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qu'elle avait commencé à faire bâtir dès avant la mort du roi. Elle désirait s'y consacrer à la pénitence par la profession religieuse; mais elle en fut d'abord détournée par des motifs de charité pour le prochain, et surtout pour les pauvres. Ainsi elle se contenta de porter l'habit du tiers-ordre de Saint-François et de vivre dans une maison attenant au monastère, où elle rassembla quatre-vingt-dix religieuses; elle les visitait souvent et les servait quelquefois, avec Béatrix, sa belle-fille.

La guerre s'étant allumée entre Alphonse IV, surnommé le Brave, roi de Portugal, et Alphonse XI, roi de Castille, les deux princes se hâtèrent de lever chacun une armée. Cette nouvelle pénétra la sainte d'une vive douleur. Elle résolut de prévenir les malheurs de la guerre, en éloignant le feu de la discorde. Comme on voulait lui persuader de différer son voyage à cause de la chaleur, elle répondit qu'il n'y aurait peut-être jamais de circonstance où elle dût être plus disposée à faire le sacrifice de sa vie, s'il le fallait. A peine eut-on appris qu'elle était en route, que l'animosité diminua dans les cœurs. Enfin elle arriva à Estremoz, sur les frontières de Portugal et de Castille, où était son fils, qu'elle exhorta fortement à faire la paix et à mener une vie sainte.

La fièvre dont elle fut prise en arrivant annonça bientôt qu'elle touchait à la fin de sa vie. Elle se confessa plusieurs fois, reçut le saint viatique à genoux et aux pieds de l'autel, puis le sacrement de l'extrême-onction. Elle montra pendant toute sa maladie une grande dévotion à la sainte Vierge, qu'elle invoquait très-fréquemment; elle paraissait remplie de joie et de consolation intérieure. Elle mourut entre les bras de son fils et de sa belle-fille, le quatre juillet 1336, à l'âge de soixante-cinq ans. On l'enterra chez les clarisses de Coïmbre, et il s'opéra plusieurs miracles à son tombeau. En 1612, on leva de terre son corps, qui se trouva entier, et qui est présentement renfermé dans une châsse magnifique. Urbain VIII canonisa la servante. de Dieu en 1625, et fixa sa fête au huit de juillet 1.

L'Allemagne n'était pas non plus stérile en saints personnages. Les bienheureux Herman et Otton étaient frères. Ils prirent ensemble l'habit religieux dans un couvent, au diocèse de Cologne, l'an 1320. Mais ils n'y trouvèrent pas toute la ferveur qu'ils auraient désiré, et ils se décidèrent à quitter ce monastère, pour mener une vie entièrement solitaire. Herman se retira dans une solitude du pays, où il pratiqua toutes sortes d'austérités et de pénitences.

Acta SS., et Godescard, 8 juillet.

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Bientôt usé par un pieux excès, il mourut vers l'an 1326 ou 1327, et fut enterré devant la porte de l'église de Richnack, où l'on construisit dans la suite une chapelle en son honneur. Son frère Otton qui s'était enfoncé dans d'épaisses forêts du côté de la Bohême, les abandonna dix ans après, et vint habiter les lieux où ce saint homme avait terminé sa carrière, s'y étant réuni à un autre pieux solitaire nommé Hartwic, qui y était déjà depuis quelque temps. Otton y vécut encore neuf ans, favorisé du don des miracles et de celui de prophétie, et passa à une meilleure vie l'an 1544.

Le bienheureux Dégenhard, d'une naissance illustre, s'était fait disciple de Herman, et avait généreusement renoncé à tous les avantages de la terre pour s'attacher aux vrais biens, aux biens solides, qui ne craignent ni la rouille ni les voleurs. Il passa plusieurs années sous la direction d'Otton, et, après sa mort, il vint fixer sa demeure dans une affreuse solitude, près de Pristenau, où il passa plus de trente ans. On rapporte så mort au trois septembre 1374. Sa sainteté a été attestée par plusieurs miracles authentiques'.

Sainte Mechtilde ou Mathilde et sainte Gertrude naquirent à Islébe dans la Haute-Saxe. Elles étaient comtesses de Hackborn, et proches parentes de l'empereur Frédéric II. Mechtilde fut élevée chez les bénédictines de Rodersdorf, au diocèse de Halberstadt. Elle montra dès ses premières années une grande innocence de mœurs et beaucoup d'éloignement pour les vanités mondaines. Són obéissance charmait ses supérieures ; on la voyait toujours exécuter avec autant de joie que de ponctualité ce qui lui avait été prescrit. Son amour pour la mortification frappait toutes les personnes qui vivaient avec elle. Jamais elle ne flattait son corps, et, quoiqu'elle fût d'une complexion très-délicate, elle s'interdisait l'usage de la viande et du vin. Son humilité lui faisait éviter tout ce qui aurait pu sentir l'ostentation; elle prenait même autant de soin pour cacher ses vertus, que les autres en prennent ordinairement pour cacher leurs vices.

Elle ne voulut point sortir de la solitude, et, quand elle fut en âge de se consacrer à Dieu par des voeux, elle fit profession dans le monastère de Rodersdorf. Quelque temps après, on l'envoya à Diessen en Bavière, où elle devint supérieure du monastère de ce nom. Elle y introduisit bientôt la pratique des plus sublimes vertus. Persuadée qu'on ne peut atteindre à la perfection monastique sans une exacte observation de tous les points de la règle, elle exhortait ses sœurs à s'y conformer avec promptitude, et à anticiper plutôt

'Godescard et Raee, 3 septembre.

sur le temps marqué pour chaque exercice ; qu'à se permettre le moindre retardement par négligence.

Le monastère d'Edelstein en Souabe était alors tombé dans un grand relâchement. Les évêques du pays, voulant y introduire la réforme, ordonnèrent à Mechtilde de s'y retirer et de se charger de cette bonne œuvre; mais la sainte employa diverses raisons pour s'en dispenser: elle eut même recours aux larmes et aux prières. Tout fut inutile, il fallut obéir. Etant arrivée dans sa nouvelle communauté, elle y rétablit en peu de temps l'esprit d'une régularité parfaite. Personne ne put résister à la force réunie de sa douceur et de ses exemples. Austère pour elle-même, elle était pleine de bonté pour les autres. Elle savait faire aimer la règle en la faisant observer, et tenir ce juste milieu qui consiste à ménager la faiblesse humaine, sans élargir les voies évangéliques. Ses instructions étaient toujours accompagnées de cet esprit de charité et d'insinuation qui rend la vertu aimable. Elle obligeait ses sœurs à la plus exacte clôture, et les tenait éloignées de tout commerce avec les gens du monde ; par là elle les préservait de la dissipation, dont l'effet ordinaire est de refroidir la charité et d'éteindre la ferveur.

Elle n'avait d'autre lit qu'un peu de paille. Sa nourriture était fort grossière, encore ne mangeait-elle que pour soutenir son corps.. Elle partageait tous ses moments entre la prière, la lecture et le travail des mains. Elle observait le silence le plus rigoureux. L'esprit de componction dont elle était animée fournissait à ses yeux une source continuelle de larmes. Elle ne se crut jamais dispensée de la règle, pas même à la cour de l'empereur, 'où elle avait été obligée d'aller pour les affaires de son monastère. Lorsque la maladie la forçait à garder le lit, sa plus grande douleur était de ne pouvoir assister, avec les autres sœurs, à la prière et à l'office de la nuit. Elle mourut à Diessen le vingt-neuf mars, quelque temps après l'an 1300, et avant sainte Gertrude, sa sœur. Son nom n'a jamais été inséré dans le martyrologe romain; mais on le trouve dans plusieurs calendriers sous le dix avril, le vingt-neuf mars et le trente mai 1. Sa sœur sainte Gertrude, qui prit l'habit dans le même monastère de Rodersdorf, en devint abbesse l'an 1294. L'année suivante, elle se chargea du gouvernement du monastère de Heldelfs, où elle se retira avec ses religieuses. Elle avait appris le latin dans sa jeunesse, ce que faisaient alors les personnes du sexe qui se consacraient à Dieu dans la retraite, et elle parvint à bien écrire en cette langue. Elle avait aussi une connaissance peu commune de l'Ecriture et de

'Godescard, et Acta SS., 10 april.

toutes les sciences qui ont la religion pour objet. Mais la prière et la contemplation furent toujours son principal exercice, et elle y donnait la plus grande partie de son temps. Elle aimait surtout à méditer sur la passion et sur l'eucharistie, et elle ne pouvait alors retenir les larmes qui, malgré elle, coulaient de ses yeux avec abondance. Lorsqu'elle parlait de Jésus-Christ et des mystères de son adorable vie, c'était avec une telle onction et de si vifs transports d'amour, qu'elle ravissait ceux qui l'entendaient. Elle était habituellement favorisée des dons extraordinaires que produit quelquefois l'union divine dans la prière; les ravissements et les extases lui étaient pour ainsi dire familiers. Un jour qu'on chantait à l'église ces paroles: J'ai vu le Seigneur face à face, elle vit comme une face divine d'une éclatante beauté, dont les rayons percèrent son cœur et remplirent son âme et son corps de délices qu'aucune langue ne pourrait exprimer 1.

L'amour divin qui la brûlait et la consumait paraissait être l'unique principe de ses affections et de ses actions. De là ce crucifiement entier au monde et à toutes ses vanités. Elle domptait sa chair et détruisait en elle tout ce qui pouvait s'opposer au règne parfait de Jésus-Christ, par la pratique de l'obéissance et du renoncement à sa propre volonté, par les veilles, les jeûnes et l'abstinence. Elle y joignait une humilité profonde et une douceur inaltérable. Ce fut là le fondement de ces vertus admirables dont il plut au Seigneur de l'orner, et de ces grâces signalées dont il voulut bien la combler.

Quelque distinguée qu'elle fût par ses qualités personnelles et par les dons de la grâce, elle ne s'occupait que de la vue de ses imperfections, de sa bassesse et de son néant. Elle désirait que les autres la méprisassent autant qu'elle se méprisait elle-même, et elle avait coutume de dire qu'un des plus grands miracles de la bonté divine, était qu'elle fût encore soufferte sur la terre. Loin d'être éblouie par la qualité de supérieure, elle se comportait comme si elle eût été la dernière servante du monastère; elle se jugeait même indigne d'approcher des sœurs. Son amour pour la contemplation ne lui faisait point négliger les devoirs communs. Elle avait soin encore de pourvoir à tous les besoins de ses filles, tant pour le corps que pour l'âme. Aussi les voyait-elle avec plaisir faire de nouveaux · progrès dans les voies intérieures de la perfection.

Son amour pour Jésus-Christ lui faisait aimer tendrement la sainte Vierge, et chaque jour elle exprimait sa dévotion envers la

1Insinuat. divin., 1. 2, c..22.

mère de Dieu en réclamant sa protection. Les âmes qui souffrent en purgatoire étaient aussi l'objet de sa charité; elle demandait sans cesse à Dieu qu'il les fit entrer, par sa miséricorde, dans un lieu de rafraîchissement et de paix.

Sainte Gertrude a tracé le vrai portrait de son âme dans le livre de ses Révélations. C'est le récit de ses communications avec Dieu, et des transports de son amour. Cet ouvrage, après ceux de sainte Thérèse, est peut-être le plus utile aux contemplatifs et le plus propre à nourrir la piété dans leurs âmes. La sainte propose divers exercices pour conduire à la perfection. Ce qu'elle prescrit pour la rénovation des voeux du baptême a pour objet de porter l'âme à renoncer entièrement au monde et à elle-même, å se consacrer au pur amour de Dieu, à se dévouer à l'accomplissement de sa volonté en toutes choses. S'agit-il de la conversion d'une âme à Dieu, du renouvellement des saints engagements qu'elle a contractés avec le céleste époux, de la consécration d'elle-même au Sauveur, par le lien inviolable de l'amour? Elle développe sur tous ces points les maximes les plus sublimes et les plus solides. Elle demande à Dieu de mourir absolument à elle-même pour être ensevelie en lui, en sorte que lui seul connaisse son tombeau et qu'elle n'ait plus d'autres fonctions que celles de l'amour ou celles que l'amour dirige. Ces sentiments sont répétés avec une variété admirable en divers endroits de l'ouvrage.

Dans la dernière partie, la sainte s'arrête principalement aux brûlants désirs d'être au plus tôt unie à l'objet de son amour dans la gloire éternelle; elle prie son Sauveur, par toutes ses souffrances et son infinie miséricorde, de la purifier de ses souillures et de toutes les affections terrestres, afin qu'elle puisse être admise en sa divine présence. Les soupirs par qui elle exprime l'ardeur de ses désirs pour être unie à son Dieu dans la béatitude, sont pour la plupart si célestes, qu'on les croirait moins d'un mortel que d'un habitant des cieux. C'est ce qu'on remarque particulièrement dans les exercices où elle conseille à l'âme dévote de prendre quelquefois un jour pour s'occuper de la louange et de l'action de grâces, afin de suppléer aux défauts qui peuvent journellement se glisser dans l'accomplissement de ce double devoir, et de s'associer dans cette fonction, aussi parfaitement qu'il est possible, aux esprits célestes. Elle veut aussi que, pour suppléer aux défauts qui n'accompagnent que trop souvent notre amour pour Dieu, l'âme emploie de temps en temps un jour entier à produire les actes les plus fervents de cette vertu.

Que n'aurions-nous pas à dire de la chasteté de sainte Gertrude?

TOME XX.

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