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Charles V ni du discours de son envoyé. Il déclara publiquement que son intention était d'aller à Rome, et il fixá le terme du voyage au temps pascal de l'année suivante 1367. Il avait déjà donné commission à l'évêque d'Orviète de réparer le palais apostolique, lieu désert et fort négligé depuis plus de soixante ans que les Papes résidaient en France. Il y ajouta des ordres pour le logement des cardinaux et pour les préparatifs qu'il fallait faire à Viterbe, où il avait dessein de s'arrêter quelque temps.

Le sept de janvier 1367, Urbain partit d'Avignon pour aller voir à Montpellier le monastère qu'il y faisait bâtir. Il fit lui-même la dédicace du grand autel, et demeura deux mois dans la ville, où il fut reçu très-magnifiquement et se montra très-populaire. Le trente avril, il prit le chemin de Marseille, où il devait s'embarquer; il avait avec lui tous ses cardinaux, excepté d'Albornos, qui était en Italie, Raymond de Canillac, Pierre de Monteruc, Pierre Itier et Jean de Blandiac, trop attachés à la France pour vouloir s'établir au-delà des monts. Les autres suivirent par politique ou par nécessité, se regardant la plupart comme des gens condamnés à l'exil: Le Pape s'arrêta quelques jours à Marseille; il s'était logé dans l'abbaye de Saint-Victor, qu'il aimait toujours comme son berceau, et dont il gardait encore le titre, pour se ressouvenir des premiers engagements qu'il y avait pris avec Dieu : c'était, par la même raison, l'objet de ses plus grandes libéralités. Il en avait réparé, fortifié l'enceinte, étendu les priviléges, augmenté la ju– ridiction.

Cependant on voyait dans le port de Marseille une flotte de vingttrois galères et de plusieurs autres bâtiments de toute espèce, que la reine de Sicile, les Vénitiens, les Génois et les Pisans avaient énvoyés pour transporter la cour romaine et pour faire honneur au Pape. Le dix-neuvième de mai, Urbain monta sur une galère de Venise; on leva l'ancre, et bientôt on perdit de vue le rivage. Ce fut dans ce moment que l'amour de la patrie se fit sentir tout entier à quelques-uns des cardinaux français. Le regret de quitter une terre où ils avaient leurs proches et leurs amis les remplit d'aigreur contre le Pape. Ils s'oublièrent jusqu'à lui faire hautement des reproches. « Malheureux, dit sur cela Pétrarque, de ne pas voir que c'était un père tendre qui forçait ses enfants à retourner dans le lieu de leur repos et de leur salut. » Le Pape méprisa ces cris impuissants. Sa course fut rapide. Le jeudi, troisième de juin, ìl prit terre à Cornéto. A son débarquement, il fut reçu par le cardinal d'Albornos, accompagné de presque tous les grands de l'état ecclésiastique. On avait dressé sur le rivage des tentes d'étoffes de soie

et des feuillages très-agréables. Nous avons vu que saint Jean Colombini y travailla de ses mains avec ses religieux. On avait préparé un autel où le Pape, après s'être un peu reposé, fit chanter en sa présence une messe solennelle. Puis il monta à cheval et vint à Cornéto. A l'heure du dîner, il logea chez les frères Mineurs et y demeura jusqu'au lendemain de la Pentecôte. Le jour de la fête, qui était le sixième de juin, le Pape célébra la messe solennellement; et pendant ce séjour à Cornéto il reçut les députés des Romains, qui lui offrirent de leur part la pleine seigneurie de la ville et les clés du château Saint-Ange, qu'ils tenaient auparavant. Le mercredi, neuvième de juin, le Pape vint à Viterbe, où il fut reçu avec grande allégresse et demeura quatre mois. Là vinrent le trouver les cardinaux qui l'avaient suivi par terre, tous les grands, les prélats et les députés des villes d'Italie, pour le féliciter sur son arrivée.

Le bon Pape comptait beaucoup sur les instructions et les services qu'il espérait tirer du cardinal d'Albornos, évêque de Sabine; mais ce prélat mourut à Viterbe, le vingt-quatrième d'août, après avoir été légat en Italie pendant près de quatorze ans, durant lesquels il ramena plusieurs villes à l'obéissance de l'Eglise romaine, tant par compositions amiables que par la force des armes. C'était un prélat vertueux, savant, courageux et très-habile dans la conduite des affaires; en sorte qu'il était aimé ou du moins craint par toute l'Italie. Il fonda un collége à Bologne pour de pauvres écoliers de son pays, c'est-à-dire d'Espagne.

Le cinquième de septembre 1367, le domestique d'un cardinal se prit de querelle avec un bourgeois de la ville, auprès d'une fontaine; une émeute populaire s'ensuivit, qui dura trois jours. On entendit crier : Vive le peuple! meure l'Eglise! Il y eut des cardinaux maltraités. Le Pape fit approcher des troupes contre la ville. Aussitôt les bourgeois, reconnaissant leur faute, demandèrent pardon, se soumirent à la volonté du Pape, et, pour preuve de leur repentir, portèrent à son palais toutes les armes de la ville et les chaînes dont on fermait les rues. Ils firent aussi planter des potences aux lieux où le tumulte avait commencé et où il avait été le plús violent, et ils y pendirent les plus coupables, au nombre de sept. Le Pape pardonna au reste, après avoir fait abattre quelques maisons fortifiées, et la tranquillité fut rétablie.

Enfin le Pape entra dans Rome le seize d'octobre 1567, aux acclamations d'un peuple infini. La veille de la Toussaint, il célébra solennellement la messe sur l'autel de Saint-Pierre, ой personne ne l'avait célébrée depuis Boniface VIII, et, en même temps, il con

sacra l'ancien cardinal d'Aigrefeuille pour l'évêché de Sabine. La présence du Pape dans Rome était un sujet de triomphe pour Pé– trarque. « Oui, très-Saint-Père, lui écrivait-il, on vous reconnaît présentement pour le souverain Pontife, pour le successeur de Pierre, pour le vicaire de Jésus-Christ. Vous l'étiez auparavant par la puissance et par la dignité; vous l'êtes aujourd'hui par les sentiments et les fonctions... S'il se trouve encore quelqu'un dans votre cour qui regrette les rives du Rhône, montrez-lui ces lieux vénérables où les bienheureux apôtres ont triomphé, l'un par la croix, l'autre par le glaive; où l'un est monté en héros sur le trône de son martyre et de sa gloire, l'autre a donné avec joie sa tête pour Jésus-Christ. >>

Il ajoute : « J'avoue que les Français ont communément l'humeur enjouée, qu'ils sont légers dans leurs manières et leur conversation, qu'ils jouent volontiers, qu'ils chantent agréablement, qu'ils aiment le plaisir de la table; mais ce n'est point chez eux qu'il faut chercher la gravité des mœurs et la solidité des vertus...» Et peu après : « J'avoue que l'église gallicane est une belle partie de l'Eglise universelle; mais on sait que l'Italie possède le chef même de l'Eglise. Quelle différence entre le chef de l'Eglise et ce qui n'en est qu'un membre 1!» Le reste de la lettre est du même style; on y trouve partout les louanges du Pontife mêlées de traits satyriques contre la France et contre les cardinaux français: liberté qui ne doit pas surprendre dans un poète qui était sur le pied de tout dire, et qui ne voyait rien de beau au monde que Rome et l'Italie.

L'église gallicane, quoique privée de la présence du vicaire de Jésus-Christ, voyait cependant avec complaisance l'éclat que le saint Pape, son élève, répandait dans la capitale du monde chrétien. Urbain était venu à Rome pour rétablir la dignité du sacerdoce suprême et la majesté du culte public. Ses premiers soins furent de réparer les basiliques anciennes, monuments vénérables de la piété des premiers fidèles; de les pourvoir d'ornements et de livres pour la célébration des divins offices; de placer avec décence les reliques des saints.

'Depuis long-temps les chefs de saint Pierre et de saint Paul étaient presque oubliés à Saint-Jean de Latran. Le second jour de mars 1368, le Pape ayant célébré dans une chapelle qui est contiguë à cette église et qu'on appelle Sancta Sanctorum, on tira par són ordre ces saintes reliques de dessous l'autel où il venait de dire la sainte messe. Elles furent montrées au peuple avec solennité,

11 Petrarc., rer, senil., 1. 9, epist. 1.

et, comme les reliquaires qui les contenaient parurent trop médiocres, Urbain en fit faire de magnifiques, dont le prix monta à plus de trente mille florins d'or. Ces reliquaires sont deux grands bustes d'argent, du poids de douze cents marcs, et chargés de toutes sortes d'ornements précieux, dont les plus remarquables sont deux fleurs-de-lis de pierreries, que donna le roi de France, Charles V. On les voit sur le devant de ces bustes, avec le nom du roi au bas et l'année 1569, qui est le temps où l'ouvrage fut fini et placé à Saint-Jean de Latran1.

Le Pape était encore à Viterbe, quand il reçut des ambassadeurs de Jean Paléologue, empereur de Constantinople. Ils étaient au nombre de huit, et à leur tête Paul, patriarche latin de Constantinople, successeur du bienheureux Pierre Thomas, et Amédée, comte de Savoie, oncle maternel de l'empereur. Ces ambassadeurs venaient, non-seulement au nom de l'empereur grec, mais des prélats, du clergé, des nobles et du peuple de son obéissance, désirant, à ce qu'ils disaient, revenir à l'obéissance et l'union de l'Eglise romaine. Pour cet effet, l'empereur promettait de venir au mois de mai suivant se présenter au Saint-Siége; et le Pape, voulant faciliter son passage, en écrivit à la reine Jeanne de Naples et aux autres princes qui se trouvaient sur la route. Il écrivit aussi à tous ceux qu'il crut pouvoir concourir à la réunion: à l'impératrice Hélène et à son père Jean Cantacuzène, à Philothée, patriarche grec de Constantinople, à Nison d'Alexandrie et à Lazare de Jérusalem. Toutes ces lettres sont du dixième de novembre 1367 2.

L'empereur Andronic Paléologue, troisième du nom, dit le Jeune, succéda, l'an 1332, à son aïeul, qu'il avait dépossédé quatre ans auparavant. L'an 1333, les Turcs lui enlevèrent Nicée, dont ils firent leur capitale. L'an 1339, il envoya des députés au pape Benoit XII, pour traiter de la réunion. Il mourut en 1341, fort regretté de ses sujets. Son fils, Jean Paléologue, lui succéda. Comme il était mineur, Jean d'Apri, patriarche de Constantinople, et Jean Cantacuzène, capitaine des gardes, voulurent s'attribuer chacun la conduite de l'état. Cantacuzène prit même les ornements impériaux dès le vingt-six octobre 1341, se portant pour collègue et protecteur du jeune prince. Cinq ans après, il se fit couronner empereur dans Andrinople, par Lazare, patriarche de Jérusalem, et fit ouvertement la guerre à Jean Paléologue. Ce furent, selon lui, les calomnies du général Apocauque et du patriarche qui l'obligèrent d'en venir à cette extrémité. Plusieurs villes entrèrent dans son parti sans se

'Hist. de l'égl. gall., 1. 40. - 2 Raynald, 1367, n. 7.

faire prier; il en soumit d'autres par les armes. Enfin il entra dans Constantinople le huit janvier 1347, et s'y fit couronner de nouveau le treize mai avec Irène, sa femme. La misère où l'empire était réduit parut bien sensiblement à cette cérémonie. Les couronnes qu'on y employa n'étaient que de pierres fausses, et le repas n'y fut servi qu'en vaisselle de terre et d'étain. L'an 1353, pressé par les Turcs et par l'empereur Jean Paléologue, Cantacuzène se tourna du côté de l'Occident pour avoir du secours. Dans cette vue, il envoya une députation au pape Innocent VI, nouvellement élu, témoignant désirer la réunion. L'an 1354, au mois de février, il fait couronner empereur son fils, Mathieu Cantacuzène. Jean Paléologue étant rentré dans Constantinople au mois de janvier 1355, Jean Cantacuzène abdiqua de gré ou de force, et prit l'habit monastique sous le nom de Joseph. La retraite du père entraîna la ruine du fils. Mathieu, battu, pris et envoyé en exil dans la même année, fut obligé, l'année suivante, de quitter la pourpre, à l'exemple de son père. Ce fut après ces événements que Jean Paléologue envoya au Pape Urbain V.

mais en

dans

Quant aux patriarches grecs de Constantinople, voici comme ils se succédèrent. Jean XIV, surnommé d'Apri et Calécas, fut placé sur le siége l'an 1333. Comme nous avons vu, l'an 1341, après la mort d'Andronic le jeune, il dispute à Jean Cantacuzène, vain, le gouvernement de l'empire. L'an 1345, il condamne, un concile nombreux, la doctrine de Palamas, que Cantacuzène et la cour favorisaient. L'an 1347, les Palamites le déposent dans un autre concile. Il est ensuite jeté dans une prison, où il meurt la même année, dix mois après sa déposition. L'historien Manuel Calécas était parent, peut-être frère de ce patriarche. :

Isidore, surnommé Buchiram, évêque de Monembase, déposé par le patriarche Jean d'Apri, pour son attachement à la doctrine des Palamites, fut élu par ce parti pour lui succéder. Son élection causa un grand schisme dans l'église de Constantinople. Isidore se soutint par la faveur de Cantacuzène, devenu empereur, et mourut au mois d'avril 1349. Calliste Ier, moine du mont Athos, succéda au patriarche Isidore, par les soins de l'empereur Jean Cantacuzène. L'an 1351, il tint, par les ordres de ce prince, un concile, où il confirma les erreurs des Palamitės. L'an 1554, au commencement de février, le même empereur le fit déposer, parce qu'il s'opposait à l'élévation de Mathieu, son fils, à l'empire. Philothée, supérieur du mont Athos, fut tiré de son monastère par Jean Cantacuzène, pour succéder à Calliste. Aussitôt après son élévation, il couronna empereur, dans le mois de février, Mathieu Cantacuzène, au préju

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