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Le vingt-sixième d'avril 1213, Innocent III écrivit effectivement au sultan du Caire, frère de Saladin, la lettre suivante : Au noble personnage Saphildin, sultan de Damas et de Babylone, la crainte du nom de Dieu et son amour. Nous apprenons par le prophète Daniel qu'il est dans le ciel un Dieu qui révèle les mystères, change les temps et transfère les royaumes, afin que tout le monde reconnaisse que c'est le Très-Haut qui domine dans l'empire des hommes, et qu'il le donne à qui il veut. Il l'a montré évidemment, lorsqu'il a permis que Jérusalem et ses confins tombassent entre les mains de votre frère, non pas tant à cause de sa vertu qu'à cause des péchés du peuple chrétien, qui provoquait Dieu même à la colère. Maintenant, convertis à lui, nous espérons qu'il aura pitié de nous, lui qui, lors même qu'il s'irrite, n'oublie point d'être miséricordieux. C'est pourquoi, voulant l'imiter, lui qui dit dans l'Evangile : Apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de cœur, nous prions humblement votre grandeur de ne pas être cause, par une violente détention de cette terre, qu'on répande plus de sang humain qu'on n'en a déjà répandu; mais, cédant à un plus sage conseil, de nous la rendre, vu que sa détention, hors une vaine gloire, vous apporte peut-être plus de difficulté que d'utilité. Ensuite, après qu'elle nous aura été rendue et que les captifs auront été renvoyés de part et d'autre, cessons de nous offenser mutuellement par des attaques; que, chez vous, la condition des nôtres ne soit pas pire que ne l'est celle des vôtres chez nous. Nous prions de recevoir avec bonté les porteurs des présentes, de les traiter honnêtement, et de leur donner une réponse qui soit digne et suivie d'effet 1.

Innocent ne négligeait ainsi rien pour concilier la paix du monde avec l'honneur et la sécurité de la république chrétienne, dont les états généraux allaient s'assemblant à Rome. A mesure que l'époque du concile général approchait, les archevêques, les évêques, les prélats, les ambassadeurs arrivaient de toutes parts. Pendant ce temps, le Pape s'appliquait à terminer encore plusieurs importantes affaires.

Le patriarche de Constantinople, Thomas Morosini, était mort au mois de juin 1211. Pour lui donner un successeur, il y eut, parmi le clergé latin de la ville impériale, des contestations qui n'étaient guère propres à ramener les Grecs schismatiques. Les Vénitiens, qui prétendaient perpétuer cette dignité dans leur nation, se portèrent en armes à Sainte-Sophie, menaçant de mort quiconque s'y opposerait. Le chapitre, tout composé de Vénitiens, élut donc son

1 Inn., 1. 16, epist. 37.

te:

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doyen. Mais les supérieurs des communautés de Constantinople, qui étaient d'autres nations, élurent trois candidats, qu'ils présentèrent au Pape pour qu'il en choisit un. Les procureurs des deux partis étant venus à Rome, Innocent III, en connaissance de cause, rejeta l'élection du chapitre et les postulations faites par les autres, et leur ordonna de se réunir tous pour élire canoniquement une personne capable, autrement qu'il y pourvoirait lui-même. En exécution de cet ordre, les chanoines de Sainte-Sophie et les autres qui prétendaient avoir droit à l'élection du patriarche, s'assemblerent pour y procéder; mais ils se partagèrent encore, et les uns élurent l'archevêque d'Héraclée, les autres le curé de Saint-Paul de Venise, tous deux Vénitiens. On revint donc à Rome, et les procureurs des parties ayant proposé devant le Pape leurs prétentions respectives, il ne trouva pas qu'elles fussent suffisamment prouvées, et commit la décision de cette affaire à Maxime, son nodetaire, qu'il envoyait à Constantinople, en attendant d'y envoyer un légat 2. Ni le notaire Maxime, ni le légat Pélage n'ayant pu terminer le différend, renvoyèrent au Pape les deux contendants. Ils arrivèrent à Rome vers le temps du concile, et le Pape, ayant assé les deux élections, fit patriarche de Constantinople, Gervais, Esatif de Toscane, qui assista au concile en cette qualité.

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§ VIII.

Affaires d'Occident. Quatrième concile général de Latran.

Le cardinal-légat Robert de Courçon, chargé de prêcher la croisade en France, s'occupa aussi d'y régler d'autres affaires, notamment les études et la discipline de l'université de Paris. Robert de Courçon, gentilhomme anglais, après avoir commencé ses études à Oxford, était venu lui-même les achever à Paris, vers l'an 1480. Il y fut passé docteur en théologie, reçu chanoine et chancelier de la cathédrale; puis le pape Innocent, qui avait étudié avec lui dans la même université, le fit venir à Rome, le créa cardinal, et le renvoya en France prêcher la croisade. Il lui donna des lettres pour les évêques et le clergé du royaume, pour le roi Philippe. pour Louis, son fils aîné, et Blanche, épouse de ce prince '.

L'université de Paris, affectionnée, protégée tout à la fois par le roi et par le Pape, attirait une foule innombrable d'écoliers de toute nation. Ces écoliers étaient le plus souvent des hommes faits, qui venaient se perfectionner dans leurs études. L'an 1200, se trouvait un noble d'Allemagne, élu à l'évêché de Liége. Un de ses serviteurs étant allé chercher du vin dans un cabaret, il y fut battu e son vase brisé. Aussitôt les écoliers allemands, prenant fait et cause, y accoururent et blessèrent le cabaretier dangereusement. Une grande clameur s'élève, qui met toute la ville en émoi. Thomas prévôt ou maire de Paris, vient avec le peuple en armes attaquer le logis des écoliers d'Allemagne, et, dans le combat, l'évêque éi de Liége est tué avec quelques-uns des siens.

Les docteurs des écoles de Paris vont trouver le roi Philippe, lui portent leurs plaintes contre le prévôt Thomas et ses complices. Le roi fait arrêter le prévôt et quelques-uns de sa suite les autres s'enfuient. Le roi, irrité, fait démolir leurs maisons. arracher leurs vignes et leurs arbres fruitiers. De plus, cragnant que les étudiants et leurs maîtres ne quittassent Paris, il fi:| une ordonnance portant que le prévôt Thomas, parce qu'il niait le fait, demeurerait toute sa vie dans la prison du roi, s'il n'aimail mieux subir publiquement à Paris l'épreuve de l'eau. S'il y succor bait, il serait condamné; s'il s'en sauvait, il ne serait plus prévo

Inn., 1. 14, epist. 126, 32, 33.

ou bailli dans aucune terre du roi, et n'entrerait jamais à Paris. La même chose était ordonnée des autres prisonniers, et les fugitifs étaient tenus pour condamnés.

De plus, pour la sûreté des écoliers, le roi promit de faire jurer tous les bourgeois de Paris que, s'ils voient quelque laïque faire injure à un écolier, ils en rendront témoignage et ne se détourneront pas pour ne pas le voir. Si un écolier est frappé, tous les laïques qui le verront prendront le coupable et le livreront aux officiers du roi, qui en fera informer et faire justice. Le roi ajoute : Notre prévôt ni nos autres juges n'arrêteront point un écolier pour crime, ou, s'ils l'arrêtent, ils le rendront à la justice ecclésiastique. Si le cas est grave, notre justice prendra connaissance de ce que deviendra l'écolier; mais elle ne mettra la main pour aucun crime sur le chef de l'école de Paris, s'il doit être arrêté, ce sera par la justice ecclésiastique. Quant aux serviteurs laïques des écoliers, qui ne nous doivent ni bourgeoisie ni résidence, et dont les écoliers ne se servent point pour faire injure à d'autres, nous ne mettrons point la main sur eux, si le crime n'est évident. Nous voulons que les chanoines de Paris et leurs serviteurs jouissent du même privilége. Le prévôt de Paris jurera tout ce que dessus, en entrant en charge'.

et,

L'université de Paris se montrait alors digne de cette royale faveur, qui l'exemptait de la juridiction séculière. Elle possédait, entre autres, quatre fameux professeurs de théologie: Guillaume, Richard, Evrard et Manassès, non moins recommandables par leur vertu que par leur doctrine. Un jour, comme ils s'entretenaient des récompenses et des peines éternelles, Guillaume dit : En étudiant le prophète Ezéchiel, j'ai vu devant moi jusqu'à trois fois un grand arbre, beau et brillant, dont les branches semblaient être l'ornement du monde. Les trois autres dirent qu'ils avaient aussi yu plusieurs fois un arbre semblable, et, après en avoir mûrement délibéré avec plusieurs autres docteurs, ils crurent être appelés à instituer un nouvel ordre religieux. Ils résolurent donc de tout quitter et d'aller se confiner dans quelque solitude. Ils partirent en 1201, et arrivèrent aux confins de la Champagne et de là Bourgogne, dans une vallée profonde et sauvage, environnée de hautes roches, où ils découvrirent une fontaine que personne n'avait encore aperçue. Ils allèrent trouver Guillaume, évêque de Langres, et le prièrent de leur donner en aumône une partie de cette vallée, qui appartenait à son église. L'évêque la leur accorda volontiers, et

Du Boulai. Hist. univers. Paris, t. 5, p. 2.

TOME XVII.

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ils y bâtirent de pauvres cellules, où ils commencèrent à pratiquer la règle de saint Augustin, suivant l'usage de Saint-Victor de Paris. Quatorze ans après, Frédéric, docteur en droit canon et archidiacre de Châlons, étant élu évêque de la même ville, il y renonça pour aller se joindre aux quatre docteurs. La même année 1215, au mois de septembre, l'évêque de Langres confirma le nouvel institut, et, trois ans après, il le fit confirmer par le pape Honorius. Les cinq premiers docteurs, avant que de mourir, virent jusqu'à trente-sept écoliers assemblés; et ce fut l'origine d'une congrégation de chanoines réguliers, que l'on nomma le Val-des-Ecoliers 1.

Mais l'impiété manichéenne, qui, de la Bulgarie ou de la Bougrie, comme on disait alors, était venue corrompre les esprits et les cœurs, les idées et les mœurs dans le midi de la France, essaya de glisser son venin dans l'université de Paris. Vers l'an 1205, un clerc du pays de Chartres, nommé Amauri, après avoir long-temps enseigné à Paris la logique et les autres arts libéraux, se mit à l'étude de l'Ecriture sainte, mais toujours avec sa méthode et ses idées particulières, qui étaient en opposition avec celles de tout le monde. Il soutenait, entre autres, que chaque chrétien est membre naturel et physique de Jésus-Christ, et que personne ne peut être sauvé sans cette créance, qu'il mettait au nombre des articles de foi. Tous les catholiques s'élevèrent contre cette doctrine d'Amauri. Il fallut aller au Pape, qui, ayant oui sa proposition et les objections de l'université, prononça contre lui. Amauri revint donc à Paris et fut obligé par l'université de rétracter son opinion; mais il ne le fit que de bouche et la garda toujours dans le cœur. Il tomba malade de chagrin et de dépit, mourut peu de temps après et fut enterré près Saint-Martin-des-Champs.

L'erreur qu'il avait émise n'était qu'une branche de l'arbre. Après sa mort, s'élevèrent quelques-uns de ses disciples, qui en proférèrent de plus dangereuses. Ils disaient que la puissance du Père avait duré autant, mais pas plus, que la loi de Moïse; que JésusChrist ayant aboli l'ancien Testament, la loi nouvelle avait eu cours jusqu'alors, c'est-à-dire pendant douze cents ans; et qu'en leur âge commençait le temps du Saint-Esprit, auquel la confession, le baptême, l'eucharistie et les autres sacrements n'avaient plus lieu; mais que chacun pouvait être sauvé par l'infusion intérieure de la grâce du Saint-Esprit, sans aucun acte extérieur. Ils étendaient la vertu de la charité jusqu'à dire que ce qui autrement serait péché, étant fait par charité, ne l'était plus, et, en conséquence, ils com

Labbe. Biblioth., t. 1, p. 591. Alberic, c. 1215.

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