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hérétiques d'Italie, de l'affaire de la Terre-Sainte et de la réunion des villes de Lombardie; mais la plupart s'étaient liguées contre l'empereur, alarmées de sa venue, et ne voulurent ni lui obéir, ni même le recevoir. Nous avons vu précédemment qu'elles avaient ce droit de confédération pour maintenir leurs franchises, même contre l'empereur. Après donc avoir séjourné peu de jours à Crémone, Frédéric se retira au bourg Saint-Domnin, où Conrad, évêque d'Hildesheim, chargé de prêcher la croisade, excommunia les Lombards rebelles à l'empereur croisé, avec l'approbation de tous les prélats de Lombardie; mais le pape Honorius révoqua depuis cette sentence, ce qui encouragea Milan et les autres villes opposées à l'empereur à maintenir leur confédération, qui fut nommée pendant long-temps la société de Lombardie. Ces villes étaient au nombre de quinze, savoir: Milan, Vérone, Plaisance, Verceil, Lodi, Alexandrie, Trévise, Padoue, Vicence, Turin, Novarre, Mantoue, Bresce, Bologne et Fayence. L'empereur les défia par édit public, c'est-à-dire qu'il les déclara ennemies ; puis il se retira en Apulie par la Toscane. Toutefois les prélats que le Pape avait pourvus furent reçus dans leurs siéges, savoir: les archevêques de Brindes, de Consa et de Salerne, l'évêque d'Averse et l'abbé de Saint-Laurent de la même ville'.

Le pape Honorius fut sensiblement affligé de la guerre qui s'émut entre l'empereur Frédéric et les villes de Lombardie, comme d'un obstacle dangereux à la croisade: c'est pourquoi il envoya des légats presser les parties de s'accommoder. L'empereur lui écrivit, le vingt-neuf août 1226, une lettre où il s'en remettait pour ce différend à la disposition du Pape et des cardinaux, promettant de ratifier tout ce qu'ils en auraient décidé. Le Pape craignant que, s'il acceptait la proposition, l'empereur ne se tînt pas à son jugement, lui renvoya l'archevêque de Tyr, chancelier du royaume de Jérusalem, et le maître de l'ordre Teutonique, qui étaient venus le trouver de la part de l'empereur, et lui manda que lui et les cardinaux trouvaient cette affaire trop difficile et ne voulaient pas se charger de l'événement; mais l'empereur revint à la charge, et, protestant de la sincérité de ses intentions, il pria de nouveau le Pape d'accepter la commission et de traiter les Lombards comme ils méritaient, s'ils ne voulaient pas se soumettre à son jugement. Les Lombards, de leur côté, envoyèrent des députés au Pape et le firent arbitre de leur paix avec l'empereur; ainsi elle fut conclue aux conditions portées par une lettre du Pape aux recteurs de la société de Lombardie, de la Marche et de la Romagne, où il dit :

↑ Labbe, t. 11, p. 301. Rayn., an 1226.

On nous a représenté de la part de l'empereur que votre société l'a empêché de procéder comme il avait résolu contre l'hérésie, dont on dit que le pays est infecté, d'y relever la liberté ecclésiastique opprimée et de procurer le secours de la Terre-Sainte, et que, contre le droit et la dignité de l'empire, on avait refusé de lui rendre les prisonniers. Sur ces remontrances et les autres, faites des deux côtés, nous avons ordonné que l'empereur, pour le respect de Jésus-Christ et le bien de la Terre-Sainte, remettra à tous ceux de votre société tout ressentiment des injures, et révoquera toutes les sentences et constitutions faites contre eux, particulièrement l'ordonnance contre l'école de Bologne. D'autre part, ceux de la société, pour l'honneur de Dieu tout-puissant, de sa sainte Eglise et de l'empereur même, fourniront à celui-ci pendant deux à leurs frais, quatre cents chevaliers pour le secours de la Terre-Sainte; ils feront la paix avec les villes, les lieux et les personnes attachées à l'empereur, et révoqueront toutes sentences et ordonnances contraires. Ils observeront inviolablement toutes les constitutions et les lois publiées par l'Eglise romaine ou par les empereurs contre les hérétiques, et révoqueront tous statuts faits contre la liberté de l'Eglise. C'est la substance de cette lettre du Pape, datée du cinquième de janvier 1227 1.

ans,

Pour entendre ce qui est dit dans ce traité touchant l'école de Bologne, il faut savoir que dès l'année 1224, au mois de juillet, l'empereur Frédéric, irrité contre cette ville, une des plus considérables de la confédération lombarde, voulut ruiner ou du moins affaiblir son école, qui était la principale source de sa puissance. Pour cet effet, il établit à Naples une étude générale, ou, comme nous parlons aujourd'hui, une université, en laquelle il mit pour premier recteur un docteur nommé Pierre d'Hibernie, avec une pension annuelle de douze onces d'or. Il promit d'y attirer d'excellents maîtres et de les bien récompenser, et invita les écoliers à y venir de toutes parts, leur promettant toutes sortes de commodités tant pour les logements que pour les vivres; enfin il défendit à tous ses sujets d'aller étudier ailleurs, même dans le royaume, et leur enjoignit de se rendre à Naples dans la Saint-Michel, c'est-àdire trois mois après la publication de son ordonnance. Mais, en conséquence de la paix faite avec les Lombards, l'empereur Frédéric rendit à l'école de Bologne le droit qu'il lui avait ôté, et le fit par un édit du premier de février 1227 2 ̧

Après avoir réconcilié l'empereur Frédéric avec les villes de

Raya., an 1226, n. 19-29. 2 Richard de San-Germ., an 1224 et 1227.

Lombardie, le pape Honorius s'efforça de le réconcilier avec son beau-père, le roi de Jérusalem, Jean de Brienne. Il écrivit donc à l'empereur, lui représentant qu'il avait trompé l'attente générale en dépouillant son beau-père, auquel il semblait que cette alliance dût procurer de grands avantages; que le reproche en retombait sur le Pape et les cardinaux, médiateurs de cette alliance; et que cette division entre le beau-père et le gendre avait extrêmement refroidi la dévotion de secourir la Terre-Sainte. C'est pourquoi il conjure l'empereur de rendre au roi Jean son affection et de la témoigner par les effets 1. On a tout lieu de croire que l'empereur se rendit aux remontrances du Pape. Bernard le Trésorier, auteur du temps et continuateur français de Guillaume de Tyr, dit positivement que l'empereur et le roi se réconcilièrent, et qu'ensuite le Pape donna au roi Jean de quoi vivre avec honneur 2. En effet, le pape Honorius, voyant que Jean de Brienne n'avait plus que le titre de roi de Jérusalem, voulut au moins pourvoir à sa subsistance, et, pour cet effet, lui donna le gouvernement des terres de l'Eglise romaine, depuis Viterbe jusqu'à Montefiascone. La commission est du vingt-septième de janvier 1227 3.

Lorsque Frédéric vint en Italie, il donna pour tuteur au jeune roi son fils, et pour régent de l'empire en Allemagne, le saint archevêque de Cologne, Engelbert, dont il connaissait le mérite. Le saint prélat se montra digne de cette confiance. Il assembla les seigneurs à Aix-la-Chapelle, et sacra solennellement le jeune roi Henri le huitième de mars 1222, qui était le dimanche avant l'Ascension. Il l'aimait comme son fils, l'honorait comme son roi, et n'usait de l'autorité que l'empereur lui avait confiée, que pour faire régner la justice; ce qui lui attira d'un côté la haine des méchants accoutumés au pillage, et de l'autre la bénédiction de tous les gens de bien, particulièrement des marchands. Il se servait, pour réprimer les rebelles, des deux glaives qu'il avait reçus, le spirituel comme évêque, le matériel comme duc: ainsi parle le moine Césaire, auteur de sa vie. Il excommuniait les uns, il soumettait les autres par la force des armes ; enfin il fut le plus puissant des archevêques de Cologne, depuis saint Brunon, frère de l'empereur Otton Ier. Engelbert retira plusieurs domaines et plusieurs fiefs soustraits depuis long-temps à son église, il l'enrichit de plusieurs autres, et y fit des tours, des châteaux et d'autres bâtiments considérables. Etant repris par des religieux de ce qu'il mettait des impositions

↑ Apud Raynald., 1227, n. 1-3.—2 Apud Martene. Ampliss. Collectio, t. 5, col. 696, n. 86. 3 - Apud Rayn., an. 1227, n. 4 et 5, avec la note de Mansi.

sur le peuple, il s'excusa en disant que, sans argent, il ne pouvait maintenir la paix dans le pays.

Dans la famine qui survint en 1224 et qui était telle qu'on ne trouvait pas de blé pour de l'argent, il en acheta, qu'il fit amener par son autorité de la province de Mayence, et distribuer aux monastères qui en avaient le plus de besoin; car il aimait les religieux et les honorait comme s'ils eussent été ses supérieurs. Il honorait aussi les prêtres, même les plus pauvres, et souvent leur donnait à manger de son assiette et à boire de sa coupe, préférablement aux nobles séculiers. Quelques frères des deux nouveaux ordres des Prêcheurs et des Mineurs étant venus à Cologne, quelques-uns du clergé les inquiétèrent, et proposèrent contre eux divers reproches devant l'archevêque Engelbert. Il répondit: Tant que les choses iront bien, laissez-les au même état. Les accusateurs, qui étaient des dignitaires du chapitre et des curés, ajoutèrent : Nous craignons que ce ne soit ceux dont sainte Hildegarde a prophétisé qu'ils abaisseraient le clergé et mettraient la ville en péril. L'archevêque répondit: Si cette prophétie est venue de Dieu, il est nécessaire qu'elle s'accomplisse. Et il les arrêta tous par cette réponse.

Le saint archevêque s'attira plusieurs ennemis puissants par son zèle pour la justice; mais le plus implacable fut Frédéric, comte d'Isembourg, son parent. Il était avoué ou défenseur de l'abbaye d'Esende, monastère royal de filles; mais, au lieu de la protéger, il ne travaillait qu'à la piller. Il ôta les baillis qui en dépendaient, malgré l'abbesse et les religieuses, et en établit de nouveaux ; il accabla les sujets de l'abbaye d'impositions et de corvées excessives. L'abbesse vint souvent à Cologne avec ses religieuses, se plaindre de ses violences, premièrement à l'archevêque Théodoric, puis à Engelbert ; mais la considération de la parenté les portait à dissimuler le mal. Quelques années après, le pape Honorius et l'empereur Frédéric, fatigués par les plaintes des religieuses, en écrivirent des lettres pressantes à Engelbert, qui avertit sérieusement le comte de se corriger, jusqu'à lui offrir une pension sur ses propres revenus, pourvu qu'il n'abusât point de son droit d'avoué. Mais, loin d'en profiter, il se plaignit à ses parents et à ses amis que l'archevêque voulait le dépouiller de son bien, et ceux-ci l'échauffèrent encore, en sorte qu'il résolut la mort du prélat, se fiant principalement à sa puissance et à ses grandes alliances, qui le mettaient, ce lui semblait-il, en état de tout entreprendre sans rien craindre.

Après la fête de la Toussaint 1225, l'archevêque vint à Soest en Westphalie, pour traiter de la paix avec le comte Frédéric, qui s'y rendit aussi accompagné de ses deux frères, Théodoric, évêque

de Munster, et Engelbert, élu évêque d'Osnabruc, ainsi que de plusieurs autres parents et amis. Pendant trois jours de conférence, on ne put trouver d'expédient qui contentât Frédéric; mais l'archevêque reçut une lettre qui l'avertissait du dessein formé contre sa vie. Il la lut à l'évêque de Minden, qui était présent, et qui lui dit: Au nom de Dieu, seigneur, soyez sur vos gardes, non-seulement pour votre intérêt, mais pour celui de notre église et de tout le pays. Il répondit : Je suis dans un grand embarras ; si je me tais, il m'arrivera malheur; si je leur en parle, ils diront que je les calomnie: je remets désormais mon corps et mon âme à la divine Providence. Il foula aux pieds la lettre d'avis et la jeta au feu. Puis il entra dans sa chapelle avec l'évêque de Minden et lui fit sa confession générale de toute sa vie avec abondance de larmes : c'était aussi pour se préparer à une dédicace d'église, qu'il devait faire le lendemain.

Alors le comte Frédéric, pour mieux cacher son mauvais dessein, feignit d'accepter la paix proposée par l'archevêque, qui lui dit : Mon cousin, nous irons ainsi ensemble avec bien de la joie à la diète que le roi doit tenir à Nuremberg. Le comte prit congé de lui, et, retourné à ses gens, il leur donna ses ordres pour l'embuscade et l'exécution de son dessein. C'était le vendredi d'après la Toussaint, septième de novembre. L'archevêque, marchant vers Swelme, qui était le lieu où il devait dédier l'église, reçut encore plusieurs avis en chemin, qui ne l'empêchèrent pas de continuer. Enfin, comme le jour commençait à manquer, il arriva au lieu de l'embuscade, qui était un chemin creux au haut d'une montagne ; le signal étant donné, les gens de Frédéric se jetèrent sur lui, et, encouragés par leur maître, lui donnèrent quarante-sept coups d'épées et de couteaux, et le laissèrent mort sur la place. Il fut depuis rapporté à Cologne et enterré à Saint-Pierre. Un grand nombre de miracles se firent par son intercession. Il est honoré comme martyr le sept novembre, jour de sa mort. Il est dit de lui, dans le Martyrologe romain, qu'il souffrit le martyre pour défendre la liberté de l'Eglise, et pour avoir obéi à l'Eglise romaine. Sa vie fut écrite, à la demande de Henri, son successeur, par le moine Césaire d'Heisterbach, de l'ordre de Citeaux 1.

Comme saint Engelbert était non-seulement archevêque de Cologne, mais encore régent de l'empire, tous les ordres de l'état poursuivirent la vengeance de son meurtre. Le comte Frédéric fut mis au ban de l'empire et à la diète de Nuremberg et ensuite à celle de

1 Apud Surium, 7 novembr.

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