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de règle, qu'il n'est pas au pouvoir, non-seulement de l'abbé, mais du Pape même, d'en dispenser 1.

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L'ordre de Clugni, si florissant deux siècles auparavant, était aussi fort déchu. Aussi, l'année 1215, le Pape écrivit au chapitre général de Clugni, pour exhorter les abbés à travailler à la réforme de leurs moines : lesquels, par leur avarice, leur ambition et leur vie licencieuse, donnaient autant de scandale qu'ils avaient autrefois donné d'édification 2. C'était encore pis dans les monastères qui ne tenaient point de chapitres généraux,

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Pour remédier à ces désordres, le concile ordonne que dans chaque royaume ou chaque province, les abbés et les prieurs qui n'ont point accoutumé de tenir des chapitres généraux, en tiendront tous les trois ans. Ils y appelleront dans les commencements deux abbés de Citeaux pour les aider, comme étant accoutumés depuis long-temps à tenir de tels chapitres. On y traitera de la réforme et de l'observance régulière: ce qui y sera statué sera observé inviolablement et sans appel, et on prescrira le lieu du chapitre suivant. Le tout se fera sans préjudice du droit des évêques diocésains. Dans le chapitre général, on députera des personnes capables pour visiter, au nom du Pape, tous les monastères de la province, même ceux des religieuses, et y corriger et réformer ce qu'il conviendra. Que s'ils jugent nécessaire de déposer le supérieur, ils en avertiront l'évêque; et, s'il y manque, ils en informeront le Saint-Siége. Or, les évêques auront soin de si bien réformer les monastères de leur dépendance, que les visiteurs n'y trouvent rien à corriger. Les chanoines réguliers tiendront ces chapitres et exécuteront le reste de ce décret suivant leur observance, à proportion comme les moines 3.

De peur que la trop grande diversité d'ordres religieux n'apporte de la confusion dans l'Eglise, nous défendons étroitement, dit le concile, d'en inventer de nouveau; mais quiconque voudra entrer en religion, embrassera une de celles qui sont approuvées. Nous défendons aussi qu'un abbé gouverne plusieurs monastères, ou qu'un moine ait des places en plusieurs maisons. C'est que cerEtaines places monacales étaient devenues comme des bénéfices ".

Les décrets du quatrième concile de Latran sont très-fameux chez les canonistes, et ont servi de fondement à la discipline qui s'est observée depuis. Mais dans ce moment-là même, le Seigneur procurait à son Eglise quelque chose de meilleur encore que de

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bons règlements: c'étaient deux hommes, deux familles religieu-ma ses, qui devaient être à jamais une règle, une réforme, une prédi cation vivante et incessante, et qui en effet, de nos jours même, toujours unies pour la gloire de Dieu et le service du prochain, ne cessent de produire des missionnaires, des apôtres, des martyrs, dans les églises naissantes de la Chine et du Tonquin. Ces deur hommes, c'est saint Dominique, c'est saint François d'Assise.

Depuis dix ans que durait la guerre contre les manichéens di Languedoc, saint Dominique n'avait point quitté ce pays. Il était lié d'amitié avec le comte Simon de Montfort. Cependant il n'est nommé nulle part dans les actes de cette guerre. Il est absent des conciles, des conférences, des réconciliations, des siéges, des triomphes; il n'est fait mention de lui dans aucune lettre allant à Rome ou venant de Rome. Nous ne l'avons rencontré qu'une fois à Muret, priant dans une église au moment d'une bataille. Ce silence unanime des historiens du temps laisse naturellement à conclure que, tel que les apôtres, il s'appliquait uniquement à la prière et à la prédication. C'est en effet ce que les historiens nous appren nent de sa vie à cette époque.

Après le retour de l'évêque Diégo à son diocèse, dit le bienheur reux Humbert, saint Dominique, demeuré presque seul avec que ques compagnons qui ne lui étaient attachés par aucun væu, sou tint pendant des années la foi catholique en divers lieux de la pr vince de Narbonne, particulièrement à Carcassonne et à Fanja Il s'était donné tout entier au salut des âmes par l'office de la pre dication, et il souffrit de grand cœur beaucoup d'affronts, d'ign minies et d'angoisses, pour le nom de notre Seigneur JésusChrist1.

Interrogé un jour pourquoi il demeurait plus volontiers à Carcassonne qu'à Toulouse et dans son diocèse, il répondit: C'est qu dans le diocèse de Toulouse, je rencontre beaucoup de gens q m'honorent, tandis qu'à Carcassonne tout le monde m'est a traire 2.

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En effet, les ennemis de la foi insultaient en toutes manières serviteur de Dieu : on lui crachait au visage, on lui jetait de boue, on attachait des pailles à son manteau par dérision. Mais supérieur à tout, comme l'apôtre, s'estimait heureux d'être ju! digne de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Les hér ques songèrent même à lui ôter la vie. Une fois qu'ils lui en faisaie la menace, il leur répondit: Je ne suis pas digne de la gloire

' Chroniq., n. 2.

2 Constantin d'Orviète. Vie de S. Dom., n.

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2.

martyre, je n'ai pas encore mérité cette mort. C'est pourquoi, ayant à passer par un lieu où il savait que des embûches lui avaient été préparées, non-seulement il s'y hasarda avec intrépidité, mais gaîment et en chantant. Etonnés de sa constance, les hérétiques lui demandèrent une autre fois, pour le tenter, ce qu'il eût fait s'il fût tombé entre leurs mains: Je vous aurais priés, répondit-il, de ne pas me tuer d'un seul coup, mais de me couper les membres un à un, et après en avoir mis les morceaux devant moi, de finir par m'arracher les yeux, en me laissant à demi mort dans mon sang ou en m'achevant à votre plaisir.

Thierri d'Apolda raconte le trait suivant : Il arriva qu'une conférence solennelle devant avoir lieu avec les hérétiques, un évêque se disposait à s'y rendre en grande pompe. Alors l'humble héros du Christ lui dit : Ce n'est pas ainsi, seigneur mon père, ce n'est pas ainsi qu'il faut agir contre les enfants de l'orgueil. Les adversaires de la vérité doivent être convaincus par des exemples d'humilité, de patience, de religion et de toutes les vertus, non par le faste de la grandeur et le déploiement de la gloire du siècle. Armonsnous de la prière, et, faisant reluire en notre personne des signes d'humilité, avançons-nous nu-pieds au-devant des Goliath. L'évêque se rendit à ce pieux conseil, et tous se déchaussèrent. Or, comme ils n'étaient pas sûrs de leur chemin, ils rencontrèrent un hérétique qu'ils croyaient orthodoxe, qui promit de les conduire droit à leur but. Mais il les engagea par malice dans un bois plein de ronces et d'épines, où leurs pieds se blessèrent, et bientôt le sang coula tout le long de leurs jambes. Alors l'athlète de Dieu, paticnt et joyeux, exhorta ses compagnons à rendre grâces de ce qu'ils souffraient, en leur disant : Confiez-vous dans le Seigneur, mes trèschers, la victoire nous est assurée, puisque voilà nos péchés qui s'expient par le sang. L'hérétique, touché de cette admirable patience et des discours du saint, avoua sa malice et abjura l'hérésie 3.

Il y avait aux environs de Toulouse quelques femmes nobles que l'austérité apparente des hérétiques avait détachées de la foi. Dominique, au commencement d'un carême, alla leur demander l'hospitalité, avec intention de les ramener au sein de l'Eglise. Il n'entra avec elles dans aucune controverse; mais, pendant tout le carême, il ne mangea que du pain et ne but que de l'eau, lui et son compagnon. Quand, le premier soir, on voulut leur apprêter

• Constantin d'Orviète. Vie de S. Dom., n. 12. —2 Ibid. S. Dom., c. 2, n. 35.

Apolda. Vie de

des lits, ils demandèrent deux planches pour se coucher, et, jusqu'à Pâques, ils n'eurent pas d'autre lieu de repos, se contentant chaque nuit d'un court sommeil qu'ils interrompaient pour prier. Cette éloquence muette fut toute-puissante sur l'esprit de ces femmes elles se convertirent.

On se rappelle qu'à Palencia Dominique avait voulu se vendre pour racheter de l'esclavage le frère d'une pauvre femme. Il eut en Languedoc le même mouvement d'entrailles à l'égard d'un hérétique qui lui avouait ne tenir à l'erreur que par la misère; il résolut de se vendre pour lui donner de quoi vivre, et il l'eût fait, si la Providence divine n'eût pourvu d'une autre manière à l'existence de ce malheureux.

Un fait encore plus singulier nous atteste les ruses de sa bonté. Quelques hérétiques, dit Thierri d'Apolda, ayant été pris et convaincus dans le pays de Toulouse, furent remis au jugement séculier, parce qu'ils refusaient de retourner à la foi, et condamnés au feu. Dominique regarda l'un d'eux avec un cœur initié aux secrets de Dieu, et il dit aux officiers de la cour: Mettez à part celui-ci, et gardez-vous de le brûler. Puis, se tournant vers l'hérétique avec une grande douceur: Je sais, mon fils, qu'il vous faudra du temps, mais qu'enfin vous deviendrez bon et un saint. Chose aimable autant que merveilleuse! Cet homme demeura vingt ans encore dans l'aveuglement de l'hérésie, après quoi, touché de la grâce, il demanda l'habit de frère prêcheur, sous lequel il vécut bien et mourut dans la fidélité 1.

Constantin d'Orviète et le bienheureux Humbert, en rapportart le même trait, y ajoutent une circonstance qui exige quelque explication. Ils disent que les hérétiques dont il s'agit avaient été convaincus par Dominique avant d'être livrés au bras séculier. C'est le seul mot du treizième siècle d'où l'on ait cru pouvoir induire la participation du saint à des procédures criminelles. Mais les historiens de la guerre des Albigeois nous apprennent très-clairement ce que c'était que cette conviction des hérétiques. Le hérétiques n'étaient point à l'état de société secrète en Languedoc: ils étaient armés, et combattaient pour leurs erreurs à la face du soleil. Dès le commencement de la guerre, les chefs de la croisade avaient décidé que ceux qui ne se rendraient point à composition. mais qu'il faudrait prendre de vive force, seraient livrés à la mort. Cette sentence générale, prononcée d'avance, admettait cependant une exception. Au milieu même d'une prise d'assaut, on envoyait

Vie de S. Dom., 1. 4, n. 54.

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aux prisonniers des gens d'église pour leur exposer les dogmes catholiques et leur faire sentir l'extravagance des leurs. C'était ce qu'on appelait les convaincre, non pas d'être hérétiques, car ils ne le cachaient pas le moins du monde, mais d'être dans une fausse voie, contredite par les écritures, la tradition et la raison. On les suppliait de la manière la plus pressante d'abdiquer leur hérésie, en leur promettant, à ce prix, leur pardon. Ceux qui se rendaient à ces instances étaient en effet épargnés; ceux qui résistaient jusqu'au bout étaient remis au bras séculier. La conviction des hérétiques était donc un office de dévouement, où la force de l'esprit et l'éloquence de la charité s'animaient de l'espoir d'arracher des malheureux à la mort. Que saint Dominique ait rempli cet office au moins une fois, il n'est pas possible d'en douter, puisque deux historiens contemporains l'affirment; mais prendre texte de là pour l'accuser de rigueurs envers les hérétiques, c'est confondre le prêtre qui assiste un criminel avec le juge qui le condamne ou le bourreau qui le tue.

On s'étonnera peut-être que Dominique eut assez d'autorité pour 'arracher un hérétique au supplice par une simple prédiction. Mais, outre la renommée de sa sainteté et de ses miracles, qui devait attirer toute confiance à sa parole, il avait été investi par les légats du Saint-Siége du pouvoir de réconcilier les hérétiques à l'Eglise. On en a la preuve dans deux diplômes en faveur de deux hérétiques réconciliés, par l'autorité du seigneur abbé de Citeaux, qui lui avait enjoint cet office 1.

Le désintéressement de Dominique n'était pas moindre que sa charité et sa douceur. Il refusa les évêchés de Béziers, de Conserans Met de Comminges, qui lui avaient été offerts, et dit une fois qu'il s'enfuirait la nuit avec son bâton plutôt que d'accepter l'épiscopat ou toute autre dignité 2.

Pour vaincre l'hérésie, Dominique implora le secours d'une puissance auxiliaire que personne n'invoqua jamais en vain; if invoqua plus souvent, et par lui-même et par la voix d'une multitude de fidèles, cette Vierge très-puissante que saint Cyrille, présidant te concile d'Ephèse, proclamait le sceptre de l'orthodoxie; cette Vierge mère, à qui l'Eglise dit dans ses prières : Réjouissez-vous vierge Marie, seule vous avez écrasé toutes les hérésies par tout l'univers 3. Dominique enrôla sous la bannière de la Mère de Dieu

Echard. Ecrivains de l'ordre des Prêcheurs, t. 1, p. 9, en note. 2 Lacordaire. Vie de S. Dom. - Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo. Petit office de la sainte Vierge dans le bréviaire romain.

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