que l'ambassadeur n'avait point exhibé de décret d'élection. La guerre continuait entre les deux prétendants. Frédéric d'Autriche et son frère le duc Léopold, qui, après avoir fait la paix avec les Suisses, en avait plusieurs dans son armée, remportèrent plusieurs avantages sur Louis de Bavière, entre autres l'année 1320, à Muhldorf-sur-l'Inn. Deux ans après, Frédéric s'avança dans la même contrée avec une armée considérable, pour livrer une bataille; il amenait avec lui un secours de Hongrois et de Comans; il attendait de plus son frère Léopold, qui devait venir de Souabe avec son armée; Léopold s'arrête en route pour attendre que son frère lui fasse connaître l'époque et le jour de la bataille; les courriers sont interceptés par Louis de Bavière. La bataille se donne la veille de la Saint-Michel 1522: Frédéric remporte encore la victoire; déjà il se reposait à l'écart, lorsqu'il voit accourir un corps d'armée; il croit que c'est son frère Léopold, c'était un corps ennemi; malgré des prodiges de valeur, Frédéric est fait prisonnier, avec Henri, son frère, et un grand nombre de seigneurs 2. Frédéric fut confiné dans la forteresse de Trausnitz, et son frère, le duc Henri, remis au roi de Bohême.

Pendant la vacance de l'empire et la guerre des deux prétendants, le Pape avait nommé vicaire impérial en Italie, le roi Robert de Naples. De plus, ce prince fut élevé au rang de sénateur de Rome; par droit héréditaire, il était souverain du royaume de Naples et du comté de Provence; enfin, il avait été reconnu pour seigneur par la Romagne et par les villes de Florence, Lucques, Ferrare, Pavie, Alexandrie et Bergame, et il y avait joint plusieurs fiefs en Piémont 3. Mais au milieu des luttes incessantes entre les Guelfes et les Gibelins, il s'était élevé quelques puissantes familles ; qui aspiraient à la souveraineté de leur patrie: tels étaient les Visconti à Milan. Mathieu Visconti était leur chef. Il refusa de se soumettre à l'autorité du roi Robert de Naples, tantôt se prétendant lui-même

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'Anonym. Leob. Chron., 1. 5, an 1317. Apud Perz. rer. Austriac., t. 1, 918. 2 Perz. rer. Austr., t. 1, p. 919, et passim, t. 2, p. 787.- 3 Sismondi. Hist. des républiq. ital., t. 4, p. 364.

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vicaire impérial de l'empereur Henri VII, tantôt comme capitaine du peuple milanais. Le vingt-neuf janvier 1317, première année de son pontificat, le pape Jean XXII adressa une lettre àffectueuse et paternelle à tous les Italiens, pour les exhorter à la paix et à la concorde, en leur représentant les maux temporels et spirituels des guerres civiles; il écrivit en particulier, et avec la même tendresse, à Mathieu Visconti, qui faisait alors la guerre aux Bressans, tâchant de lui persuader avec de douces paroles à ne leur faire point de mal, et priant d'un autre côté les Bressans de ne lui faire point d'offense. Il adressa dans le même sens des lettres particulières aux principaux chefs des factions italiennes, pour les porter à la paix entre eux et avec le roi Robert 1.

L'an 1319, le Pape envoya en Lombardie le cardinal-légat Bertrand du Poïet, avec des troupes, pour soutenir l'autorité du vicaire impérial et de l'Eglise, faire cesser les guerres civiles et procurer la paix par les armes tant spirituelles que temporelles 2. Un des perturbateurs les plus coupables était Isnard, patriarche titulaire d'Antioche et administrateur de l'évêché. Au lieu de seconder les vues du Pape et d'engager les Italiens à la concorde; il fomentait publiquement les dissensions et excitait les Gibelins contre les Guelfes. Jean XXII lui fit faire son procès par deux cardinaux, et enfin le cita devant lui-même. Isnard, ayant été convaincu et ne pouvant se justifier, s'échappa clandestinement, malgré la défense du Pape, qui alors prononça contre lui une sentence définitive, par laquelle il le dépose et le prive de toute fonction de patriarche, d'évêque, de prêtre et de clerc, et de plus l'excommunie. La bulle est du trentième de juillet 1519. Isnard ne se soumit point; mais, retourné à Pavie, il continua d'y faire les fonctions épiscopales. Mais, l'an 1320, il fut pris et amené au Pape, qui finit par lui pardonner; car, l'an 1328, il l'envoya comme son nonce dans l'Achaïe 3.

De son côté, Mathieu Visconti, ne cessant de repousser toutes les exhortations pacifiques du Pape et de son légat, fut déclaré excommunié et suspect d'hérésie, tant par le légat que par l'archevêque de Milan et les évêques du Milanais. Comme il ne se soumettait pas, le Pape engagea Frédéric d'Autriche et le marquis de Montferrat à le réduire par la force des armes. Frédéric envoya le duc Henri, son frère, qui, malgré les avertissements du Pape, se laissa gagner par Visconti et s'en retourna en Allemagne sans avoir rien fait. C'était en 1322. La même année, Mathieu Visconti mou

1

Raynald, 1317, n. 32-34. — - 2 Ibid., 1319, n. 8. 1328, n. 86. Baluz, Miscell., t. 6, p. 445.

-

3 Ibid., n. 8; 1320, n. 19;

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rut à Milan, Frédéric et Henri furent faits prisonniers en Bavière. Quelques jours avant sa mort, Visconti fit assembler le clergé dans la grande église de Milan; et là, devant l'autel, il prononça à haute voix le symbole des apôtres; puis, levant la tête, il s'écria: Telle est la foi que j'ai tenue toute ma vie, et si l'on m'a accusé d'autre chose, ça été faussement. Et il en fit dresser un acte public. On l'enterra petitement et secrètement, de peur que le Pape n'empêchât de l'enterrer d'aucune manière, le regardant comme excommunié 1.

Louis de Bavière, ayant remporté la victoire sur son compétiteur, en informa le Pape, qui lui répondit par une lettre du dix-huit décembre 1322, où il l'exhorte à la clémence envers le vaincu, et lui offre sa médiation pour faire la paix entre eux deux 2. Ce qui sans doute était bien. Mais ce qui eût été mieux encore, c'était d'envoyer en Allemagne des légats vertueux et capables, pour travailler sur les lieux à concilier les hommes et les choses. Et on ne voit pas qu'il l'ait fait, ni alors, ni avant, ni après, quoiqu'il le fît pour la France, l'Angleterre, l'Ecosse et l'Irlande. La cause secrète en fut probablement qu'il espérait faire élever à l'empire le roi de France, Charles le Bel. De cette manière, on eût vu régner des Français, non-seulement en France, mais en Angleterre par les Plantagenet, mais à Naples et en Hongrie par la maison d'Anjou, mais enfin dans toute l'Allemagne et l'Italie. Cette idée nous semble plus d'un bon Français que d'un bon Pape, qui doit l'être également pour toutes les nations.

En mourant, Mathieu Visconti laissa cinq fils: Galéaz, Marc, Luquin, Jean, qui fut depuis archevêque de Milan, et Etienne. Galéaz, qui était l'aîné, fut chassé de Milan par un parti opposé, mais il y rentra un mois après, et y demeura le maître. Comme c'était le chef des Gibelins en Lombardie, le pape Jean entreprit de réduire ce parti. Pour cet effet, il joignit aux troupes qu'il avait dans le pays, celles du roi Robert, vicaire impérial, des Guelfes confédérés en Italie, et plusieurs Allemands qui s'étaient croisés pour marcher contre les ennemis de l'Eglise. Les troupes particulières du Pape étaient commandées par le cardinal-légat Bertrand de Poïet, et celles du roi Robert par Bernard de Cardone. Ils eurent quelques avantages sur les Gibelins, en sorte que Can de la Scale, qui était maître de Vérone, Passarin, qui l'était de Mantoue et quelques autres, demandèrent à se réconcilier avec le Pape, en recon

2 'Raynald, 1320, n. 9 et seqq.; 1322, n. 5–11. Corió, p. 449. — 3 Ibid., 1322,

naissant tenir de lui les places qu'ils prétendaient tenir au nom de l'empereur, et le Pape donna pouvoir au légat de les absoudre des

censures.

Mais Louis de Bavière, qui venait de faire prisonnier son compétiteur Frédéric d'Autriche, envoya des ambassadeurs en Lombardie, qui relevèrent le courage aux Gibelins. C'était au mois d'avril 1323. Les ambassadeurs allèrent trouver le légat Bertrand à Plaisance, et le prièrent de ne point attaquer la ville de Milan, qui appartenait à l'empire. C'est qu'elle était assiégée et pressée vivement par l'armée de l'Eglise. Le légát répondit: Quand il y aura un empereur légitime, l'Eglise ne prétend pas lui ôter aucun de ses droits; au contraire, elle veut les conserver; mais je m'étonne que votre maître veuille défendre et favoriser les hérétiques, et je vous prie de me montrer le pouvoir que vous avez de lui, écrit et scellé. Les ambassadeurs craignirent d'attirer à Louis l'indignation de l'Eglise, s'ils montraient par écrit qu'il favorisait ceux qui étaient révoltés contre elle. C'est pourquoi ils dirent qu'il n'avaient pas de pouvoir sur ce qu'ils avaient dit, demandèrent pardon au légat, puis s'en allèrent, l'un à Lucques et à Pistoie, les autres à Mantoue et à Vérone, exécuter leur commission; ils négocièrent si bien, que les Gibelins de ces villes et d'autres, appelés par les Milanais, se réunirent sous la conduite du comte Bertold, chef de l'ambassade, marchèrent vers Milan et en firent lever le siége au mois de juin 1323'.

Le Pape, craignant que son silence ne fût pris pour une approbation tacite de la conduite de Louis de Bavière, publia contre lui un monitoire où il dit en substance: L'empire romain ayant été autrefois transféré par le Saint-Siége des Grecs aux Germains en la personne de Charlemagne, l'élection de l'empereur appartient àcertains princes, qui, après la mort de Henri de Luxembourg, se sont partagés, dit-on: les uns ont élu Louis, duc de Bavière; les autres Frédéric, duc d'Autriche. Or, Louis a pris le titre de roi des Romains, sans que nous eussions examiné son élection pour l'approuver ou la rejeter, comme il nous appartient, et, non content du titre, il s'est attribué l'administration des droits de l'empire, au grand mépris de l'Eglise romaine, à laquelle appartient le gouvernement de l'empire vacant. A ce titre, il a exigé et reçu le serment de fidélité des vassaux de l'empire, tant ecclésiastiques que séculiers, en Allemagne et en quelques parties d'Italie, et a disposé à son gré des dignités et des charges de l'empire, comme ces jours

'Rrynald, 1323, n. 25–29.

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