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trompés, faute d'avoir vu cet écrit. J'ai aussi en vue la postérité, qui pourra connaître que ce n'est pas sans raison que la décision précédente a été donnée par le Saint-Siége. » Il parle encore de la bulle définitive portée avant la publication du livre. Enfin, pour soutenir partout le caractère de modestie qui lui était propre, le Pape conclut la préface par la déclaration suivante : « Tout ce que j'ai dit dans ce livre, excepté les articles qui sont les mêmes que ceux de la bulle qui a précédé, je veux qu'on le regarde, non comme les définitions d'un Pape, mais comme les sentiments d'un théologien, de façon qu'il soit permis à quiconque d'y opposer ce qui lui paraîtra plus conforme à la foi, à l'Ecriture sainte et à la doctrine des saints Pères. Je soumets cet écrit, aussi bien que tous mes autres ouvrages, au jugement et à la correction de la sainte Eglise romaine et de mes successeurs légitimement élus1. >

Le séjour du Pape au château du Pont-de-Sorgues fut de près de quatre mois, au bout desquels il rentra dans Avignon, pour porter de là le dernier coup à l'opinion du délai de la vision intuitive. Le décret qui devait terminer cette dispute ne tarda pas à paraître. Le Pape s'y exprime en ces termes :

< Du temps de notre prédécesseur Jean XXII, d'heureuse mémoire, il s'émut une controverse entre quelques docteurs en théologie, touchant l'état des justes après la mort, savoir, s'ils voient l'essence divine avant la résurrection des corps. De cet article on vit naître quelques autres questions, on se partagea de sentiments. Les uns se déclarèrent pour l'affirmative, d'autres embrassèrent le parti opposé, quelques-uns suivirent le tour de leur imagination pour expliquer la manière et les qualités de cette vision de l'essence de Dieu, comme on peut remarquer dans les écrits qui parurent en ce temps-là. Notre prédécesseur, à qui il appartenait de décider, se disposait à le faire, lorsqu'il plut au Seigneur de le retirer de ce monde. Ainsi, nous qui lui avons succédé, après un long examen et une mûre délibération avec nos frères, les cardinaux, et de leur avis, nous décidons , par cette constitution, que toutes les âmes saintes, tant celles qui ont quitté leur corps avant la passion de Jésus-Christ que celles qui s'en sépareront dans toute la suite des siècles, sont ou seront dans le ciel, dans le royaume des cieux, dans le paradis avec Jésus-Christ et dans la compagnie des anges, jouissant de l'essence divine par une vision intuitive j face à face, nue, claire et manifeste, sans interposition d'aucune créature; vision qui est la source de la béatitude, de la vie de l'âme

Raynald, 1355, n. 8 et seqq., et 1336, n. 4 et seqq.

et du corps durant l'éternité; vision qui ne cesse jamais étant une fois commencée, et qui exclut pour toujours les actes de la foi et de l'espérance, en tant que ce sont des vertus théologales. Nous définissons aussi que les âmes en péché mortel, aussitôt après la séparation du corps, descendent dans les enfers et y sont tourmentées par les peines infernales; que, néanmoins, au jour du jugement, tous les hommes comparaîtront devant le tribunal de Jésus-Christ, en corps et en âme, pour rendre compte de leurs actions, et y recevoir dans leurs corps la récompense du bien, ou la punition du mal qu'ils auront fait en cette vie. Nous voulons enfin que quiconque oserait enseigner le contraire de ce qui est ici déclaré, soit puni comme hérétique. » Donné à Avignon, le vingt-neuf de janvier, la seconde année de notre pontificat, c'est-à-dire l'an 1536 1.

Ainsi fut décidée pour toujours une controverse qui avait fait beaucoup de bruit, par la qualité de ceux qui s'y trouvèrent mêlés. Benoit ne trouva aucune résistance à sa bulle. L'idée du délai de la vision n'avait fait aucun progrès dans les esprits, et l'on reconnut avec joie que le décret apostolique exprimait clairement ce qui avait toujours été enseigné aux fidèles touchant la récompense des justes et la punition des méchants au sortir de cette vie 2.

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Dans ce temps, le roi de Pologne, Casimir III, dit le Grand, ne se distinguait pas moins par sa piété que par sa valeur. Le pape Benoit XII lui écrivit, le dix-sept août 1339, une lettre où il le félicite de ce que, ayant toujours devant les yeux la crainte et l'amour de Dieu, il aime et cultive la paix et la justice, et, comme un enfant de grâce et de bénédiction, révère avec toute l'ardeur d'une dévotion filiale, sa mère, la sainte Eglise romaine, Son beaufrère Charobert, roi de Hongrie, n'était ni moins vaillant ni moins pieux. Comme nous avons vu, étant encore dans sa première jeu⚫nesse, et voyant comme le royaume lui était disputé, il avait fait à diverses fois des vœux de dire à certains jours un certain nombre de Pater, d'Ave et de Salve Regina; en sorte que tel jour il en disait cent, et tel jour deux cents; ce qui lui devint enfin à charge, avec les conseils qu'il tenait et les affaires de son royaume. C'est pourquoi il pria le pape Benoit de lui commuer ces vœux. Le Pape le lui accorda par une bulle du dix-septième de janvier de la même année 1339, où il restreignit ces prières à quinze par jour, à la charge de nourrir douze pauvres les jours où il s'était obligé à plus de cinquante de ces prières 3.

Raynald, 1536, n. 3 et seqq.

1339, n. 80-82.

3

-2 Hist. de l'egl. gall., 1. 38. — 3 Raynald,

Le roi Magnus de Suède et de Norwège se distinguait également par sa dévotion envers l'Eglise romaine. Christophe, roi de Danemarck, ayant été chassé du royaume pour ses violences et sa mauvaise conduite, ayant même été mis à mort l'an 1336, les habitants de la Scanie se donnèrent au roi de Suède, Magnus, pour se délivrer de plusieurs petits tyrans qui les opprimaient. Magnus envoya au pape Benoit, le priant de lui confirmer la possessión de la Scanie, à lui et à sa postérité, et de lui permettre de retirer encore, s'il pouvait, d'autres terres d'entre les mains des tyrans. Vu principalement, ajoutait-il, que le royaume de Danemarck n'a jamais été sujet à l'empire, mais à l'Eglise romaine, à laquelle il paie tribut, ce que je suis prêt à continuer. Le Pape répondit le vingt-troisième de janvier 1339: La justice et l'ancien usage de nos prédécesseurs ne nous permettent pas de procéder à la confirmation et à la concession de ces sortes de biens temporels, sans avoir cité ceux qui doivent être appelés, et nous être informé de l'état des biens dont il s'agit. C'est pourquoi nous n'avons pu faire ce que vous désirez, quoique nous soyons disposés à vous favoriser dans tout ce que permettra la justice, à cause de votre dévouement pour l'Eglise romaine. Telle fut la réponse du Pape. L'année suivante 1340, Waldemar, fils de Christophe, récupéra tout le Danemarck, et le gouverna paisiblement. La demande du roi Magnus de Suède au Pape est singulièrement remarquable en ce qu'elle constate que, dans le quatorzième siècle, le royaume de Danemarck appartenait à l'Eglise romaine et lui payait tribut.

Quant au pape Benoit XII, sa réponse au roi de France, Philippe de Valois, achevera de nous le faire connaître. L'an 1337, ce prince vint le voir à Avignon. Entre autres grâces, il lui demanda la prorogation des décimes de la croisade, quoique les termes de la croisade fussent passés. Le Saint-Père lui répondit: Seigneur, si j'avais deux âmes, je vous en donnerais une volontiers, je l'exposerais avec plaisir à tout ce qui serait de votre service; mais je n'en ai qu'une, qui est tout mon trésor, et je veux la conserver. Ainsi, réglez tellement vos demandes, qu'il ne s'y rencontre rien de contraire à la loi de Dieu, rien que je ne puisse vous accorder sans intéresser ma conscience et mon salut. Celles que vous me faites aujourd'hui ne sont pas de cette nature; aussi je me sens obligé de vous dire que je ne peux les agréer ni vous satisfaire 2.

Dès la première année de son pontificat, 1335, le pape Benoit

2

'Raynald, 1339, n. 84, avec la note de Mansi. - Ibid., 1337, n. 21 et seqq. Baluz. Vitæ, t. 1, p. 200 et 211.

XII reçut l'hommagé d'Alphonse, roi d'Aragon, pour la Sardaigne et la Corse, et de Robert pour le royaume de Naples; mais Frédéric, roi de Sicile, le refusa, et le Pape résolut de patienter, nonobstant les instances du roi Robert, qui, regardant ce prince comme un usurpateur, voulait que le Pape le poursuivit sans relâche. Le Pape se contenta de lui envoyer Bertrand, archevêque d'Embrun, chargé d'une monition en date du quatrième de mai, où il reprend l'affaire depuis les vêpres siciliennes et l'usurpation du roi Pierre, père de Frédéric. Il reproche à celui-ci plusieurs crimes, entre autres de s'être approprié le bien des églises, et d'avoir donné retraite à des apostats schismatiques, c'est-à-dire aux Fratricelles. Il conclut en l'exhortant à rentrer en son devoir et à satisfaire l'Eglise.

Pierre IV, roi d'Aragon, depuis surnommé le Cérémonieux, succéda, l'an 1336, à son père Alphonse. Au mois de novembre 1539, il vint personnellement à Avignon, et renouvela au pape Benoit XII l'hommage pour le royaume de Sardaigne et de Corse, que ses ambassadeurs lui avaient déjà prêté auparavant. Ce prince était encore assez jeune, et fut accompagné en ce voyage par Jacques, roi de Majorque, qui était comme son gouverneur, et par Jean Ximenès, archevêque de Tarragone. Pendant le séjour du roi Pierre à Avignon, le Pape lui donna plusieurs avis sur sa conduite personnelle et sur le gouvernement de son royaume, et en particulier sur le trop de liberté que l'on y donnait aux infidèles. Pour l'en faire souvenir après qu'il fut retourné en Aragon, le Pape lui écrivit une lettre où il dit: Nous avons appris par le rapport de plusieurs fidèles habitants de vos états, que les Juifs et les Sarrasins, qui y sont en grand nombre, avaient dans les villes et les autres lieux de leur demeure des habitations séparées et enfermées de murailles, pour tenir les chrétiens éloignés du trop grand commerce avec eux, et de leur familiarité dangereuse. Mais à présent ces infidèles étendent leurs quartiers ou les quittent entièrement, logent pêle-mêle avec les chrétiens, et quelquefois dans les mêmes maisons. Ils cuisent aux mêmes fours " se servent des mêmes bains, et ont une communication scandaleuse et funeste. De plus, les Juifs bâtissent leurs synagogues et les Sarrasins leurs mosquées, et les conservent au milieu des chrétiens. Dans ces lieux, les Juifs blasphêment Jésus-Christ, et les Sarrasins donnent publiquement des louanges à Mahomet, contre la défense du concile de Vienne. Pendant que les chrétiens font le service divin dans les églises, près desquelles

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sont en quelques lieux des synagogues et des mosquées, ou quand on porte les sacrements aux malades, les infidèles font des éclats de rire ou d'autres dérisions. Nous vous avons prié instamment de faire cesser tous ces désordres, et vous nous l'avez promis gracieusement; c'est pourquoi nous vous en prions encore, et, afin que l'effet s'ensuive plus promptement, nous en écrivons aux archevêques de Tarragone et de Sarragosse et à leurs suffragants, pour en solliciter l'exécution. La lettre est du huitième de janvier 1540.

Deux mois après, le Pape fit publier la croisade en Espagne contre les mahométans d'Afrique, qui, l'année précédente, étaient entrés en Espagne à cette occasion. Mahomet, roi de Grenade, de la race des Almahares, se sentant trop pressé par les armes des chrétiens et trop faible pour leur résister, passa en Afrique et alla implorer le secours d'Albohacem, roi de Maroc, de la race des Mérino ou Béni-Merin. Ce prince envoya quelques troupes en Espagne sous le commandement de son fils Aboumélic, qui passa le détroit de Gibraltar vers la fin de l'an 1332. Après avoir remporté pendant sept ans quelques avantages sur les chrétiens, il fut tué dans une déroute l'an 1338. Son père Albohacem, plus animé par cette perte, envoya par toute l'Afrique les hommes estimés les plus dévots et les plus zélés entre les Musulmans, exciter les peuples à prendre les armes pour la défense et l'accroissement de la religion de leurs ancêtres. C'était, à peu près comme chez les chrétiens, prêcher la croisade. Ainsi Albohacem assembla soixante-dix mille chevaux et quatre cent mille hommes d'infanterie, avec une flotte de douze cent cinquante vaisseaux et soixante-dix galères.

Les trois rois d'Espagne, c'est-à-dire de Castille, d'Aragon et de Portugal, s'étaient réunis pour s'opposer aux infidèles; et le roi de Castille, Alphonse, onzième du nom, dont les états étaient les plus exposés, envoya au Pape deux chevaliers pour lui demander du secours. Le Pape, de l'avis des cardinaux, lui accorda une croisade pour les royaumes de Castille, d'Aragon, de Navarre et de Majorque, tant contre le roi des Béni-Merin, que contre le roi de Grenade.

La croisade était accordée pour trois ans, avec une levée de décimes sur les biens ecclésiastiques ; et le Pape l'accorda à ces conditions. Dans les terres que vous aurez conquises sur les Arabes, nous voulons que l'on bâtisse des églises cathédrales, selon que nous l'ordonnerons, eu égard à la qualité et la commodité des lieux, avec un clergé convenable, qui soit séculier. Les collégiales et les

Raynald, 1340, n. 56.

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