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prostration complète l'avertit de sa fin prochaine. Sentant arriver la mort, il fit sortir de prison son frère André, nomma devant lui son fils Ladislas roi, et le désigna lui-même comme tuteur et administrateur du royaume jusqu'à la majorité de Ladislas. Sur son lit de mort, il n'oublia pas le vœu qu'il avait fait, et ordonna de donner aux Templiers les deux tiers de l'argent qu'il conservait dans un couvent, afin qu'ils l'employassent à la délivrance de la Terre-Sainte. Il mourut au mois d'août 1204, et, si la tradition dit vrai, le jour même où, l'année précédente, il avait fait prendre par ruse son frère, l'avait fait charger de chaînes et jeter en prison.

André prit la tutelle de son neveu, et en donna connaissance, quoiqu'un peu tard, au Pape, en lui promettant qu'il ferait ses efforts pour la diriger d'après les volontés de son frère, pour maintenir l'ordre dans le royaume et mener à fin ce que ce dernier avait =commencé. Innocent lui recommanda, de la manière la plus pressante, de remplir exactement tous ses devoirs de tuteur et de parent, et d'acquérir ainsi des droits à la reconnaissance de son neveu, pour le temps où il serait arrivé à un âge mûr. Il le prémunit contre toute insinuation perfide, lui recommanda d'exécuter les dernières volontés de son frère au sujet de l'argent conservé, et de faire parvenir à la reine le douaire qui lui avait été alloué. En qualité de protecteur suprême des orphelins, le Pape défend aux grands de diminuer, sous aucun prétexte, les revenus du roi, ordonna en même temps aux ecclésiastiques de demeurer fidèles au prince, de rappeler à l'ordre les perturbateurs, et d'être prêts, en tout temps, à protéger la veuve du roi, ainsi que son fils 1.

Mais la déclaration du duc au Pape n'était pas très-sincère. En acceptant la tutelle, André était loin d'avoir renoncé à ses projets ambitieux. Il chercha à les exécuter, non par une révolte ouverte, mais par des menées secrètes. Il excita des mouvements parmi les grands, déjà naturellement disposés aux désordres. Le jeune Ladislas se vit même forcé de demander un asile à Vienne, où il mourut, après une courte maladie, avant que les instructions émanées de Rome pussent être arrivées en Hongrie. Par cette mort, André se trouva au comble de ses vœux. Depuis ce moment, le royaume de Hongrie fut en paix et en bonne intelligence avec le Saint-Siége. L'an 1208, Innocent ayant su du roi André que son épouse était sur le point d'accoucher, ordonna aux prélats et aux seigneurs de faire hommage au jeune prince dont on espérait la

'L. 7, epist. 226. L. 8, epist. 36-42.

naissance, aussitôt qu'ils en seraient requis par le père, sinon ils y seraient contraints par l'archevêque de Gran ou Strigonie et l'évêque de Waradin, sans avoir la faculté de recourir à l'appel 1. L'enfant ne fut pas un fils, mais une fille, la bonne et sainte Elisabeth de Hongrie, duchesse de Thuringe. Une de ses tantes maternelles était sainte Hedwige, duchesse de Pologne.

La Pologne était alors partagée entre plusieurs ducs de la même famille; seulement l'aîné devait avoir la ville capitale de Cracovie. Leur ancêtre Boleslas l'avait ainsi réglé, et, pour rendre sa constitution plus durable, il la fit confirmer par le Pontife romain. Le duc de Silésie en demanda une confirmation à Innocent III, qui la donna, l'an 1211, par une lettre à l'archevêque, qu'il charge d'en maintenir l'exécution par les censures ecclésiastiques. L'année suivante, Ladislas, l'un de ces ducs, se mit sous la protection spéciale de saint Pierre, avec une redevance triennale de trois marcs d'árgent 2.

A cette époque, la Servie était gouvernée par un prince nommé le grand-zupan ou jupan, sous la suzeraineté duquel était le zupan de Bosnie. Ce dernier, nommé Culin, pendant un règne d'à peu près trente ans, répandit toutes les bénédictions de la paix sur son pays, et augmenta sa prospérité par le défrichement des terres et l'accroissement de la population, en sorte que les années du règne de Culin sont vantées encore aujourd'hui, par les Bosniens, comme des années de bonheur. Mais, sous le rapport spirituel, il laissa trop d'influence aux doctrines erronées de sa femme, qui était de la secte des manichéens. L'évêque du pays, institué par complaisance pour son suzerain, déjà disposé en faveur de ces hérétiques, embrassa publiquement leurs erreurs, encouragé par l'exemple de la princesse, et cessa d'obéir au Pape et à son supérieur ecclésiastique. Le duc André de Hongrie, profitant de la mort du grandzupan et des dissensions de ses fils Etienne et Wulcan, envahit la Bosnie et soumit entièrement cette province à sa domination. L'archevêque de Spalatro fut touché des malheurs qui affligeaient l'Eglise catholique dans ce pays. Wulcan s'adressa au Pape pour le prier d'envoyer des légats afin d'y régler les affaires de l'Eglise. Le devoir du pasteur suprême est d'avoir soin, non-seulement de la tranquillité du troupeau, mais de veiller aussi à ce qu'il ne soit pas diminué. Innocent consentit donc aussitôt à la demande de Wulcan. Il envoya deux hommes prudents, prévoyants, habiles à faire paître le troupeau du Seigneur, à le fortifier de la nourriture du salut et à

'L. 9, epist. 74.

2 L. 13, epist. 82. L. 14, epist. 51.

montrer le chemin de la félicité éternelle. Il recommanda ces légats au grand-zupan de Servie, Etienne, au roi de Dioclée et de Dalmatie, Wulcan, à leurs femmes, à l'archevêque de Dioclée, auquel ils apportaient le pallium, et à tout le clergé. Il pria de les bien recevoir, puisqu'ils avaient la mission de soutenir le clergé dans la doctrine apostolique, de redresser ce qui avait besoin de l'être, de mettre la tête et les membres en harmonie avec le Saint-Siége, et de les unir à lui par le dévouement et l'obéissance'.

Innocent envoya, comme légats, deux religieux nommés Jean et Simon. Ils furent très-bien reçus et présidèrent un concile, où l'on fit douze canons pour l'extirpation des abus et pour établir en Dalmatie les usages de l'Eglise romaine. Aucun évêque ne doit consacrer un prêtre pour de l'argent, ni à aucune autre époque que les Quatre-Temps. Il lui est défendu, sous peine de perdre sa dignité, d'ordonner des enfants illégitimes, d'ordonner un prêtre avant l'âge prescrit ou de conférer plusieurs ordres à la fois. Les prêtres étant regardés par les fidèles comme des messagers de Dieu, ils doivent se distinguer à l'extérieur par la tonsure, signe de leur ordination, et se montrer élevés, par leur continence, au-dessus des choses terrestres. Les dîmes et les offrandes doivent être partagées en quatre parts: la première pour l'évêque, la seconde pour l'église, la troisième pour le clergé, la quatrième pour les pauvres. Le secret de la confession est inviolable, et sa violation entraîne la perte de la charge. Le prêtre ne peut être jugé que par un tribunal ecclésiastique. Les mariages au cinquième degré et au-dessus sont déclarés incestueux, et leur dissolution est obligatoire sous peine d'excommunication. Personne ne peut recevoir une prébende ou une charge ecclésiastique de mains laïques, autrement le donateur et le bénéficier encourront l'excommunication. Toute faute de cette nature, commise antérieurement, doit être expiée par la pénitence. Tous ceux qui se sont appropriés les biens de l'Eglise, qui ont répudié leurs femmes sans les avoir reprises pour se réconcilier avec elles, sont exclus de la communion de l'Eglise 2. Ces canons furent souscrits, d'abord par les deux légats, ensuite par l'archevêque de Dioclée et d'Antibari, et par six évêques, ses suffragants.

L'archevêque écrivit au Pape pour le remercier de l'envoi du pallium, protester de son entier dévouement à l'Eglise romaine, et rendre un glorieux témoignage aux deux légats, dont la vertu et la sagesse avaient augmenté de beaucoup l'affection du roi et du peuple pour le Saint-Père. Etienne, grand-jupan de toute la Servie,

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écrivit au Pape dans le même sens, et donna de plus aux légats des communications secrètes, dont il paraît que la principale était de demander au Pape le titre de roi'. Son frère, le roi Wulcan de Dioclée et de Dalmatie, écrivit de son côté une lettre pleine d'affection et de reconnaissance. Il s'y glorifie d'être même parent du Pape; il lui aurait de grand cœur envoyé des ambassadeurs, si les pays qu'il fallait traverser n'eussent été dans le trouble. Les envoyés du Pape y passaient sans qu'on leur manquât de respect; mais il n'en était pas de même des autres. Il fallait donc attendre un temps plus favorable. Il ajoute à la fin de sa lettre : « Nous ne voulons pas laisser ignorer à votre Paternité qu'une hérésie non médiocre s'accroît dans une province du roi de Hongrie, savoir, dans la Bossine ou Bosnie, en sorte que le ban ou le comte lui-même, nommé Culin, la professe avec sa femme et sa sœur, veuve de Mirosclave, jupan de Chelmie, et ils ont attiré à cette hérésie plus de dix mille chrétiens. Le roi de Hongrie, en étant irrité, les a obligés à se présenter devant vous pour être examinés; mais ils sont revenus avec de fausses lettres, disant que vous leur aviez permis leur loi. C'est pourquoi nous vous prions d'avertir le roi de Hongrie qu'il les chasse de son royaume 2. »

Ces hérétiques étaient des patarins ou manichéens. Le Pape apprit encore que l'archevêque de Spalatro ayant chassé de son diocèse plusieurs de ces sectaires, Culin les avait accueillis et les protégeait hautement, les nommant chrétiens par excellence. C'est pourquoi, le onzième d'octobre de l'année suivante 1200, Innocent écrivit au roi de Hongrie, Eméric, lui enjoignant, pour la rémission de ses péchés, d'obliger Culin à chasser ces hérétiques de son pays, avec confiscation des biens, sinon de le proscrire lui-même avec eux de tout le royaume de Hongrie 3.

Dans ce même temps, plusieurs affaires concernant l'église et le clergé de Servie furent soumises à Innocent. Entre autres, l'évêque de Soac, que l'on croit être Schidza, était accusé d'homicide par la rumeur publique, quand les deux légats arrivèrent dans le pays. Un homme leur présenta cette accusation dans l'église, sans toutefois en fournir des preuves. L'évêque s'embarrassa dans sa justification. Sommé au concile d'Antibari de justifier de son innocence, il reconnut avoir péché, non pas en commettant le meurtre, mais en ordonnant prêtre celui qui l'avait commis; en conséquence, il déposa les insignes épiscopaux entre les mains des légats. Quelques

3

1 Gesta Innoc., n. 79. — 2 L. 2, epist. 178, 177, 176. — L. 5, epist. 2. Apud Raynald., an. 1200, n. 46.

jours après, il les redemanda et les reprit, pour aller à Rome même exposer son affaire devant le Pape, avec sa partie adverse. Il ne se trouva coupable que d'avoir ordonné prêtre un homme qu'il savait être coupable.de meurtre. Le Pape, persuadé que cette action dégradait la dignité épiscopale, qui doit rester sans tache, accepta sa renonciation à l'épiscopat, après avoir chargé l'archevêque de Dioclée de lui faire une pension alimentaire sur les revenus de son ancien diocèse'.

En Bosnie, le ban Culin avait bien promis au roi de Hongrie de ramener les hérétiques dans le sein de l'Eglise. Cependant la sympathie que sa femme avait pour ces derniers s'opposait à ce que ce projet reçût une exécution aussi complète que l'eût désiré le Pape. Il envoya enfin l'archevêque de Raguse à Rome pour demander un homme capable de l'instruire, lui et son peuple, dans la vraie foi. Innocent choisit l'archevêque de Spalatro, et lui donna pleins pouvoirs de procéder contre ceux qui ne voudraient pas se laisser instruire selon toute la sévérité des ordonnances de l'Eglise contre les hérétiques. Le légat Jean, chapelain du Pape, ayant succédé à l'archevêque, trouva, dans le défaut d'une haute surveillance spirituelle, la principale cause de la propagation de l'hérésie. Il n'y avait qu'un seul évêché dans tout le pays, encore était-il vacant. Jean espérait de grands résultats si cet évêché était occupé par un Latin, et si l'on en érigeait quatre nouveaux. Mais ce qui contribua le plus à consolider la réunion de ce pays à l'Eglise romaine, ce fut que les religieux du pays, qui jouissaient du singulier privilége de s'appeler exclusivement chrétiens, promirent de se conformer dans leurs institutions, dans leur genre de vie et dans leurs solennités, aux canons de l'Eglise romaine, et de ne souffrir à l'avenir, parmi eux, aucun hérétique ou manichéen. L'envoyé du Pape emmena l'un des principaux protecteurs des hérétiques en Hongrie, dont le roi remit au fils de Culin les articles de la vraie foi, revêtus de son sceau et rédigés par le légat Jean, afin que son père les fît observer dans son pays, de même que tout ce qu'ordonnerait le Siége apostolique. Enfin, le ban s'obligea de payer mille marcs à l'archevêque de Colocz, dans le cas où il laisserait sciemment les hérétiques s'établir dans son pays 2.

En Bulgarie, le nouveau souverain national, nommé Jean, Joannice ou même Calojean, chercha également auprès du Pape une protection contre les empereurs de Constantinople, dont les Bul

' L. 2, epist. 180. —2L. 5, epist. 103, 119. L. 6, epist. 140, 141. L. 7, epist. 212.

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