Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Bip

655 et la trouvant malade, l'obligea par obéissance à manger de la viande. Son ordinaire était d'user de poisson et de laitages le dimanche, le mardi et le jeudi; le lundi et le samedi, des légumes secs; le mercredi et le vendredi, elle se réduisait au pain et à l'eau. Elle avait retranché de ses habits, non-seulement toute parure et toute délicatesse, mais la commodité et presque le nécessaire, ne portant qu'une tunique et un manteau, et marchant le plus souvent nupieds, nonobstant le froid du pays. Elle portait un cilice de crin et se donnait la discipline jusqu'au sang.

Ses prières étaient longues, ferventes et presque continuelles, et elle avait la dévotion d'entendre chaque jour plusieurs messes, à chacune desquelles elle faisait son offrande et recevait à la fin l'imposition des mains du prêtre. Elle fit plusieurs miracles et avait le don de prophétie, et, prévoyant sa mort prochaine, elle se fit donner l'extrême-onction avant que d'être malade. Enfin elle mourut le quinzième d'octobre 1245. Elle avait voulu être enterrée dans le cimetière des religieuses, mais l'abbesse, sa fille, ne put s'y résoudre, et la fit mettre, contre son inclination, dans l'église, devant le grand autel. Les religieuses en souffrirent beaucoup d'incommodités, comme la sainte l'avait prédit, par le concours du peuple qui venait en foule prier à son tombeau, où il se fit un grand nombre de miracles. C'est pourquoi les évêques et les ducs de Pologne poursuivirent auprès du Saint-Siége la canonisation d'Hedwige, qui, après les informations convenables, fut faite au bout de vingt-trois ans, par le pape Clément IV, le vingt-sixième de mars 1267. Le pape Innocent IX a fixé sa fête au dix-sept octobre1.

Ainsi, dans l'Europe chrétienne, au milieu des guerres, des dissensions, des faiblesses, des abus inséparables de la condition humaine, il y avait un principe de vie, de charité, de perfection divine qui se manifestait dans tous les rangs de la société, depuis la servante jusqu'à la princesse, depuis le mendiant jusqu'au premier des rois. Cette action de l'esprit divin sera surtout manifeste, si, à l'Europe catholique, nous comparons l'Asie non chrétienne, comparaison d'autant plus naturelle, que sainte Elisabeth de Hongrie descendait d'une de ces hordes tartares qui, réunies alors sous la main de Ginguiskan, dominaient sur toute l'Asie. Cette comparaison nous fera voir, entre autres choses, qu'auprès des guerres des Tartares non chrétiens, les guerres de leurs tribus devenues chrétiennes en Europe, ne sont que des jeux d'enfants.

De l'an 1215 à l'an 1227, de la Corée et de Péking jusqu'à Tauris

'Surius, 17 octobre.

et la Moscovie, sur une étendue de plus de mille cinq cents lieues de long, Ginguiskan ne cessa de promener la guerre et le carnage. En 1215, la capitale de la Chine, nommée alors Khan-Balec ou Yen-King, et aujourd'hui Péking, fut prise d'assaut, saccagée, & l'incendie dura un mois. Les ambassadeurs des Tartares ayant été assassinés par le roi de Karisme, Ginguiskan marche contre lui l'an 1218, à la tête d'une armée de sept cent mille combattants. Le premier choc est terrible et le succès indécis. Les Karismiens perdent cent soixante mille hommes, et chacun se retire dans son camp. Dans le cours de 1219, Otrar, Farganah, Ourkendie et toutes les principales villes du Karisme tombent au pouvoir des Mongols, qui en font passer les habitants au fil de l'épée; ils n'ont pas besoin de l'année suivante tout entière pour conquérir la Transoxane. La résistance de Bokara et de Samarcande ne fait que les irriter et attirer sur ces deux vastes malheureuses cités toutes les horreurs du sac et du pillage. La plupart des habitants périssent par la flamme et par le fer du vainqueur. Les habitants de la ville de Karisme, après la plus opiniâtre résistance, mettent eux-mêmes le feu à leurs propres maisons et sont tous massacrés. Ginguiskan s'était placé sur une éminence, pour jouir à la fois du massacre et de l'incendie. Termed, dernière ville de la Transoxane, succombe également. Les Mongols la brûlent, et, las d'égorger, emmènent en esclavage le petit nombre d'habitants à qui ils avaient laissé la vie. Au printemps 1221, les habitants de Balk offrent de se rendre; mais Ginguiskan veut jouir du spectacle d'un assaut, la population est exterminée et la ville rasée. Un sort non moins horrible que celui qu'avait éprouvé la Transoxane est réservé au Korasan. Cette expédition est confiée à l'un de ses fils, tandis que d'autres ravagent et soumettent l'Irac et d'autres provinces occidentales de la Perse, entre autres Ragès, capitale de l'ancienne Médie. Une armée considerable est envoyée dans l'Inde. Talkhan, petite ville de la Transoxane, est emportée d'assaut par Ginguis, qui traite avec la même barbarie les habitants et la garnison. Anderab, autre ville de b Transoxane, n'est pas plus épargnée. La prise de Bomyan, située dans le voisinage de la précédente, coûte au vainqueur la vie d'u de ses petits-fils. Pour consoler la mère, il met à sa discrétion le malheureux habitants. Elle les fait tous massacrer sans distinction d'âge ou de sexe; elle pousse la cruauté jusqu'à faire ouvrir le ventr aux femmes enceintes; enfin les animaux mêmes sont égorgés. He rat et plusieurs autres villes du Korasan, s'étant révoltées, épro vent un sort à peu près semblable.

Ginguis apprend que le souverain de Captchac a mal parlé de lui

et donné asile à quelques-uns de ses ennemis. Deux généraux qui vaient conquis Aderbaïdian et l'Arran, ont ordre de conduire une rmée dans le Captchac. Ils commencent par prendre Chamakié, uis Derbend; les princes de Captchac font cause commune avec les princes russes, les uns et les autres sont battus et poursuivis jusqu'aux bords du Borystène; le grand-duc de Kiow et le duc de chernikoff furent faits prisonniers le six juin 1223.

Tandis que ses généraux conquièrent pour lui une immense conrée dans le nord-ouest de l'Asie, et que d'autres défendent et étenent ses conquêtes dans la Chine septentrionale, Ginguiskan tient ne diète où l'on détermine les mesures à prendre pour contenir et ouverner les états nouvellement soumis. Il s'agit en outre de reméier à la disette de soie et de riz qui se faisait sentir dans la porion soumise de la Chine. Ginguis propose de mettre à mort tous les abitants des campagnes, pour avoir à nourrir et à vêtir moins e personnes inutiles à la guerre, et pour convertir en pâturages es terres jusqu'alors ensemencées. Cette mesure atroce fut pourtant bandonnée, non parce qu'elle était atroce, mais inutile et même uisible aux intérêts du conquérant.

En 1225, à l'âge de plus de soixante ans, Ginguis se résolut de marcher en personne contre le roi de Tangout, à la tête de toutes es armées, dont il forma dix corps. Les Mongols traversent le grand ésert de Kobi pendant l'hiver de 1226, pénètrent au centre des tats de leur ennemi, qui leur opposa une armée de cinq cent mille ommes, remarquable principablement par la richesse de ses équiages et de ses vêtements. Après différentes rencontres et affaires le postes, dont l'issue fut constamment à l'avantage des Mongols, Ginguis livra une grande bataille sur un lac pris par la glace : le roi le Tangout est complètement défait et perd trois cent mille homnes; peu de temps après, il succombe aux fatigues et aux chagriïïs. jon successeur sort de sa capitale assiégée pour implorer la clénence du conquérant; il est pris par les assiégeants et mis à mort. La ville tombe en leur pouvoir et devient le théâtre de cruautés nouïes, qui s'exercent ensuite dans toute l'étendue du royaume. On ne rencontre partout que des ruines et des cadavres; les bois, es montagnes et les cavernes sont remplies de malheureux qui herchent à se soustraire à la fureur du vainqueur. Enfin les quatreingt-dix-huit centièmes de la population périssent. Cette mesure troce avait paru indispensable au héros mongol, pour s'occuper vec sécurité de réduire et de soumettre les Nieutché, maîtres ncore d'une partie de la Chine septentrionale; mais c'est à l'un de es petits-fils, Chi-tsou, qu'est réservé de terminer cette grande ntreprise et de fonder à la Chine une dynastie mongole.

Ginguiskan mourut dans le royaume de Tangout, le vingt-quatre août 1227, âgé de soixante-six ans, et après un règne de vingt-den Sa mort fut tenue secrète quelque temps: on fit même accroire a l'armée qu'il était en pleine convalescence. Dans l'intervalle, arrita le fils du roi de Tangout, pour se soumettre et rentrer en grâce; i trouve les soldats livrés à la joie ; la plus grande allégresse règne dans le camp à cause de la prétendue convalescence du souverain. Peu de temps après son arrivée, on conduisit au supplice, sans égard pour leur soumission, le prince nouvellement arrivé et toute sa suite, qui était nombreuse. Les funérailles, ainsi arrosées de sang, se célébrèrent ensuite avec pompe par toute l'armée. Des historiens chinois rapportent que, dans le cours des quatorze premières années de l'empire des Mongols, Ginguiskan fit périr dix-huit millions quatre cent soixante-dix mille personnes 1.

Avant de mourir, Ginguiskan avait distribué lui-même ses états entre les quatre princes qui lui étaient nés de la première de ses quatre femmes principales, lesquelles avaient chacune leur palais. Touchi, l'aîné de ces quatre princes, étant mort, fut représenté par son fils Batou, qui lui succéda dans la souveraineté de Captchac, et dont les descendants régnèrent en Crimée jusqu'à l'anéantissement de cet état, en 1785, par les Russes. Diagataï ou Zagataï eut un état qui porta son nom, et qui était composé de la Transoxane, du pays des Uzbeks et du Turkestan, où quelques-uns de ses descerdants ont encore de petites souverainetés. Touli eut le Korasan, une partie de la Perse et les bords de l'Indus. Trois des fils de œ dernier, Mangou, Holagou et Koublaï se distinguèrent particulièrement dans la suite. Octaï, que son père, le jour avant de mouri, avait désigné pour lui succéder, eut en partage la grande horde ou tribu, nommée Ordoubalek, et Oloug-youzt, dans le Cara-Katai. dont Cara-Corom était la capitale; en outre le Mongolistan, le Katai ou Chine septentrionale, dont la capitale est Péking, ainsi que la Corée et le détroit d'Anian. Une grande partie des états passèrent & la puissance de Koublaï, l'un de ses neveux, qu'on regarde comme le fondateur de la dynastie mongole à la Chine.

Maintenant, quelles peuvent avoir été les vues de la divine Prov dence, en prêtant aux Tartares de Ginguiskan cette puissanc extraordinaire qui s'étend de l'extrémité de la Corée, sur u longueur de plus de quinze cents lieues, jusqu'à la Russie et Pologne. Voici quelques indices: Nous avons vu qu'à l'avèneme

Couplet. Tabl. Sinic. Chron., p. 74. Biograph. univ., art. Djenguyzkhin Hist. univ. des Angl., t. 6 et 7, partie moderne. Deguignes. Hist. des Huns.

du Christ, l'empire chinois et l'empire romain se touchaient sur les bords de la mer Caspienne, comme pour présenter les armes à l'immortel roi des siècles. Nous avons vu qu'à la mort de Julien l'Apostat dans les champs de Babylone, la Chine était une province de l'empire persan qui touchait à l'empire romain, comme pour assister l'un et l'autre au triomphe du Christ sur l'idolâtrie occidentale. Pendant six ou sept siècles, les Nabuchodonosor de Babylone, les Cyrus de Perse, les Alexandre de Macédoine, les césars de Rome, illustres manoeuvres de la Providence, travaillent à mêler ensemble les diverses nations de l'Europe, de l'Afrique, avec l'Asie occidentale, pour les réduire à une certaine unité matérielle; ils préparent ainsi, sans le savoir, toute cette partie du monde à l'unité spirituelle, à l'empire du Christ. Mais le Christ doit régner sur toutes les nations de la terre. Pendant les treizième et quatorzième siècles, de nouveaux manoeuvres, Ginguiskan et ses fils, travaillent à la préparation matérielle de ce qui reste à finir. A cette époque, malgré tous les césars de Rome païenne, malgré certains césars de l'Allemagne chrétienne, le christianisme était devenu à jamais la loi, la religion, la gloire de l'Europe, à jamais l'Europe catholique était le centre, la vie, l'esprit, le cœur et l'âme de l'humanité entière. Il fallait donc lui faire connaître pour lui unir, avec le temps, l'Asie orientale et le reste du monde. Ginguiskan et ses fils commencent la besogne, les Anglais l'achèvent de nos jours.

Maîtres de l'Asie à peu près tout entière, les Tartares la font connaître à l'Europe, déjà éveillée par les croisades. Ils y en#voient des ambassadeurs, d'abord avec des menaces aux princes de la chrétienté, s'ils ne se soumettent; plus tard, avec des dispositions amicales, pour conclure des traités de paix et d'alliance; enfin, avec des demandes et des prières, pour unir leurs armes contre les mahométans, dont ils avaient détruit le califat à Bagdad. Si, à cette dernière époque, l'Occident avait eu pour empereur un Charlemagne, l'Europe et l'Asie jusqu'à la Chine n'eussent peutêtre fait qu'une chrétienté.

Les Tartares n'étaient point hostiles au christianisme. La horde ou tribu des Keraïtes, tribu impériale avant Ginguiskan, était en grande partie chrétienne. Oung-Kan, chef de cette tribu et chef suprême de tous les Tartares avant Ginguiskan, son gendre, était chrétien déclaré et en correspondance avec le pape Alexandre III. Parmi les fils et les petits-fils de Ginguiskan même, il y en eut de chrétiens. Sous son petit-fils Koublaï, empereur de la Chine, nous verrons un archevêque catholique à Péking, avec deux églises, et la permission d'en fonder par tout l'empire.

TOME XVII.

42

« ZurückWeiter »