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vres chrétiens captifs chez les mahométans et les barbares, qui résolut de consacrer ses biens à leur délivrance.

Mais quels furent son étonnement et sa surprise, lorsque, dans k temps qu'il prenait les mesures nécessaires pour exécuter cette œuvre de miséricorde, la sainte Vierge lui apparut la nuit, pour lui dire que c'était la volonté de Dieu qu'il travaillât à l'établissement d'un ordre dont les religieux s'obligeraient par vœu particulier à s'employer au rachat des captifs. Comme il ne faisait rien sans consulter son père spirituel, saint Raymond de Pegnafort, il alla le trouver pour lui communiquer cette vision. Sa surprise augmenta, lorsqu'il apprit de ce saint qu'il avait vu la même chose et que la sainte Vierge lui avait ordonné de le fortifier dans ce dessein. Ainsi, ne doutant point que ce ne fût la volonté de Dieu, ils ne songèrent plus qu'aux moyens d'en procurer l'exécution. Comme il fallait le consentement du roi et de l'évêque, ils allèrent d'abord trouver le prince. Celui-ci les écouta avec une joie d'autant plus sensible, que, la même nuit, il avait eu la même vision. Il offrit de contribuer à cette sainte entreprise et par son autorité et par ses libéralités. Il se chargea même de faire agréer ce nouvel établissement à l'évêque de Barcelone. Ils conférèrent ensemble sur la triple apparition de la sainte Vierge et sur les ordres exprès qu'elle leur avait donnés à tous trois séparément. L'érection du nouvel ordre fut donc résolue, en vertu d'un indult spécial que les rois d'Aragon avaient reçu du Saint-Siége.

Dès l'année 1192, plusieurs gentilshommes des premières familles de Catalogne, excités par l'exemple de quelques personnes pieuses, formèrent entre eux une congrégation, pour contribuer au secours des chrétiens qui étaient captifs chez les Sarrasins ou réduits à la nécessité. L'occupation des nobles congréganistes était de servir les malades dans les hôpitaux, de visiter les prisonniers, de procurer des aumônes pour le rachat des chrétiens captifs, et de garder le côtes de la Méditerranée contre les descentes des infidèles. La plus grande partie de ces gentilshommes embrassèrent le nouvel ordre. ainsi que les prêtres qui s'étaient associés à eux.

Le jour de Saint-Laurent, dix août 1223, fut marqué pour l'institution solennelle. Le roi, accompagné de toute sa cour et de magistrats de Barcelone, se rendit dans l'église cathédrale, appelé Sainte-Croix de Jérusalem. L'évêque Bérenger officia pontificale ment. Saint Raymond de Pegnafort monta en chaire, et protest: devant tout le peuple que Dieu avait révélé miraculeusement a roi, à Pierre Nolasque et à lui-même, sa volonté touchant l'insti

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sation de l'ordre de Notre-Dame-de-la-Merci pour la rédemption ees captifs.A l'issue de l'offrande, le roi et saint Raymond présentérent le nouveau fondateur à l'évêque, qui le revêtit de l'habit de perdre. L'ayant reçu, saint Pierre Nolasque le donna, comme prinpal fondateur, à treize gentilshommes, dont les deux premiers rent Guillaume de Bas, seigneur de Montpellier, et son cousin naud de Carcassonne. Tous les treize avaient été chevaliers ou nfrères de la congrégation de Notre-Dame-de-Miséricorde. Outre 3 trois vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, ils en firent un atrième, aussi bien que saint Pierre Nolasque, savoir, le vœu it engager leurs propres personnes et de demeurer en captivité, 1 était nécessaire, pour la délivrance des captifs.

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Comme ils étaient six prêtres et sept chevaliers, leurs habits funt différents. Celui des prêtres consistait dans une tunique ou utane blanche, avec un scapulaire et une chape ou manteau ; lui des chevaliers était blanc aussi, mais purement séculier, à exception d'un petit scapulaire qu'ils mettaient sous leur habit. e roi, pour témoigner son amitié à ces nouveaux religieux et leur onner des marques de sa protection, voulut qu'ils portassent sur ur scapulaire l'écusson de ses armes. La messe achevée, ce prince onduisit saint Pierre Nolasque avec ses religieux à son propre alais, dans le quartier qu'il leur avait fait préparer pour leur servir e monastère. Ainsi, chose remarquable! le premier monastère de ordre de la Merci pour la rédemption des captifs, a été le palais u roi d'Aragon; les premiers religieux, les premiers rédempteurs nt été des gentilshommes français. Ils y gardèrent exactement la egle de vie que leur prescrivit saint Raymond de Pegnafort, en atendant que le Saint-Siége leur eût déterminé une règle particulière. Ces religieux s'employèrent d'abord à racheter quelques captifs, t ne sortaient pas des terres sujettes aux princes chrétiens. Mais aint Pierre Nolasque leur représenta que, pour la perfection de eur ordre, il fallait encore passer chez les infidèles, et délivrer eurs frères de la cruelle servitude de leurs ennemis, au risque aême d'y demeurer en esclavage à leur place, suivant le vœu qu'ils n avaient fait aux pieds des autels. Il ne s'agissait pas d'y aller tous la fois, mais de députer un d'entre eux pour ces saintes négociaions, qu'on appela dès-lors du glorieux nom de rédempteurs. Il ut lui-même choisi, avec un second, pour frayer aux autres le chenin d'un voyage si périlleux. Le premier qu'il fit au royaume de Valence, occupé pour lors par les Sarrasins, fut fort heureux. Il en it un second au royaume de Grenade, qui ne le fut pas moins: si

bien qu'il retira quatre cents esclaves d'entre les mains des infidèle

en ces deux expéditions 1.

Ainsi, vers la fin du douzième siècle, ce sont deux gentilshomme français, Jean de Matha et Félix de Valois; en 1225, c'est un gentihomme français, Pierre de Nolasque, qui établissent, les deux premiers l'ordre de la Trinité, l'autre celui de la Merci, pour la rédemption des captifs. Et, à l'exemple du Rédempteur divin, ces rédempteurs humains y consacrent leurs personnes mêmes. Honneur à la noble France! c'est à elle, après Dieu et son Eglise, que l'univers doit sa rédemption et sa liberté. C'est elle qui le rédime, qui le rachette de la servitude et barbarie mahométane, par la pieuse & vaillante épée de Charles-Martel, de Charlemagne, de Godefroi de Lorraine, de Tancrède de Normandie. Et en rachetant ainsi l'bumanité entière au prix de son sang,elle rachette encore les individu au prix de son or et même de sa liberté. Honneur encore une fois à la noble France! Comme elle a beaucoup aimé Dieu et les hommes. Dieu et les hommes doivent lui pardonner beaucoup.

A un grand roi, Philippe-Auguste, y succédait alors un bon ro Louis VIII, et à celui-ci un roi très-bon, très-grand et très-saint. Louis IX, en un mot, saint Louis:

Sauf sa malheureuse aversion pour sa femme, la reine Ingelburge, Philippe-Auguste s'était montré en tout roi très-chrétien Depuis sa réconciliation avec cette princesse en 1213, sa vie ful tout-à-fait irréprochable. Il mourut dix ans après. Comme il se tait depuis plusieurs mois que sa fin approchait, il s'y était prépare par une confession exacte. Sa piété redoubla aux derniers moments, qu'il n'envisagea plus qu'avec les sentiments d'un chrétien péniten et résigné ; muni du saint viatique, il mourut à Mante, le quator juillet 1223, âgé d'environ cinquante-huit ans, après un règne d'un peu moins de quarante-quatre.

Il avait fait un testament. Le détail des legs nous y fournit de nouvelles preuves de sa religion et de son bon cœur; car on es trouve qui montent à de très-grosses sommes pour le secours de Terre-Sainte, et nommément pour le roi de Jérusalem, Jean de Brienne. Il y avait vingt mille livres à prendre sur sa propre pour le comte Amauri de Montfort, afin, était-il dit, que lui, femme et ses enfants sortissent de la terre des Albigeois, où ils n demeuraient qu'avec beaucoup de désagrément et dans une de captivité.

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'Vita S. Petr. Nolasci. Acta SS., 51 jan. Hélyot. Histoire des ordres rea

gicux, t. 3.

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L'article du testament qui regardait la reine Ingelburge, qu'il y pelle sa chère épouse, confirma tous les témoignages qu'il lui gait donnés d'une réconciliation parfaite. Il choisit Guérin, évêMe de Senlis, pour exécuteur de ses volontés testamentaires, en i associant son chambellan, Barthélemi de Roie, et Aímar, trécier du Temple. Tous les trois, outre les donations qu'il spéciit, avaient à distribuer, selon leur sagesse, la valeur de cinquante lle livres, ou vingt-cinq mille marcs d'argent, en réparation des justices qu'ils connaîtraient qu'il aurait commises, et des torts 'il aurait occasionnés. Il avait la justice si fort à cœur, qu'il xcusait sur la modicité du legs laissé à la reine, quoiqu'il eût pu i laisser davantage, parce qu'il ne voulait pas, disait-il, se mettre ors d'état de satisfaire aux dettes légitimes, et singulièrement sur qu'il n'avait pas reçu avec assez d'équité. Les religieux de l'abye de Saint-Denis, auxquels il léguait tous ses joyaux, étaient argés de dire chaque jour vingt messes pour le repos de son âme. en prescrivit un pareil nombre, et à la même intention, aux chapines de Saint-Victor, dans l'abbaye qu'il leur avait fait bâtir, pour mercier Dieu de la victoire de Bouvines 1.

Philippe-Auguste fut inhumé à Saint-Denis. Il y eut à ses funéilles une vingtaine d'évêques, entre autres le cardinal-légat en rance, Conrad, évêque de Porto, et le cardinal Pandolphe, évêque e Norwich, en Angleterre, le même qui avait négocié la paix entre pape Innocent III et le roi Jean. Il était venu en France de la art du roi Henri III, pour négocier la paix entre les deux couonnes. Ce qu'il y eut de singulier aux obsèques de Philippe-Auuste, c'est que le cardinal-légat et le nouvel archevêque de Reims, Guillaume de Joinville, célébrèrent la messe conjointement, et en rononçant les paroles d'une même voix, à deux différents autels qui taient placés l'un près de l'autre. Les autres évêques, disent Rigord et Juillaume l'Armoricain, ainsi que le reste du clergé, leur réponaient comme s'il n'y avait eu qu'un évêque à célébrer. Les auteurs contemporains ne nous apprennent point la cause de cette singuarité.

Ce qui avait attiré un si grand nombre d'évêques, c'était un conile que le cardinal-légat avait indiqué d'abord à Sens. Comme le oi Philippe-Auguste, visitant alors la Normandie, désirait beaucoup y assister, le cardinal l'indiqua ensuite à Paris, afin que le rince, déjà malade, n'eût pas tant de chemin à faire. Il mourut

'Guill. l'Armoricain. Scriptor. rer. Franc., t. 17. Hist. de l'Eglise gall., .30.

en y venant, et le concile ne parut assemblé que pour assister à ses funérailles.

Quant à la raison qui avait fait assembler ce concile, la voici : Les manichéens du Languedoc, que les auteurs français du temps appellent les Bougres ou Bogres de l'Aubigeois, se voyant abandonnés par la noblesse du pays, et les catholiques réunis contre eux par l'autorité du Pontife romain, ils eurent recours à une autre machine pour se donner du relief. Ils se vantèrent, faussement ou avee vérité, qu'eux aussi avaient un pape dans la Bougrie ou la Bulgarie; que ce pape aussi était entouré d'évêques, et qu'il avait son légat ou représentant en Languedoc, qui était un certain Barthélemi de Carcassonne. Tout cela pouvait être. Nous avons vu la Bulgarie devenir le repaire des manichéens d'Orient; nous avons vu Manès se posant comme le chef, et envoyant une douzaine d'émis saires principaux en divers pays. D'autres monuments nous apprennent que, vers ce temps, les mêmes hérétiques avaient un pape auquel ils donnaient le nom du Pape régnant, et un évêque dans tel diocèse auquel ils donnaient le nom de l'évêque diocé sain, afin de pouvoir dire, quand ils étaient interrogés, qu'ils avaient la même foi que le pape Honorius ou le pape Grégoire'. Quoi qu'il en soit de la réalité, le cardinal-légat ayant appris ce nouveau moyen de séduction mis en avant par les hérétiques, écrivit aux évêques de France, et les convoqua en concile pour conférer ensemble sur ce qu'il y aurait à faire. Le soi-disant pape manichéen ou son prétendu légat mourut peu après 2. Ce qui fit sans le concile ce que le concile avait intention de faire, de mettre fin à la séduction.

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Après la mort du roi Philippe-Auguste, son fils aîné, Louis VIII, lui succéda, étant âgé de trente-six ans. Il fut sacré à Reims avec la reine Blanche, son épouse, par l'archevêque Guillaume, le sixième d'août 1223, et régna trois ans et quatre mois. Le pape Honorius III lui écrivit, premièrement le vingt-cinquième d'octobre, une lettre de condoléance sur la mort de son père, dont il l'exhorte à imiter les vertus, particulièrement son attachement au Saint-Siége. Ensuite, le treizième de décembre, il lui écrivit une seconde lettre, où il le loue d'avoir protesté au commencement de son règne, suivant le témoignage du légat Conrad, qu'il aimerait mieux souffrir préjudice dans ses propres intérêts, que de permettre que la religion catholique en souffrît de la part des Albigeois; il le loue encore

'Labbe, t. 11, p. 288.

2 Marten. Thesaur. Anecdot., t. 4, col. 244. Baros

et Rain. de Mansi, an 1223, n. 39, note.

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