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comme le fit son père pour la Sicile, trouver au-dessous de la dignité impériale le serment de vasselage prêté à l'Eglise! Qu'on ne dise point que lorsqu'il s'apercevra qu'il a perdu l'empire à cause de l'Eglise, il opprimera cette dernière; car on ne pourra jamais prétendre que l'Eglise lui a enlevé le titre d'empereur, puisque c'est son oncle qui lui enlève la dignité impériale, et qui, non content de cela, s'empare de son héritage paternel, fait occuper aujourd'hui les possessions de sa mère par ses satellites, lorsque l'Eglise romaine, par sa prudence et par ses actes, fait tous ses efforts pour s'opposer à une semblable usurpation.

› L'élection de Philippe paraît aussi sans objection, si l'on considère la gravité, la considération et le nombre des électeurs. Il est difficile de juger de la gravité; mais, comme il a été élu par le plus grand nombre et par les princes les plus considérés, et que d'autres princes ont adhéré à cette décision, son élection paraît valable. Il serait inconvenant et contraire aux devoirs de notre charge et aux commandements du Christ, de lui faire supporter le poids de notre vengeance parce que son père et son frère ont persécuté l'Eglise. Il est clair que cela n'est pas utile. Philippe est puissant en biens et en hommes; à quoi nous servirait donc de nager contre le courant, de résister au fort, et d'en faire un ennemi personnel et un ennemi de l'Eglise, et de soulever ainsi de plus grandes inimitiés tandis que nous aspirons à la paix, que nous la prêchons aux autres, et que nous pouvons l'obtenir en favorisant Philippe? > Cependant nous serions autorisés à nous opposer à lui; car c'est avec raison et avec solennité que notre prédécesseur l'a excommunié. Avec raison, parce qu'il s'était emparé, en quelque sorte avec violence, de l'héritage de saint Pierre, et qu'il l'avait ravagé par le pillage et l'incendie. Avec solennité, parce qu'il a été excommunié dans l'église de Saint-Pierre, pendant le sacrifice de la messe, à un grand jour de fête. Il est vrai qu'après son élection il a fait lever l'anathème par notre légat; mais l'évêque de Sutri n'ayant pas mis pour condition, contrairement à nos ordres précis, l'élargissement de l'archevêque de Salerne et une satisfaction pour tout ce qui avait provoqué l'excommunication, on peut le considérer comme n'étant pas encore absous. En outre, nous avons souvent excommunié Markwald, ainsi que ses partisans, tant Allemands qu'Italiens; donc l'excommunication pèse aussi sur Philippe. De plus, il est notoire que, malgré son serment de fidélité à l'enfant, il s'efforce de s'approprier l'empire d'Allemagne et la dignité impériale; il est donc coupable de parjure. On peut objecter, il est vrai, que, si nous considérons ce serment comme illicite, nous ne pouvons accuser Phi

lippe de parjure. Nous répondons: Lors même que ce serment ser rait illicite, il ne devait pas s'en affranchir selon son bon plaisir; il devait au préalable demander notre avis; c'est ainsi que firent les Israélites: ils consultèrent le Seigneur au sujet du serment fait aux Gabaonites.

» Maintenant, exprimons les motifs qui déterminent notre opposition à l'égard de Philippe. Si, comme autrefois où le fils succédait au père, on voyait succéder aujourd'hui le frère au frère, alors l'empire ne serait plus conféré par l'élection, mais serait revendiqué par droit d'héritage; par là, l'abus s'érigerait en droit. Il est utile de s'opposer à Philippe, car c'est un persécuteur, issu de persécuteurs si nous ne nous opposons pas à lui, nous mettons aux mains d'un furieux des armes qu'il tournera contre nous; car le premier Henri de cette famille qui parvint à l'empire, suscita une terrible persécution contre l'Eglise; il fit traîtreusement prisonniers le pape Pascal II, de bienheureuse mémoire, qui l'avait couronné, ainsi que les cardinaux-évêques et un grand nombre de nobles romains; il tint ce Pontife emprisonné jusqu'à ce qu'il lui eût accordé, non point dans l'intérêt de sa propre délivrance, mais dans l'intérêt de celle des prisonniers qui étaient avec lui et que ce furieux menaçait de mutiler, ce qu'il demandait. Et comme Pascal, revenu à la liberté, révoqua le privilége, ou plutôt le pravilége violemment arraché, ledit Henri élut, sans égard à l'élection des cardinaux, quelques hérésiarques, et éleva une idole contre l'Eglise catholique : le schisme dura jusqu'au temps de Calixte II. Frédéric, qui était de cette même famille, promit, lors de son avènement à l'empire, de soumettre à l'Eglise romaine les habitants rebelles de Tivoli, et cependant il les conserva pour la chambre impériale. Ce fut lui qui, plein de fureur, répondit à notre prédécesseur Alexandre, de glorieuse mémoire, qui lui avait écrit pour lui reprocher sa conduite à l'égard de l'Eglise romaine à laquelle il devait la couronne : « Si nous n'étions pas dans l'église, tu sentirais combien les épées allemandes sont aiguës. » Ce fut lui qui, avec quelques complices, s'efforça de renverser le pape Adrien, sous prétexte qu'il était fils d'un prêtre. Ce fut lui qui entretint long-temps un schisme contre Alexandre même, et y entraîna tous ceux qu'il put gagner à cette cause; qui, bien qu'il eût promis solennellement à Venise de restituer à l'Eglise romaine le pays du comté de Cavalla et d'autres domaines, les conserva avec plus d'obstination; qui, trompant avec adresse notre prédécesseur Lucius et son successeur, les tint en quelque sorte assiégés dans Vé

roue.

› Henri, son fils et son successeur, attira déjà la malédiction sur le commencement de son règne, en attaquant, à main armée, l'héritage de saint Pierre, en le dévastant et en faisant couper le nez à quelques serviteurs de nos frères, au mépris de l'Eglise. Plus tard, il prit à sa suite les meurtriers de l'évêque Albert de Liége, se montra en public avec eux et leur distribua de plus grands fiefs. L'évêque d'Osimo ayant déclaré qu'il avait reçu son évêché du Saint-Siége, il le fit souffleter en sa présence, lui fit arracher la barbe, et le traita d'une manière tout-à-fait indécente. Par son ordre, Conrad Mouche-en-tête fit jeter dans les fers notre vénérable frère l'évêque d'Ostie, action pour laquelle Henri le combla d'honneurs et de présents. Parvenu au trône de Sicile, il fit publier défense à tout prêtre et à tout laïque de s'adresser désormais au Siége de Rome ou d'en appeler à son autorité.

> Quant à Philippe, dont il est maintenant question, il persécuta l'Eglise dès son début, et il persévère dans cette voie. Il a pris le titre de duc de Toscane et de Campanie, et il élève des prétentions sur tous ces domaines jusqu'aux portes de la ville, et même sur la partie de la ville qui est située au-delà du Tibre. Maintenant encore il cherche, par l'intermédiaire de Markwald et autres, à persécuter l'Eglise et à nous enlever le royaume de Sicile. Si, lorsqu'il est encore maigre et sans forces, et que sa moisson est encore en herbe, il nous persécute ainsi, nous et l'Eglise romaine, que fera-t-il quand il arrivera à l'empire? C'est donc avec raison que nous mettons opposition à sa violence avant qu'elle se fortifie. D'ailleurs l'Ecriture sainte nous montre, en plus d'un endroit, que dans les familles royales les fils sont punis à la place de leurs pères.

> Occupons-nous maintenant d'Otton. L'on croira peut-être qu'il n'est point licite de parler en sa faveur, parce qu'il a été élu par la minorité; que ce n'est pas chose admissible, parce que la faveur du Saint-Siége ne paraîtra pas le résultat d'une bienveillance personnelle, mais l'effet d'une haine contre son rival; que la chose n'est pas utile, parce que, vis-à-vis de son concurrent, il ne présente qu'un parti faible et sans force. Mais, attendu que ceux auxquels appartient principalement l'élection impériale, lui ont donné autant de voix qu'à son concurrent; que, dans de semblables circonstances, on doit considérer la valeur des personnes tout autant que le nombre; que ce n'est point la majorité numérique, mais bien la majorité intellectuelle qu'il faut considérer ici; attendu que Otton convient mieux pour empereur que Philippe; que le Seigneur punit les méfaits des pères jusque dans la troisième et quatrième génération; que Philippe marche sur les traces de ses

péres en persécutant l'Eglise; attendu que, bien que nous rendionst le mal non par le mal, mais par le bien, nous ne devons pas néan moins élever aux plus hautes dignités ceux qui persévèrent dans leurs mauvais sentiments à notre égard, et qui, dans leur fureur, e portent les armes contre nous; attendu que le Seigneur, pour confondre les puissants, élit les humbles, ainsi qu'il l'a fait à l'égard de David, il nous paraît licite, admissible et utile de prêter notre appui à Otton. Loin de nous la pensée de vouloir plaire aux hommes plus qu'à Dieu, ou de craindre la vue des méchants, puisque, d'après l'apôtre, nous devons éviter non-seulement tout ce qui est mal, mais encore ce qui en a l'apparence, et qu'il est écrit: Maudit soit celui qui se repose sur les hommes et sur un bras de chair.

» D'après ce qui précède, nous ne devons pas insister pour que l'enfant obtienne maintenant la couronne impériale. Nous repoussons totalement Philippe à cause des motifs allégués, et nous nous oppposerons à ce qu'il s'approprie l'empire. Du reste, notre légat a la mission d'agir auprès des princes, pour qu'ils donnent leurs voix à une personne qui convienne, ou pour qu'ils se reposent sur nous du soin de cette affaire. Si cependant aucun des moyens proposés ne peut convenir, alors nous avons patienté assez long-temps, prêché assez long-temps la concorde, et donné assez d'instructions par lettres et par messages, pour faire connaître notre opinion. Si nous attendions plus long-temps, on pourrait croire que nous entretenons la discorde; que nous ne suivons l'affaire de loin que pour en connaître l'issue; que, comme saint Pierre, nous renions la vérité, qui est le Christ. Nous devons donc nous déclarer ouvertement pour Otton, qui, dévoué lui-même à l'Eglise, descend de familles dévouées, savoir: du côté maternel, de la maison royale d'Angleterre; du côté paternel, des ducs de Saxe, qui étaient dévoués à l'Eglise, et parmi lesquels se trouve l'empereur Lothaire, son aïeul; nous devons le reconnaître pour roi et lui conférer la couronne impériale '. »

Un auteur protestant dit à ce sujet : « La résolution d'Innocent est d'autant plus grande et plus hardie, qu'il la prit sans être soutenu par aucune force matérielle, mais uniquement pénétré de son droit, de son devoir et du bien de l'Eglise, et qu'il la puisa dans cette seule force morale dont est pénétré l'homme qui agit sous l'influence d'un ordre d'idées supérieures. Les motifs qui le déterminaient à repousser l'élection du jeune Frédéric trouvaient leur justification dans la dignité de l'empire et dans la personne de l'em

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pereur. Car on considérait l'empereur non-seulement comme régent, comme général, comme ayant la direction des affaires intérieures, mais encore comme le premier législateur et comme le défenseur suprême de la chrétienté. Ces derniers motifs semblent avoir été plus déterminants pour le Pape, que le danger qui menaçait l'indépendance du territoire de l'Eglise romaine, danger provenant de la réunion de la Sicile à l'empire; il le prouva plus tard, quand, par sa seule entremise, il fit élire Frédéric empereur, parce que Otton avait commencé à persécuter l'Eglise '. »

Au commencement de l'année 1201, Innocent adresse, au sujet de l'Allemagne, des lettres encycliques à tous les archevêques, évêques et princes temporels, dans lesquelles il manifeste de nouveau sa conviction : « Qu'ils ne doivent pas douter que ce ne soit à lui qu'appartiennent en premier et en dernier ressort les soins tutélaires de l'empire. S'il a été affligé de leur discorde, parce qu'elle est pernicieuse au bien-être de la chrétienté, il a néanmoins attendu jusqu'à ce jour, pour qu'on ne puisse pas l'accuser de méconnaître ou de violer les droits des princes; il a voulu voir si l'affaire prendrait uce meilleure tournure, si la querelle se terminerait d'elle-même, où si enfin il ne serait point consulté sur la marche à suivre. Comme de plus longs délais ne peuvent être avantageux ni à lui ni à eux, il les a exhortés à la concorde; et l'archevêque de Mayence a travaillé, dans une réunion, à un accommodement; lui-même, pour ne négliger aucun moyen, a envoyé une lettre par un courrier, et a exprimé son opinion; mais tout a été sans succès. Il a donc résolu, d'après les conseils de ses frères, d'envoyer en Allemagne l'évêque de Palestrine, ainsi que son notaire, maître Philippe, et il a en même temps donné l'ordre au cardinal Octavien d'Ostie, de les rejoindre aussitôt que les affaires qu'il poursuit en France le lui permettraient. Il les invite donc à répondre, sans retard, à l'appel qui leur sera adressé par l'un ou l'autre de ces envoyés 2. »

Il exprime la même idée dans une lettre circulaire qu'il adresse à tous les princes spirituels et temporels de l'empire ; il parle « de l'oppression de l'époque, des nuages qui obscurcissent l'horizon, de la supériorité des hérétiques sur les vrais croyants, de celle des païens sur les chrétiens, du bannissement de la paix et de la justice, de la spoliation des biens de l'Eglise, enfin de l'état des pauvres et des faibles, soumis de plus en plus au joug des riches et des puissants. Les commissaires qui se rendent en Allemagne sont chargés de recueillir les avis des princes, de leur faire connaître ses volontés.

Hurter, 1. 4.

TOME XVII.

2 Registr., epist. 30.

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