Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pas également soumis à l'Eglise, quant au temporel: l'empereur n'est que son protecteur et ne tient rien d'elle; le roi est son sujet et son vassal, et tient d'elle son royaume. Enfin, si l'empereur se soumettait au Pape comme vassal de l'Eglise, il violerait le serment de ne point diminuer les droits de l'empire. Suivant cet avis, l'empereur refusa la trève et fit une protestation publique, par-devant plusieurs tabellions appelés exprès, qu'il n'était engagé à personne par serment de fidélité, et que ni lui ni les empereurs, ses prédé ́cesseurs, n'en avaient jamais fait de semblable '.

[ocr errors]

Mais, pour parler ainsi, l'empereur Henri VII oubliait ce qu'il disait lui-même dans la procuration de ses ambassadeurs envoyés naguère à Avignon : « Nous leur donnons plein, général et libre pouvoir.... de préter sur notre ame LE SERMENT DE FIDELITE qui vous est dû et à la sainte Eglise romaine, ainsi que toute autre espèce de serment 2. » Ainsi donc sa protestation tombe d'elle-même. D'ailleurs, les considérations des jurisconsultes ne se contredisentelles pas? Suivant eux, la différence entre l'empereur et le roi de Naples, c'est que ce roi est vassal dè l'Eglise romaine, c'est que c'est de l'Eglise romaine qu'il tient son royaume; mais, s'il tient son royaume de l'Eglise, il ne le tient donc pas de l'empereur; si, pour ce fait, il est vassal de l'Eglise, il ne peut, pour le même fait, être vassal de l'empereur. L'Eglise pouvait donc s'entremettre de la paix et de la trève, d'une manière spéciale, entre ces deux princes qui, n'importe à quel titre, lui avaient fait l'un et l'autre serment de fidélité. La vraie cause de ceci, c'est que les légistes considéraient moins les faits de l'histoire, passés ou présents, que ce principe païen de l'idolâtrie politique : L'empereur est le seul souverain et propriétaire du monde ; il est la loi vivante et suprême de qui émanent tous les droits, les autres rois ne sont et ne peuvent être que ses vassaux. C'est dans ce sens qu'il procédera contre le roi de Naples.

Après son couronnement, l'empereur Henri VII sortit de Rome et s'arrêta dans la Toscane, pour s'opposer au parti des Guelfes ligués contre lui et soutenus par le roi de Naples, Robert. Etant à Pise, il y érigea un tribunal d'empire, y cita les villes qui lui avaient résisté, et entreprit de soumettre, par des sentences, les ennemis qu'il n'avait pu humilier par des victoires. Le vingt-cinq avril 1515, il y donna une sentence contre le roi de Naples, par laquelle, le traitant de vassal rebelle et traître, il le déclare criminel de lèsemajesté, et, comme tel, il le prive de tous ses états, honneurs,

1

Raynald, 1312, n. 44. Baluz, t. 2, p. 1206 et 1207.-2 Raynald, 1309, n. 10.

dignités et droits, le met au ban de l'empire, le défie, le condamne à perdre la tête, et défend à qui que ce soit de lui obéir et de le reconnaître. Telle fut la sentence de l'empereur Henri VII contre Robert, roi de Naples 4.

[ocr errors]

Il se disposait à l'exécuter. Dans cette vue, il fit une étroite alliance avec Frédéric, roi de Sicile, qui vint attaquer celui de Naples en Calabre avec cinquante galères. A la réquisition de l'empereur, les républiques de Pise et de Gênes armèrent soixante-dix galères de leur côté, et les envoyèrent sur les côtes de Naples. D'autre part, de très-grands renforts arrivèrent à Henri, et d'Italie et d'Allemagne ; enfin, le cinq août 1315, malgré la défense et l'excommunication du Pape, il s'avança de Pise contre Naples avec une armée formidable: nulle part il ne se présentait des troupes en campagne pour le combattre.

.

Mais au milieu de cette pompe militaire, Henri portait en luimême le germe d'une maladie mortelle, contractée par le mauvais air de Rome, ou plus anciennement peut-être, pendant les souffrances du siége de Brescia. La disposition de son sang s'était déjà manifestée par un charbon au-dessous du genou; mais comme Henri n'avait rien diminué de son activité, le danger qu'il courait n'était soupçonné de personne. Un bain qu'il prit hors de saison fit éclater sa maladie ; il fut enfin forcé de s'arrêter à Bonconvento, douze milles au-delà de Sienne, et là, le jour de Saint-Barthélemi, vingtquatre août 1313, Henri VII mourut au milieu de son armée, d'une manière si inattendue, que plusieurs attribuèrent sa mort au poison, et qu'on répandit même le bruit qu'un frère dominicain, en le communiant le jour de l'Assomption, avait mêlé du napel à l'hostie ou à la coupe consacrée 2. C'est ainsi que, d'après les auteurs contemporains, le protestant Sismondi résume les causes réelles et les circonstances fabuleuses de cette mort.

Mussat, auteur du temps et favorable à l'empereur, écrit qu'on découvrit de sa mort trois causes : l'une, le charbon sous le genou; la seconde, une rupture à la vessie par suite de la strangurie dont il souffrait habituellement; la troisième, un apostume dans la poitrine, qu'il est certain qu'il yomit après avoir expiré 3. D'autres Italiens de la même époque parlent de la mort de l'empereur, aucun n'en donne pour cause le poison ; un seul en parle, mais comme d'un faux bruit répandu par la malveillance. Il n'y a pour y croire que deux ou trois' chroniqueurs allemands, écrivant au fond de

[ocr errors]

Raynald, 1313, n. 15. . 2 Sismondi. Hist. des républiq. ital., t. 4, p. 337, édit. 1826. 3 Mussat, 1. 16, c. 6. Apud Raynald., 1313, n. 25.

l'Allemagne et prenant pour des vérités certaines les soupçons de l'antipathie nationale. Les médecins, interrogés par le pape Clément V, protestèrent qu'il n'y avait aucune trace de poison. Mais l'historien Mussat, quoique partisan de l'empereur, observe que ce prince, tant qu'il fut d'accord avec l'Eglise, réussit dans ses affaires; mais que, dès qu'il s'éleva contre elle, il fut accablé par la vengeance divine 1.

Après la mort de l'empereur Henri, le pape Clément publia deux constitutions qui le concernent. La première au sujet de la protestation que l'empereur avait faite de n'être engagé à personne par serment de fidélité. Le Pape déclare au contraire que les serments prêtés par Henri avant et après son couronnement, sont des serments de fidélité et doivent être réputés tels. Par la seconde constitution, le Pape déclare nulle la sentence prononcée par l'empereur contre le roi Robert, attendu qu'il n'avait pas été cité légalement et ne pouvait se présenter en sûreté au lieu où était l'empereur. De plus, ajoute le Pape, ce roi est notre vassal et a son domicile continuel dans son royaume et non dans l'empire; en sorte qu'il n'est point sujet de l'empereur ni capable d'être accusé de lèsemajesté envers lui, Nous donc, par la supériorité que nous avons sur l'empire, par la puissance en laquelle nous succédons à l'empereur pendant la vacance, et par la plénitude de puissance que Jésus-Christ nous a donnée en la personne de saint Pierre, nous déclarons nulle et de nul effet cette sentence et tout ce qui s'est ensuivi 2. L'empire étant vacant, le Pape en fit le roi Robert vicaire en Italie quant au temporel, tant qu'il plairait au Saint-Siége. La bulle est du quatorzième de mars 1514 5.

Le cinquième jour de mai de l'année précédente, le pape Clément canonisa solennellement, dans la cathédrale d'Avignon, son prédécesseur Célestin V, et marqua sa fête le jour de sa mort, dixneuvième de mai. L'année suivante 1314, le vingt-unième de mars, il publia en consistoire les constitutions du concile de Vienne qu'il avait fait mettre en ordre. Le Jeudi-Saint, quatrième d'avril, il publia une sentence contre les Modénais, les bannis de Bologne, et d'autres de la Romagne et de Mantoue, pour avoir attaqué à main armée Raymond, marquis d'Ancône, neveu du Pape, qui condui→ sait le trésor de l'Eglise accompagné de quarante personnes et avec un sauf-conduit. Ils ne laissèrent pas de le tuer et de piller tout le trésor.

1 Raynald, 1313, n. 25, avec la note de Mansi. Pastoral. 2 de sent. 3 Raynald, 1314, n. 2.

2 Clement, un. de jurejurand.

Le pape Clément était dès-lors malade. Il se fit porter à Bordeaux pour reprendre son air natal; mais il mourut en route, à la Roqucmaure, près d'Avignon, le vingtième d'avril 1314, après avoir tenu le Saint-Siége huit ans, dix mois et quinze jours. Parmi les auteurs. italiens de l'époque, Jean Villani accuse Clément V d'avarice et de simonie, et rapporte un bruit défavorable à ses mœurs ; mais, dans les six biographies que nous avons de ce Pape, il n'est point fait mention de ces reproches. D'ailleurs, comme Clément V s'attira l'inimitié de bien du monde par sa condamnation des Templiers, surtout des Italiens par son séjour en France, les accusations italiennes surtout sont loin d'être des preuves. Il y a plus: parmi les Italiens mêmes, il y en a qui parlent de sa conduite et de ses mœurs avec éloge. Tel, entre autres, Ferret de Vicence. Après avoir rapporté, comme un bruit, que le grand-maître du Temple, au moment de la mort, avait ajourné le Pape et le roi de France à comparaître dans l'année au tribunal de Dieu, et avoir remarqué qu'ils moururent effectivement tous deux avant l'année révolue, Ferret ajoute néanmoins en parlant de la condamnation des Templiers: Quoique la rigueur de cet édit soit condamnée par l'impéritie du vulgaire, il ne faut pas penser pour cela qu'un pasteur aussi exemplaire et aussi agréable à Dieu se soit laissé corrompre par l'argent ou des sollicitations pour s'écarter de la justice; car nul homme de bon. sens ne met en doute qu'il n'ait bien et sagement fait toutes choses1. Enfin le pape Jean XXII appelle son prédécesseur, Clément V, un Pontife de sainte mémoire, qui passa des afflictions de la vie présente à la patrie céleste 2.

Cependant le roi Philippe de France, surnommé le Bel, à cause de la beauté de sa taille et de sa robuste constitution, était dans la force de l'àge; il n'avait que quarante-six ans. Il se voyait entouré de trois fils, qui lui ressemblaient pour la beauté et la santé : tous les trois, avaient épousé des princesses dignes d'eux par leur rang, et promettaient une postérité nombreuse et florissante. Le roi Philippe le Bel pouvait se croire au comble de la prospérité ; il avait réussi dans ses principales entreprises. C'était en 1314. Tout à coup les épouses de ses trois fils sont accusées en même temps toutes les trois d'avoir trahi la foi conjugale: l'affaire se débat en plein parlement, en présence du roi : les corrupteurs présumés sont mis à la torture, ils avouent le crime; deux des princesses sont convaincues, la troisième échappe ou par son innocence ou par l'indulgence de

1 Murat. Script. rer. ital,, t. 9, p. 1018. 2 Joan. XXII, 1. 1, epist. Apud Raynald., 1314, n. 15.

son mari: les corrupteurs périssent dans d'affreux supplices, ainsi que leurs complices en grand nombre. La même année, le roi Philippe le Bel étant à la chasse, un sanglier vient se jeter entre les jambes de son cheval et le renverse: Philippe se fait transporter à Fontainebleau, lieu de sa naissance, et y meurt le vingt-neuf novembre 1514, dans la trentième année de son règne, et la quarantesixième de son âge. Quatorze ans après, le troisième de ses fils suit dans la tombe les deux autres, sans postérité; et le fils de Charles de Valois, l'ami et le capitaine de Boniface VIII, monte sur le trône de France pour y régner dans sa postérité pendant deux siècles et plus.

« ZurückWeiter »