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d'avoir si bien chanté, lui donna à manger, et ce ne fut que par son ordre, après avoir reçu sa bénédiction, que le rossignol s'envola 1.,

Dans sa première visite au mont Alverne, il se vit environné d'une multitude d'oiseaux qui se mirent sur sa tête, sur ses épaules, sur sa poitrine et dans ses mains, battant des ailes et témoignant par le mouvement de leurs petites têtes tout le plaisir que leur causait l'arrivée de leur ami. Je vois, dit-il à son compagnon, je vois qu'il faut rester ici, puisque mes petits frères les oiseaux se réjouissent. Pendant son séjour dans ces montagnes, un faucon, dont l'aire était voisine, le prit en grande amitié; par son cri, il annonçait au saint l'heure à laquelle il avait coutume de prier; il chantait à une heure plus avancée pour le ménager lorsqu'il était malade, et si alors, vers le point du jour, sa voix, comme une cloche intelligente, sonnait au matin, il avait soin d'en modérer et d'en affaiblir le son. C'était, dit saint Bonaventure, un divin présage des grandes faveurs qu'il devait recevoir en ce lieu 2.

Tout cela nous étonne. C'est que nous n'avons peut-être jamais bien médité ce mystère dont parle saint Paul aux chrétiens de Rome. « Toute la nature, faite pour glorifier Dieu, est asservie malgré elle à la vanité de l'homme; elle en gémit, et attend que les enfants de Dieu la délivrent. Car la création même sera délivrée de cette servitude de corruption, par une certaine participation à la gloire des enfants de Dieu, à la gloire des saints 3. > Voilà ce qu'enseigne l'apôtre. Il n'est donc pas étonnant pour le chrétien que les créatures qui gémissent de l'asservissement où les tiennent les pécheurs, se réjouissent à la vue des saints qui commencent leur délivrance, qu'ils leur témoignent à leur manière un religieux respect et obéissent à leur voix, comme nous avons vu bien des fois les lions et les ours de l'amphithéâtre se coucher familièrement aux pieds des martyrs, et les animaux du désert obéir à la voix de saint Antoine.

Entre tous les animaux, saint François aimait singulièrement ceux qui lui représentaient la douceur de Jésus-Christ, ou qui étaient le symbole de quelque vertu. Les agneaux lui rappelaient ce très-doux agneau de Dieu qui s'est laissé conduire à la mort pour la rédemption des péchés du monde. Lorsqu'il passait le long des pâturages, il saluait amicalement les troupeaux, qui venaient à lui et lui faisaient fête à leur manière. Plus d'une fois il racheta des agneaux qu'on menait à la boucherie.

Fioretti di S. Francesco. - S. Bonavent., c. 8.

5 Rom., 8, 19-22.

[Livre 72. En même temps, il domptait la férocité des loups et faisait des pactes avec eux. Voyageant un jour entre Grecio et Cotannelo avec un paysan, les loups vinrent le caresser comme font les chiens. A cette nouvelle, les habitants du voisinage supplient l'homme de Dieu de les délivrer de deux grands fléaux qui les tourmentaient, les loups et la grêle. Saint François leur dit : A l'honneur et à la gloire de Dieu tout-puissant, je vous engage ma parole que, si vous voulez me croire et avoir pitié de vos âmes en faisant une bonne confession et de dignes fruits de pénitence, le Seigneur vous regardera d'un œil favorable, vous délivrera de vos calamités et vous rendra votre pays abondant en toutes sortes de biens. Mais aussi je vous déclare que, si vous êtes ingrats, si vous faites comme le chien qui retourne à son vomissement, Dieu en sera plus irrité contre vous, et il doublera vos peines et vos tribulations. Tant que les habitants de la vallée de Grecio demeurèrent fidèles à Dieu, les loups ne mangèrent pas leurs troupeaux, et la nuée, grosse de grêle et d'orage, se détournait de leur terre et allait fondre ailleurs 1.

Dans le temps que saint François demeurait dans la ville d'Eugubio, un loup ravageait tout le territoire, et les citoyens armés marchaient contre lui comme contre un ennemi public. Saint François, malgré les prières de ses frères, voulut aller seul à la rencontre du loup. Dès qu'il l'aperçut, il lui commanda, au nom de Dieu, de ne plus faire aucun ravage, et cet animal féroce, devenu doux comme un agneau, vint se coucher aux pieds du saint, qui lui parla ainsi : Mon frère le loup, tu vas dévastant et tuant les créatures de Dieu; tu es un homicide, et toute cette contrée ta en horreur. Mais je veux, frère loup, que tu fasses la paix avec elle. Comme c'est la faim qui t'a porté au mal, je veux que tu me promettes de ne plus le faire, si on te nourrit. Le loup, en signe de consentement, inclina profondément la tête. — Donne-moi un gage de ta parole, reprit le saint homme en lui tendant la main. Le loup leva familièrement une patte de devant et la posa dans la main de son ami et de son maître, et il le suivit dans la ville. Saint François dit au peuple assemblé à cause d'une si grande merveille : Entre autres choses, Dieu a permis ce fléau à cause des pécheurs; mais la flamme éternelle de l'enfer est plus redoutable aux damnés que la férocité d'un loup, qui ne peut tuer que le corps. Mes petits frères, convertissez-vous à Dieu et faites pénitence, et Dieu vous délivrera, dans le temps, du loup, et dans l'éternité, de l'enfer

S. Bonavent., c. 8.

Mon frère le loup, qui est ici présent, m'a promis de faire un pacte avec vous, si de votre côté vous promettez de lui donner chaque jour la nourriture nécessaire. Le peuple s'engagea par acclamation. Le loup renouvela ses signes de consentement, et, pendant deux années consécutives, il vint dans la ville, de maison en maison, demander sa nourriture, à la manière des animaux domestiques; lorsqu'il mourut, les citoyens eurent une grande douleur, car il était pour eux un mémorial de la vertu et de la sainteté de François 1.

Par amitié pour les abeilles, François leur faisait porter, pendant l'hiver, du miel ou du bon vin pour les nourrir et les réchauffer. Il aimait l'eau, parce qu'elle est le symbole de la pénitence et qu'elle a lavé notre âme dans le baptême. Il révérait aussi les pierres, se souvenant de la pierre angulaire de l'Evangile. I recommandait aux frères qui allaient couper le bois dans la montagne, de laisser de forts rejets en mémoire de Jésus-Christ, qui a voulu mourir pour notre salut sur le bois de la croix. Il voulait que toujours le jardinier réservât, au milieu du grand jardin, un petit jardinet tout composé de fleurs suaves, odoriférantes et belles à voir, afin qu'elles invitassent un chacun à louer Dieu par leur beauté. Les fleurs élevaient son âme à cette fleur sortie de la tige de Jessé, et dont le parfum réjouit le monde 2.

Cette fraternité de piété et d'affection, François l'étendait même aux éléments. Un jour que les médecins allaient lui appliquer un fer rouge aux tempes, il le bénit d'abord et lui dit : Mon frère le feu, le Très-Haut t'a fait avant toutes choses, et t'a fait beau, utile et puissant; sois-moi donc favorable aujourd'hui, et daigne Dieu t'adoucir de telle sorte que je puisse te supporter. Le fer fut appliqué, et le saint s'écria: Mes frères, louez avec moi le Très-Haut; le feu même ne brûle pas, et je ne sens aucune douleur 5.

Lorsque l'amour débordait du cœur de François, il parcourait la campagne; il appelait les moissons, les vignes, les arbres, les fleurs des champs, les étoiles du ciel, tous ses frères et sœurs de la nature, à se joindre à lui pour bénir le Créateur, et sa tendresse radieuse et naïve s'élevant de degré en degré jusqu'au soleil, l'hymne suivant s'élançait de son âme :

3

<< Seigneur très-haut, très-puissant et très-bon, à vous ap

Fioretti di san Francesco, c. 20. ? Thomas de Celano, 1. 1, c. 10. Chroniq. des frères Min., 1. 2, c. 11.

partiennent la louange, la gloire, l'honneur et toute bénédic

tion!

» A vous seul elles sont dues, et nul homme n'est digne de prononcer votre nom.

» Loué soit Dieu, mon Seigneur, ainsi que toutes les créatures, spécialement notre frère, le soleil, qui nous donne le jour et la lumière; il est beau et rayonne avec une grande splendeur; il est votre image, ô mon Dieu!

› Loué soit mon Seigneur pour notre sœur la lune et pour les étoiles; il les a formées dans le ciel, brillantes et belles.

› Loué soit mon Seigneur pour mon frère le vent, pour l'air, soit nuageux, soit serein, pour tous les temps par lesquels il donne leur subsistance à toutes les créatures.

» Loué soit notre Seigneur pour notre sœur l'eau, qui est utile, humble, précieuse et chaste.

» Loué soit mon Seigneur pour notre frère le feu, par lequel il illumine les ténèbres, et qui est beau, agréable, fort et puis

sant.

» Loué soit mon Seigneur pour notre mère la terre, qui nous nourrit et nous soutient, qui produit les fruits, les fleurs diaprées et les herbes. >

Saint François ayant appris que l'union était rompue entre l'évêque d'Assise et les magistrats de cette ville, ajouta ces paroles à son cantique :

<< Loué soit mon Seigneur dans ceux qui pardonnent pour son amour et supportent les souffrances et les tribulations.

» Heureux ceux qui persévèrent dans la paix; car ils seront couronnés par le Très-Haut. »

Et il dit à ses compagnons: Allez avec confiance chez les magistrats, et dites-leur de ma part de se rendre chez l'évêque. Quand ils seront en sa présence, ne craignez pas, chantres de Dieu, chantez à deux chœurs le cantique de mon frère le soleil. - Et ces paroles si simples rétablirent la paix : les ennemis s'embrassèrent et se demandèrent mutuellement pardon.

Enfin le saint homme, ayant eu révélation que sa mort était prochaine, ajouta cette strophe à son cantique de l'amour de la

nature:

<< Loué soit notre Seigneur pour notre sœur la mort corporelle, à laquelle nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à qui meurt dans le péché mortel!

>> Bienheureux ceux qui se reposent dans ses très-saintes volontés la seconde mort ne pourra les atteindre.

» Louez et bénissez mon Seigneur, rendez-lui grâces, et servez-le avec une grande humilité 1. »

Depuis deux ans que saint François avait reçu les stigmates, sa santé s'affaiblissait de jour en jour; et les clous de ses pieds croissant, il ne pouvait plus marcher. Il se faisait donc porter par les villes et les villages, pour animer les autres à porter la croix de Jésus-Christ. Dans une de ces courses, il guérit un petit enfant de Bagnara. Cet enfant fut saint Bonaventure. François avait un grand désir de revenir à ses premières pratiques d'humilité, servir les lépreux et réduire son corps en servitude, comme au commencement de sa conversion. La ferveur de l'esprit suppléait à la faiblesse du corps; mais ses infirmités vinrent à tel point, qu'à peine y avait-il aucune partie où il ne sentît de très-grandes douleurs; et, toute la chair étant consumée, il ne lui restait plus que la peau et les os. Ses frères croyaient voir un autre Job, tant pour la souffrance que pour la patience. Il se fit porter à Notre-Dame-des-Anges, pour rendre l'âme au même lieu où il avait reçu l'esprit de grâce.

Dans ces derniers moments, il dicta une lettre adressée à tous les supérieurs, les prêtres et les frères de l'ordre, principalement pour leur recommander le respect envers le très-saint sacrement de l'autel. Il dicta de même son testament, où il recommande particulièrement le respect envers les prêtres, l'observation de la règle et le travail des mains.

Sentant approcher sa dernière heure, il se fit coucher sur la terre nue, ôta même sa tunique, pour rendre plus sensible son parfait dépouillement; puis, levant les yeux au ciel, il couvrit de la main gauche la plaie de son côté droit, et dit à ses frères : J'ai fait ce qui me regarde; notre Seigneur vous apprendra ce que vous devez faire. Ils fondaient tous en larmes : l'un d'eux, qu'il nommait son gardien, devinant son intention, se leva promptement, prit une tunique avec une corde, les lui présenta et lui dit : Je vous prête cet habit comme à un pauvre, prenez-le par obéissance. Le saint homme leva les mains au ciel, et loua Dieu de ce qu'il allait à lui déchargé de tout. Ensuite il fit appeler tous les frères qui étaient en ce lieu-là, et les exhorta à conserver l'amour de Dieu, la patience, la pauvreté, avec la foi de l'Eglise romaine; puis, étendant sur eux ses bras mis l'un sur l'autre en forme de croix, il donna sa béné– diction tant aux absents qu'aux présents. Frère Léon et frère Ange, suivant son désir, chantèrent en chœur le cantique de son frère le soleil et de sa sœur la mort. Ce cantique fini, il se fit lire la Passion

'S. Franc. Opuscula. Chavin. Vie de S. Franç.

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