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DE LA MORT DU PAPE INNOCENT II, 1216, A LA MORT DU PAPE HONORIUS 1, 1227.

L'esprit de Dieu, qui est toujours avec son Eglise, y réforme le clergé et le peuple, par saint Dominique et saint François.

La mort est le grand ministre de Dieu pour le gouvernement du monde. C'est par elle que Dieu frappe ses grands coups, ses coups d'état qui épouvantent l'univers, pour lui rappeler que, si l'homme propose, c'est Dieu qui dispose: coups terribles, imprévus, qui tantôt, dans un clin d'œil, consument une joyense troupe de voyageurs dans les chars et par le feu même qui les ramènent d'une fête; tantôt ensevelissent une population mercantile sous les débris fumants d'une cité croulant sur elle-même : coups formidables et prolongés, qui frappent non-seulement les individus, riches et pauvres, jeunes et vieux, empereurs et Papes, rois et pontifes, mais encore les peuples et les nations, les royaumes et les empires, mais l'humanité tout entière.

Dans le voyage que nous faisons avec l'Eglise de Dieu à travers le temps, pour retourner à l'éternité d'où elle est partie, nous avons vu tous les hommes condamnés à mort dans leur premier père; nous avons vu tout le genre humain enseveli dans le déluge; now avons vu mourir l'empire de Ninive et de Babylone, l'empire des Mèdes et des Perses, l'empire des Grecs et des Romains; nous avons vu mourir le peuple juif et voyons ses ossements arides dispersés sur la face de toute la terre, jusqu'au moment où l'Esprit de Dieu y soufflera de nouveau la vie ; nous voyons mourir et pourrir l'empire antichrétien de Mahomet, et ses quatre ou cinq fossoyeurs les rois de l'Europe, fort embarrassés de son cadavre.

Seule, au milieu des mourants et des morts, l'Eglise du Dict vivant survit à tous les empires, particulièrement à ceux qui se sont le plus opposés à elle. L'empire romain, par ses Dioclétiens et s Nérons, se flattait d'anéantir cette Eglise naissante, et d'avance e célébrait les funérailles; malgré ses légions et ses césars, l'empire romain est mort, et, de ses débris, de ses ossements épars, l'Eglise

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a formé des royaumes chrétiens et vivants, et qui vivent d'autant plus qu'ils sont unis à cette Eglise toujours vivante. L'empire antichrétien de Mahomet, sans cesse armé du glaive, menace de tuer l'Eglise adolescente ; et, après un combat de près de douze siècles, cet empire se meurt de repos et de corruption, et à travers la dislocation de ses membres, l'on aperçoit des populations nouvelles, que l'Eglise ressuscite à la vie chrétienne. La révolution impie de Luther et de Calvin, suivis de leur enfant naturel, l'impiété révolutionnaire de France, se vantait d'égorger l'Eglise adulte, comme Néron et Mahomet l'Eglise naissante et adolescente; et aujourd'hui, c'est d'entre les protestants d'Allemagne et d'Angleterre, c'est d'entre les incrédules français que l'Eglise tire ses plus ardents dé– fenseurs, ses plus zélés apôtres, apôtres et défenseurs qui la justifient contre les préventions de ses propres enfants. D'où vient cela? C'est que dans l'Eglise il y a cet Esprit de vérité, de force et de vie que le monde ne saurait connaître ni recevoir, et qui, dans les moments les plus inattendus, ranime et ressuscite ce qui paraissait le plus mort.

Comme cet Esprit de Dieu demeure éternellement avec l'Eglise de Dieu, il n'est pas étonnant que, dans les siècles les plus divers, dans les circonstances les plus diverses, cette Eglise pense et agisse toujours avec le même esprit, quoiqu'elle ne fasse pas toujours la même chose. Ainsi, le seize juillet 1216, Innocent III meurt dans la force de l'âge, à cinquante-cinq ans, au milieu de grandes affaires inachevées. Dès le surlendemain il a pour successeur Honorius III, d'un âge avancé, mais du même esprit, qui continuera ce qui est à faire.

Le nouveau Pape, auparavant le cardinal Cencius, était de la famille des Sabelli de Rome. Dès le temps du pape Clément III, il était camérier de l'Eglise romaine ou intendant de tous ses revenus; il entreprit d'en faire, sur les anciens mémoires, un registre plus exact qu'on n'avait fait jusqu'alors. Il exécuta cette entreprise l'an 1192, sous le pontificat de Célestin III, et intitula son ouvrage : Le livre des cens de l'Eglise romaine. Il n'était alors que chanoine de Sainte-Marie-Majeure. Il composa aussi un ordre ou cérémonial romain, qui a été imprimé. Il fut successivement cardinal-diacre de Sainte-Lucie, et cardinal-prêtre de Saint-Jean et de Saint-Paul. A la mort d'Innocent III, les cardinaux, pressés par les habitants de Pérouse, l'élurent dès le surlendemain. Il fut sacré le vingtquatre du même mois de juillet, et tint le Saint-Siége huit ans et dix mois '.

♦ Apud Raynald., an. 1216.

[Livre 72. Une des affaires les plus pressantes et les plus difficiles à terminer, c'était la pacification de l'Angleterre. Deux princes s'en disputaient la possession à main armée, le roi Jean et le prince Louis de France. Malgré toute sa bonne volonté, Innocent III n'avait pu ni prévenir ni arrêter la guerre civile. La mort vint y mettre un terme. Le roi Jean, tombé malade le quatorze octobre 1216, après avoir perdu son bagage et son trésor au passage d'une rivière, mourut le vingtdeux du même mois, dans la quarante-neuvième année de son âge et la dix-septième de son règne.

Comme son compétiteur, le prince Louis de France, avait été appelé par le plus grand nombre des seigneurs anglais, qu'il était maître de Londres et de l'Angleterre méridionale, on s'attend naturellement à ce que la mort de Jean le rende maître de tout le royaume. Le contraire arrivera. Le roi défunt laissait un fils de neuf ans. Dès le quinze octobre, second jour de sa maladie, il écrivit au nouveau Pape une lettre humble et affectueuse, où il lui recommande et met sous sa protection son fils Henri et son royaume, comme étant le patrimoine de saint Pierre. Il fit ensuite sa confession, et désira être enterré à Worcester, près des reliques de saint Wulstan. Or, ce sera ce jeune enfant, protégé par l'Eglise, qui triomphera de toutes les oppositions.

Le vingt-sept du même mois d'octobre 1216, le jeune Henri, troisième du nom, fut proclamé roi d'Angleterre dans une assemblée à Glocester, par trois évêques et trois comtes, plusieurs abbés et prieurs, en présence d'un peuple assez nombreux. Trois évêques et trois comtes, ce n'était guère pour soutenir un roi enfant contre la multitude des barons et l'armée de Louis de France. Mais le cardinal Galon, légat du Saint-Siége, était présent à cette assemblée. Déjà Honorius III, avant de quitter Pérouse, lui avait écrit pour lui confirmer la légation d'Angleterre et lui recommander la cause du roi Jean. Le lendemain vingt-huit octobre, Henri III fut conduit solennellement à l'église, où, en présence du légat, il fit les serments accoutumés au sacre des rois; de plus, il y fit hommage au Pontife romain du royaume d'Angleterre et d'Irlande, avec promesse de payer les mille marcs d'argent. Après quoi il fut sacré et couronné. Le jeune monarque demeura sous la conduite de Guillaume, comte de Pembrock, maréchal du royaume, et qui s montra digne de cette haute confiance.

Le douze décembre suivant, une assemblée se tint à Bristol. Le jeune roi y parut, accompagné des évêques et des barons, qui tư firent hommage et lui prêtèrent serment de fidélité. On y fit surtout ce qu'avait toujours recommandé le pape Innocent III, comme

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le seul moyen de contenter raisonnablement tout le monde. On revisa amiablement la grande charte. De soixante-six articles, on la réduisit à quarante-deux. On effaça toutes les clauses de nature transitoire ou qui regardaient personnellement le dernier roi et ses adversaires. On en omit plusieurs autres, qui parurent trop opposés aux anciens droits de la couronne. Mais on établit d'une manière positive que ces articles n'étaient pas révoqués. Leur exécution était seulement suspendue jusqu'à ce qu'on pût les soumettre à l'examen d'une assemblée complète des barons des deux partis. On fit aussi des améliorations 1.

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De son côté, le prince Louis était brave, bon, pieux, chaste, digne en toute manière de régner. Il put croire d'abord que la mort du roi Jean lui faciliterait la conquête et la tranquille possession de toute l'Angleterre. Mais il dut s'apercevoir bientôt que le jeune roi avait pour lui quelque chose de bien plus puissant que toutes les ruses et toutes les armées de son père : c'était sa jeunesse et son innocence même, qui excitaient une compassion universelle. Le pape Honorius III profita habilement de ces dispositions. Ayant appris la mort du père, il en fut profondément affligé, mais n'en prit que plus vivement à cœur les intérêts du fils, son pupille. Dès le cinq décembre, il écrivit au légat Galon pour l'exhorter à poursuivre courageusement son entreprise, lui promettant de confirmer les censures qu'il emploiera pour ce sujet, et lui ordonnant le déclarer nuls les serments que les barons d'Angleterre avaient aits au prince Louis. Il écrivit dans le même sens aux évêques de Winchester, de Worcester et d'Oxford, à l'archevêque de Dublin et aux seigneurs attachés au roi Henri, particulièrement au maréhal du royaume. Il écrivit aussi à l'archevêque de Bordeaux et aux eigneurs de deçà la mer soumis au prince anglais. Au contraire, I s'efforça de ramener à l'obéissance du jeune Henri ceux qui lui taient encore opposés, leur représentant qu'ils y étaient obligés In conscience, que la mort du roi Jean leur ôtait tout prétexte de évolte, que la loi de Dieu ne permettait pas que le fils portât l'iniuité du père; qu'enfin, s'ils voulaient éviter le reproche de traison, il était de leur honneur de se réconcilier avec le jeune roi, ont l'âge était la preuve de son innocence. Ces lettres ne furent pas ins effet. Il y eut même quelques seigneurs français qui se retièrent du service du prince Louis, et le comte de Rouci demanda 1 Pape et en obtint d'être absous de l'excommunication 2. Cependant le souverain Pontife, craignant de s'attirer l'indigna

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tion du roi de France par la protection qu'il donnait au jeune rei d'Angleterre, écrivit à l'abbé de Citeaux et à l'abbé de Clairvaux, desquels il savait que le crédit était grand auprès du roi Philippe e et de Louis, son fils. Vous irez, leur dit-il, trouver le roi de notre part, et, prosternés en terre, vous le prierez avec larmes et le conjurerez par le sang de Jésus-Christ, tant pour sa propre gloire que pour le respect du Siége apostolique, de remettre aux jeunes princes l'offense qu'il peut avoir reçue du roi, leur père, et de procurer sincèrement le retour de son fils Louis et la restitution de ce qu'il a pris du royaume d'Angleterre, pour nous délivrer, lui et nous, de la fâcheuse nécessité où il nous a mis. Vous irez également trouver le prince Louis, et vous le conjurerez de même, au nom det celui qui est au-dessus de tous les royaumes de la terre et les donne à qui il lui plaît, de cesser de persécuter ses pupilles, de se vaincre lui-même, et de sacrifier à Dieu et au Saint-Siége la honte qu'il pourrait craindre en cette occasion. Mais ne laissez pas de lui déclarer que, s'il ne se rend pas à vos exhortations, comme nous ne pouvons pas abandonner ces pupilles, nous invoquerons contre lui le ciel et la terre, et nous appesantirons sur lui notre main de tout notre pouvoir, selon qu'il nous sera inspiré d'en-haut1.

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Si le souverain Pontife prenait la défense du jeune roi d'Angleterre ainsi que de ses deux frères et de ses trois sœurs, ce n'était nulle ment avec le dessein de chagriner le prince Louis, ni de diminuer la puissance française, mais uniquement par le zèle de l'équité. Lui-i même s'en expliqua dans ces termes aux évêques de France. Combien l'Eglise romaine désire éviter la perturbation du royaume des Français, combien elle souhaite sa tranquillité, c'est une chose facile à comprendre pour quiconque voudra considérer avec quel que attention le dévouement de ce royaume pour elle, les prompts secours qu'elle y a trouvés en temps opportun. Car qui ne sait pas que les rois et le royaume des Francs ont toujours persisté ferine ment dans la dévotion du Siége apostolique? que toujours, dans les affaires difficiles et ardues, ils l'ont assisté avec un zèle infatgable, et qu'en le secondant avec un humble dévouement, tantól contre la perversité des hérétiques, tantôt contre la barbaric de païens, ils l'ont rendu formidable aux uns et aux autres. Ces services et d'autres que la brièveté d'une lettre ne permet pas d'én mérer, ainsi que les mérites de l'église gallicane, dont la foi et dévouement n'ont défailli à aucune époque, vous garantissent s fisamment, nous le croyons, que, parmi les autres royaumes de la

'Raynald, an 1216, n. 37.

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